Cet amendement vise à supprimer une disposition qui a au moins le mérite d'assumer clairement l'entaille profonde qu'elle opère dans les droits et libertés des personnes.
Pour votre gouvernement, en effet, le droit des étrangers doit devenir un droit para-pénal, dans lequel les décisions pouvant être prises par l'autorité administrative deviennent de plus en plus attentatoires aux droits et aux libertés fondamentales, et s'apparentent de plus en plus à celles qui doivent être normalement prononcées par l'autorité judiciaire en matière pénale.
Vous voulez tripler la durée de rétention, rien de moins, pour la porter à cent trente-cinq jours, soit plus de quatre mois. Au fond, ce n'est plus du tout de la rétention : c'est de la détention. Cette conception tourne le dos à notre tradition humaniste pour suivre des partis pris xénophobes, répressifs, et nous éloigner chaque jour un peu plus de l'héritage des Lumières, qui ont fait sortir la France de l'archaïsme de l'arbitraire royal en 1789. Dans cet hémicycle, on a vraiment pris un sacré coup dans la tête depuis quelques heures.
Un glissement s'opère donc de la rétention à la détention : les préfets condamnent à la prison les étrangers, qui sont considérés de facto comme des criminels.
Le plus incroyable est que, comme le soulignent le Conseil d'État et l'étude d'impact, cette mesure est inefficace : dans environ 90 % des cas où la personne retenue a été éloignée à la suite d'une mesure de rétention, elle l'a été avant trente jours, c'est-à-dire bien avant le délai légal actuel. On se demande donc pourquoi vous voulez prolonger ce délai : c'est non seulement inhumain, mais inefficace.
Voilà pourquoi nous vous exhortons, mes chers collègues, à retrouver la raison et à écarter cette mesure liberticide.