Intervention de Renaud Duplay

Réunion du mardi 3 avril 2018 à 9h00
Groupe de travail sur la démocratie numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne

Renaud Duplay, sous-directeur de la première sous-direction de la Direction du budget au ministère de l'action et des comptes publics :

Cela me semble beaucoup plus compliqué. J'ai l'impression que les différents budgets participatifs dont nous avons l'exemple fonctionnent de la même manière. Au niveau de l'enveloppe ciblée, le degré de liberté est très élevé, sans contraintes techniques. Dans le cadre d'une enveloppe d'un certain montant, vous pouvez choisir, par exemple, entre la réfection d'une salle de fête, celle de la voirie et la construction d'une nouvelle piscine ou d'un nouveau terrain de basket-ball. Je ne veux pas dire que l'avis du citoyen n'a de sens que pour de tels projets, mais il s'agit de choisir de faire un investissement ou de ne pas le faire, sans autres contraintes.

Considérons maintenant la préparation du budget dans son ensemble. Sa construction n'offre pas le même degré de liberté : il faut honorer tous les engagements du passé, payer la charge de la dette, rémunérer les fonctionnaires en place, verser les pensions, etc. Le jeu de contraintes et d'acteurs est tel que je vois mal à quel endroit une participation citoyenne serait possible – j'entends par là une participation qui s'exprime par des choix, il ne s'agit pas de dire à nos concitoyens : « Venez, regardez, sortez. » Comment faire pour que cette voix de la participation citoyenne pèse ? L'équilibre, fondamentalement politique, du budget de l'État repose, d'une part, sur ces contraintes, que notre rôle est de présenter à nos autorités, d'autre part, sur un choix en pure opportunité qui relève du Gouvernement même, qui le présente à la représentation nationale, laquelle peut l'interroger et exprimer des désaccords. A quel moment pourrait intervenir la participation citoyenne dans ce processus assez lourd, ce jeu d'acteurs en effet complexe ? Serait-ce après la présentation par le Gouvernement de son budget ? Il ne s'agit pas non plus de dessaisir le Parlement de sa fonction en la matière. J'ai du mal à imaginer comment associer les citoyens à la définition des grands équilibres, sinon par le choix d'une politique, d'une grande orientation stratégique au moment des élections.

Si je demandais à nos concitoyens ce qu'ils veulent faire demain, plus personne ne voudrait payer le salaire des fonctionnaires de Bercy – c'est assez logique, mais un État a besoin d'une administration financière pour fonctionner. Comment rendre ce jeu constructif, parce que c'est une forme de jeu ? S'il s'agit de répondre systématiquement qu'il n'est pas possible de retenir telle idée a priori bien sympathique, l'exercice devient vite difficile. Comment offrir des marges de manoeuvre alors qu'un certain nombre de contraintes doivent être respectées ?

Le modèle Mésange a-t-il vocation à être rendu public ? C'est plutôt la direction générale du Trésor, chargée des prévisions économiques, qui pourrait vous répondre – ce n'est pas du ressort de mon administration. Elle pourrait vous préciser ses intentions et la valeur ajoutée d'une telle publication, mais je pense que les acteurs des finances publiques ont intérêt à être transparents : l'opacité n'est pas facteur de bonne gestion. Certes, nous publions tous les mois la situation mensuelle du budget de l'État (SMB), mais c'est un document très fruste. Nous y travaillons : comment le rendre plus clair, plus complet, exploitable ? Il faudrait que n'importe qui puisse voir où nous en sommes et, d'un clic, recalculer le déficit de l'État. Il faut rendre plus clair ce qui est très compliqué aujourd'hui. Compte tenu de la multiplicité des acteurs administratifs, il est parfois difficile de savoir de quoi on parle. Pour lutter contre cette complexité, nous avons besoin d'aide, notamment de l'aide du Parlement. La transparence, l'accessibilité et la clarté de l'information s'amélioreraient aussi avec plus de simplicité dans le financement de nos politiques publiques. Beaucoup de systèmes de financement, parfois issus d'amendements mais pas seulement, sont très complexes. Une réflexion sur la complexité des circuits financiers publics, la multiplicité des acteurs et la fragmentation des compétences pourrait être menée.

Quel est, par exemple, le coût d'une école, d'un collège ou d'un lycée ? L'enseignant est payé par l'État, le personnel technique est payé par l'un des échelons de collectivités territoriales, le bâtiment est entretenu par ce même échelon de collectivités territoriales, les livres sont payés par la commune à l'école primaire, par l'État au collège, officiellement par les parents au lycée – mais les régions sont compétentes en la matière. Si vous voulez savoir combien coûte, à l'euro près, l'enseignement dispensé au lycée le plus proche, il faudra des semaines de travail pour vous répondre. Une réflexion sur cette complexité est nécessaire, d'une certaine manière pour faciliter le travail, pour assurer une plus grande transparence des choix à la représentation nationale et offrir des informations plus accessibles à nos concitoyens.

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