Intervention de Thierry Francq

Réunion du jeudi 5 avril 2018 à 10h05
Groupe de travail sur les moyens de contrôle et d'évaluation du parlement

Thierry Francq, secrétaire général adjoint du Secrétariat général pour l'investissement :

Nous faisons appel à des économistes retraités spécialistes, des professeurs d'économie d'université. La Toulouse School of Economics, parmi d'autres exemples, traite de micro-économie et est assez bien armée pour ce genre d'activité.

Nous utilisons également des expertises sectorielles. Nous essayons d'avoir une certaine séniorité, ce que je pense très utile. Nous avons expertisé le projet de renforcement drastique des moyens informatiques de Météo France et recouru pour cela à un retraité de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) qui a une très grande expérience et à un économiste pour élaborer la méthodologie de calcul. Je souligne que ce projet que nous avons expertisé est celui qui offre a priori la plus grande rentabilité socio-économique compte tenu des effets très importants que peut représenter, à tous points de vue, une amélioration des prévisions météorologiques.

J'en viens aux délais d'évaluation. Pour les contre-expertises des projets d'investissements publics, nous intervenons après les études préalables nécessaires à la constitution d'un dossier, avant l'enquête publique – notre rapport de contre-expertise fait d'ailleurs partie du dossier d'enquête publique – et, en tout état de cause, avant le lancement effectif des travaux.

Pouvons-nous émettre un avis négatif ? Oui, cela s'est produit. L'un d'eux fait parler de lui. Il s'agit de la ligne 18 du Grand Paris Express. Nous avons également produit un avis négatif s'agissant de restructurations ou de constructions d'hôpitaux, par exemple, la construction d'un nouvel hôpital dans le nord de Sèvres ou la restructuration du centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours.

Nous émettons parfois des avis qui sont assortis de fortes réserves. Cela a-t-il un effet ? Oui. La ligne 18 en question ne sera pas réalisée dans les délais initialement envisagés. Je ne dirai pas que c'est grâce ou à cause de notre expertise – tout dépend du point de vue duquel on se place – mais je pense qu'elle a contribué à éclairer les décideurs.

J'ai émis des avis défavorables ou assortis de fortes réserves portant sur des hôpitaux. En général, les projets sont alors redimensionnés car, souvent, la question porte sur la taille du projet.

Pour le PIA, le dispositif est le suivant : une expertise, un jury international ou une expertise indépendante est en place. Un comité de pilotage du PIA, qui réunit les différents ministères et parfois des personnes qualifiées, sélectionne des projets sur le fondement d'une expertise d'un jury international ou d'une expertise indépendante. Dans les premiers temps du PIA, sur proposition d'un comité de pilotage, le Commissariat général à l'investissement (CGI) a émis des avis négatifs sur des projets que suivait le Premier ministre. Il s'agissait de projets sélectionnés avec une expertise indépendante et un regard croisé des ministères concernés. Certains projets n'ont donc pas été soutenus, ce qui ne s'est pas produit depuis un an, non parce que nous serions devenus moins exigeants, mais parce que le dispositif de sélection en amont a intégré ce niveau d'exigence.

Les délais sont, pour nous, un élément fondamental car nous pensons qu'il est impératif d'avoir un impact minimal, voire nul, sur les délais de réalisation d'un projet lorsque l'on établit des évaluations. Retarder l'action publique serait l'une des plus mauvaises publicités faites à l'évaluation.

Pour le PIA, les dossiers réclament un temps d'instruction, mais nous arrivons, dans la plupart des cas, sauf lorsque le dossier est très complexe, à maintenir un processus de décision qui intègre l'évaluation indépendante et des regards croisés de moins de trois mois, ce qui, objectivement, est raisonnable par rapport à d'autres procédures européennes. Nous sommes même de très loin les plus rapides.

L'Inspection générale des finances (IGF) a noté à propos de la contre-expertise des investissements publics que nous ne faisions pas perdre un jour aux projets. Il suffit d'organiser la poursuite de la réflexion en parallèle. La plupart des projets réclament différents types d'autorisations : de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), de l'Autorité environnementale… Nous utilisons le délai des autres dispositifs d'autorisation ou d'avis pour mener notre contre-expertise. Nous attendons le dernier moment pour recueillir, par exemple, l'avis de l'Autorité environnementale pour, le cas échéant, intégrer un élément que nous aurions omis. Aujourd'hui, il existe suffisamment de procédures comprenant des délais pour que nous articulions une évaluation sans engendrer des délais supplémentaires.

J'en viens aux référentiels. Si je retiens l'exemple des hôpitaux, un référentiel prend la forme d'un guide se fondant sur des métriques de référence. Il fixe, par exemple, le nombre de lits pour un bassin de population donné. Les ministères ont généralement des référentiels relatifs à l'investissement public sur lesquels nous nous appuyons. Toutefois, en règle générale, un référentiel ne suffit pas à réaliser une évaluation d'impact. Vérifier l'application du référentiel ne suffit pas à calculer la valeur actuelle nette socio-économique d'un projet. Un référentiel n'est pas une obligation ; en outre, des contextes justifient de s'écarter de façon justifiée des ratios habituels.

La loi de programmation excluant de notre champ les investissements militaires, nous n'en traitons donc pas. Dans le PIA, nous finançons certains types de projets qui intéressent la chose militaire, mais c'est anecdotique en termes de montants, même si les projets sont très intéressants.

J'aborde votre dernière question relative aux lois et à la mesure d'impact. Ma réflexion repose sur mon expérience de fonctionnaire qui a été à l'initiative de nombreuses lois tout le long de son parcours professionnel, notamment dans le domaine financier. Réaliser de façon systématique des études d'impact peut se révéler complexe sur certains sujets et la façon de le faire peu pertinente. Progresser dans ce domaine nécessite d'être plus exigeants en matière de dispositions législatives. Le véritable enjeu est de savoir si l'État doit procéder à des évaluations d'impact sérieuses, voire plus développées que celles pratiquées aujourd'hui, et si le Parlement dispose de moyens de contre-expertise. Personnellement, je pense qu'il s'agit d'un élément que l'État se doit d'intégrer davantage. Être dans l'obligation de mener une évaluation d'impact sérieuse de dispositions législatives influera, a priori positivement, sur ces dispositions législatives. Il ne faudrait pas donner l'impression que c'est au Parlement de le faire et non à l'État.

Le point central réside dans le développement des méthodes dont nous sommes démunis dans bien des domaines pour réaliser une évaluation d'impact efficace. Parfois, nous rencontrons également des difficultés d'accès aux données. Je suis économiste de formation et je pense que nous avons besoin que l'État utilise bien davantage la science économique qu'il ne le fait à l'heure actuelle.

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