Chargé de la première sous-direction du budget, j'ai la responsabilité de la coordination, de la préparation et du suivi du budget de l'État dans son ensemble, j'ai notamment dans mes attributions la question de la bonne information de la représentation nationale, mais également des citoyens. Les questions que vous soulevez sont donc au coeur de nos réflexions, notamment au regard d'une récente publication internationale, sur laquelle je reviendrai en conclusion de mon propos.
Je lie pour ma part les deux axes que vous avez tracés, car il n'y a pas de participation sans une information de qualité, laquelle constitue la première étape de la participation de nos concitoyens aux questions budgétaires.
Cette information existe, et il est admis par toutes les organisations internationales et par l'ensemble de nos pairs que la France est un pays particulièrement transparent en matière de finances publiques. À ce titre la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) engagée dès 2001 a transformé et décuplé tant la qualité que la quantité de l'information offerte à nos concitoyens.
Dans quelques semaines, nous publierons en ligne les rapports annuels de performance, c'est-à-dire les comptes rendus d'exécution dans lesquels le Gouvernement rend des comptes sur l'exécution budgétaire, selon une grille de lecture qui s'attache aux performances, aux objectifs stratégiques et à la description analytique de l'emploi des fonds publics : qu'est-ce qui a été dépensé et pourquoi ? Il s'agit de justifier, le cas échéant, les écarts par rapport au budget initial et les évolutions budgétaires de l'année écoulée.
L'ensemble de cette documentation fera plus de cinq mille pages, ce qui pose d'emblée un problème de lisibilité. Transparence ne signifie pas accessibilité et, si nous sommes très transparents, nous sommes sans doute trop peu accessibles, ne serait-ce que parce que ces données, publiées en ligne, le sont dans un format proche d'un format papier : elles ne sont donc pas téléchargeables et immédiatement réutilisables.
Sur le fond ensuite, le manque d'accessibilité provient de l'utilisation d'un discours très technique, écrit dans cet inimitable style administratif qui est le nôtre. Nous avons là assurément de fortes marges de progrès, pas nécessairement dans ces documents qui ont vocation à perdurer parce qu'ils fournissent une information complète, mais sans doute dans d'autres, plus accessibles, plus clairs et qui rendent plus concrètes pour nos concitoyens les données que nous manipulons tous les jours. C'est ainsi que Gérald Darmanin a souhaité publier au mois de septembre un petit livret consacré aux mesures prises par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat. C'est un exemple de ce qu'il est possible de faire, dès lors que l'on souhaite rendre plus lisibles les données budgétaires.
Quant à associer davantage nos concitoyens à l'élaboration du budget, il y a beaucoup d'exemples de budgets participatifs en France et dans le monde. Or, qu'ils relèvent de l'État ou des collectivités, ils ont tous en commun une forte dimension locale, le fait de porter sur des sujets de proximité pour lesquels le regard des concitoyens est capital, car ces derniers sont sans doute les mieux à même de dire ce qui, dans leur fréquentation quotidienne du service public leur pose problème.
Si on pose le principe d'une association plus active de nos concitoyens au budget de l'État, il me semble que l'on peut ébaucher deux pistes de travail possibles, pas nécessairement exclusives l'une de l'autre.
Il me semble difficile d'ouvrir à la participation citoyenne les choix stratégiques du budget, dès lors qu'ils sont avant tout les vôtres, à vous parlementaires. Le moment du choix pour les citoyens est celui des élections, lorsqu'ils se choisissent des représentants, élus de la nation qui, lors du débat budgétaire annuel discuteront ces choix stratégiques avec le Gouvernement.
On peut, cela étant, admettre qu'il est possible de mieux associer les citoyens au travers de leur consultation, qui fournira des informations utiles au Gouvernement dans la préparation du budget, mais également aux parlementaire, au moment du vote.
La seconde piste de progression est la piste locale. Le budget de l'État recouvre des initiatives locales et un certain nombre de programmes budgétaires ont pour objet des politiques de proximité, déconcentrées, voire territorialisées. C'est sans doute sur ces enveloppes ciblées qu'une meilleure association des citoyens est possible dans la perspective d'infléchir l'emploi de ces programmes. Je pense ici au budget participatif de la ville de Paris – qui ne représente que 5 % de son budget d'investissement : il pourrait servir de modèle à la répartition des enveloppes budgétaires allouées à certains dispositifs d'interventions publiques, comme les subventions à des projets d'équipements locaux ou à l'activité locale, pour lesquels ce sont aujourd'hui des services déconcentrés de l'État qui emploient les fonds, mais qui peuvent justifier une plus grande association de nos concitoyens.
Je conclurai mon propos en évoquant l'enquête sur le budget ouvert. Il s'agit d'une initiative internationale qui, comme tout classement et comme tout système de notation a ses faiblesses, mais qui permet des comparaisons internationales. Or, dans l'enquête 2017, sortie très récemment, on constate, à la faveur d'un changement de méthodologie de l'enquête, un recul de la France, qui reste néanmoins parmi les pays les plus transparents au monde. Ce recul porte sur trois aspects : notre revue à mi-année, qui est jugée insuffisante ; le manque d'accessibilité de notre budget ; la faible participation enfin de nos concitoyens au processus budgétaire. Il ne vous aura pas échappé que ces problématiques, pour deux d'entre elles au moins, sont au coeur de ce qui vous occupe.