En préambule, j'aimerais dire un mot du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale, de ce que nous voulons y faire, de nos moyens et besoins actuels.
Le CEC est un organe récent puisqu'il a été créé pour concrétiser la mission d'évaluation des politiques publiques qui a été confiée au Parlement par la Constitution, dans son article 24, lors de la révision constitutionnelle de 2008. Le CEC a été créé en 2009, à la suite de cette révision constitutionnelle. Cet organe nouveau et transversal a plusieurs missions : réaliser les travaux d'évaluation qui portent sur des sujets transversaux ; donner son avis sur l'étude d'impact accompagnant un projet de loi déposé par le Gouvernement ; jouer une sorte de rôle de tour de contrôle de l'évaluation et du contrôle à l'Assemblée.
Il est présidé par le Président de l'Assemblée nationale et comprend trente-six membres désignés en fonction de la représentativité des différents groupes politiques. C'est un organe ad hoc, propre à l'Assemblée, qui n'a pas d'équivalent au Sénat. Chaque groupe politique propose des thèmes d'évaluation. Deux rapporteurs – l'un de la majorité et l'autre de l'opposition – sont désignés pour chacun des cinq thèmes qui sont retenus chaque année. Sous la XIVe législature, vingt rapports ont été commandés et rédigés ; dix rapports ont été présentés ; dix rapports de suivi ont été effectués sur les conclusions de missions d'information préalables. Sous la XVe législature, nous avons choisi cinq sujets. En cette nouvelle législature, nous avons d'ailleurs commencé nos travaux par l'évaluation de l'évaluation afin d'avoir une vision claire de ce qui se fait dans ce domaine à l'Assemblée et ailleurs.
Depuis sa création en 2009, c'est-à-dire en moins de dix ans, le CEC a produit quarante-six rapports. Il fait des travaux qu'il est le seul à pouvoir conduire, selon une approche transversale et sans concurrencer les commissions permanentes. Nous avons des ambitions pour cette instance. Nous ne voulons plus faire des rapports pour le plaisir d'en faire ; nous voulons qu'ils soient appliqués, qu'ils produisent des effets, qu'ils influencent les politiques menées. Il faut donc améliorer la qualité des évaluations mais aussi – et peut-être surtout – leur suivi.
Nous voulons inclure les citoyens dans cette démarche et nous travaillons en ce sens. Nous voulons aussi mieux communiquer, mieux valoriser la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement, qui reste assez méconnue, même au sein de notre assemblée. Nous voulons, plus que jamais, veiller à la cohérence de nos travaux, et je pense que c'est pour cela aussi que nous sommes si nombreux à aborder ce sujet ce matin.
Le renforcement de l'évaluation passe par celui, entre autres, du CEC dont l'activité et l'expertise, qui ont progressé de manière continue pendant dix ans, restent encore sous-utilisées.
Nous en arrivons à la question des moyens. Tout d'abord, nous voulons mieux utiliser les moyens existants – je rejoins Yaël Braun-Pivet sur ce point. Nous devons définir une méthodologie afin de croiser les travaux du CEC, des commissions permanentes et des délégations. La méthodologie est à améliorer, voire à créer. Nous en discutons actuellement avec le Président de l'Assemblée.
Ensuite, pour répondre à nos concitoyens avec plus de pertinence, il faut que les parlementaires, et particulièrement les membres du CEC, puissent accéder physiquement à toute information, à tout lieu ou à toute personne – un peu sur le modèle de l'accès aux lieux de privation de liberté. Un travail est en cours sur ce sujet important pour lequel le CEC est aussi extrêmement concerné.
Sur le plan des moyens humains et financiers, le CEC dispose de quatre administrateurs, d'un budget de 300 000 euros pour des études ou de la bibliographie, et d'un droit de tirage de deux rapports par an auprès de la Cour des comptes. C'est insuffisant.
Pour terminer, je citerai trois propositions du rapport sur l'évaluation de l'évaluation que viennent de rendre mes collègues Valérie Petit et Pierre Morel-à-l'Huissier. Ils proposent de développer une stratégie nationale de l'évaluation. Au sein de l'Assemblée nationale, la stratégie serait liée à la planification souhaitée du travail législatif, depuis les travaux préparatoires de la loi jusqu'à son évaluation. Ils proposent aussi de doter le Parlement d'une agence d'évaluation autonome, disposant de pouvoirs d'enquête. Nous n'avons pas de détails sur la forme, nous sommes là pour en discuter. Ils proposent enfin d'utiliser les outils modernes de l'évaluation et de l'analyse de données, de recourir à l'innovation et d'être aussi moteur dans l'évaluation des politiques publiques en France.
Du coup, certaines de vos propositions nous intéressent : la mise à disposition de l'Assemblée nationale de l'administration de la Cour des comptes ; la mise en oeuvre d'un droit de tirage de l'Assemblée auprès d'instituts de statistiques et d'experts des sujets évalués. Cette dernière proposition nous intéresse vraiment car nous sommes en manque de moyens de ce type.
J'ajouterai une idée complémentaire sur l'évaluation des lois anciennes car, si nous souhaitons faire des lois mieux appliquées, nous voulons aussi rénover les lois passées. Il nous semblerait intéressant de revoir le rôle de la Commission supérieure de codification qui, actuellement, est composée de conseillers d'État qui travaillent uniquement pour le Gouvernement.
En résumé, le CEC et l'Assemblée nationale ont besoin de moyens nouveaux et surtout d'une bonne coordination pour mieux remplir leurs missions de contrôleur et de législateur.