La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 16.
Rappels au règlement
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement, mais c'est presque un rituel. Nos calculs nous conduisent à observer qu'il y a une différence entre le temps ouvert par la conférence des présidents, qui prévoit encore vingt heures trente possibles de débats pour les séances ouvertes, et l'estimation des temps de parole : en tenant compte des deux minutes d'explications de vote et de la durée de présentation des amendements, nous obtenons une durée de quarante-quatre heures. Par conséquent, il n'est pas possible que le débat s'achève dans le délai prévu. Que compte faire la présidence à ce sujet ?
Cette situation est d'autant plus préoccupante que le ministre d'État, ministre de l'intérieur, compte, paraît-il, se rendre à une assemblée du G7, qui n'a pas vraiment d'importance
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Elle n'a aucune importance ! Le G7 n'est pas un organisme international licite comme l'est l'Organisation des Nations unies – ONU. Le G7, ce n'est rien ; c'est un club, cela ne veut rien dire !
Comment allons-nous donc faire rentrer quarante-quatre heures dans vingt heures trente, et sans le ministre prévu ?
Merci infiniment, monsieur le président Mélenchon, pour cette intervention. Je vous précise que c'est la Conférence des présidents qui détermine l'ordre du jour et que les rappels au règlement n'ont pas vocation à remettre en cause celui-ci.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Non, nous reviendrons sur ces trois questions dans le cadre de nos débats, s'ils se poursuivent. Nous pouvons tous dresser le constat qu'il est désormais impossible de poursuivre sereinement ce débat sur un texte aussi important dans le temps imparti. Nous devons tous en tirer les conséquences. La conférence des présidents, qui devrait se réunir pour en tirer les conséquences, doit revenir à ce qui avait été réclamé par tous les présidents de groupe, à l'exception de celui du groupe majoritaire : prévoir une organisation des débats permettant un examen pertinent et attentif de chaque article de ce texte majeur, ce qui est objectivement désormais impossible, même si les discussions avancent normalement. Personne n'essaie de retarder les débats
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
L'examen de l'article 16 le démontrera, car le débat aura lieu surtout au sein de la majorité. Les articles sont examinés sereinement. Le nombre d'amendements déposés est important, mais pas excessif. Nous devons donc légitimement constater qu'il est impossible d'achever leur examen dans le délai imparti par la conférence des présidents.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe FI.
Merci, monsieur Ciotti. Je prends bonne note de ce qui n'est pas réellement un rappel au règlement, puisque, je vous le rappelle, l'ordre du jour ne relève pas du règlement ; c'est à la conférence des présidents qu'il revient de le fixer.
Comme je vous l'ai indiqué hier, le rythme d'examen des amendements nous permettait d'envisager d'ouvrir des séances dimanche, mais il ne tient qu'à nous d'avancer un peu plus rapidement.
Et comme vous êtes tous très attachés au respect de la lettre et de l'esprit du règlement, je m'attacherais à le faire appliquer strictement, de telle sorte qu'il n'y aura que deux orateurs par amendement discuté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous allons pouvoir aborder sereinement la poursuite de la discussion, en appliquant strictement le règlement.
La parole est à M. Stéphane Peu.
Le président peut toujours tenir des propos velléitaires pour nous inciter à accélérer les débats, mais on se heurte à un principe de réalité si l'on respecte un tant soit peu le débat démocratique. Il n'y a aucune raison que les débats qui vont suivre soient de moindre qualité que ceux que nous avons déjà eus.
C'est une méthode est trop facile ! Nous abordons l'examen du seizième article d'un projet de loi qui en compte quarante-deux : nous pouvons donc objectivement considérer que nous en sommes à un peu moins de la moitié des débats.
Je sais bien que nous ne pourrons pas modifier l'ordre du jour dans l'hémicycle, mais nous demandons qu'une conférence des présidents se réunisse cet après-midi pour évoquer la suite de nos travaux.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et LR.
Contrairement à ce que vous indiquez, les propos du président de séance ne sont pas velléitaires.
Il faut y voir la volonté très ferme de faire avancer le débat de manière sereine, dans le temps qui sera évidemment celui de l'expression des opinions de chacun.
Et si le débat prenait trop de temps par rapport à l'ordre du jour qui a été fixé, nous convoquerions dans la journée les instances légitimes pour modifier cet ordre du jour. Mais il ne tient qu'à vous de faire avancer les débats.
Nous allons donc maintenant, chers collègues, poursuivre l'examen du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Dans son intervention, M. le ministre a fait une comparaison avec l'Allemagne. Les centres de rétention allemands ne comprennent que 500 places et ils sont, d'ailleurs, très peu utilisés. Moins de 2 000 clandestins ont été détenus en Allemagne en 2014, contre plus de 45 000 en France. Si la durée moyenne de rétention est de douze jours en France, elle ne dépasse pas quarante-cinq jours dans treize pays d'Europe. Cette durée de rétention n'a, d'ailleurs, aucun impact sur les taux de retour. Seuls 44 % des gens qui passent par la case « rétention » en France sont renvoyés chez eux ; 182 enfants ont été placés, avec leurs parents, en centre de rétention administrative – CRA – , et je ne parle pas des 4 285 enfants de Mayotte.
Vous avez parlé de création et d'amélioration, mais avec quel budget ? En effet, rien n'est prévu en 2018 et en 2019. Nous avons déclaré que nous regrettions que ce texte mélange immigration et demande d'asile. Au fil des articles, on en comprend mieux la philosophie, et surtout les objectifs. À la générosité, vous répondez par de la suspicion. À l'humanisme, vous répondez par de la comptabilité. À la fraternité, vous répondez par de la répression.
Par votre loi, monsieur le ministre d'État, vous nous entraînez sur le chemin obscur qui risque de faire de la France un de ces pays qui sera montré du doigt par les démocraties, si on en juge par les nombreuses condamnations émises par la Cour européenne des droits de l'homme. Vous ne parlez que d'efficacité. Vous avez oublié un mot : la dignité.
Nous demandons la suppression de l'article 16.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur plusieurs bancs du groupe FI.
Nous pourrions dire beaucoup de chose sur l'article 16, mais nous aurons l'occasion de le faire à l'occasion de l'examen des autres amendements. En l'espèce, je m'en tiendrai à deux aspects. Le premier concerne l'allongement de la durée de rétention : celle-ci était de dix jours en 1998, le président Sarkozy l'a portée à quarante-cinq jours en 2008, et vous nous proposez quatre-vingt-dix jours en 2018, soit une multiplication par neuf en vingt ans.
Et tout cela, pour rien ! En effet, tous les professionnels, à commencer par la police de l'air et des frontières, disent que si les mesures d'éloignement ne sont pas prises dans les douze premiers jours, il n'y en aura pas par la suite, que la durée de rétention soit de quarante-cinq ou de quatre-vingt-dix jours. Cette disposition ne facilitera donc pas l'application des mesures d'éloignement : c'est une mesure de sanction. Quel est le but de la prolongation constante de la durée de rétention, si ce n'est de conférer à cette mesure une vertu communicationnelle ?
Le second problème posé par l'article 16, qui nous paraît gravissime, c'est la question de la rétention des enfants. En 2017, notre pays a retenu 275 enfants en centres de rétention. Sur la seule année 2017, on a retenu autant d'enfants que pendant les années 2012, 2013, 2014 et 2015 cumulées : on a retenu autant d'enfants en un an qu'en quatre ans auparavant. Oui, il y a une dérive, dans ce pays, s'agissant de la rétention des enfants.
Enfin, je voudrais poser deux questions. La première s'adresse à la présidence de séance et à la présidente de la commission des lois : avant le terme du débat sur ce projet de loi, aurons-nous connaissance de la réponse que le président de l'Assemblée nationale souhaite apporter aux inquiétudes dont lui a fait part, par courrier, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe ? Ensuite, le ministre nous a dit, tout à l'heure, que les enfants pouvaient être placés par les services de l'aide sociale à l'enfance.
Mais comment peut-on donner comme choix la prison ou l'orphelinat, s'agissant des droits de l'enfant ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et NG. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour soutenir l'amendement no 942 .
Je me suis exprimé tout à l'heure sur l'article pour donner la position de notre groupe. Vous savez que nous condamnons la possibilité de détenir des enfants en centre de rétention pendant trois mois, qu'aucune des conditions pour le faire n'est réunie. Surtout, dans la mesure où plus de 54 % de ceux qui y sont placés sont ensuite relâchés, la méthode apparaît totalement abusive et violente.
Cela étant rappelé, je m'exprimerai à présent sur un point qui intéresse tout particulièrement le ministre de l'intérieur.
Nous avons appris qu'à présent, au col de l'Échelle, une petite bande d'une centaine de personnes, qui plus est équipée d'un hélicoptère, prétend régler les problèmes à la frontière. Ce sont les amis de M. Collard qui sont là-bas !
M. Collard se prétendant l'ami de la loi, sans doute s'associera-t-il à moi pour interroger le ministre de l'intérieur, qui affirme que l'État de droit doit être rétabli partout, et notamment à Notre-Dame-des-Landes.
Ces gens, en face de moi, là-bas, ont créé une telle ambiance de suspicion, de mauvaises intentions, à l'égard de tout ce qui bouge, qu'une centaine de leurs partisans se sont sentis autorisés à se rendre à la frontière pour repousser dans la neige les pauvres gens qui s'y trouvent. Personne, parmi nous, ne peut approuver une telle méthode !
Nous demandons au ministre de l'intérieur ce qu'il compte faire pour éviter que, dorénavant, les frontières soient protégées par les amis de Mme Le Pen, qui ne protègent rien mais créent du désordre.
Rappel au règlement
Rappel au règlement sur le fondement de l'article 58, alinéa 1, car j'ai été mis en cause personnellement.
Monsieur Mélenchon, il y a très longtemps que vous planez. Je n'ai pas d'hélicoptère pour ma part, mais vous, vous avez des hélices !
Article 16
Avec l'assignation à résidence, qui est la mesure privilégiée, la mise en rétention est un moyen pour faire exécuter les mesures d'éloignement. Si nous pouvons tous être d'accord pour faire respecter l'État de droit, nous devons trouver des solutions concrètes pour mettre fin aux dysfonctionnements car, on le sait, les taux d'exécution des OQTF – obligations de quitter le territoire français – , sont de 15 % en général et de 43 % lorsqu'il s'agit d'OQTF avec mise en rétention. Nous devons à présent nous demander si nous devons, ou non, allonger la durée de rétention, et si oui, comment.
Les travaux de la commission, à ce sujet, ont été utiles et constructifs. Nous avons entendu les professionnels et la police aux frontières. Il ressort de nos entretiens que l'autorité administrative est dépourvue de moyens pour accomplir son travail, alors qu'il ne s'agit que d'appliquer la loi, tout simplement.
Nous avons réussi, avec le ministre d'État, à trouver un point d'équilibre qui nous permette de contrer un certain nombre de mesures dilatoires, dont nous ne pouvons nier l'existence – ne pas participer à l'entretien consulaire ou refuser d'embarquer, ce qui est de plus en plus fréquent. Nous avons décidé d'augmenter le délai de rétention afin de donner à l'autorité administrative les moyens d'être plus efficace et d'appliquer les décisions de reconduite aux frontières : quatre-vingt-dix jours avec un séquençage qui permet l'intervention du juge des libertés et de la détention – JLD – , pour contrôler ces augmentations du délai de rétention.
Nous avons également adopté un amendement pour mieux prendre en compte la vulnérabilité avant toute mise en rétention. Grâce à ces améliorations, qui sont le fruit du travail en commission, l'article 16 atteint aujourd'hui un point d'équilibre parfait, c'est pourquoi la commission est défavorable à ces amendements de suppression.
La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Naturellement, le Gouvernement s'oppose à la suppression de l'article 16. Mme la rapporteure vient de rappeler les mesures nouvelles qui permettent d'améliorer l'effectivité des mesures d'éloignement. C'est une sécurité pour pouvoir mener une politique cohérente.
Monsieur le président, je suis content de voir que Mme la ministre nous a rejoints et qu'elle est très satisfaite de son texte. Cependant, que l'on supprime cet article ou non ne changera rien car, aujourd'hui, c'est l'effectivité de l'éloignement des gens déboutés du droit d'asile qui est en jeu. Comme l'a très bien rappelé Guillaume Larrivé tout à l'heure, du fait du nombre de places aujourd'hui disponibles, vous ne pouvez pas placer les personnes qu'il faut reconduire en centre de rétention administrative. Et vous n'avez pas les moyens de les éloigner de manière effective. C'est cela, la vraie question que nous vous posons, madame la ministre. Je sais que cela commence à faire beaucoup, mais c'est une question vraiment cruciale à laquelle vous devrez répondre. Que comptez-vous faire pour que l'éloignement soit vraiment effectif ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mme la rapporteure, qui se réjouissait déjà en commission du parfait équilibre de ce texte, vient de reconnaître que le tableau n'était pas si idyllique, puisqu'il est de nouveau modifié suite aux pressions et aux critiques, ce qui prouve bien que l'on peut toujours améliorer l'équilibre en repoussant l'article 16.
En vérité, M. Peu l'a très bien exprimé, cet article, dans toutes ses composantes, dont la mise en rétention des enfants mais également la mise en rétention des adultes pendant trois mois, les visio-audiences, n'apportera rien de plus à la dissuasion. Car, fondamentalement, c'est à cela que servent toutes ces mesures : dissuader.
Comment pourrait-on penser différemment, à moins de considérer que des personnes veuillent bien vivre dans un État qui met en place des procédures encore plus cruelles, encore plus violentes que celles qui règnent dans les pays que ces gens fuient. Si des gens arrivent chez nous après avoir enduré de telles épreuves, c'est qu'ils avaient des raisons suffisantes pour quitter leur famille, leur pays et risquer leur vie. Nous sommes tous d'accord sur ce point, je pense.
On imagine que nous allons réussir à créer des conditions encore pires dans notre propre pays pour les dissuader de fuir les horreurs qu'ils vivent.
En cohérence, c'est un nouvel équilibre qui est trouvé dans ce texte, en effet : l'équilibre entre la droite FN, la droite LR, et aujourd'hui la droite La République en marche. C'est cet équilibre que vous avez trouvé, et qui déplace l'État de droit vers un État où l'on fait la course à l'échalote à l'horreur. Oui, c'est la course à l'échalote ; ce n'est pas de la fermeté. C'est de la cruauté, de la brutalité et vous assumerez les conséquences de vos actes, y compris ce que cela signifie pour la vie des personnes que vous enfermez dans cet enfer, que vous torturez et dont vous aurez les morts sur la conscience.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Je voudrais répondre à l'interpellation de M. Mélenchon concernant les membres de Génération Identitaire, qui sont en effet présents au col de l'Échelle pour marquer symboliquement la frontière franco-italienne.
C'est loin d'être symbolique ! Le connaissez-vous seulement, ce groupe ?
Bien sûr, je le connais. Vous m'avez posé une question et je vous réponds.
Les services de l'État sont pleinement mobilisés pour assurer l'ordre public au col de l'Échelle, bien entendu.
Par ailleurs, monsieur Di Filippo, il faut s'empresser de voter ce texte pour procéder au maximum d'OQTF. Je vous remercie.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 130 |
Nombre de suffrages exprimés | 127 |
Majorité absolue | 64 |
Pour l'adoption | 17 |
contre | 110 |
Madame la rapporteure, dans l'avis que vous avez formulé sur précédent amendement, vous avez apporté préalablement et j'espère, en cohérence, votre avis favorable à l'amendement que je vais soutenir.
Cet amendement pose par principe que la rétention administrative doit redevenir la règle pour toute mesure d'éloignement. Depuis la loi du 20 mars 2016, portée par la majorité socialiste précédente, dans laquelle beaucoup d'entre vous siégeaient alors, la rétention administrative est en effet devenue l'exception tandis que l'assignation à résidence devenait la règle. C'est pourquoi les chiffres des mesures d'éloignement, que M. le ministre d'État et vous-même avez rappelés, sont si mauvais.
Un peu moins de 15 000 éloignements contraints – 14 955 – selon les chiffres publiés dans l'excellent rapport de Jean-Michel Clément et Guillaume Larrivé et 92 000 OQTF prononcées, cela signifie que le taux d'éloignement pour les personnes placées en assignation à résidence est de seulement 10 %.
Vous venez de dire, madame la rapporteure, que ce taux montait à 43 % en cas de rétention administrative. Il faut savoir ce que l'on veut. Si l'on veut éloigner ceux qui sont entrés illégalement sur le territoire national, qui ont été déboutés, qui ont abusé du droit d'asile, qui ont dévoyé nos procédures et qui se maintiennent illégalement sur le territoire national, l'on doit alors adopter cet amendement qui pose pour principe l'efficacité. L'efficacité est dans la rétention, le reste n'est que discours et communication, sans aucune efficacité. Le problème n'est pas la durée de rétention aujourd'hui, qui est en moyenne de treize jours. Le problème c'est la volonté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il fallait au contraire rendre plus efficace l'assignation à résidence, qui est moins privative de liberté. C'est l'un des objectifs de ce texte. Avis défavorable.
Même avis.
J'aimerais me réjouir de votre changement d'attitude, madame la ministre, par rapport au précédent débat que nous avons eu en votre présence et apprécier le fait que vous répondiez aux questions, notamment la dernière posée sur un fait d'actualité par nos collègues de La France insoumise. Mais comme vous avez changé d'attitude, nous en déduisons que vous allez peut-être enfin répondre à nos questions, qui restent sans réponse depuis le début du débat.
Je vous les rappelle :
Existe-t-il un plan caché de régularisation de masse tel que dévoilé par le quotidien Le Monde ?
Qu'en est-il des études d'impact sur la réunification familiale ?
Existe-t-il une stratégie cachée pour mettre en place une proposition de loi sur les mineurs non accompagnés ?
Qu'en est-il de la fameuse note d'Europol dévoilée par The Guardian sur les cinquante djihadistes arrivés cet été ?
Je me permets de vous interrompre, monsieur Schellenberger – je vous redonnerai la parole – , pour vous indiquer que les interventions sur les amendements doivent évidemment avoir un lien avec ceux-ci.
Si vous répétez systématiquement les mêmes éléments de langage sur tous les amendements, je considérerai que votre intervention n'a pas de lien avec eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le président, je ne pense pas que mes propos se réduisent à de simples éléments de langage puisque, contrairement à ce qui se passe dans les rangs de votre majorité, nous construisons notre raisonnement à la fois sur une vision cohérente de notre politique d'asile et d'immigration et en fonction de l'évolution des débats dans l'hémicycle, sans en être déconnectés. Nous ne nous reposons pas sur des fiches rédigées avant la discussion.
Dernière question, madame la ministre : comment comptez-vous pratiquer les éloignements alors que vous avez baissé les moyens qui y sont consacrés dans le projet de loi de finances ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur l'amendement no 508 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Rappel au règlement
Je fais ce rappel sur le fondement de l'article 58, alinéa 1, du règlement.
Monsieur le président, notre collègue est intervenu sur un point essentiel. Je tiens à souligner pour une bonne organisation de nos débats que chaque parlementaire qui défend un amendement ou qui intervient dans le cadre de celui-ci doit pouvoir s'exprimer librement.
Comment juger qu'il n'existe aucun lien, permettant d'éclairer les débats et de fonder notre position, entre la question de la régularisation de 40 000 étrangers en situation irrégulière et celle de la rétention,
Applaudissements sur les bancs du groupe LR
alors même que la rétention et l'assignation à résidence ont pour objet d'éloigner ceux qui sont en situation irrégulière ? La régularisation de 40 000 personnes, M. Di Filippo a raison, est un élément important du débat. C'est pourquoi nous attendons la réponse de Mme la ministre.
Applaudissements sur les mêmes bancs.
Monsieur Ciotti, je n'ai évidemment pas à juger de la prise de position des uns ou des autres. J'ai simplement tenu à rappeler à chacun des députés ici présents que son intervention sur un amendement devait avoir un lien avec celui-ci.
J'ai, de plus, redonné la parole à M. Schellenberger, afin qu'il puisse terminer son intervention.
Article 16
Puisque l'attente du scrutin public me donne le temps de prendre la parole, je tiens à répondre, une fois n'est pas coutume, aux réitérations des Républicains.
Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits
eh bien, sachez que cela ne représenterait que 0,05 % de la population française, ce qui est infinitésimal.
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
Il faut regarder la réalité en face. Des personnes vivent en France en situation irrégulière depuis cinq ans, dix ans peut-être. Il faudra bien un jour qu'on régularise leur situation ou qu'on les traite d'une manière ou d'une autre.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI, et sur plusieurs bancs du groupe LaREM. - Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Mes chers collègues, je vous invite à écouter les interventions des orateurs dans le respect de leurs opinions divergentes.
Je mets aux voix l'amendement no 508 .
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 139 |
Nombre de suffrages exprimés | 139 |
Majorité absolue | 70 |
Pour l'adoption | 28 |
contre | 111 |
L'amendement no 508 n'est pas adopté.
Madame la ministre, sans vous mettre en cause personnellement, je dois vous avouer mon étonnement de l'absence de M. le ministre d'État, alors que nous examinons un article important, l'article 16.
Madame la ministre, sachez que nous sommes très heureux de votre présence !
Il devrait être présent durant toute la durée les débats, surtout lorsque nous examinons un article important.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
Mes chers collègues, pourriez-vous retrouver votre calme afin que les débats se déroulent de manière sereine, apaisée et respectueuse sur un sujet difficile, dont nous avons tous compris qu'il susciterait des désaccords nombreux et de l'émotion ? Écoutez M. Coquerel de la même façon que vous apprécierez qu'il vous écoute. Sachons nous écouter les uns les autres.
Cet amendement concerne la loi Warsmann, examinée en février dernier, permettant une bonne application du régime d'asile européen, loi qui est, peut-être pour la première fois dans l'histoire de cette assemblée, une loi à rebours. En effet, au moment de l'examen de la proposition de loi, pour gagner du temps et limiter les débats après un passage au Sénat qui avait durci le texte, il avait été assuré aux députés de la majorité qui s'opposaient à ce texte que l'on reviendrait dessus à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. C'est une étrange façon d'organiser les débats parlementaires !
S'agissant de la durée, il est vrai, on est revenu sur la loi Warsmann. Je vous propose, avec cet amendement, de revenir également sur le contenu même du texte, qui vise à permettre de placer plus facilement les dublinés dans un centre de rétention administratif, si bien qu'ils rencontrent de grandes difficultés à effectuer leur demande d'asile.
Je rappelle que la proportion de dublinés parmi les demandeurs d'asile est passée en France en quelques années d'un dixième à plus d'un tiers, du fait qu'en Italie et en Grèce on est réputé être un dubliné et avoir fait une demande d'asile, sans qu'on le sache le plus souvent, dès lors qu'on a été photographié et qu'on a donné ses empreintes digitales. Et ces personnes sont le plus souvent déboutées.
Nous nous retrouvons donc dans des circonstances spéciales. Les centres de rétention vont connaître un afflux important : quels moyens budgétaires leur seront alloués ? Qu'en sera-t-il du respect des droits des demandeurs d'asile ?
S'agissant de la loi Warsmann, en commission nous avons déjà supprimé les dispositions qui avaient été ajoutées au Sénat, si bien que nous en sommes revenus à la version du texte adoptée par l'Assemblée nationale. Avis défavorable à l'amendement.
Même avis.
Madame la rapporteure, ce n'est pas la question. J'ai précisé moi-même que la commission était revenue en arrière s'agissant de la question de la durée. Nous vous demandons, avec cet amendement, de revenir en arrière sur la question du placement quasi-automatique en centre de rétention. En effet, il est demandé aux préfets d'envoyer en centre de rétention les étrangers dont ils estiment qu'ils présentent « un risque non négligeable de fuite ». Or il ne convient pas de placer directement des dublinés demandeurs d'asile dans un centre de rétention administratif, où ils ne peuvent, chacun peut le constater en se rendant dans ces centres, exercer normalement leurs droits, notamment déposer leur dossier et le défendre. L'objet de l'amendement vise à revenir sur cette disposition de la loi Warsmann.
Je remercie notre collègue de la majorité d'avoir admis la réalité de ce que nous dénoncions depuis le début de nos travaux, à savoir qu'il existe bien un plan caché de régularisation de 40 000 clandestins. Ce plan a donc changé de saveur : il n'est plus caché, il est enfin avoué. Nous remercions notre collègue du groupe majoritaire de son élan d'honnêteté.
Désormais, Mme la ministre ne peut plus rester sourde et muette à nos questions. Maintenant que nous savons qu'il existe un plan massif de régularisations, nous aimerions en connaître les modalités : quels seront les critères, quelles régions seront concernées, dans quelle proportion, sous quelle forme ? Nous voulons en effet disposer des mêmes informations que l'ensemble des membres de la majorité.
Vous comprenez bien que, 40 000 régularisations au moins, ce n'est pas anodin, puisque c'est plus que le nombre de personnes obtenant l'asile chaque année en France.
N'allez donc pas nous faire croire que c'est anodin et que cela se passera sans heurt. Il est nécessaire que vous repreniez la main, madame la ministre, et que vous informiez la représentation nationale de ce qu'il en est réellement. Allez-vous désavouer les propos de la députée de la majorité qui s'est exprimée à l'instant ? Sinon, pouvez-vous nous donner les modalités de cette régularisation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sur l'amendement no 949 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
Il est vraiment difficile de suivre les débats : nous passons du chat à la souris et de la souris au loup ! Personne n'a parlé d'éventuelles régularisations, me semble-t-il. Quelqu'un en a simplement évoqué l'hypothèse.
Ce qui m'a frappé, c'est la réaction de l'hémicycle. Vous nagez en pleine illusion. Si vous croyez qu'il n'y aura jamais de plan de régularisations, c'est que vous ne tenez aucun compte de la réalité : 40 000 personnes c'est fort peu de monde. Nous en avons régularisé plus de 200 000 en 1981. Quel est, selon vous, le nombre des clandestins en France ? Dites un chiffre ! Par définition, personne ne peut le connaître avec précision : 800 000 ? 400 000 ? Mettons qu'il n'y en ait que 200 000. Réfléchissez : comment les ferez-vous partir ? Combien de trains faudra-t-il ?
Combien d'avions ? Iront-ils tous au même endroit ? Vous n'échapperez pas à la nécessité d'une régularisation, laquelle permettra de remettre les compteurs à zéro et de s'entendre avec ceux qui sont là, cachés, se terrant, allant d'un endroit à l'autre parce qu'ils n'ont pas de papiers, qu'ils sont surexploités dans les entreprises où ils sont embauchés précisément parce qu'ils n'ont pas de papiers. Voilà pourquoi vous n'y échapperez pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. - Exclamations sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
J'invite chacun à se montrer respectueux d'autrui.
La parole est à M. Guillaume Larrivé.
Au nom des Républicains, je voudrais m'adresser au président du groupe La République en marche, Richard Ferrand, qui nous fait l'honneur de sa présence, certes discrète, mais réelle, à nos débats.
Depuis des heures, sur la question des régularisations, les prises de parole du groupe majoritaire que vous présidez, monsieur Ferrand, sont dissonantes. Il y a quelques minutes, Mme Stella Dupont, députée En marche, nous a indiqué, dans ce qui ressemblait à un plaidoyer, qu'elle escomptait demander, voire imposer au Gouvernement une accélération du nombre des régularisations.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le président Mélenchon, à l'instant, a rappelé, à juste titre, la présence dans notre pays, aujourd'hui, de 400 000 à 500 000 étrangers en situation irrégulière – peut-être plus. Jean-Michel Clément, député du groupe majoritaire, et moi-même avons démontré dans un rapport que 183 000 régularisations ont déjà été prononcées entre 2012 et 2017, lorsque vous étiez, monsieur Ferrand, député socialiste soutenant des gouvernements socialistes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes donc fondés à vous demander quelle est votre position, à vous président du groupe majoritaire. Souhaitez-vous que Mme Gourault, ministre, ou que M. Collomb, ministre d'État, nous disent si, oui ou non, M. Macron et sa majorité parlementaire à l'Assemblée nationale envisagent une régularisation massive de clandestins en France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vous remercie, monsieur Larrivé, pour cette intervention. Je n'ai toutefois pas saisi le lien existant entre votre interpellation du président du groupe majoritaire et l'amendement en discussion.
Je mets aux voix l'amendement no 949 .
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 140 |
Nombre de suffrages exprimés | 139 |
Majorité absolue | 70 |
Pour l'adoption | 14 |
contre | 125 |
L'amendement no 949 n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement no 507 .
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement.
À ce stade de nos débats, alors que des éléments extrêmement importants et troublants viennent d'être communiqués par un membre de la majorité, devant le silence de la ministre et du président du groupe majoritaire, nous réclamons solennellement la venue du ministre d'État afin qu'il s'explique devant la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Dois-je comprendre, monsieur Ciotti, que vous avez défendu l'amendement no 507 ?
Nous souhaitons obtenir une réponse. Dans l'attente du retour de M. le ministre d'État, nous demandons une suspension de séance.
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, entre dans l'hémicycle. – Rires et exclamations sur tous les bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – De nombreux députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.
Monsieur Ciotti, je vais finir par croire que vous vous étiez mis d'accord avec M. le ministre d'État. Cela en inquiéterait plus d'un !
Sourires.
Mes chers collègues, saluons comme il se doit la présence de M. le ministre d'État parmi nous.
Monsieur Ciotti, je vous redonne la parole pour soutenir l'amendement no 507 .
L'amendement no 507 vise à revenir sur un point extrêmement important. Vous venez de déconstruire la loi portée par notre collègue Jean-Luc Warsmann sur l'application du règlement Dublin. Or je vous rappelle que 25 000 étrangers relevant de ce règlement n'ont pas été éloignés de notre territoire : alors que la loi Warsmann prévoyait leur placement en rétention, notamment en cas de risque avéré de fuite ou lorsque la personne avait refusé le relevé de ses empreintes digitales – c'était bien le moins ! – , vous avez supprimé cette disposition extrêmement importante, ce qui revient à priver la loi de tout effet. Ainsi, vous avez fait une concession à l'aile gauche de votre majorité. Pour notre part, dans un souci d'efficacité, nous proposons de revenir à l'essence même de la loi Warsmann et de reconduire réellement à la frontière les personnes dont la demande doit être examinée dans le premier pays d'entrée dans l'Union européenne.
Nous avons déjà débattu de ce sujet en commission. Notre objectif était de revenir sur les modifications apportées par le Sénat à la loi Warsmann et de rétablir la version adoptée par l'Assemblée nationale. Cet objectif a été atteint par les travaux de la commission. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis que Mme la rapporteure.
Nous débattons aujourd'hui de la politique migratoire de la France. Or, 40 000 personnes, c'est beaucoup plus que toutes les demandes d'asile acceptées l'année dernière.
Alors que nos capacités d'accueil sont complètement saturées, il est irresponsable de dire aujourd'hui devant nous que vous comptez régulariser 40 000 clandestins. Comment poursuivre le débat sans entendre une prise de position claire des dirigeants de la majorité et du Gouvernement au sujet de cette volonté présidentielle de régulariser massivement des individus qui ont violé les lois de notre pays ? Nous avons droit à une réponse. Nous la demandons depuis cinq jours mais, compte tenu des aveux qui ont été faits, elle devient dramatiquement urgente.
Nous devons faire attention à la manière dont nous nous exprimons dans cet hémicycle. S'il est question de régularisation – ce que je ne sais pas – , je demande qu'on le fasse dans le respect des personnes concernées. Nous ne parlons pas de voyous ou de criminels.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, NG et GDR, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Pour la plus grande part d'entre eux, ce sont de pauvres malheureux qui ont été surexploités…
… et à qui il est juste de donner des papiers, à intervalles réguliers, pour qu'ils puissent avoir une vie, eux et leurs enfants.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 144 |
Nombre de suffrages exprimés | 144 |
Majorité absolue | 73 |
Pour l'adoption | 27 |
contre | 117 |
L'amendement no 507 n'est pas adopté.
La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l'amendement no 622 .
Monsieur le président, permettez-moi d'abord de me féliciter qu'à l'incantation de M. Ciotti, M. le ministre de l'intérieur soit apparu.
Monsieur le ministre d'État, je ne sais si vous avez pris l'hélicoptère de M. Mélenchon, mais c'est une bonne chose que vous soyez là. Personnellement, je m'en félicite, vu l'excellence de votre travail et de vos réponses.
L'amendement no 622 vise à supprimer l'alinéa 6, qui abroge le 5° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – CESEDA – , lequel dispose que le risque non négligeable de fuite peut être considéré comme établi « si l'étranger refuse de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ou s'il altère volontairement ces dernières pour empêcher leur enregistrement ». En effet, une telle attitude doit être considérée comme caractérisant un risque de fuite. Il est évident que le refus de se soumettre à un relevé d'empreintes digitales signifie que l'on a quelque chose à se reprocher. Nous devons absolument en tenir compte, ne serait-ce qu'en considération de la menace que peut faire peser sur notre pays l'entrée sur notre territoire d'individus qui pourraient être dangereux – je ne dis pas qu'ils le sont, monsieur Mélenchon.
Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.
Monsieur le président, permettez-moi de prendre quelques secondes pour évoquer l'un de nos combats passés : c'est aujourd'hui l'anniversaire du droit de vote des femmes, qui a été accordé à ces dernières le 21 avril 1944.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.
Merci, madame la rapporteure, pour ce rappel salutaire.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Il vient de se passer quelque chose qui me semble assez grave : en rejetant l'amendement no 507 déposé par Éric Ciotti, la majorité vient de revenir sur ce qu'elle avait elle-même voté il y a un mois. L'amendement no 622 permettrait de rétablir, en partie, les dispositions que vous entendez abroger.
En réalité, chers collègues de la majorité, vous ne savez pas toujours ce que vous votez. Vous êtes les représentants de la nation française. Il me semble incohérent de rejeter aujourd'hui des amendements qui rétablissent la rédaction d'un texte que vous avez voté il y a quelques semaines. Je suis certain que tous ceux qui suivent nos débats trouvent également cela tout à fait incohérent.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Nous voterons contre l'amendement no 622 . Cependant, cette situation nuit à la sincérité de nos débats, pour parler en termes constitutionnels. Mme la rapporteure, qui était responsable de la proposition de loi Warsmann pour la majorité, avait évoqué avec beaucoup de solennité l'impérieuse nécessité de voter conforme le texte adopté par le Sénat. Par un arrangement qui relève du tour de passe-passe, nous revenons maintenant sur ces dispositions. Tant mieux ! Mais alors, comment croire aux promesses qui nous sont faites aujourd'hui, sur un ton ferme et sincère ? Cette loi elle-même sera peut-être détricotée un jour ! On a promis à certains de déposer une proposition de loi sur la rétention des mineurs, mais quel crédit accorder à nos débats au regard de la manipulation à laquelle s'est livrée la majorité ? Vous avez voté la proposition de loi Warsmann en sachant pertinemment qu'elle allait être détricotée ! Et après, on nous explique que le temps parlementaire est important, qu'il faut faire mieux et vite… Vous faites tout le contraire ! Votre méthode, qui est non pas rapide mais précipitée, mène à ce genre de pas de deux assez ridicule.
L'amendement no 622 n'est pas adopté.
Cet amendement va dans le même sens que le précédent. Il vise à supprimer l'alinéa 7, qui revient aujourd'hui sur une loi que vous avez votée il y a quelques semaines. Cet alinéa supprime un certain nombre de motifs possibles au placement en rétention d'un migrant. Or le fait qu'un étranger dissimule des informations sur son parcours montre qu'il ne fait pas confiance aux autorités françaises.
L'amendement no 623 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Avant de présenter mon amendement, il me semble important de rappeler que ce n'est pas ce projet de loi qui instaure ou permet la rétention des mineurs. Celle-ci est permise par l'article 35 de la loi du 7 mars 2016.
Non, madame Obono, je ne suis pas sûr que l'on fasse pire.
La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme – CEDH – , sur la base des articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, s'agissant de sa politique de rétention de mineurs, que le Défenseur des droits a également fortement critiquée. Je pense donc qu'il est temps d'inscrire l'interdiction de la rétention des mineurs dans le marbre de notre loi.
Oui, nous devons faire le choix d'inscrire dans ce projet de loi, de façon définitive, l'interdiction de la rétention des mineurs. On ne peut pas imaginer des enfants derrière les barreaux des CRA de France.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR, et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Cet amendement vise également à interdire le placement des mineurs en rétention administrative. Par cette pratique, la France contrevient au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé notamment par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. La CEDH a considéré que la rétention des enfants pouvait constituer un traitement inhumain et dégradant ; en 2016, la Cour a condamné la France pour pratiques dégradantes à l'encontre des enfants enfermés. Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe ainsi que le Défenseur des droits sont opposés à cette mesure et ont demandé qu'il soit mis fin à la rétention des mineurs, alors même que cette pratique est de plus en plus souvent utilisée.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Cet amendement touche au coeur de nos préoccupations. Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, nous faisons appel à la sagesse de M. le ministre d'État et demandons que soit revue la situation des mineurs placés en rétention. Effectivement, la rétention administrative des mineurs, qu'ils soient accompagnés ou non, est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. À plusieurs reprises, la France a été condamnée par la CEDH, notamment en juillet 2016, dans cinq affaires différentes, sur le fondement de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.
J'ajoute, pour faire suite à ce que vient d'expliquer M. Balanant, que cela ne date pas d'aujourd'hui : en 2012, la CEDH condamnait la France. François Hollande, candidat à la présidence de la République, avait pris l'engagement d'« interdire les placements en rétention des familles avec enfants dès mai 2012, au nom de l'intérêt supérieur des enfants, qui doit primer » et, en juillet 2012, une circulaire de Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, demandait aux préfets de région et de département de recourir, pour les mineurs, à l'assignation à résidence plutôt qu'au placement en rétention. En 2016, le législateur est intervenu pour consacrer au niveau législatif l'interdiction de placer en rétention les parents accompagnés de mineurs, en ajoutant des exceptions très encadrées. Aujourd'hui, vous généralisez cette possibilité : c'est ce que nous condamnons.
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l'amendement no 583 .
Dans un journal de l'Est, voilà quelques jours, un billet titrait : « Loi asile et immigration : l'ignominie de la République ? », s'interrogeant sur notre capacité à nous prétendre en démocratie tout en ayant l'ignominie d'enfermer des enfants et de leur infliger des barreaux aux fenêtres, des gardiens et des murs gris en raison de leur statut d'étrangers.
La France a déjà été condamnée six fois par la Cour européenne des droits de l'homme pour la rétention d'enfants, qualifiée de traitement inhumain et dégradant. Depuis le 1er janvier 2018, ce sont 27 familles et 47 enfants qui ont déjà été victimes de cette politique en métropole. Profitez de ce texte, je vous en conjure, pour mettre un terme à l'enfermement des enfants.
Chers collègues, dois-je vous rappeler, une fois de plus, que la France est signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant ? Dois-je vous rappeler que la présidente du comité de celle-ci a très récemment déclaré que l'enfermement d'enfants, qu'ils soient isolés ou considérés sur la base du statut migratoire de leurs parents, n'est jamais dans l'intérêt supérieur des enfants et constitue une violation de leurs droits ? Dois-je vous rappeler que la totalité des autorités administratives indépendantes et des associations d'aide aux étrangers et de protection de l'enfance s'insurgent contre le maintien de la rétention des mineurs ? Dois-je vous rappeler que 100 000 citoyens ont déjà signé une pétition pour demander son interdiction ?
Il n'existe aucune circonstance justifiant la privation de liberté d'un enfant du fait de son statut de migrant. Maintenir cette rétention, dont vous augmentez la durée, c'est traiter les enfants en adultes, en dépit de toute humanité et du droit le plus élémentaire de la protection de l'enfance.
Je serai brève, car mes arguments ont déjà été utilisés par mes collègues. Je me contenterai donc de rappeler, en tant qu'élue de l'outre-mer, qu'à Mayotte, 4 285 enfants sont concernés, et de répéter que nous voulons en effet supprimer la possibilité de placer des mineurs en centre de rétention.
Mon propos poursuivra celui de nos collègues qui ont déjà présenté des amendements similaires car, à force de répéter ces faits et ces réalités, peut-être finiront-ils par s'imprimer et finirez-vous par être convaincus de cette nécessité.
Nous souhaitons, avec cet amendement, garantir pleinement l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que défini par l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, lorsque des enfants sont, ainsi que leurs parents, en situation irrégulière sur notre territoire. Si l'on comptait près de 10 000 mineurs isolés en 2017, les enfants migrants ne sont pas, pour l'essentiel, des mineurs isolés. En 2017, on dénombrait en effet 50 000 enfants migrants arrivés avec leurs parents. Ainsi, il est également primordial de s'assurer que leurs parents, leur tuteur ou toute personne légalement responsable d'eux ne pourront être placés en rétention.
La France est, comme cela a été dit, sous surveillance régulière et sévère de l'ONU. L'UNICEF a dénoncé fermement, en mai 2017, les risques pour les enfants migrants en France. Cette dernière, qui se rappelle toujours et rappelle au reste du monde qu'elle est la patrie des droits humains, est pourtant devenue, par sa pratique et par la continuité assumée de politiques dans lesquelles la majorité s'inscrit aujourd'hui, l'objet de dénonciations et connaît une forme de rétrogradation qui la ramène aux comportements de pays que nous dénonçons nous-mêmes. Nous devons mettre fin immédiatement aux violations les plus graves.
Enfin, il a été dit tout à l'heure que les CRA seraient aménagés – on ne sait trop comment ni avec quel budget – pour rendre, en quelque sorte, plus agréable et plus acceptable le fait de mettre des enfants en prison. Chers collègues membres de la commission des lois, vous avez visité des CRA et des prisons : on peut mettre tous les toboggans, toutes les fleurs et tous les accommodements que l'on veut, cela ne change rien, non seulement au principe, …
… mais aussi à la réalité de ce qui va être fait. Arrêtez donc de vous voiler la face et votez pour ces amendements, pour sauvegarder au moins…
Merci, madame Obono. Vous n'avez plus la parole.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 806 .
Sur cet amendement no 806 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Cet amendement vise lui aussi à interdire la rétention des enfants mineurs. Dois-je rappeler que, paradoxalement, cette rétention ne cesse d'augmenter ? En 2017, en effet, il y a eu autant d'enfants en rétention que durant les quatre années précédentes. Nous sommes donc sur une pente très dangereuse. Je rappelle aussi que notre pays a été condamné à cinq reprises par la Cour européenne des droits de l'homme pour traitements inhumains et dégradants, pour atteinte au droit à la liberté et à la sûreté et pour atteinte au droit au respect de la vie familiale.
Il y a tout de même un paradoxe – et même, je n'ai pas peur de le dire, une certaine honte – à ce que notre pays, qui se réclame de l'État de droit et n'hésite pas, quand il le faut – et plus souvent qu'à son tour – , à donner des leçons au monde, soit condamné et, à mesure qu'il est condamné, s'enferre de plus en plus dans une politique de rétention des enfants. Il est donc temps d'y mettre un terme et de nous conformer au droit international et aux conventions que nous avons signées, notamment en matière de droits de l'enfant.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
La rétention des familles avec mineurs est un sujet épineux, qui a traversé nos travaux pendant les auditions et l'examen du texte en commission. Nous pouvons tous souscrire à l'objectif de trouver des solutions à ces situations. Pour ce qui est des solutions matérielles à court terme, nous avons eu des engagements de M. le ministre d'État sur des conditions d'accueil plus dignes et plus adaptées de ces familles en centre de rétention administrative, mais il faut aussi et surtout trouver des solutions juridiques pour limiter ces rétentions à ce qui est strictement nécessaire pour la reconduite.
À cette fin, il faut nous donner le temps de construire ces solutions, sans en arriver à des situations où ces familles ne pourraient plus être reconduites, où l'on séparerait des familles qui doivent être reconduites et où les familles ou les enfants seraient instrumentalisés par des passeurs, et en évitant d'aggraver la situation, déjà explosive, que connaît Mayotte.
Je vous invite tous à travailler ensemble pour construire ces solutions. Avis défavorable à ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes NG et GDR.
Sur l'amendement no 950 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mesdames, messieurs les députés, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer ce matin sur un sujet dont chacun ici comprend la difficulté. Je rappelle que la rétention n'intervient qu'en dernier lieu, lorsque d'autres solutions d'éloignement ont échoué. Je rappelle également que cette procédure est toujours strictement encadrée, qu'elle n'intervient que lorsque la famille s'est déjà soustraite à une procédure d'éloignement – autrement dit, lorsque la famille placée en assignation à résidence a essayé de fuir – et que notre problème est donc de savoir si nous voulons que tout le monde puisse rester en France, y compris, comme je le disais, des ressortissants de pays qui peuvent venir sans visa et qui demandent immédiatement le droit d'asile.
Cela a des conséquences funestes : le dispositif national d'asile étant aujourd'hui occupé à 20 % par des gens qui devraient être éloignés immédiatement, il est totalement embolisé, ce qui conduit à abriter en centres d'hébergement d'urgence des populations qui, si le fonctionnement était normal, devraient relever de ce dispositif. Cela revient donc à placer des enfants à l'hôtel, avec leurs familles : je voudrais que l'on pense aussi à ces enfants-là, car notre attention ne peut pas être sélective
Exclamations sur quelques bancs du groupe FI
et je ne veux pas que ces enfants soient là. Il peut même arriver que d'autres enfants, parce qu'ils sont pas accueillis, se trouvent dans la rue.
Nous voulons donc des solutions qui permettent d'éloigner, mais qui, en même temps, soient dignes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Dans une recommandation du 7 mars 2017, l'Union européenne disait, comme nous le faisons, qu'en dernier lieu, pour pouvoir éloigner, il fallait pouvoir placer des familles en rétention. Je rappelle que ces familles ont toujours la possibilité de confier leurs enfants à l'aide sociale à l'enfance – ASE – pour qu'ils soient placés dans des familles le temps que leur dossier soit instruit.
Enfin, comme je l'ai dit ce matin, ce ne sont pas là de vaines promesses. Lorsque je parlais, voilà sept ou huit mois, de réaliser des centres d'accueil et d'examen des situations – CAES – , on me disait que cela n'existerait jamais : il y en a aujourd'hui un par région et trois dans le Pas-de-Calais.
Exclamations sur quelques bancs du groupe FI.
Donc, entre ce que nous disons et ce que nous faisons, il y a une égalité. Oui, nous disons des choses, puis nous les réalisons.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'assure l'ensemble des députés que nous prêterons une attention extrême à ce problème, mais je vous demande d'émettre un vote défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En matière migratoire, il est très important que le respect du droit soit rétabli. Monsieur Mélenchon, je suis désolé de devoir le dire, mais quand on entre sur le territoire français de manière illégale, on a violé le droit français et on est dans l'illégalité. Vous pouvez avoir sur ce point une appréciation morale différente et plus légère, mais cela n'en reste pas moins un manquement et une violation de nos lois.
Je comprends que, sur ce sujet, vous soyez l'allié objectif de la majorité et que vous applaudissiez ce plan de régularisation de 40 000 clandestins, mais on ne peut, à ce stade, rester sans savoir comment et sur quels critères le Gouvernement choisira les 40 000 clandestins qu'il souhaite régulariser.
Monsieur le ministre, je vous remercie donc de nous éclairer sur les objectifs et sur la méthode de ce plan.
Pour ce qui concerne, par ailleurs, les mineurs en centre de rétention, j'ai compris que vous aviez promis qu'il y aurait un autre texte et que vous examineriez de près les conditions de placement en centre de rétention, mais quand je vous écoute, j'entends qu'à un certain moment, on peut – ou on va – séparer les enfants de leurs parents, ce qui serait encore pire que de les placer ensemble dans un centre de rétention. À quand renvoyez-vous ce texte, et dans quel but ? Il nous faut des réponses très précises pour pouvoir continuer à avancer dans ce débat.
Monsieur le ministre, il est un point sur lequel nous sommes d'accord : vous nous invitez à écarter ces amendements. Oui, je vous accompagnerai pour les écarter, mais peut-être pas forcément pour les mêmes raisons que celles avancées par la majorité.
Je veux exprimer publiquement un regret, madame la rapporteure : peut-être auriez-vous pu vous rendre à Mayotte pour une petite visite avant de présenter un tel projet de loi. Il n'est pas trop tard pour bien faire ! Si je pouvais demander la suspension de l'examen de ce projet jusqu'à ce que le ministre d'État vienne avec une délégation de la majorité pour voir ce qu'il se passe réellement à Mayotte, ce serait une excellente initiative.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
En tout cas, je vous y invite, monsieur le ministre d'État, en espérant que vous viendrez avec, dans votre avion, un certain nombre de nos collègues pour voir la réalité. Il faut sortir de la théorie et entrer dans la réalité.
Si, à Mayotte, nous refusons de placer en centre de rétention des enfants avec leurs parents, il faudra construire 100 000 logements exclusivement dédiés au placement en rétention des personnes en situation irrégulière alors que, dans le même temps, il n'y a aucune politique de logement social pour ceux qui sont en situation régulière à Mayotte. Autrement dit, on favoriserait ceux qui sont en situation irrégulière.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre d'État, je poserai ma question, même si je sais qu'à chaque fois, vous oubliez Mayotte dans votre réponse. Ainsi, hier, je vous ai demandé les statistiques sur les migrants…
J'en finis, monsieur le président, mais le sujet est grave. Les Comores refusent la réadmission de leur population. Tous les jours arrivent à Mayotte deux ou trois kwassas bourrés de centaines de personnes venues d'un peu partout et que nous n'arrivons pas à reconduire. La situation est extrêmement tendue, elle est grave : que comptez-vous faire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Je constate que nous progressons dans notre façon de discuter : ce matin, monsieur le ministre, vous avez commencé à répondre et, cet après-midi, vous répondez à peu près aux questions que nous vous posons au moment où nous vous les posons – c'est bien, on avance !
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Néanmoins, la discussion de cet article est symptomatique du mode de fonctionnement tant de votre gouvernement que de l'Assemblée. Avec ce texte, nous allons revenir sur un texte voté il y a trois semaines : c'est bien la preuve que vous êtes tout à fait capables de nous faire voter un texte aujourd'hui, ou peut-être demain, ou encore lundi, et de revenir ensuite avec une proposition de loi changeant complètement de stratégie.
Cela m'amène à cette question que nous vous posons depuis hier, et qui a été dévoilée par le média Contexte, un journal très sérieux : existe-t-il une stratégie de la majorité consistant à prévoir une nouvelle proposition de loi sur la question du placement des mineurs en centre de rétention administrative, qui compenserait la difficulté du débat à laquelle vous faites face aujourd'hui ?
Si tel était le cas, le signal envoyé serait grandement inquiétant car la majorité proposerait une solution similaire à celle prônée par John Kelly, ancien secrétaire d'État à la sécurité intérieure de Donald Trump, qui voulait séparer les mineurs des clandestins pour décourager ceux-ci de venir sur le territoire américain. Est-ce cette stratégie inhumaine que vous majorité est en train de nous cacher ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Si j'ai bien compris la logique de M. Collomb, il faut penser aux enfants migrants qui ne sont pas dans les centres de rétention par rapport aux enfants que l'on compte mettre en centre de rétention, et ce pour justifier le fait que l'on compte mettre des enfants en centre de rétention jusqu'à quatre-vingt-dix jours.
Je trouve cette logique implacable, tout comme celle du Front national, qui nous explique qu'il faut penser aux SDF bien français qui dorment sous les ponts –
« Oui ! » parmi les députés non inscrits
ils ne sont d'ailleurs pas accueillis dans le château de Mme Le Pen – pour justifier que des migrants soient repoussés.
C'est une logique d'opposition, de tri des « bons » SDF, dont on ne s'occupe d'ailleurs jamais quand il ne s'agit pas de les opposer aux migrants, et maintenant entre les « bons » enfants, ceux qui seraient à plaindre parce qu'ils sont à l'hôtel, et ceux placés en centre de rétention administrative, qui ne seraient pas à plaindre.
Cette logique montre à quel point la pente suivie par ce projet de loi est dangereuse. Mme la rapporteure célébrait un certain 21 avril, lorsqu'on nous avait dit qu'il fallait faire barrage au Front national. Je ne suis pas sûre qu'applaudir la mise en concurrence des malheurs des enfants, qu'ils soient en centre de rétention administrative ou en dehors, pour justifier de voter ce texte soit vraiment une manière de commémorer le 21 avril et l'appel à faire barrage au Front national.
Madame Obono, vous avez épuisé votre temps de parole.
La parole est à Mme Laurence Dumont.
Je ne comprends pas la logique de l'argumentation développée par Mme la rapporteure. Nous sommes présents ce week-end à l'Assemblée nationale pour écrire la loi. Nous pouvons interdire aujourd'hui, si nous le souhaitons, l'enfermement des mineurs : il suffit de le décider aujourd'hui. Mais comme je vois que j'ai du mal à convaincre un certain nombre d'entre vous, je veux faire usage d'un argument qui a été peu entendu dans la discussion sur cet article, concernant les conséquences de l'enfermement sur les enfants.
En renfort de mon argumentation, je veux vous citer quelques phrases d'une tribune collective publiée récemment, signée, entre autres, par le président de la Ligue des droits de l'homme, Médecins du monde, le GISTI, Pierre Joxe et j'en passe : « Mais la honte ne s'arrête pas à l'enfermement. En s'obstinant à maintenir les placements d'enfants en centre de rétention, la France refuse aussi de prendre en compte les dramatiques conséquences de cet enfermement. Celui-ci laisse souvent des enfants anxieux, déprimés, avec des difficultés de sommeil et des problèmes dans leur développement physique et psychique. [… ] l'enfermement, même pour une brève période, entraîne chez l'enfant des troubles semblables à ceux qui peuvent se manifester lors d'un état de stress post-traumatique. »
Mes chers collègues, mettons fin à cette rétention des mineurs : vous ne pouvez pas voter cet après-midi un enfermement des mineurs pour trois mois. Monsieur le ministre, je vous le dis comme je le pense : l'alternative que vous avez expliquée ce matin, consistant à laisser aux parents le choix entre l'enfermement de leurs enfants ou la séparation des enfants de leurs parents, est inconcevable ou indigne !
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Nous sommes en réalité à peu près tous d'accord sur cette question des mineurs : personne, dans cet hémicycle, n'a envie que des mineurs soient placés en centre de rétention. Personne ne me semble être sur cette ligne, donc maintenant, avançons ! Je souhaite que cela soit gravé définitivement dans le marbre de notre loi, même si je ne suis pas sûr que cette voix l'emporte ce soir.
La séparation des enfants de leurs parents n'est pas davantage souhaitée. Nous devons collectivement nous mettre autour de la table pour trouver des solutions alternatives. Il en existe puisque certaines personnes n'ont pas vocation à rester dans notre pays : c'est une réalité, il y a des familles qui ne pourront pas rester. Elles ont épuisé leurs recours et la justice a décidé qu'elles ne devaient pas rester.
Trouvons des solutions ! Nous pouvons envisager un montage, avec la rétention juste avant de prendre l'avion – pas dans un centre de rétention administrative, mais peut-être dans un hôtel : c'est une voie à explorer comme une autre. Des enfants derrière les grillages des CRA, pour ma part, j'ai du mal à le supporter !
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR et FI, et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le sujet de l'enfermement, de la privation de liberté, de la rétention des enfants est extrêmement grave. La pente suivie par notre pays ne cesse d'accroître le nombre d'enfants enfermés et donc la mise à distance de notre pays du droit international et des conventions qu'il a signées, notamment les conventions sur les droits de l'enfant, ainsi que la multiplication des condamnations.
J'ai entendu votre proposition, madame la rapporteure, monsieur le ministre, sur la création d'une commission et éventuellement la présentation d'une proposition de loi. On pourrait ironiser sur l'argument consistant, devant un problème difficile, à proposer la création d'une commission, mais je ne le ferai pas car je prends cette proposition au pied de la lettre.
En revanche – là je ne vous suis pas et je soutiens les amendements – pourquoi ne pas aujourd'hui, dans la loi, se mettre en conformité avec les conventions que nous avons signées, avec le droit international ? Pourquoi ne pas interdire l'enfermement des enfants et travailler dans le cadre d'une mission pour éventuellement, dans le cadre d'une future proposition de loi, mettre en conformité la question du droit des enfants et la politique migratoire que le pays se sera donnée ? Je ne l'exclus pas, mais cela passe d'abord par une position de principe pour notre pays, qui l'honorerait : l'interdiction de la rétention des enfants.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI.
Ce sujet éminemment sensible doit pouvoir rassembler plusieurs formations politiques dans l'hémicycle. Je veux rappeler la réalité : pour l'année 2017, sur le territoire métropolitain, 275 enfants ont fait l'objet d'une rétention avec leur famille, pour 134 familles, sur 26 000 retenus. À Mayotte, en 2017, il y a eu 4 200 rétentions d'enfants. C'est donc un sujet absolument majeur.
Je veux rappeler ceci à Laurence Dumont, qui en parlait il y a quelques instants : j'ai le souvenir de l'engagement, pris très fermement en 2011, d'abroger la rétention des familles. Nous avons finalement inscrit la rétention des mineurs dans la loi du 31 décembre 2012, alors qu'elle ne figurait absolument pas dans la loi auparavant – c'est tout le paradoxe – afin de l'encadrer. En 2012, 42 enfants ont été retenus ; en 2016, 164 enfants ; et en 2017, 275 enfants. Bien sûr que cette situation n'est pas satisfaisante !
Sur ce sujet, les problèmes opérationnels sont extrêmement lourds et extrêmement graves. À Mayotte, la question migratoire est littéralement explosive. Si nous devions mettre fin à l'interdiction de la rétention à Mayotte, la situation serait inextricable. Pourrions-nous nous permettre d'interdire la rétention des mineurs sur le territoire métropolitain et la maintenir sur les territoires ultramarins ? Au nom de quelle égalité républicaine pourrions-nous nous le permettre ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pour conclure, nous considérons que ce projet de loi ne peut pas être le solde pour tous comptes de cette question sensible. Nous continuerons donc à travailler dans les prochains mois sur cette question.
Nous aborderons tous les sujets, nous mettrons absolument tout à plat et rien ne sera laissé au hasard.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 155 |
Nombre de suffrages exprimés | 144 |
Majorité absolue | 73 |
Pour l'adoption | 25 |
contre | 119 |
En marche avec le Front national, une fois de plus ! C'est le bulletin Républicains-Front national-En Marche !
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 130 |
Nombre de suffrages exprimés | 123 |
Majorité absolue | 62 |
Pour l'adoption | 21 |
contre | 102 |
L'amendement no 950 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 150 |
Nombre de suffrages exprimés | 141 |
Majorité absolue | 71 |
Pour l'adoption | 24 |
contre | 117 |
L'amendement no 806 n'est pas adopté.
Bravo Le Pen, En Marche et les Républicains ! Bravo pour les enfants ! Vous pouvez être fiers de vous !
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Dans un objectif de respect de la dignité humaine, cet amendement dispose que l'autorité administrative devra prendre en compte la vulnérabilité de la personne en situation de handicap lors de la détermination de la durée du placement en rétention.
Dans son avis, le Défenseur des droits a émis des réserves importantes s'agissant de l'absence de prise en compte de la vulnérabilité des personnes, en raison notamment d'un handicap moteur, cognitif ou psychique. Cet amendement vise à assurer la prise en compte de cette vulnérabilité.
Applaudissements sur tous les bancs.
Cet amendement concerne effectivement le placement en rétention des personnes en situation de handicap. La notion de vulnérabilité que ma collègue vient d'évoquer et qui englobe la question du handicap, est déjà présente dans notre droit au travers de l'article 21 de la directive européenne du 26 juin 2013, retranscrit dans la loi relative à la réforme du droit d'asile du 29 juillet 2015. L'OFPRA lui-même l'a intégré dans son guide des procédures, publié en novembre 2015, qui contribue notamment à la formation de ses personnels.
J'ajouterai à ce qui a été dit par ma collègue que cette notion de vulnérabilité présente dans la loi traduit une vision étriquée de ce qu'est le handicap puisqu'elle renvoie au seul état physique, cognitif ou mental. Or le handicap est aussi provoqué ou aggravé par l'environnement de la personne. Faire comprendre cela suppose un véritable combat culturel qui doit être mené sur tous les bancs de cette assemblée et doit irriguer toutes nos politiques publiques, notamment celle que nous examinons aujourd'hui. Il faut appréhender le handicap, non seulement comme un état de vulnérabilité, comme le fait notre droit, mais aussi dans sa dimension biologique, c'est-à-dire dans l'environnement dans lequel celui-ci doit être appréhendé.
C'est la raison pour laquelle nous proposons que la décision de placement en rétention et la durée de la rétention prennent en compte non seulement le handicap de la personne, sa vulnérabilité, mais également les conditions d'accueil et d'accompagnement dont elle pourra bénéficier en centre de rétention.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie pour ces deux amendements. Nous y avons travaillé en commission puisque nous avons adopté, aux alinéas 3 à 5 de l'article 16, un amendement selon lequel les placements en rétention devront être faits sur la base d'une évaluation individuelle prenant en compte l'état de vulnérabilité de l'intéressé. C'était le cas des placements en rétention des personnes sous procédure Dublin et nous l'avons étendu aux placements en centre de rétention administrative.
Tout en entendant les spécificités, il me semble que la prise en compte de la vulnérabilité concerne toutes les personnes en situation de handicap et que vos amendements sont satisfaits. C'est pourquoi je vous demanderai de les retirer. À défaut l'avis serait défavorable.
Même avis que Mme la rapporteure.
C'est précisément toute la différence : prendre en compte non seulement l'état de vulnérabilité, mais aussi les conditions d'accueil et d'accompagnement, ce qu'on appelle l'accessibilité universelle des centres de rétention.
Pour en avoir discuté avec les diverses autorités administratives indépendantes de ce pays, avec des médecins de CHU qui interviennent dans ce domaine, avec les associations, qui ont été confrontées à des cas très concrets ainsi qu'avec un certain nombre de mes collègues du Conseil national consultatif des personnes handicapées – CNCPH – , je peux vous dire que ces éléments ne sont pas aujourd'hui pris en considération. Aujourd'hui, seuls les centres de rétention administrative de Sète, de Strasbourg et de Mayotte répondent aux conditions d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap et les décisions de placement ne prennent pas en compte cette dimension environnementale.
C'est pourquoi je maintiens mon amendement et vous invite à l'adopter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, UDI-Agir et NG.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 327 .
La rédaction que vous proposez pour le deuxième alinéa de l'article L. 551-2 du CESEDA aura pour effet de retarder l'effectivité des droits du demandeur d'asile placé en rétention, notamment le droit de disposer d'un interprète, d'un conseil, d'un médecin, d'accéder à son consulat ou à toute personne de son choix. Cet amendement vise à restaurer l'accès à ces droits dès le transfert vers un centre de rétention, et non plus à l'arrivée dans ledit centre.
Je voudrais par ailleurs réagir aux propos de notre collègue Boudié, qui réécrit l'histoire pour la falsifier.
Si ! Il faut toujours regarder les choses dans le détail. Le législateur s'était prononcé en mars 2016 pour que l'on ne puisse plus maintenir des enfants dans les centres administratifs, mais le Premier ministre de l'époque, qui s'appelait Manuel Valls et que vous avez longuement soutenu, …
Il est plus logique que les personnes soient informées de leurs droits à leur arrivée au centre plutôt que pendant le trajet. C'est en effet à leur arrivée qu'ils pourront avoir accès à un médecin, un avocat, un interprète entre autres. Donc, avis défavorable.
L'amendement no 327 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour soutenir l'amendement no 944 .
Cet amendement vise à préserver l'intérêt du requérant et la qualité de la prise de décision par le juge plutôt que la simple facilitation organisationnelle qui pourrait être résolue par l'octroi de moyens humains et financiers à l'autorité judiciaire, en l'occurrence le juge des libertés et de la détention.
Comme le relève l'étude d'impact du projet de loi, cette réforme n'est absolument pas envisagée dans l'intérêt du requérant ou de la qualité de la décision du juge. Comme vous le savez, le juge des libertés et de la détention dispose actuellement de vingt-quatre heures pour statuer sur la requête du préfet aux fins de prolongation de la rétention. Le Gouvernement nous propose d'allonger ce délai, avec la volonté d'éviter un engorgement trop massif des tribunaux.
Rappelons qu'en 2016 la France a été pour cette raison condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour considérant que l'ensemble des aspects conditionnant la rétention doivent être examinés dans un délai très bref.
C'est une question de bon sens et de bonne administration de la justice. Quand un JLD doit statuer un dimanche, par exemple, on se retrouve avec des permanenciers qui ne sont pas du tout au fait des questions de droit des étrangers, alors qu'il est important de les connaître dans le détail. Il est donc impératif d'allonger ce délai et de permettre au JLD de statuer à quarante-huit heures. Avis défavorable.
Sur l'amendement no 944 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Même avis que Mme la rapporteure.
Les magistrats et les avocats eux-mêmes ne cessent de dénoncer la sous-dotation de notre justice et ce n'est pas le budget 2018 qui l'aidera à rattraper son retard. Plutôt que de donner au juge des libertés les moyens de statuer sur des sujets aussi sérieux, où l'erreur peut avoir des conséquences graves pour les requérants, on préfère allonger les délais.
Il y a là encore une incohérence. Quand nous plaidions en faveur de délais plus longs pour permettre aux requérants de constituer leurs dossiers en considération de la difficulté de la chose, on nous opposait la nécessité d'accélérer la procédure. Et voilà qu'on nous sert l'argument inverse pour allonger les délais, en arguant d'une situation qui résulte du choix politique de ne pas donner suffisamment de moyens à la justice ! On mesure l'incohérence de cette argumentation, qui en fait n'en est pas une.
C'est pourquoi nous maintenons cet amendement en espérant vous avoir convaincu de le voter. Ce n'est pas ainsi qu'on permettra aux magistrats d'exercer leur office dans des conditions satisfaisantes.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 129 |
Nombre de suffrages exprimés | 127 |
Majorité absolue | 64 |
Pour l'adoption | 15 |
contre | 112 |
L'amendement no 944 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 12 et 13 de l'article 6 afin de préserver l'office du juge administratif. En effet, selon l'exposé des motifs de cet article scélérat, l'extension de la motivation spéciale à laquelle doit répondre le juge pour décider de faire passer un étranger en rétention à une assignation à résidence est désormais élargie aux cas où l'étranger a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. L'idée est donc bien d'imposer le régime de la rétention comme régime de base, malgré les dénégations de Mme la rapporteure.
Préférer faire de l'extraction brutale de la société et de l'enfermement le régime de base plutôt que prévoir des mesures plus respectueuses des droits, voilà donc la manière de faire du nouveau monde de la Macronie. Vous voulez en plus réduire l'office des juges pour les contraindre à prononcer la rétention, comme si celle-ci devait être considérée comme une peine. Il n'est pas étonnant que le juge de la rétention soit plutôt le juge des libertés et de la détention que le juge administratif. Il ne manque plus que la politique du chiffre – déjà en cours d'ailleurs – pour transformer définitivement les magistrats en simples fonctionnaires d'application.
Pour le groupe La France insoumise, la rétention administrative ne doit pas être érigée en solution de principe, au contraire. L'office du juge administratif, défenseur des libertés, doit être préservé.
Votre amendement vise les alinéas 12 et 13, or nous discutons toujours du délai de jugement du juge des libertés et de la détention. Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, avis défavorable.
L'amendement no 943 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La loi no 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France établit que le juge des libertés et de la détention est saisi dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention aux fins de prolongation de la rétention, au lieu de cinq jours précédemment. Ce délai, qui est trop court, explique en partie l'annulation de 20 % des placements en rétention. Nous proposons donc de le ramener à cinq jours.
Il y a là un enjeu d'efficacité et de sécurisation des procédures. Au fond, cette mesure est le pendant indispensable au prolongement à quatre-vingt-dix jours du délai maximal de la rétention administrative.
Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel nous demande de statuer dans un délai de sept jours. La modification que vous proposez ne nous permettrait pas de respecter ce délai. Avis défavorable.
L'amendement no 423 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Quiconque s'intéresse à la situation des migrants qui sont reconduits dans leur pays sait qu'un grand nombre d'entre eux ont déposé un recours. Nous avons déjà examiné la question des recours déposés auprès de la CNDA à l'article 6, mais elle se pose également à l'égard du juge des libertés et de la détention.
Notre amendement vise à sécuriser le droit au recours des personnes en rétention, en établissant que le recours devant le juge suspend l'expulsion.
De nombreuses associations, dont la CIMADE, dénoncent régulièrement le fait que des étrangers soient reconduits à la frontière avant que le juge ait statué sur leur requête. Le 1er février 2018, la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France pour avoir expulsé un homme qui risquait la torture en Algérie, avant qu'il ait pu exercer son droit de recours. Selon la même cour, la France a ainsi violé l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme sur l'interdiction de la torture.
Doit-on continuer dans cette voie ? Ne doit-on pas, au contraire, profiter du projet de loi en discussion pour garantir pleinement les droits des personnes qui ont déposé un recours ? C'est ce que nous pensons. Nous proposons donc que le recours devant le juge des libertés et de la détention soit suspensif et, par ailleurs, que tout agent public ayant pris une décision d'éloignement du territoire avant que le juge n'ait statué soit passible de poursuites sur le fondement de l'article 432-4 du code pénal, qui concerne les atteintes à la liberté individuelle commises par des personnes exerçant une fonction publique.
Monsieur Coquerel, il me semble que vous faites une confusion entre l'office des juges judiciaires et celui des juges administratifs. Or il importe de bien distinguer les deux juridictions. Avis défavorable.
L'amendement no 948 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Avec cet amendement, nous proposons de suivre la recommandation de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui propose de ramener la durée de rétention administrative à trente-deux jours.
L'argument du Gouvernement qui consiste à dire que le taux d'éloignement augmente avec la durée de rétention est non seulement ridicule, mais il est en outre contredit par sa propre étude d'impact. On y apprend en effet que, dans 90 % des cas où la personne retenue a effectivement été éloignée, sa rétention avait duré moins de trente jours. C'est la raison pour laquelle nous proposons de transcrire dans la loi la recommandation de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, au nom du droit à la sûreté et des droits et libertés fondamentales des personnes.
La privation de liberté n'est pas une procédure anodine pour celui ou celle qui la vit, d'autant plus que la plupart des personnes qui font l'objet d'une mise en rétention n'ont commis absolument aucune infraction. Le Gouvernement se complaît malheureusement dans sa logique punitive. Mais encore faut-il qu'une faute ait été commise pour la punir.
Même si la majorité refuse de le reconnaître, ce projet de loi est largement disproportionné. Alors, écoutons l'avis de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui connaît mieux que nous cette question et qui propose de fixer à trente-deux jours le délai de rétention. Cette solution paraît équilibrée – puisque c'est un mot que vous aimez bien – et elle correspond aux objectifs fixés.
Par cet amendement, je propose de maintenir à six heures le délai au terme duquel le procureur de la République doit interjeter un appel pour obtenir l'effet suspensif d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention libérant une personne retenue.
Je m'explique. Lorsque la personne est libérée, elle reste enfermée indûment. Elle l'était pendant quatre heures en 2003, six heures en 2011 et dix heures en 2018. Où allons-nous arrêter, mes chers collègues ?
Sur le principe, l'enfermement est une mesure lourde, la plus lourde dans l'échelle de nos peines. Il s'agit bien d'une peine et, en tout cas, elle est vécue comme telle. La liberté ne peut pas être la variable d'ajustement de nos organisations administratives.
Ce n'est pas la première fois, depuis le début de l'examen de ce projet de loi, que j'ai l'impression que nous institutionnalisons l'usage des délais pour pallier les difficultés de notre administration. Or ce qui peut être toléré pour une personne libre ne peut l'être pour une personne enfermée, d'autant plus que celle-ci n'a commis aucune infraction. En effet, que reproche-t-on aux personnes visées ? De ne pas avoir de papiers. Or le fait de se trouver sur le territoire français sans titre de séjour n'est plus un délit depuis 2012.
Par ailleurs, si l'on veut éloigner davantage d'étrangers, il faut libérer de la place : c'est un argument qui va dans votre sens, monsieur le ministre, même si je l'utilise à contrecoeur. En supprimant l'alinéa 18, on pourra libérer davantage de personnes, ce qui fera de la place pour d'autres.
Enfin, mon troisième argument est d'ordre financier. J'ai fait le calcul : on a libéré 8 000 personnes en 2017. Compte tenu du coût journalier de la rétention, cela représente 1,2 million d'euros. Pour ces raisons juridiques, matérielles et financières, je vous invite à supprimer cet alinéa.
Madame Krimi, je ne vous donnerai qu'un seul chiffre : 75 % des appels de la préfecture de police sont gagnés. Or si la personne a été libérée, on ne la retrouve pas et on ne peut pas mettre cet appel à exécution. C'est pour cette raison qu'il importe d'augmenter le délai de mise à disposition de six à dix heures.
Cette mesure permettra de mettre à exécution ces appels lorsqu'ils sont gagnés. Elle nous semble importante pour assurer la bonne administration de la justice. J'émettrai donc un avis défavorable sur votre amendement.
Même avis. Comme la démonstration de Mme la rapporteure était excellente, je vous invite, madame Krimi, à retirer votre amendement.
L'amendement no 1093 est retiré.
Madame Krimi, les personnes qui sont en rétention ne respectent pas tout à fait la loi française : si elles sont enfermées, c'est parce qu'elles sont sans papiers et qu'elles se trouvent sur notre territoire de manière illégale.
Ce n'est pas exactement ce que l'on peut appeler respecter la loi française.
Vous prétendez par ailleurs que ce projet de loi a vocation à éloigner davantage. Je vous rappellerai simplement que, dans le budget pour 2018, les crédits destinés à financer l'éloignement ont été réduits de 7 %, ce qui signifie que vous souhaitez éloigner moins.
J'aimerais en rajouter une couche et abonder dans le sens de Mme Krimi et de sa très belle défense de l'amendement, d'autant plus que je me suis trompée et que je ne vous ai pas présenté le bon amendement.
Vous proposez arbitrairement de prolonger de quatre heures la durée de rétention, en faisant passer de six à dix heures le délai au terme duquel le ministère public peut demander que le recours soit suspensif. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, aucun élément ne permet de justifier intellectuellement la position du Gouvernement et ni la réponse du ministre ni celle de la rapporteuse ne nous aident à y voir plus clair.
Notre amendement vise donc à maintenir la situation juridique actuelle qui, en l'état, permet de mieux garantir le droit à la liberté et à la sûreté, à savoir des droits essentiels, garantis par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par l'article 5 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Afin de garantir ces droits, notre amendement vise donc à ne pas aggraver la durée de rétention d'une personne sans justification ou motivation spécifique.
Ces personnes, contrairement à ce qu'a dit notre collègue Ian Boucard, sont en situation non pas illégale, mais irrégulière, et si elles le sont, c'est parce qu'elles recherchent la protection de notre pays, où elles demandent l'asile.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 114 |
Nombre de suffrages exprimés | 109 |
Majorité absolue | 55 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 96 |
L'amendement no 945 n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l'amendement no 719 .
Cet amendement va à l'opposé de celui qui vient d'être rejeté. Le projet de loi prévoit d'augmenter le délai au terme duquel le ministère public peut demander que la remise en liberté ne soit pas exécutée.
Nous considérons que ce délai de dix heures n'est pas suffisant. En effet, certaines recherches plus poussées peuvent nécessiter davantage de temps, et la procédure peut prendre davantage de temps si elle est engagée à une heure tardive ou le week-end. Il nous semble donc nécessaire de porter ce délai à vingt-quatre heures.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l'amendement no 1045 .
Le délai de dix heures prévu par le projet de loi semble trop court pour que les pouvoirs publics effectuent des recherches supplémentaires si l'individu présente une menace grave pour l'ordre public. C'est pourquoi le présent amendement vise à porter ce délai d'appel à quinze heures.
Le passage de six à dix heures était absolument nécessaire, pour les raisons que j'ai rappelées. Les propositions que vous faites sont excessives et disproportionnées. Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Un délai de vingt-quatre heures est tout sauf disproportionné, et tous les professionnels que j'ai interrogés m'ont dit que ce délai était absolument nécessaire pour pouvoir se retourner.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 20 à 25. Si la commission des lois a adopté une disposition visant à modifier le séquençage du régime de la rétention administrative, en prévoyant deux premières phases de deux et vingt-huit jours, une troisième phase de trente jours et un rebond de deux fois quinze jours, elle n'est pas revenue sur l'allongement de la durée de rétention de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours.
De nombreux rapports ont démontré que l'allongement de cette durée de rétention, porté en 2011 de trente-deux à quarante-cinq jours, n'a pas produit les effets attendus. Par ailleurs, le Défenseur des droits juge très excessif cet allongement.
Pour toutes ces raisons, il est proposé de supprimer cette disposition.
La parole est à Mme Sonia Krimi, pour soutenir l'amendement identique, no 1095 .
Cet amendement vise à maintenir la durée de rétention à quarante-cinq jours. L'éloignement des personnes en situation irrégulière doit être renforcé, en usant de tous les outils efficaces, non seulement parce que les étrangers à qui a été notifiée l'obligation de quitter le territoire ne peuvent pas rester dans le doute mais aussi parce que l'immigration irrégulière et la clandestinité qui en découle nourrissent l'angoisse de nos concitoyens à l'égard des étrangers en France, angoisse exploitée par certains responsables politiques pour susciter les amalgames honteux, malheureusement amplifiés par le terrorisme qui frappe notre pays.
Nous pouvons donc nous demander comment améliorer la capacité d'éloignement de ces personnes, sans allonger la durée de rétention à quatre-vingt-dix jours. D'abord, 90 % des personnes éloignées le sont dans les vingt-cinq premiers jours et seuls 2,8 % d'entre elles, soit 628 personnes en 2017, le sont à l'expiration du délai de quarante-cinq jours.
Par ailleurs, la durée moyenne de rétention est de 12,2, 12,4 ou 12,7 jours selon les rapports. Enfin, 46 % des laissez-passer consulaires sont obtenus dans les quarante-cinq premiers jours, et seuls 3 % après le délai.
La rétention a un coût plus élevé qu'une assignation à résidence ou qu'un départ volontaire.
Les centres de rétention administrative ne peuvent pas devenir des centres de détention, parce qu'ils ne sont pas aménagés à cette fin, ce dont témoignent les personnes qui y travaillent. Il n'est pas possible de gérer en un mois et demi ce qu'il est possible de traiter en trois mois car la sociologie de la population qui passe dans ces centres change.
Au regard de ces quelques éléments, l'extension du délai de rétention à quatre-vingt-dix jours apparaît inefficace et surtout coûteuse.
Nous avons déjà débattu de l'allongement du délai de rétention. Avis défavorable sur les deux amendements.
Une fois de plus, nous débattons de la durée de rétention. Comme je l'ai déjà dit, je considère qu'il ne s'agit pas d'un vrai débat puisque la durée moyenne d'un séjour en centre de rétention est de 12,4 jours et que la plupart des expulsions ont lieu avant ce terme.
En revanche, monsieur le ministre d'État, s'agissant des laissez-passer consulaires, que ma collègue a évoqués, je m'interroge sur les raisons pour lesquelles vous en demandez aussi peu pour les personnes en situation irrégulière en France. Pour 1 000 Algériens contrôlés en situation irrégulière en France, vous ne demandez que 134 laissez-passer ; de même, vous demandez 5 laissez-passer consulaires pour 1 000 Soudanais contrôlés et 8 pour 1 000 Marocains.
Si le débat sur l'ajustement du nombre de jours de rétention peut sembler important, il l'est moins que votre volonté politique de faire en sorte d'expulser les personnes qui sont en situation irrégulière en France. C'est pourquoi, monsieur le ministre d'État, je souhaiterais que vous expliquiez pourquoi vous demandez si peu de laissez-passer consulaires. Pour les quelques demandes effectuées, quelles actions comptez-vous prendre afin que les pays délivrent les documents demandés ? Certains pays n'en délivrent en effet que dans 30 % à 40 % des cas tout au plus.
Dans ce débat, chers collègues, je voudrais vous faire comprendre la difficulté que crée l'illusion que l'on fera mieux en faisant plus sévère et plus dur.
Au bout du compte, cela ne répond pas à la question de fond qui est posée : celle de savoir ce que nous faisons des populations qui se trouvent déjà sur notre territoire. M. Dumont a répondu tout à l'heure que si elles s'y trouvaient, c'était en rupture avec la loi, et que l'on pouvait en faire le reproche aux intéressés.
Je le comprends, je l'admets mais la défense de l'État et l'idée d'avoir à construire un peuple ne nous mettent-elles pas devant l'obligation d'apporter une autre réponse que l'illusion de croire que l'on pourra déporter 400 000 ou 500 000 personnes et les ramener chez elles, sachant que vous ne savez ni combien, ni où elles sont, ni où elles doivent être ramenées ?
Cela fait de cette idée une illusion absolue, qui ne réglera aucun problème à aucun moment, sinon, comme vient de le dire Mme Krimi, à créer une illusion, un fantasme, qui conduisent par exemple des bandes, comme celles que nous voyons au col de l'Échelle, qui prétendent empêcher les gens d'entrer dans le pays.
Mais puisque le ministre d'État, Gérard Collomb, est de retour parmi nous, peut-être peut-il me dire maintenant ce qu'il compte faire pour empêcher ces gens de nuire, là-bas dans la montagne, aux malheureux qui s'y trouvent. Et que M. Collard ne vienne pas me dire que l'hélice est dans ma tête : elle est sur l'hélicoptère dont, paraît-il, ces gens se sont dotés.
Respectez aussi mon point de vue, cher monsieur. Du reste, c'est de vos amis que je parle, alors taisez-vous ! Arrêtez de brailler !
Nous devons faire très attention. Monsieur Collomb, vous avez dit que vous vouliez rétablir l'État de droit. Il est clair que personne ne le rétablira jamais avec les clandestins et que nous perdons notre temps à ne pas vouloir traiter le problème avec lucidité et réalisme.
Monsieur Mélenchon, je rappelle qu'il appartient au seul président de séance de dire aux députés s'ils ont le droit de parler.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Cet amendement vise à soutenir M. le ministre d'État, contraint par sa majorité de replier son dispositif initial qui prévoyait la possibilité, à titre dérogatoire, d'une rétention allant, au-delà de quatre-vingt-dix jours, jusqu'à cent trente-cinq jours. Il s'agit donc d'un amendement de repli sur la position initiale qu'avait adoptée le Gouvernement, avant négociation avec l'aile gauche de la majorité.
Je veux pourtant redire à cette occasion toute l'utilité des procédures de rétention, afin qu'elles redeviennent le principe, et surtout, car là est l'essentiel, la nécessité de procéder à la création de centres et de places de rétention.
Vous nous avez indiqué que notre pays comptait seulement 1 500 places opérationnelles dans les 26 CRA et que 92 000 mesures d'éloignement avaient été prises, alors que, sur le territoire national, il y a au moins 400 000 étrangers en situation irrégulière.
Devant ces 400 000 situations qu'il convient de traiter, la seule procédure efficace, c'est la rétention. Monsieur le ministre d'État, nous vous demandons quels sont le plan et la programmation budgétaire pour, enfin, régler le problème de la rétention.
Le drame de la gare Saint-Charles vous a malheureusement fait prendre conscience de l'utilité des centres de rétention. Depuis, même si vous avez pris ces mesures avec beaucoup de retard, une pression est exercée sur les préfets. Compte tenu de la pression nouvelle et de la situation, il faut des places. Aussi, au-delà des mesurettes que vous proposez, monsieur le ministre d'État, quel est votre plan de construction des nouveaux centres de rétention dont notre pays à besoin…
… afin d'exercer la rétention administrative dans des conditions de dignité ? Vous avez en effet raison de souligner que les CRA sont aujourd'hui complètement vétustes.
Sur l'amendement no 510 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable. J'indiquerai aussi à M. Ciotti qu'entre octobre 2017 et le début de l'année 2019, nous créerons 400 places.
Monsieur Ciotti ne sera pas étonné que je sois contre le fond de son amendement, qui prévoit jusqu'à cent-trente-cinq jours de rétention administrative. Dans cette course à l'échalote, si le Gouvernement avait prévu davantage de jours, vous auriez souhaité une durée encore plus longue.
C'est la raison pour laquelle, sans aucun effet sur la réalité, nous sommes passés depuis 1993 de dix jours à une possibilité de quatre-vingt-dix jours, sans que cela n'ait aucune influence sur les questions d'immigration.
En revanche, la question est bonne. À lire ses textes, on voit que le Gouvernement compte placer dans les centres de rétention les « dublinés », qui sont de plus en plus nombreux, et les personnes qui y resteront deux fois plus longtemps, ce qui, inévitablement, nécessitera encore davantage de places.
Nous voyons mal comment vous ferez face, monsieur le ministre d'État. En réalité, cela montre que vous ne croyez pas vous-même au fait que vous mettrez autant de monde dans les centres de rétention.
Tout cela, c'est une loi démagogique, prétendant dissuader les migrants qui viendraient en France et destinée à faire croire qu'avec des durcissements de ce type, on pourrait mettre fin à leur arrivée.
Croyez-vous, monsieur le ministre d'État, que des gens qui risquent leur vie en Méditerranée ou dans les cols alpins liront votre texte dans le détail et verront que vous multipliez par deux les centres de rétention ? Évidemment non, parce qu'ils viennent pour des raisons impérieuses. C'est pour cela que votre loi est à la fois inhumaine et inefficace.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 126 |
Nombre de suffrages exprimés | 126 |
Majorité absolue | 64 |
Pour l'adoption | 30 |
contre | 96 |
L'amendement no 510 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour soutenir l'amendement no 784 .
Dans le cadre de l'allongement de la durée de rétention de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours, cet amendement de bons sens, présenté par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, a pour objet de maintenir le passage devant le juge des libertés et de la détention à quarante-cinq jours.
Contrairement au dispositif actuel, qui prévoit un passage à quarante-huit heures, à trente jours, à soixante jours, puis à quatre-vingt-dix jours, nous souhaiterions maintenir le passage à quarante-cinq jours.
Pourquoi ? Parce qu'à ce moment-là le juge pourra apprécier s'il est pertinent ou non de maintenir la personne en rétention, une rétention qui suppose – vous le savez tous, mes chers collègues – une perspective raisonnable d'éloignement. Si cette perspective n'existe pas au bout de quarante-cinq jours, il doit être possible au juge de lever la mesure de rétention.
Je le répète, il s'agit d'un amendement de bon sens, que je vous appelle tous à voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Nous avons beaucoup discuté du séquençage possible de la durée de rétention. L'amendement, s'il était adopté, alourdirait certainement trop la charge du JLD, qui serait saisi trop souvent. Pour cette raison, il nous a été demandé de ne pas construire un tel montage. Avis défavorable.
Même avis.
Nous avons beaucoup discuté en commission, avec toutes celles et tous ceux qui étaient là, et nous sommes arrivés, je crois, à un équilibre raisonnable.
Selon certains migrants, le centre de rétention administrative peut être pire que la prison. Cela ne vaut évidemment pas pour tous les CRA, mais, tout de même, on ne peut pas fermer les yeux sur les actes d'automutilation, sur la violence de l'attente, celle aussi de la promiscuité, sur le manque d'intimité, l'absence totale d'activité physique, intellectuelle et culturelle, qui entraîne une dégradation psychique dont je ne vois pas l'intérêt.
Depuis des années, on entend qu'une rétention plus longue permettra de reconduire davantage à la frontière – nous l'avons encore entendu dire lors des auditions – , mais cela n'a jamais été confirmé. Voilà pourquoi je souhaite moi aussi que l'allongement soit plus encadré, grâce à un passage devant le juge au bout de quarante-cinq jours. Cela me paraît raisonnable.
Le problème de la rétention en CRA est le suivant : beaucoup de personnes retenues y entrent sans savoir quand elles vont en sortir. Imaginez-vous dans un espace confiné, sans aucune activité – c'est une réalité, et M. le ministre d'État l'a admis en commission : c'est un problème dans les CRA – , sans aucun moyen d'échapper un instant à sa condition.
Quand on entre dans un CRA, dans la plupart des cas, on ne sait pas pour combien de temps. Est-ce pour quarante-huit heures ? Une fois ce délai dépassé, devra-t-on attendre un jour de plus, deux jours, trois jours, quatre jours ?
Il faut donc un bornage, le plus tôt possible, pour que les personnes qui se trouvent dans cette situation, parfois pour une raison légitime, aient un horizon et gardent un état d'esprit serein.
En effet – nous en avons discuté avec les agents de la police de l'air et des frontières – , il y a maintenant, et de plus en plus, de véritables problèmes de sécurité dans les CRA, dus au fait que les gens y sont parqués sans rien savoir de ce qu'ils vont devenir.
Comme ma collègue, je vous appelle donc tous à voter cet amendement de bon sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
L'amendement no 784 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 448 .
Dans les cas de terrorisme, nous proposons d'imposer l'obligation de prolonger la durée de rétention d'un mois, renouvelable jusqu'à concurrence de six mois en cas d'attente d'exécution de la mesure d'éloignement et si aucune décision d'assignation à résidence ne permet un contrôle suffisant de l'étranger concerné.
À cette fin, nous proposons d'introduire dans le texte un alinéa modifiant le quatrième alinéa de l'article L. 552-7 du CESEDA, lequel constitue une dérogation au dispositif du troisième alinéa du même article.
Ce que vous proposez reviendrait à donner un ordre au juge, ce que la loi ne peut pas faire. Avis défavorable.
L'amendement no 448 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
À défaut de vous avoir convaincus de supprimer l'article 16, nous essayons depuis quelques minutes, sur différents bancs, d'en atténuer les conséquences désastreuses.
Par cet amendement, nous souhaitons ainsi réduire la durée maximale de rétention prévue par le texte, jugée excessive par le Défenseur des droits et qui porte une atteinte évidente à la liberté fondamentale d'aller et venir.
Dans un rapport de 2013, Matthias Fekl estimait que la prolongation de la durée de rétention n'était « pas déterminante en matière de lutte contre l'immigration irrégulière » mais risquait de priver inutilement de liberté des étrangers qui ne pourraient pas être reconduits.
Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe écrivait d'ailleurs le 8 mars dernier au président de notre assemblée et à la présidente de sa commission des lois, au sujet de la prolongation de la durée de rétention, que « la rétention est une atteinte considérable au droit des migrants à la liberté » et qu'« une telle durée tendrait à [… ] les assimiler à des délinquants ».
Eh bien non, ce ne sont pas de délinquants que nous sommes en train de parler, simplement d'hommes et de femmes qui, souvent parce que leur vie ou leur famille était en danger, sont jetés sur les routes et viennent chez nous chercher un peu d'humanité. Ils ne la trouveront certainement pas si nous adoptons ce texte.
Cet amendement vise à supprimer l'augmentation des délais de rétention prévue par le projet de loi.
Alors qu'en l'état du droit la durée maximale de rétention est fixée à quarante-cinq jours, le présent projet prévoit de la porter à quatre-vingt-dix jours. Cette durée nous paraît manifestement excessive, dans la mesure où la rétention constitue une atteinte évidente à la liberté fondamentale d'aller et venir.
Il s'agit, selon l'exposé des motifs du projet de loi, de « contrer les stratégies d'obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement dans les derniers jours de la rétention ». Parmi ces stratégies est mentionné le fait que l'étranger évoque « son état de santé » ou « dépose une demande d'asile ».
Les critères retenus par le législateur sont parfaitement cyniques, puisqu'il suffit que l'étranger fasse valoir ses droits – à la santé ou à l'asile – pour que la volonté d'obstruction soit démontrée. Du point de vue constitutionnel, il s'agit là de graves atteintes au droit d'asile et au droit à la santé. Du point de vue conventionnel, la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme est manifeste.
Cet amendement vise à supprimer l'augmentation des délais de rétention prévue par le projet de loi.
Alors qu'en l'état du droit la durée maximale de rétention est fixée à quarante-cinq jours, le présent projet prévoit de la porter à quatre-vingt-dix jours. Cette durée est manifestement excessive, dans la mesure où la rétention constitue une atteinte évidente à la liberté fondamentale d'aller et venir.
La parole est à Mme Michèle Victory, pour soutenir l'amendement no 589 .
De nombreux rapports l'ont montré : la durée de rétention n'a aucune incidence significative sur le nombre d'expulsions. D'ailleurs, en 2016, il y a eu en Allemagne et au Royaume-Uni, où la durée d'enfermement pouvait aller jusqu'à dix-huit mois, respectivement 26 654 et 10 761 expulsions, quand la France expulsait 37 762 personnes. Il n'existe donc aucun lien entre ces deux éléments.
Surtout, il n'existe pas selon nous de besoin d'enfermement, a fortiori encore plus long. Nous sommes déjà les champions d'Europe de l'enfermement.
Ces mesures sont dénoncées par toutes les associations de solidarité, outre que les études d'impact ne peuvent attester du prétendu lien entre l'allongement de la durée de rétention et le taux d'éloignement. Elles exposent davantage les étrangers au risque d'une grande précarité qu'elles n'apportent de solutions aux problèmes que nous avons évoqués.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 946 .
Cet amendement vise à supprimer une disposition qui a au moins le mérite d'assumer clairement l'entaille profonde qu'elle opère dans les droits et libertés des personnes.
Pour votre gouvernement, en effet, le droit des étrangers doit devenir un droit para-pénal, dans lequel les décisions pouvant être prises par l'autorité administrative deviennent de plus en plus attentatoires aux droits et aux libertés fondamentales, et s'apparentent de plus en plus à celles qui doivent être normalement prononcées par l'autorité judiciaire en matière pénale.
Vous voulez tripler la durée de rétention, rien de moins, pour la porter à cent trente-cinq jours, soit plus de quatre mois. Au fond, ce n'est plus du tout de la rétention : c'est de la détention. Cette conception tourne le dos à notre tradition humaniste pour suivre des partis pris xénophobes, répressifs, et nous éloigner chaque jour un peu plus de l'héritage des Lumières, qui ont fait sortir la France de l'archaïsme de l'arbitraire royal en 1789. Dans cet hémicycle, on a vraiment pris un sacré coup dans la tête depuis quelques heures.
Un glissement s'opère donc de la rétention à la détention : les préfets condamnent à la prison les étrangers, qui sont considérés de facto comme des criminels.
Le plus incroyable est que, comme le soulignent le Conseil d'État et l'étude d'impact, cette mesure est inefficace : dans environ 90 % des cas où la personne retenue a été éloignée à la suite d'une mesure de rétention, elle l'a été avant trente jours, c'est-à-dire bien avant le délai légal actuel. On se demande donc pourquoi vous voulez prolonger ce délai : c'est non seulement inhumain, mais inefficace.
Voilà pourquoi nous vous exhortons, mes chers collègues, à retrouver la raison et à écarter cette mesure liberticide.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Cet amendement vise à ramener à quarante-cinq jours le délai maximal de rétention administrative.
Lors des visites de centres de rétention que j'ai effectuées, beaucoup de personnes, en particulier les médecins et les officiers pénitentiaires, nous ont fait part de la difficulté des conditions de rétention. Vous avez vous-même souligné celle-ci tout à l'heure, monsieur le ministre.
Nous craignions que l'augmentation de la durée de rétention ne rende ces conditions encore plus dures. Toutefois, vous nous avez assuré ce matin que vous comptiez allouer suffisamment de moyens pour qu'elles deviennent acceptables du point de vue social, sanitaire, médical et, tout simplement, humain. Nous vous faisons confiance sur ce point et retirons donc notre amendement.
L'amendement no 1034 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements identiques ?
Nous avons déjà eu ce débat. Nous avons adopté en commission un texte tout à fait équilibré, …
… et nous travaillons sur le sujet avec M. le ministre d'État. Avis défavorable.
En effet, nous avons déjà eu cet échange, et nous tentons à nouveau de vous convaincre. Nous tournons donc dans tous les sens tous les arguments possibles, à la suite de toutes les institutions de défense des droits humains au niveau national et international. Vous avez beau répéter quant à vous les mêmes arguments, ceux-ci ne tiennent pas compte des faits que vous reconnaissez dans votre propre étude d'impact et de ce que disent les agents qui gèrent les centres, les associations, les migrants et migrantes eux-mêmes – si on daigne les écouter – avant, pendant et après leur passage en rétention.
En vérité, votre logique est celle d'une course à l'échalote – je pourrais tout aussi bien dire la course à l'horreur – avec tous les pays européens qui font pire. En adoptant cette disposition, vous confirmeriez l'idée selon laquelle l'harmonisation qui se fait au niveau européen vise à réprimer plutôt qu'à se donner les moyens d'inventer une autre Europe.
Quel est le sens véritable de tout cela ? Faites-vous voter une disposition qui continue à mettre la France au ban au regard des droits internationaux simplement pour que M. Macron puisse dire à la télévision qu'il a été ferme, en sachant pertinemment que ce n'est qu'un tour de passe-passe, que tout cela ne correspond en rien à la réalité ? Est-ce vraiment de cela qu'il s'agit ? Je refuse de le croire et espère que mes collègues de la majorité se rendent compte de ce qu'on leur fait faire au nom d'objectifs de communication indignes de notre assemblée.
Je suis un peu étonnée par l'absence d'arguments de Mme la rapporteure et de M. le ministre d'État. Je tiens à citer l'extrait d'une lettre que vous avez reçue, madame la présidente de la commission des lois, ainsi que le président de Rugy, de la part du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe : « Je vous exhorte [… ] non seulement à rejeter cette augmentation de la durée maximale de rétention administrative, mais aussi à mettre fin à la rétention des mineurs ».
C'est au peuple souverain français de décider, pas à un commissaire à rien !
… mais quand nous débattons, nous avons aussi droit à des réponses de Mme la rapporteure et de M. le ministre d'État.
Le président de Rugy lui a répondu : « En tant que Président de l'Assemblée nationale, je me dois en effet de ne pas participer aux débats de l'Assemblée. » Nous ne connaîtrons donc pas son opinion. Mais vous, madame la présidente, qu'avez-vous répondu ? On parle de la France et de sa capacité à défendre les droits de l'homme, dont elle est la patrie. Quand on est interpellé de la sorte par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, il me semble qu'on se doit de répondre.
La position que nous défendons aujourd'hui est largement soutenue au sein de l'Europe. J'espère qu'elle le sera aussi à l'Assemblée nationale.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Je voudrais rappeler ce que je crois être une vérité à la fois juridique et pratique. Un étranger, en situation illégale, …
… placé dans un centre de rétention, peut à tout moment, librement, quitter ce centre, à une condition : qu'il accepte d'appliquer la loi de la République française. Un étranger en centre de rétention peut à tout moment le quitter, à condition de regagner son pays d'origine.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 140 |
Nombre de suffrages exprimés | 132 |
Majorité absolue | 67 |
Pour l'adoption | 26 |
contre | 106 |
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 268 .
Cet amendement vise à supprimer le caractère exceptionnel de la disposition prévue à l'alinéa 25. Dans la mesure où l'objectif de cet alinéa est de lutter contre les effets néfastes de l'obstruction qui pourrait être faite par l'étranger à l'exécution d'office de la mesure d'éloignement, il semble nécessaire de préciser que la possibilité pour le juge compétent d'être saisi de nouveau ne soit pas, dans ce cas-là, exceptionnelle. Les conditions pour saisir de nouveau le juge compétent, après l'expiration de la durée maximale de rétention prévue, étant explicitement détaillées, préciser que cette disposition doit, en plus, avoir un caractère exceptionnel serait superfétatoire et limiterait de manière trop importante le dispositif mis en place.
C'est sur cette construction exacte du séquençage, incluant ces rebonds exceptionnels, qui correspondent à des manoeuvres dilatoires très précises, que repose tout l'équilibre de la disposition. Avis défavorable.
La réponse de Mme la rapporteure est intéressante. C'est faire exactement ce que nous vous invitons à ne pas faire, si vous voulez rendre efficace le traitement des étrangers en situation irrégulière.
Si vous prolongez systématiquement les procédures juridiques, nous ne parviendrons jamais à traiter la question, puisque les délais continuent de courir. C'est ainsi qu'on finit avec 400 000 étrangers en situation irrégulière sur le territoire national. On vient alors nous expliquer à l'Assemblée nationale que nous n'avons pas d'autre choix que de procéder à des régularisations de masse. Si nous avions un système juridique plus efficace, où le processus administratif ne soit pas systématiquement relancé et rallongé, nous n'aurions pas 400 000 étrangers en situation irrégulière et il ne serait pas besoin d'un plan secret de la majorité pour les régulariser.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 268 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de repli, qui reprend une demande formulée par plusieurs organisations non gouvernementales et par le Défenseur des droits et vise à diminuer le délai de rétention, en le ramenant à ce qui existait dans notre pays jusqu'en 2011, soit un délai de trente-deux jours, délai lui-même trois fois supérieur à celui qui existait dix ans auparavant. Je ne reviens pas sur tous les arguments qui ont été exposés dans l'hémicycle et sur le fait qu'en termes d'efficacité, comme cela est d'ailleurs confirmé par la police de l'air et des frontières, c'est dans les douze à quatorze premiers jours de rétention que se font l'essentiel des éloignements. Il n'y a donc pas lieu, à moins de vouloir donner à la rétention le sens d'une sanction, d'allonger davantage ce délai. C'est pourquoi je propose de le ramener à trente-deux jours.
Par ailleurs, je reprends à mon compte la question de Valérie Rabault à Mme la présidente de la commission des lois, parce que je l'avais posée ce matin sans obtenir de réponse : une réponse a-t-elle été faite à la lettre du commissaire du Conseil de l'Europe, …
… lui qui a exhorté notre assemblée à rejeter une augmentation de la durée maximale de rétention ?
Ces dernières années, il y a eu près de 100 000 entrées irrégulières par an. Sur les 21 300 étrangers retenus, 8 689 ont été éloignés en 2017. Parmi eux, 32 % l'ont été après quinze jours de rétention et 10 % après trente jours.
La rétention n'est pas une sanction. Nous mettons en rétention des personnes qui refusent de retourner chez elles, alors qu'elles n'ont aucune vocation à rester sur notre territoire. En France, si nous accueillons des étrangers, nous devons aussi pouvoir choisir ceux qui peuvent rester. L'accueil des réfugiés politiques a fait l'histoire et la noblesse de notre pays, mais les étrangers qui sont en situation irrégulière ont vocation à rentrer dans leur pays. Une fois n'est pas coutume, je suis entièrement d'accord avec M. le ministre d'État, qui a rappelé en commission des lois que, si nous prévoyions des durées relativement importantes, c'était précisément pour dissuader un certain nombre de pays qui pourraient tarder à donner des laissez-passer consulaires, sachant que ce délai est très court.
Malheureusement, en augmentant la durée de rétention administrative à quatre-vingt-dix jours, la France resterait dans la fourchette basse de la moyenne européenne. M. le ministre d'État a précisé que nous devions nous inspirer des bonnes pratiques de nos voisins européens. L'Allemagne prévoit ainsi cent quatre-vingts jours ; l'Espagne soixante et la Suède douze mois. La durée est illimitée au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.
Mes collègues Les Républicains ont raison : nous devons replacer la rétention administrative au coeur de toutes les procédures d'éloignement. Si nous avons ce débat et si nous cherchons des solutions, c'est que la question de la nécessité d'éloigner n'est pas traitée. Comme cela a été dit à plusieurs reprises dans nos rangs, nous cherchons des solutions, parce qu'il y a une absence de cohérence et de volonté politiques de reconduction à la frontière. Il y a bien une différence entre la durée maximale et la durée effective.
Je vous propose de combiner de bons exemples et de fixer cette durée à cent quatre-vingts jours, comme en Allemagne, et pourquoi pas de prévoir dans certains cas une durée illimitée comme au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, en fonction des situations.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 99 .
Cet amendement, déposé par mon collègue Alain Ramadier et que j'ai eu le plaisir de cosigner, s'inscrit dans le même esprit que celui de Valérie Boyer, lequel étend à cent-quatre-vingts jours la durée possible de rétention. Nos engagements internationaux – notamment européens – nous permettent parfaitement de nous aligner sur l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse.
Il y a en effet un lien évident entre la durée possible de rétention, pour les questions de laissez-passer consulaires, et le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire. La France n'exécute en moyenne que 23 % des obligations de quitter le territoire qu'elle délivre, tandis que le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui ont fixé des durées beaucoup plus importantes, sont, respectivement, à 89 % et 90 % de taux d'exécution de leurs obligations de quitter le territoire. Quant à la Suède, elle a un taux d'exécution de 71 %.
Ces exemples prouvent bien que, si vous voulez agir concrètement pour expulser ceux qui ont été déboutés de leur demande d'asile ou ceux qui se trouvent illégalement sur le territoire de la République française, vous avez l'obligation de négocier avec les pays des laissez-passer consulaires beaucoup plus que vous ne le faites, mais aussi, tout simplement, de demander ces laissez-passer – ce que vous ne prenez même plus la peine de faire pour certains pays – , et surtout d'étendre la durée de rétention, puisqu'il y a un lien évident de cause à effet entre cette durée et le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement no 390 . Après avoir imaginé un délai de rétention de cent-trente-cinq jours puis de cent-quatre-vingt-dix jours, aujourd'hui le Gouvernement envisage une durée maximale de quatre-vingt-dix jours avec le séquençage suivant : une première phase de trente jours, prolongeable une fois trente jours, notamment lorsque l'administration estime que le laissez-passer nécessaire à l'expulsion interviendra à bref délai, puis deux rebonds de quinze jours, en cas d'obstruction à l'éloignement. Pourquoi donc complexifier encore la procédure ? La moyenne étant de treize jours, pourquoi ne pas donner un large délai ou un délai illimité pour traiter certains cas exceptionnels ?
La rétention n'est pas une sanction : c'est une contrainte. Un étranger se trouvant dans un centre de rétention administrative peut à tout moment le quitter, s'il accepte de retourner dans son pays. Actuellement, 400 000 personnes en situation irrégulière se trouvent sur notre territoire. Je ne comprends pas pourquoi vous n'instaurez pas des procédures, comme vient de le dire Pierre-Henri Dumont, pour travailler avec les pays dont nous avons le plus de ressortissants en situation irrégulière, auxquels nous donnons par ailleurs des fonds au titre de l'aide au développement et qui ne veulent pas récupérer leurs ressortissants.
Il n'y a pas de logique dans votre façon de travailler, qui détricote d'une main ce qu'elle fait semblant de construire de l'autre. Il me semble indispensable de clarifier les choses s'agissant de la reconduite à la frontière des personnes qui n'ont aucune vocation à rester sur le territoire français.
Nous avons déjà eu ce débat. La position d'équilibre que nous avons trouvée avec le Gouvernement est tout à fait satisfaisante. Avis défavorable.
Défavorable. J'ajouterai toutefois quelques mots sur les laissez-passer consulaires.
Dernièrement, les préfets n'en demandaient plus. La procédure avait donc peu de chances d'aboutir. J'ai transmis aux préfets des consignes très strictes, leur enjoignant de demander des laissez-passer consulaires et nous avons mis en place, au ministère de l'intérieur, une task force qui doit veiller, lorsque les demandes auprès des consuls n'aboutissent pas, à instaurer un dialogue direct avec le ministre de l'intérieur du pays concerné.
Enfin, le Président de la République lui-même mène une action directe auprès d'un certain nombre de pays. Hier soir, lorsque je vous quittais vers une heure et demie du matin, il m'a appelé pour me dire qu'il venait d'avoir au téléphone plusieurs chefs d'État pour leur parler de cette question. Il a notamment souligné qu'à partir du moment où la France agit pour l'aide au développement, nous devons obtenir ces laissez-passer consulaires. J'espère donc qu'à l'avenir, nous en aurons, mais il nous faut du temps pour l'organiser. Notez donc que nous agissons.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je soutiens les amendements défendus par mes collègues, mais je voudrais évoquer, à propos de la rétention, l'injonction du pseudo-commissaire du Conseil de l'Europe. À quel titre, selon quelle légitimité cette personne délivre-t-elle des injonctions au Parlement français ?
Nous sommes une grande démocratie et ce qui se passe cet après-midi le démontre : c'est ici que les choses se passent et se décident, et nous n'avons pas d'injonctions à recevoir. J'espère que Mme la présidente de la commission des lois répondra dans ce sens. Je vous rappelle la formule du général de Gaulle qui, dans le discours d'Orange, le 26 septembre 1963, dénonçait les comités Théodule et Hippolyte en disant que la seule chose qui compte, c'est le peuple français.
Nous sommes les représentants du peuple français et aucun commissaire, sans légitimité ni droits, n'a d'injonctions à adresser à la France.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je vois que vous approuvez ces injonctions.
Dans le même esprit, mes chers collègues, je voudrais évoquer la proposition d'un organisme bien français, le Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes, qui suggère de modifier la Constitution pour supprimer, dans la devise de la République, le mot « fraternité » et lui substituer « adelphité ». Mais où sommes-nous donc tombés avec ce nouveau monde ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre d'État, nous sommes heureux de vous entendre enfin parler des laissez-passer consulaires. Vous avez évoqué une task force ; on en tremble quasiment tant cela évoque l'efficacité d'une armée qui va se lever pour aller chercher ces laissez-passer !
Rires et exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Revenons sur terre ; au-delà de ces grands discours guerriers, monsieur le ministre d'État, dites-nous comment les choses avancent du côté des Comores. Nos compatriotes Mahorais sont abandonnés à leur triste sort, livrés à l'insécurité et à l'invasion migratoire – j'utilise volontairement ce mot car il ne s'agit même plus d'une submersion, mais bien d'une invasion.
Où en est-on ? Lorsque les Comores ont refusé de reprendre leurs compatriotes et le renvoi des bateaux, avez-vous convoqué l'ambassadeur ? Avez-vous suspendu les aides financières que nous accordons aux Comores alors même que nos compatriotes en auraient bien besoin et que vous ne cessez de mettre en place des mesures d'austérité qui visent les plus modestes des Français ? Avez-vous suspendu les visas ? Quelle réaction avez-vous eue à l'égard de ce comportement inadmissible, de cette violation du droit international de la part des Comores ? Car si vous n'avez rien fait, de grâce, ne venez pas nous parler de task force.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Je voudrais dire à Éric Ciotti que l'existence du commissaire aux droits de l'homme au Conseil de l'Europe résulte des institutions créées en vertu des traités – en l'occurrence du traité de Paris de 1949, qui a été ratifié par notre assemblée.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur Ciotti, je suis content de vous voir inquiet pour la souveraineté populaire vis-à-vis de l'Union européenne, mais sauf erreur de ma part, vous avez voté le traité de Lisbonne de 2008, qui contournait totalement le vote du peuple français sur le traité constitutionnel européen.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Donc quand il s'agit des droits de l'homme, cela vous pose un problème, mais quand il s'agit d'imposer le néolibéralisme et l'ouverture à la concurrence, il n'y a plus personne. Je vous trouve quelque peu paradoxal.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 26 de l'article 16. En effet, le projet de loi prévoit que l'étranger placé en rétention ne puisse plus s'opposer à un jugement par vidéo-audience devant le tribunal administratif chargé de se prononcer sur la mesure d'éloignement. Le droit à un procès équitable et le principe de publicité des débats se trouveraient amoindris par le développement de la vidéo-audience, qui fait prévaloir un impératif budgétaire et logistique sur le respect impératif des droits de la défense. C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à restaurer la possibilité pour le requérant de s'opposer à l'utilisation de la vidéo-audience.
Cet amendement vise à maintenir la possibilité pour l'étranger de refuser d'être entendu par le juge des libertés et de la détention via un moyen de communication audiovisuelle, lors des audiences aux fins de prolongation de la rétention. Il s'agit de ne pas déshumaniser un sujet éminemment humain. S'il le souhaite, le demandeur d'asile doit pouvoir s'exprimer en face-à-face devant le magistrat qui va décider de son sort, de sa vie. Cela peut lui permettre de mieux se défendre et d'être mieux entendu. Ce sujet a été longuement discuté en commission et de nombreux députés de bords différents se sont montrés favorables au maintien de cette possibilité. Aussi, j'espère que le vote sera favorable et que nous permettrons au requérant, s'il le souhaite, de continuer à avoir le droit de défendre sa cause sans la médiation des écrans.
Ne pouvant pas toujours nous déplacer, nous avons tous fait des réunions en vidéoconférence, et nous avons tous été très agacés par la main sur la table qui fait vibrer le micro et nous éclate les oreilles, par l'image qui se pixelise et se gèle, par le son qui se désynchronise – et j'en passe. Nous détestons tous ces moments. Imaginez donc une personne qui doit s'expliquer sur son sort dans ces conditions.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 947 .
Comment ne pas être d'accord avec les arguments qui viennent d'être avancés ? Oui, le progrès est une bonne chose, mais il doit être encadré. Il n'est pas envisageable de demander à quelqu'un de se défendre par le biais d'une caméra, sans contact direct. Comment un juge peut-il, à travers un écran, rendre un verdict qui soit humain et cohérent avec notre droit ?
Il ne faudrait pas que ces choix soient guidés par des impératifs budgétaires, que la volonté d'aller toujours plus vite dans le règlement de ces cas mette en péril la justesse du verdict. C'est un élément d'humanité essentiel que de permettre au requérant de comparaître devant ses juges en personne et non par le truchement d'un écran vidéo. Cette exigence pourrait tous nous rassembler car il ne faudrait pas que la règle qu'on instaure aujourd'hui pour les migrants soit le début d'une justice de deuxième classe qui, après, pourrait s'appliquer à tous.
Nous avons déjà eu le débat sur le recours à la vidéo-audience. Pour les personnes placées en rétention, cette disposition est particulièrement essentielle. Certes, ne pas multiplier les escortes de policiers trop lourdes peut être une question de deniers publics, mais c'est aussi une question de lourdeur pour les requérants et les retenus eux-mêmes, qui mettent parfois des journées entières pour se déplacer devant le juge des libertés et de la détention. Quand on veut prendre en compte l'humanité, il est bon de garder cet élément aussi à l'esprit. Avis défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne saurais dire mieux. Défavorable également.
Je m'étonne de cette position de Mme la rapporteure et de M. le ministre d'État car dimanche dernier, interrogé par M. Plenel, le Président de la République a eu l'air de découvrir cette disposition du projet de loi, en tout cas de ne pas y être spécialement favorable. Sa réponse a été très floue, mais je n'ai pas senti le Président très convaincu.
Si j'ai bien compris, la télé-audience est donc introduite pour le bien des demandeurs d'asile. Franchement, on atteint le comble du cynisme !
Madame la rapporteure, pouvez-vous prendre en compte le fait que le personnel de la CNDA et de l'OFPRA est contre cette disposition, ainsi que toutes les associations, y compris la CIMADE qui travaille dans les centres de rétention ? Pouvez-vous me citer une association se battant pour les droits des migrants ou trouver un seul migrant qui réclamerait la télé-audience ?
Sachant qu'il y va d'un choix qui, pour beaucoup d'entre eux, est vital – retour ou non dans un pays où ils estiment, en général à juste titre, qu'ils sont en danger – et que la télé-audience réduit les possibilités de dialogue et dégrade le rapport au juge, comment pouvez-vous penser que les migrants la préféreraient à une véritable audience parce qu'ils la trouveraient plus pratique ? C'est à mille lieues de leur réalité. Vous essayez, une fois de plus, de faire passer des mesures qui visent l'austérité et l'accélération des procédures pour des dispositions favorables aux migrants. De grâce, arrêtez votre cynisme !
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 1015 .
Cet amendement est lui aussi relatif aux interprètes, mais il aborde la question d'une façon légèrement différente.
Je voudrais remercier mon collègue Adrien Taquet, qui a travaillé sur la question du handicap au sens large, y compris le handicap psychique – sujet qui, vous le savez, m'importe beaucoup.
Nous avons déjà abordé la question du handicap : je remercie le Gouvernement de nous avoir apporté, à ce sujet, un éclairage sur les futures conditions matérielles des centres de rétention administrative. Aussi ne reviendrai-je pas sur la situation des personnes retenues dans ces centres vis-à-vis du handicap. Mais il y a d'autres personnes en souffrance psychique, dont nous n'avons absolument pas parlé : les personnels de la police aux frontières – PAF.
Tous ceux qui ont visité des centres de rétention savent combien les personnels de la PAF sont sensibles aux conditions dans lesquelles vivent les personnes retenues. Pour en avoir parlé avec eux, ils estiment que l'allongement de la durée maximal de rétention entraînera un surcroît d'angoisse. Monsieur le ministre d'État, puisque vous me laissez exprimer mes émotions, j'en profite pour vous dire qu'il faut aussi prévoir un accompagnement, une supervision, pour les personnels de la PAF.
Je suis un peu ennuyée, ma chère collègue, car il n'est pas question, dans votre amendement, de la préoccupation dont vous avez fait état, et que je partage : il s'agit en fait de la présence physique de l'interprète pendant les vidéo-audiences. Nous en avons déjà parlé : nous vous avions expliqué qu'il était très compliqué d'avoir des interprètes partout. C'est pourquoi je vous demande de retirer cet amendement, à défaut de quoi l'avis de la commission serait défavorable.
Je comprends bien votre souci, madame Wonner : nous en avons longuement discuté. Je vous demande, moi aussi, de retirer cet amendement, à défaut de quoi l'avis du Gouvernement serait défavorable.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Il est vrai que j'ai profité du temps qui m'était imparti pour défendre cet amendement afin d'exprimer ma préoccupation sur un autre point.
L'amendement no 1015 n'est pas adopté.
Sur l'article 16, je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche, le groupe La France insoumise et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour expliquer le vote de son groupe sur l'article 16.
Ce n'est pas sans émotion que je prends la parole. Nous arrivons presque à la moitié de l'examen de ce texte. Nous débattons depuis lundi, mais nous n'avons pas beaucoup avancé dans la protection des droits humains.
C'est avec déception et même tristesse que j'ai vu nos collègues adopter un certain nombre d'articles qui auront feront reculer les droits en France.
Concernant l'article 16, je voudrais rappeler – de façon pragmatique et sans verser dans l'émotion – que cette mesure est tout simplement inutile au regard de l'objectif poursuivi, à savoir accroître l'efficacité des mesures d'éloignement. Pour cela, vous allongez les délais de rétention, qui ne répondent à une aucune obligation européenne. Par ailleurs, à l'heure actuelle, le délai moyen de rétention n'est que de douze jours pour une durée maximale possible de quarante-cinq jours. Il faut le rappeler : la durée de mise en rétention possible aujourd'hui n'est généralement pas utilisée. Or, malgré cela, 40 % des étrangers placés en rétention sont éloignés.
Par ailleurs, le coût de cet allongement, certainement élevé, n'est pas chiffré par le Gouvernement. Dans certains CRA, le taux d'occupation atteint 100 % ; les conditions d'accueil, d'hébergement, d'hygiène, y sont inhumaines : cela a été rappelé ici.
Un dernier mot, monsieur le président. Je vous demande, chers collègues, de rejeter cet article inepte et inutile.
C'est pour nous aussi un moment important, un moment grave. Je suis d'accord avec Mme Karamanli : il y a de l'émotion. Je sais bien qu'on nous renvoie parfois au camp de l'émotion, de l'humanisme ; j'ai même entendu parler de « droit-de-l'hommisme » et d' « immigrationnisme » ; toutefois, je ne veux pas me défaire de ce sentiment, car je pense que la raison peut s'allier à l'émotion. En l'occurrence, dans cet article – comme dans l'ensemble du texte – , les deux manquent.
Tous les arguments avancés par le Gouvernement à l'appui de ce projet de loi se ramènent aux mots-clés « efficacité », « fermeté » et « humanité », mais dans les faits il n'y a rien de tout cela : ce ne sont que des concepts abstraits, sans lien avec la réalité.
L'article 16, comme l'ensemble du projet de loi, est très grave ; il l'est d'autant plus qu'il ne répond même pas aux objectifs que vous vous fixez. Il est dangereux pour les libertés de toutes et tous. Dès son entrée en vigueur, des hommes, des femmes et des enfants pourront être enfermés pendant quatre-vingt-dix jours : oui, pour nous, c'est un moment grave, émouvant, insupportable.
J'espère qu'au moment d'appuyer le bouton du boîtier de vote électronique, tous nos collègues s'interrogeront sur le sens de leur choix. Je crois que tout homme, toute femme, est d'abord l'enfant qu'il fut : à la pensée que des enfants subiront ce type de traumatisme,
Murmures sur les bancs du groupe LaREM
de nouveau par notre faute, vous nous rejoindrez peut-être. Je vous en conjure : votez contre cet article.
Je voudrais poser une question et exposer une réflexion.
Tout d'abord, ma question : vous n'étiez pas là à l'ouverture de la séance à quinze heures, monsieur Collomb, lorsque nous avons demandé des explications sur l'opération menée dans les Alpes par la milice Génération identitaire, avec des hélicoptères, afin – prétendent-ils – de contrôler la frontière. Mme Gourault nous a répondu que tout serait fait pour que la loi soit respectée.
Je voudrais savoir où les choses en sont, car ces individus continuent à envoyer des messages sur Twitter, dans lesquels ils expliquent fièrement que leurs hélicoptères continuent à circuler. Qu'avez-vous décidé ? Attendez-vous, pour intervenir, qu'ils aient décidé d'eux-mêmes de redescendre, démontrant ainsi que des milices d'extrême droite peuvent faire la loi dans ce pays ?
Et je réponds par avance au reproche qui ne manquera pas de m'être fait : cela a un rapport avec ce projet de loi.
J'en viens à la réflexion dont je parlais. Nous sommes le 21 avril. Or le 21 avril 2002, on nous a appelé à faire barrage contre le Front national. À l'époque, la durée maximale de rétention dans les CRA était dix fois plus courte que celle que nous nous apprêtons à voter. Celui qui, à l'époque, aurait proposé une durée de quatre-vingt-dix jours, aurait été considéré – à juste titre – comme d'extrême droite.
Il y a quelque temps, vous nous avez à nouveau sommés de faire barrage au Front national. Vous rendez-vous compte qu'en décidant de doubler la durée de rétention, en appliquant cette mesure à des enfants, et en imposant la télé-audience, vous êtes en train de cautionner le Front national ?
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Êtes-vous bien sûrs que les Français ne se diront pas, dans quelques années, que l'original vaut mieux que la copie ? Voilà ce que vous nous préparez. Cette formule vaut mieux que de longs discours.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le groupe UDI, Agir et indépendants votera l'article 16. Nous ne le ferons pas de gaîté de coeur, car la rétention administrative est toujours une épreuve pour ceux la subissent.
Malheureusement, c'est un mal nécessaire : la France prend sa part de la misère du monde, mais elle ne peut pas accueillir tout le monde. Il faut donc pouvoir renvoyer dans leur pays les personnes qui n'ont aucun droit au séjour en France.
Nous appelons néanmoins la vigilance du Gouvernement sur un point. Nous faisons confiance à M. le ministre d'État pour tenir ses engagements : nous souhaitons pouvoir examiner bientôt en commission un texte pour faire en sorte que les enfants ne puissent plus être mis en centre de rétention.
Nous pensons que cela honorerait la France, qui est la patrie des droits de l'homme : les enfants n'ont rien à voir avec la décision qui a été prise par leurs parents de rentrer irrégulièrement sur notre territoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, NG et GDR.
Je voudrais dire quelques mots sur cet article très important qui porte la durée maximale de rétention à quatre-vingt-dix jours. Au cours des derniers mois, des dernières semaines, nous avons veillé à ce que cette durée maximale soit ciblée sur les cas pour lesquels l'allongement de la durée de rétention peut apporter des résultats opérationnels. C'est en partie le cas pour les refus d'embarquement et pour les laissez-passer.
Il nous semble qu'en fin de compte, nous sommes parvenus à une solution qui permet à la fois de protéger les personnes concernées et d'assurer l'efficacité des mesures d'éloignement. Cet équilibre a été atteint ces dernières semaines, notamment grâce au travail de la commission des lois. C'est pourquoi nous voterons pour cet article.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 154 |
Nombre de suffrages exprimés | 108 |
Majorité absolue | 55 |
Pour l'adoption | 77 |
contre | 31 |
L'article 16, amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 16.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement no 509 .
Cet amendement, déposé par Éric Ciotti et dont je suis cosignataire, a pour objectif de rendre la demande d'asile moins attractive pour les personnes qui ne sont pas réellement menacées dans leur pays d'origine. En effet, il est indispensable de distinguer, dès le début de la procédure, entre les ressortissants de pays non sûrs, qui ont de bonnes chances d'avoir accès au statut de réfugié et auxquels doit donc être réservée la procédure normale d'examen, et les autres venant de pays sûrs, même si leur demande d'asile doit évidemment être examinée. À titre d'exemple et vous le savez bien sûr, monsieur le ministre d'État, le premier pays d'origine des demandeurs d'asile en 2017 a été l'Albanie, inscrite pourtant sur la liste des pays sûrs, avec 7 630 demandes, soit une hausse de 66 % – l'OFPRA n'accordant sa protection qu'à 6,5 % des demandeurs albanais.
L'amendement prévoit que les ressortissants de pays sûrs demeureraient en centre de rétention administrative le temps que leur demande d'asile soit examinée, à la différence du système actuel. Cela rendrait matériellement plus facile l'organisation d'un éloignement à l'issue de l'examen de leur demande et permettrait également de dissuader les filières de détourner le droit d'asile.
La mise en rétention administrative est tout de même une mesure privative de liberté et doit donc rester avant tout un moyen en vue de l'éloignement. L'avis est défavorable.
On sait que 96 % des déboutés du droit d'asile restent en France in fine. Peut-être ce chiffre convient-il à la majorité, mais pas à la principale force d'opposition, Les Républicains. Ces 96 % viennent grossir les rangs des clandestins que vous voulez, monsieur le ministre d'État, régulariser par vagues massives de 40 000 comme cela a été annoncé tout à l'heure.
En outre, on sait très bien que les accords d'asile signés par la France ne correspondront pas dans de très nombreux cas, et même dans une proportion écrasante, à la réalité pour certaines nationalités – on a évoqué les Albanais, mais ce sera vrai aussi pour beaucoup d'autres nationalités. Le seul moyen pour que ces personnes soient efficacement reconduites dans leur pays, c'est de pouvoir les avoir sous la main : sinon, elles s'évanouissent dans la nature. Malheureusement, l'expérience prouve que le seul moyen d'avoir sous la main ces personnes provenant de pays sûrs alors qu'elles seront quasiment toutes déboutées, c'est de les placer en centre de rétention administrative.
Refuser cet amendement signifie que vous continuez dans votre logique, à savoir de ne pas renvoyer dans leur pays d'origine les déboutés du droit d'asile, contribuant ainsi à grossir la somme des clandestins présents en France. Nous ne pouvons le tolérer. C'est pourquoi je vous invite à reconsidérer votre position.
Il s'agit là clairement d'une mesure de dissuasion. En effet, vous ne pouvez ignorer que l'asile est devenu un outil de l'immigration.
Il faut que nous nous battions contre. En remettant au coeur du droit d'asile la question de la protection des populations persécutées, nous le rendrons d'autant plus fort, et nous serons d'autant plus libres pour discuter des garanties à accorder aux demandeurs d'asile si nous ne sommes pas perturbés par le nombre invraisemblable de demandes d'asile – demandes qui correspondent en réalité à de l'exploitation par des filières d'immigration. Si on veut que notre droit d'asile soit efficace, il faut aussi qu'il dissuade de venir chez nous ceux qui savent qu'ils ne peuvent pas y prétendre. L'exemple de l'Albanie, cité par Brigitte Kuster en défense de cet amendement, est clair : seuls 6 % de plus de 7 000 demandes obtiennent in fine une réponse positive. Cela prouve bien qu'il y a là une filière de demandeurs d'asile qui se disent albanais – souvent à tort, au demeurant.
Le droit des étrangers a créé de nombreuses procédures parallèles portant atteinte, de manière particulièrement forte, aux droits et libertés personnelles. Nous souhaitons, par cet amendement, mieux en encadrer une : l'assignation à résidence, qui est particulièrement attentatoire à la liberté de se déplacer ainsi qu'au droit au respect de la vie familiale et privée.
L'assignation à résidence est prononcée par le préfet ou par le juge des libertés et de la détention. Si, selon les chiffres mêmes du Gouvernement, qui proviennent d'Eurostat, environ 13 % des mesures d'éloignement sont effectivement exécutées, comme le révèle la lecture de la page 194 de l'étude d'impact, alors pourquoi recourir de façon excessive à des mesures privatives de liberté ?
Pourquoi exercer une telle violence sur la vie de ces personnes, et ce pour des durées qui ne se justifient absolument pas ? Les hommes, femmes et enfants ne doivent pas être arrachés à leur travail, à leur vie et à leur école plusieurs fois dans l'année pour être assignés à résidence.
Nous vous proposons d'encadrer ces mesures privatives de liberté en limitant à quarante-cinq jours au total la durée de l'assignation lorsque la mesure est prise par le préfet, et à seulement quinze jours lorsqu'elle l'est par le juge des libertés et de la détention.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Bien au contraire, notre objectif est de rendre l'assignation à résidence plus efficace, afin qu'elle puisse être plus utilisée que le placement en centre de rétention administrative : l'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement no 951 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir l'amendement no 954 .
Par cet amendement, nous proposons d'encadrer le dispositif d'assignation à résidence, qui constitue une mesure particulièrement attentatoire aux droits et libertés, notamment à la liberté d'aller et venir, ainsi qu'au droit au respect de la vie familiale et privée.
Ce dispositif donne lieu à de nombreux excès. Souvent, quand un préfet voit l'un de ses arrêtés de placement en centre de rétention annulé par le juge administratif, il prend derechef une nouvelle mesure attentatoire aux libertés et aux droits : l'assignation à résidence. Or ce n'est pas à la personne qui a été placée en rétention de subir les conséquences d'une décision erronée ou illégale du préfet ou de son incapacité à l'éloigner du territoire.
Si une personne est placée en rétention, ce ne peut être que parce qu'elle peut effectivement être éloignée, et de manière légale. Le préfet, quand il a placé une personne en rétention de manière indue, doit assumer entièrement sa responsabilité. Ce n'est en effet pas à l'étranger de subir en quelque sorte une double peine en étant à nouveau privé de liberté. Pour l'éviter, nous proposons donc de limiter temporellement l'assignation à résidence.
Cette limitation prendrait la forme d'une interdiction faite au préfet de prendre à l'égard d'un étranger – et ce dans un délai d'un an à compter de sa libération – une mesure d'assignation à résidence consécutive à sa sortie de rétention, que cette sortie soit due à une mesure de libération prononcée par le juge ou au fait que la durée maximale de cette même rétention a été dépassée.
Le préfet pourra toujours prendre une nouvelle mesure de placement en rétention s'il l'estime nécessaire, mais l'assignation à résidence ne peut pas être un placement en rétention bis.
Nous considérons toujours que substituer une rétention à une assignation à résidence est plutôt une bonne mesure : l'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement no 954 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement miroir de celui que nous avons adopté à l'article 16 sur la prise en considération du handicap dans son acception environnementale. Cet amendement vise en effet à ce que les CRA soient accessibles. Il s'agit, en réalité, de faire respecter les dispositions de la loi du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées, en particulier le principe d'accessibilité universelle.
Je sais que les crédits adéquats ont par ailleurs été votés par notre assemblée en vue d'améliorer les conditions de vie dans les CRA. Il s'agit toutefois, au travers de cet amendement, de s'assurer que le handicap ne sera pas, une fois de plus, le parent pauvre de nos politiques publiques et qu'il sera bien pris en compte dans les travaux d'amélioration des conditions de vie dans ces mêmes CRA. Fondamentalement, l'on ne peut en effet pas admettre qu'une privation de liberté, si justifiée soit-elle, se double d'une privation de dignité.
Mon cher collègue, je vous précise que le placement en rétention est décidé lorsque l'assignation à résidence n'est pas possible en raison d'un risque de fuite caractérisé. Or, si l'étranger concerné est une personne en situation de handicap, il y a peu de chances que l'on relève qu'il existe un risque de fuite de sa part.
En outre, l'adoption de l'amendement concernant l'appréciation de la vulnérabilité a pour conséquence que tous ces éléments seront pris en compte. Enfin, il me semble compliqué d'inscrire votre amendement dans la loi.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à votre amendement.
Il me semble que cet amendement pourrait être retiré. À défaut, le Gouvernement y serait défavorable.
Une fois encore, cet amendement no 1031 est vraiment le pendant de celui que nous avons adopté tout à l'heure : les conditions d'accueil et d'accompagnement dans les CRA font dorénavant partie de l'examen du placement en rétention. Si j'étais cynique – je ne le suis pas – , j'irais jusqu'à dire que l'adoption de cet amendement faciliterait en réalité le placement en rétention.
Par ailleurs, je défendrai juste après l'amendement no 1044 , qui est initialement un amendement de repli puisqu'il vise à demander que le ministère de l'intérieur remette annuellement un rapport sur l'état d'accessibilité universelle de l'ensemble des centres.
Il sera très utile, pour nous tout autant que pour les autorités judiciaires et administratives, de connaître l'état réel de l'accessibilité des différents centres, notamment au moment de prendre une décision de placement en rétention. Pour toutes ces raisons, je maintiens mon amendement.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Je soutiens l'amendement, même si La France insoumise ne souhaite pas que la rétention devienne la norme.
Monsieur le ministre d'État, vous disiez hier que nous aimions les exemples. Effectivement, il n'y a pas que des chiffres : avant tout – il est toujours bon de le rappeler – , il y a des êtres humains. Il importe de mettre des visages sur les chiffres.
Madame la rapporteure, vous avez dit que vous souhaitiez que l'assignation à résidence soit le moyen choisi lorsque l'étranger concerné est vulnérable.
Je vous donnerai l'exemple d'un homme, originaire d'un pays non sûr, que j'ai rencontré dans un CRA et dont le placement, qui a duré quarante-cinq jours, ne constituait qu'une mesure punitive, puisqu'il ne pouvait pas être renvoyé dans son pays. Il se trouve qu'il avait fait, deux ans auparavant, une chute qui avait occasionné la pose de broches au niveau du dos et nécessitait une ceinture ainsi qu'un lit médicalisé. Or il n'avait pas pu emporter cette ceinture avec lui et dormait sur un lit normal. Des personnes handicapées se retrouvent donc, aujourd'hui, placées en CRA : c'est la réalité.
L'amendement no 1031 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM et sur les bancs du groupe LR.
Comme je le disais, il s'agit d'un amendement de repli. Il est toutefois complémentaire du premier, puisqu'il sera utile, tant à l'Assemblée qu'aux autorités judiciaires et administratives, de connaître l'état d'accessibilité des différents centres afin de pouvoir prendre en conscience et en connaissance de cause les décisions idoines.
Cher collègue, j'émets un avis défavorable concernant tous les amendements visant à demander des rapports, car ils alourdissent les projets de loi. Au contraire, j'estime que chaque député peut se saisir d'un sujet pour remettre ensuite lui-même un rapport.
Je remercie tout d'abord de nouveau M. le ministre d'État et l'ensemble de la majorité d'avoir enfin choisi de consacrer des moyens aux CRA. Nous en avons en effet visité, les uns et les autres, et il est véritablement nécessaire, pour certains d'entre eux, de les repenser dans leur globalité – voire de les reconstruire – et, pour d'autres, de les mettre à niveau.
Cher Adrien Taquet, il est évident que, lors d'une mise à niveau, la question du handicap sera prise en compte, comme l'ensemble des normes de construction obligatoires dans ce cas. Il en va de même, a fortiori, pour les constructions nouvelles.
Il y aura aussi de nouveaux jouets pour les enfants : c'est formidable !
Cette démarche commencera par une étude portant sur l'ensemble des projets de construction ou de reconstruction de ces centres. Je tenais cependant à remercier le Gouvernement de l'effort financier qui va être fait : effectivement, ces centres ne sont aujourd'hui pas à la hauteur des valeurs de notre République. Il était donc important que des travaux y soient enfin engagés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
En ce qui me concerne, je suis tout à fait favorable à cet amendement. Dans notre pays, une loi concernant l'accessibilité est en vigueur : elle s'applique à toutes les collectivités locales. Toutes nos communes, comme tous les établissements publics, sont obligés de l'appliquer.
Aujourd'hui, notre collègue Adrien Taquet demande un rapport sur l'accessibilité des centres de rétention : cela me paraît être la moindre des choses que de connaître, de ce point de vue, leur situation actuelle. Il me semblerait par conséquent tout à fait normal que le Parlement puisse disposer d'un rapport pour qu'il ensuite se prononcer.
L'amendement no 1044 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 78 .
Je présente cet amendement de notre excellent collègue Xavier Breton. Il dispose : « Sauf application des dispositions des décisions-cadres de l'Union européenne, ne peuvent être placées en rétention administrative, en vue de leur éloignement, les personnes faisant l'objet des mesures prévues à l'article 138 du code de procédure pénale et à l'article 132-44 du code pénal. »
Cette disposition permet d'éviter de placer en rétention administrative et d'expulser une personne condamnée à un suivi judiciaire ou au respect de l'obligation d'un contrôle judiciaire par le juge français.
En effet, l'expulsion, par exemple, d'un individu condamné à une peine avec sursis avec mise à l'épreuve est susceptible d'entraîner, de façon quasi automatique, la révocation de ce sursis et donc sa condamnation à une peine de prison ferme, alors même que c'est l'administration qui l'aurait placé dans l'incapacité de respecter ses obligations issues d'une décision de justice définitive.
L'amendement no 78 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 952 .
Chers collègues, puisqu'à l'évidence vous restez sourds aux arguments de raison et que vous n'écoutez pas les personnes de terrain, peut-être l'expérience pourra-t-elle vous convaincre.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et LR.
C'est pourquoi les députés du groupe La France insoumise vous proposent un nouveau type d'amendement : afin de contribuer à l'émergence de la société de confiance que le Président de la République comme la majorité appellent de leurs voeux, et dans la perspective d'atténuer la déconnexion des députés de la vie quotidienne, nous vous proposons cet amendement que nous appellerons : « Vis ton vote ».
Il permettra aux députés de vivre littéralement les conséquences de ce qu'ils votent ; ils réfléchiront sans doute ensuite à deux fois avant de prendre des mesures attentatoires aux libertés fondamentales à l'encontre de personnes n'ayant pas commis la moindre infraction.
Puisque la majorité entend créer de nouvelles possibilités de placement en rétention, nous vous proposons cet amendement d'expérimentation.
Afin de s'assurer de l'efficacité des dispositifs envisagés ainsi que de leur conformité aux droits et libertés fondamentaux – que vous pourrez ainsi, chers collègues, vérifier directement sur le terrain – , dix députés représentatifs de la composition de l'Assemblée nationale pourront être tirés au sort afin de participer à un stage d'immersion de quarante-cinq jours en rétention administrative.
Évidemment, les députés tirés au sort pourront, à leur demande, prolonger ce stage jusqu'à une durée maximale de quatre-vingt-dix jours, conformément à ce que vous avez voté : c'est en effet ce que le Gouvernement entend faire subir à des personnes qui, je le rappelle, n'ont pour la plupart commis aucune faute ni aucun délit ou aucun crime.
Le Conseil d'État lui-même s'interroge sur la justification de l'allongement de la durée maximale de placement en rétention, qui est une mesure privative de liberté. Il rappelle en outre que la durée moyenne de rétention n'est que de douze jours. Vous avez donc voté une mesure à la fois cruelle et inutile : maintenant, vivez-la !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Madame Panot, l'une de vos collègues avait déjà présenté cet amendement en commission. Je vous fais donc la même réponse : sur proposition de Mme la présidente de la commission des lois, nous sommes un certain nombre de commissaires à avoir visité des CRA.
D'ailleurs, un certain nombre d'autres députés, membres du groupe majoritaire mais non membres de la commission des lois, se sont également rendus dans des CRA.
Madame Panot, allez passer dix jours dans un CRA si vous le souhaitez. Nous faisons, pour notre part, notre travail de façon extrêmement sérieuse : c'est ce qui nous a permis de faire avancer le projet de loi.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Il est également défavorable.
Si les députés du groupe La France insoumise veulent faire un stage d'immersion dans les unités de la police nationale qui assurent la surveillance des CRA, ils verront avec quelle diligence et quelle retenue elles s'acquittent de leur mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur plusieurs bancs des groupes LR et MODEM et parmi les députés non inscrits.
Cet amendement, amusant, aura au moins eu le mérite de mettre de l'ambiance dans l'hémicycle.
Il reste qu'il y a, dans l'argumentation qui a été développée, des choses qui sont difficiles à entendre. On nous dit que l'on a placé en prison, ou presque, des gens qui n'ont rien fait. Attention à la victimisation ! Ce sont quand même des étrangers…
… qui sont en situation irrégulière, c'est-à-dire qui ne respectent pas le droit français. C'est pour cette raison qu'ils sont placés dans un centre de rétention administrative, dans l'attente de leur reconduction à la frontière.
On peut chercher à connaître la situation dans les centres de rétention. Plusieurs d'entre nous sont allés, à plusieurs reprises, en visiter, mais il faut aussi, quand on est législateur, connaître le droit et les raisons qui nous ont conduits à le construire.
Par ailleurs, si l'expérience concrète du terrain est intéressante et importante pour éclairer la représentation nationale, un certain nombre d'analyses le sont au moins autant – et elles sont parfois beaucoup plus simples à obtenir. Le Gouvernement est tenu d'éclairer la représentation nationale ; cela participe à la bonne tenue des débats et à la qualité des décisions que nous sommes amenés à prendre. Or, depuis maintenant six jours, nous posons cinq questions, qui restent sans réponse.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Je ne vous ferai pas l'affront de les répéter ; je pense qu'à force, cela a dû imprimer. La pédagogie est peut-être l'art de la répétition, mais il faut aussi savoir ne pas en abuser.
Cependant, si nous n'avons pas encore de réponse cette fois-ci, nous nous permettrons de les répéter ultérieurement.
Monsieur le ministre d'État, sachez que nous sommes tout à fait disposés à faire des stages d'immersion avec les forces de sécurité.
D'ailleurs, notre collègue Ugo Bernalicis a déjà prévu de le faire avec les forces de gendarmerie.
Nous vous montrons donc l'exemple : suivez-le !
Peut-être est-ce un amendement d'appel, madame la rapporteure, je n'en sais rien, mais c'est une chose que de visiter, de regarder, d'être ému par certaines situations – tout le monde a un coeur, tout le monde éprouve des sentiments – , et c'en est une autre que de comprendre ce que cela signifie, y compris dans sa chair, que de vivre ces situations. Voilà que nous essayions de faire comprendre à la majorité.
Les textes de lois que nous examinons sont adoptés même lorsqu'il n'y a aucune argumentation fondée pour les appuyer, puisque tout ce qui a été avancé à propos de celui-ci a été retoqué, non seulement par nous, mais aussi par toutes ces organisations qui ne font pas que visiter, mais qui connaissent le terrain, qui observent, qui témoignent de ce qui est vécu au quotidien. Il n'y a aucun argument logique, rationnel, raisonné, réaliste, y compris du point de vue des objectifs que vous vous fixez d'expulser de plus en plus et de maintenir une forme d'humanité. Nous vous enjoignons de vérifier quelle humanité est maintenue durant quarante-cinq ou quatre-vingt-dix jours de rétention. Puisque vous êtes si certains que l'on maintient de l'humanité et que l'on respecte la dignité des personnes dans ces centres, faites le test !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Oh non ! Cela dégraderait vos statistiques de présence dans l'hémicycle !
Ensuite, on pourra discuter, sur des bases concrètes, pour savoir s'il est humain de maintenir des enfants en rétention.
C'est à cela que nous voulons vous confronter, à ces responsabilités dont vous vous défaussez, …
… qui requiert un vote caporaliste, alors que pour ces personnes, c'est leur avenir qui est en jeu.
L'amendement no 952 n'est pas adopté.
Rappel au règlement
Au titre de l'article 58, monsieur le président. Je voudrais exprimer ma réprobation à l'égard de ce qu'a déclaré M. le ministre d'État à l'endroit de nos collègues de La France insoumise. Moi, je ne vote pas avec La France insoumise, mais je ne supporte pas qu'on désigne ainsi des collègues du doigt et qu'on les invite à un stage d'immersion.
J'aurais aimé que ce soit toute l'Assemblée qui soit invitée. D'ailleurs, la présidente de la commission des lois nous adresse souvent des invitations de ce type.
Je voudrais aussi exprimer ma réprobation à l'égard du comportement de certains collègues, y compris parmi ceux qui siègent sur les mêmes bancs que moi. Quand nous sommes agressés par le Gouvernement, quel que soit le banc où nous siégeons, on n'a pas besoin d'applaudir. Ce que je viens de dire est valable aussi pour la majorité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et sur les bancs du groupe FI.
Nous en venons aux orateurs inscrits sur l'article 17.
La parole est à M. Joël Aviragnet.
Je voudrais revenir sur la rétention administrative des enfants.
Je veux exprimer mon indignation, en tant qu'homme politique et aussi en tant que professionnel, qu'en 2017, en France, les rétentions de familles avec enfants se soient multipliées et qu'elles s'accompagnent très régulièrement de mauvais traitements. En métropole, plus de 300 enfants ont été enfermés en 2017 ; c'est plus que durant les années 2012, 2013, 2014 et 2015 cumulées.
Je vous renvoie à la tribune que, dans Libération du 18 avril dernier, ont signé la présidente d'honneur de la Ligue des droits de l'homme, la présidente de Défense des enfants International-France, Pierre Joxe, et d'autres personnalités, notamment des neuropsychiatres comme Boris Cyrulnik, qui est aussi psychanalyste et qui fait autorité en la matière. Ces femmes et ces hommes de terrain nous rappellent non seulement que cette situation est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant ratifiée le 7 août 1990 par la France, mais aussi que la France a été condamnée pour cela.
Je suis d'autant plus à l'aise pour parler de ces questions que nous avons été aux affaires et que je me suis toujours opposé à la rétention des enfants. La maltraitance d'enfants en centres de rétention est monnaie courante, nous le savons tous. La nature même de la détention d'un enfant pose question et peut être légitimement considérée comme une violation des droits de l'enfant. J'ai été un professionnel pendant quarante ans et je sais quelles sont pour un enfant les conséquences de l'enfermement. De nombreuses études étayent mes propos.
Je vous demande donc solennellement, en tant que politique, en tant qu'être humain, en tant que parent et surtout en tant que législateur au pays des droits de l'homme, de mettre immédiatement fin à la rétention des enfants, en concevant des mesures alternatives à l'enfermement.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.
Cela n'a rien à voir avec l'article !
Par cet article, le Gouvernement souhaite tirer les leçons d'une décision du Conseil constitutionnel relative aux assignations à résidence de longue durée d'étrangers faisant l'objet d'une interdiction de territoire. C'est plutôt une bonne chose. En l'état actuel du droit, il n'est prévu aucune limitation de temps pour l'assignation des étrangers qui font l'objet d'une interdiction judiciaire de territoire. Ce n'est pas acceptable, et c'est ce qu'a censuré le Conseil constitutionnel le 30 novembre 2017 dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité.
C'est bien de se poser des questions de constitutionnalité ; cependant, votre article montre une absence de volonté de véritablement prendre en compte la difficulté qui est soulevée. Vous ne cherchez pas à encadrer le nombre de renouvellements, puisqu'en fixant un délai de cinq ans, vous perpétuez la position inconstitutionnelle précédente. Cette position nous semble irresponsable et, une fois encore, assez cynique, vu que l'on parle là d'une mesure privative de liberté.
Oui, il y a un enjeu de sûreté. Il faut le prendre en considération et, pour le prendre en considération, il ne faut pas avoir un rendez-vous tous les cinq ans ; il faut au contraire pouvoir revoir la mesure plus régulièrement. D'où notre question : s'agit-il une fois encore d'une logique comptable, qui, en cherchant à faire des économies, va de nouveau s'asseoir à la fois sur la sûreté et sur les droits et libertés des individus ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cet article consacre à la fois la technocratie du projet de loi et l'inopérabilité des mesures qu'il contient. Organiser la possibilité pour un étranger qui a été débouté de toutes ses demandes de rester sur le territoire français semble en effet particulièrement incongru ! Surtout, cela ne va pas contribuer à réduire le nombre d'étrangers présents irrégulièrement sur le territoire, qui est aujourd'hui de plus de 400 000, comme vous nous l'avez indiqué, monsieur le ministre.
Je ne comprends pas bien dans quel cas un étranger sans droits, présent sur le territoire national, pourrait ne pas être renvoyé dans son pays d'origine ou dans un pays tiers. S'il y a des problèmes liés à la situation dans son pays d'origine, ou à sa personnalité, ou à ses relations avec son pays d'origine ou avec d'autres pays, alors il bénéficiera soit du statut de réfugié, soit de celui d'apatride. Que des étrangers soient présents irrégulièrement sur le territoire national et qu'on organise leur présence parce que l'on considère qu'ils ne peuvent pas retourner dans leur pays d'origine, je ne vois pas à quelle situation cela peut correspondre – ou alors il aurait fallu leur conférer des droits. D'où ma question : est-ce là un mécanisme qui s'inscrirait dans une logique de régularisation de ces 400 000 étrangers présents irrégulièrement sur le territoire…
Monsieur Schellenberger, vous avez épuisé votre temps de parole.
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
Il s'agit, une fois encore, d'un article qui comprend des mesurettes d'ajustement administratif. Je constate de plus en plus – et c'est regrettable – que, dans ce débat, la majorité comme la gauche et la gauche de la gauche s'arc-boutent sur la question des droits des migrants ; à aucun moment, on n'aborde celle du flux des migrants, de son importance, de sa croissance et du fait qu'il devient impossible à gérer.
La question qui se pose, au travers de cet article, est celle de l'effectivité des éloignements. Je rappelle qu'il y a aujourd'hui dans notre pays sans doute 400 000 clandestins…
… et que 96 % des déboutés du droit d'asile, à qui l'on a donc refusé l'asile et qui n'ont pas vocation à rester sur notre sol, restent pourtant ici.
J'en profite pour réitérer une question. Vous vous êtes félicité il y a peu de temps, monsieur le ministre d'État, d'avoir établi l'année dernière le record du nombre d'éloignements de personnes enregistrées dans le FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. On sait qu'un peu moins de 3 000 personnes étrangères se trouvent dans ce cas de figure. Êtes-vous prêt à prendre des mesures afin de pouvoir en expulser un peu plus de vingt par an, sachant que ces personnes représentent une menace directe pour la sécurité de nos concitoyens ? Je pense que cela mériterait des mesures un peu plus fortes.
Cet article vise, certes en se conformant à une décision du Conseil constitutionnel, à mettre en place les modalités pour maintenir sur le territoire français un étranger soumis à une interdiction judiciaire de territoire : on marche sur la tête ! Voilà des étrangers qui ont été condamnés à une peine complémentaire, qui l'ont purgée, dont on juge qu'ils ne doivent pas rester sur le territoire national et l'on est en train d'organiser la façon dont ils sont assignés à résidence sur le territoire. Il n'y a que moi que cela choque ? La France met en place ce dispositif et ne fait rien pour renvoyer dans son pays d'origine une personne qui a commis un méfait assez grave pour être sous le coup d'une interdiction judiciaire du territoire français. Je trouve cela complètement dingue !
Cela révèle une fois de plus le laxisme de ce texte et de la politique du Gouvernement précédent, dont les conséquences, qui ont déjà été soulignées mais que je vais rappeler, sont que l'on se retrouve avec un stock de 300 000 à 400 000 clandestins –
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
pas un stock, pardon, un nombre total de 300 000 à 400 000 clandestins sur le territoire de la République française.
Or on ne fait pas grand-chose pour les expulser. Au contraire, on est en train d'organiser la façon dont ils vont rester.
Je voudrais ajouter une chose. Nous avons dû examiner quelque 600 amendements depuis le début de nos travaux.
Sur ce total, monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure, vous n'en avez accepté aucun du groupe Les Républicains. J'espère que, pour les 500 suivants, vous allez faire un effort !
Monsieur Dumont, vous avez épuisé votre temps de parole.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Cet article est incroyable : il organise notre propre impuissance.
Nous avons examiné plus de 500 amendements. Aucun de notre famille politique n'a été adopté : cela prouve l'ouverture d'esprit du groupe La République en marche !
Là, nous allons faire en sorte que des personnes qui ont été déboutées de toutes les procédures puissent rester en France, suivant certaines modalités.
Je me permets seulement de rappeler que plus de 400 000 étrangers en situation irrégulière, ayant épuisé toutes les possibilités de demande, se trouvent sur notre territoire, soit l'équivalent de la ville de Toulouse.
Parmi les déboutés du droit d'asile, 96 % restent sur notre territoire. D'après la Cour des comptes, le coût des procédures se monte à 5 528 euros par personne. Or ces personnes, qui ont abusé des procédures, n'ont aucun statut de réfugié, et n'ont donc pas vocation à rester sur notre territoire. Non seulement elles ont coûté cher, mais l'on, est, en plus, en train d'étudier la façon de les maintenir sur notre territoire. J'avoue mal comprendre votre logique, et les Français qui nous écoutent doivent avoir l'impression d'être au pays des Shadoks : ce que l'on fait d'un côté, on le détricote de l'autre. Cela donne une bien piètre image du travail parlementaire, lequel doit fixer un cap qui rende les choses compréhensibles pour que les Français. Ce n'est certes pas un tel article qui le permettra.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter l'excellent amendement de M. Masson.
Cet article, monsieur le ministre d'État, me préoccupe du point de vue de la sécurité nationale. Son objet, en effet, est de limiter la durée des assignations à résidence de ressortissants étrangers qui font l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, lorsque cette décision ne peut être exécutée.
Prenons un exemple concret. Il y a quelques années, Djamel Beghal, terroriste islamiste condamné par la justice, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement vers l'Algérie. La Cour européenne des droits de l'homme s'y était alors opposée, jugeant que le carcan de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'elle surinterprétait, interdisait une telle mesure d'éloignement.
Une mesure d'assignation à résidence avait alors été prise. Avec le présent article, n'aurait-elle pas été abrogée au bout de cinq ans ? Vous êtes contraint par une évolution jurisprudentielle récente du Conseil constitutionnel présidé par Laurent Fabius, j'entends bien. C'est librement, en tant que député, que je juge cette évolution regrettable, dans la mesure où, selon moi, elle déséquilibre la balance entre les exigences de sécurité et la protection des libertés.
Dans ce cadre très contraint du point de vue constitutionnel et conventionnel, je crains que votre article ne constitue une nouvelle étape, même discrète, du désarmement de la France face à la menace terroriste.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Danièle Obono, dernière oratrice inscrite sur cet article.
J'irai dans le même sens que notre collègue Clémentine Autain. Il s'agit, selon nous, de trouver le juste équilibre entre sécurité et défense des droits fondamentaux. À ceux de nos collègues LR qui s'interrogent sur le monde dans lequel nous vivons, je répondrai que ce n'est pas celui des Shadoks, mais dans ce qui reste de l'État de droit et d'une démocratie où l'on s'efforce de donner un cadre aux libertés fondamentales.
Notre positionnement, d'après M. Di Filippo, traduit un manque de compréhension des phénomènes migratoires. Je le renvoie à la très bonne brochure que nous avons réalisée sur ce sujet, où il est fait état des données d'organismes internationaux. Celles-ci, je suis navrée de briser votre fantasme, montrent que l'Europe n'est pas assaillie par des hordes d'immigrés ou de réfugiés, la plupart de ces derniers étant accueillis dans les pays limitrophes : il est utile de le rappeler, tant la lepénisation des esprits, dans nos débats, escamote les faits.
Ce sont donc 17 % seulement des réfugiés en provenance de Syrie, d'Érythrée ou d'autres pays en guerre qui sont accueillis en Europe, non la majorité d'entre eux. L'accueil et la solidarité sont assurés d'abord et avant tout par les pays du grand Sud. Ce sont d'ailleurs les migrations en général, et pas seulement les migrations forcées, qui sont d'abord interrégionales.
Notre vision, donc, se fonde sur la réalité, et elle est raisonnée. Ce n'est malheureusement pas le cas de la majorité qui soutient ce projet de loi. Je vous invite donc, mes chers collègues, à lire ce document, « Pour une politique migratoire solidaire, raisonnée, réaliste » : il est gratuit et consultable en ligne.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Vous y apprendrez deux ou trois petites choses qui, j'en suis sûre, seront intéressantes pour la suite de nos débats et vous éviteront des interpellations qui…
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 953 .
Notre groupe estime, comme le groupe GDR, que la possibilité d'un renouvellement illimité, avec un réexamen tous les cinq ans, constitue une atteinte aux droits et libertés fondamentales : nous ne le dirons jamais assez. En effet, des personnes ayant été condamnées par la justice à une telle interdiction, et qui ne peuvent être immédiatement renvoyées de France, ne doivent pas se voir assignées à résidence à vie, ou pour une très longue durée.
D'un point de vue philosophique, vous faites le choix de privilégier l'assignation à résidence, moins coercitive que la rétention. Cela fait perdurer une logique de suspicion à l'égard des personnes étrangères, auxquelles on impute automatiquement le risque qu'elles prennent la fuite. Autant dire qu'elles sont toujours suspectes a priori.
En outre, parier sur l'assignation à résidence plutôt que sur la rétention nous fait craindre, à nous, députés FI et GDR, une mesure coercitive de plus s'agissant du contrôle des étrangers.
Enfin, sur le plan pratique, une telle mesure expose les services de police et de gendarmerie à des arrestations sensibles à organiser. Derrière une mesure d'apparence technique, réputée prendre en compte une censure constitutionnelle, vous ne faites donc que conforter la logique d'un texte de loi qui nous apparaît de plus en plus insupportable.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
En réalité, la suppression de l'assignation à résidence de longue durée avait déjà été votée dans le cadre de la « loi Dublin » adoptée entre-temps. L'article 17 ne contient, à cet égard, que des dispositions de coordination. La vraie mesure de fond est l'allongement de la plage horaire de contrôle durant l'assignation à résidence : nous y tenons tout particulièrement, car elle permet de rendre l'assignation à résidence beaucoup plus efficace, donc beaucoup plus crédible en tant qu'alternative à la rétention. Avis défavorable.
Cet amendement vise à supprimer l'essentiel de l'article 17, qui facilite à outrance la possibilité d'assigner à résidence tout en maintenant la substance de la décision rendue dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité – QPC – du 1er décembre 2017, dans laquelle le Conseil constitutionnel reprochait au législateur de n'avoir pas concilié l'objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public avec, d'une part, la liberté d'aller et de venir et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée.
Défavorable également.
Tout à l'heure, monsieur le ministre d'État, je vous ai interrogé sur la portée précise de cet article s'agissant des étrangers qui font l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire et d'une mesure d'assignation. Il serait utile que vous nous précisiez combien de personnes sont aujourd'hui concernées par ce dispositif, et comment vous comptez le mettre en oeuvre s'il est adopté.
L'amendement no 330 n'est pas adopté.
Afin d'assurer une efficacité accrue du travail de l'appareil judiciaire et policier en la matière, la déclaration d'adresse de résidence des étrangers qui ne sont plus assignés à résidence mais font l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire doit être une obligation absolue.
Cet amendement concerne le cas d'un étranger qui, alors qu'il fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, se présenterait malgré tout à nos frontières. Aux termes du présent article, ces individus, lorsqu'ils ne sont plus assignés à résidence, « peuvent » être astreints à déclarer leur lieu de résidence à l'autorité administrative, à la police ou à la gendarmerie. Il est hallucinant de s'en tenir à une simple possibilité. Aussi mon amendement vise-t-il à substituer au mot : « peuvent » le mot : « doivent ». C'est bien le moins, en effet, que ces individus soient immédiatement expulsés de notre territoire.
Toujours défavorable : une procédure de ce type ne doit pas être imposée.
Défavorable également.
Je rappelle à M. Larrivé – bien qu'il le sache très bien, puisqu'il l'a lui-même dit – que le texte ici proposé ne l'est pas de notre initiative : il fait suite à une décision du Conseil constitutionnel. De deux choses l'une, donc. Soit l'on choisit de s'asseoir, si vous me passez l'expression, sur les décisions du Conseil constitutionnel, ce que vous ne suggérez pas tout à fait, ce me semble – quoi que vous pensiez de l'évolution de la jurisprudence constitutionnelle – ; soit l'on adopte un certain nombre de mesures pour adapter notre législation.
Ces mesures, en l'occurrence, précisent qu'au-delà d'une durée de cinq ans, l'assignation à résidence ne peut être prolongée qu'en raison de circonstances particulières. Cette prolongation sera donc possible s'il s'avère que l'individu est dangereux.
De quoi parlons-nous, en réalité ? Non pas de personnes en situation irrégulière, bien entendu, mais de personnes condamnées ou pouvant constituer une menace, et qui devraient à ce titre être éloignées, mais vers des pays où l'on pratique la torture ou d'autres actes dégradants. Ces personnes, dès lors, nous ne pouvons pas les expulser. Aussi convient-il de les assigner à résidence, y compris pour une durée supérieure à cinq ans si nécessaire, car, en général, elles sont un peu dangereuses.
Merci, monsieur le ministre d'État, pour la précision de votre réponse. Les décisions du Conseil constitutionnel sont en effet ce qu'elles sont ; et je conçois qu'à la place qui est la vôtre, au sein du Gouvernement, vous avez le devoir de les respecter.
Nous, législateur et potentiellement constituant, avons aussi le devoir de nous interroger sur d'éventuelles évolutions matérielles du droit constitutionnel. Il existe des précédents en ce domaine. En août 1993, lorsque le Conseil, alors présidé par Robert Badinter, avait censuré une large part de la loi Pasqua sur l'immigration, le Premier ministre, Édouard Balladur, avait décidé d'engager une modification substantielle de la Constitution, au motif que c'est bien au pouvoir politique qu'il incombe, in fine, de décider de la norme constitutionnelle.
Nous, Les Républicains, engagerons en tout cas le débat de fond du droit constitutionnel matériel, puisque, si nous avons bien compris, le Parlement sera bientôt saisi d'un vecteur matériel pour ce faire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je précise, pour être complet, que ce sont moins d'une dizaine de personnes qui sont aujourd'hui concernées par les dispositions dont nous parlons.
Cet amendement tend à supprimer la possibilité d'obliger les personnes faisant l'objet d'une assignation à résidence, qui doivent normalement se présenter régulièrement au commissariat ou à la gendarmerie, à rester quotidiennement à leur domicile pendant une plage horaire de trois heures.
Contrairement aux conclusions de l'étude d'impact, une telle mesure qui existe aujourd'hui pour les personnes présentant une menace à l'ordre public, ne rendra pas plus effectif l'éloignement des personnes, ces dernières pouvant fuir avant ou après le « pointage » réalisé à leur domicile. En revanche, elle impose de déployer des moyens importants pour que les agents de police et de la gendarmerie se déplacent chaque jour au domicile des personnes assignées à résidence afin, simplement, de s'assurer de leur présence.
Elle porte atteinte à la liberté d'aller et venir de ces personnes, en dehors de toute menace à l'ordre public, ainsi qu'aux droits des personnes qui les hébergent, car cette mesure pourra conduire les forces de l'ordre à intervenir régulièrement dans des lieux privés occupés ou appartenant à des tiers qui ont le plus souvent, par devoir de solidarité, apporté leur aide à ces personnes en raison de leurs conditions de vie difficiles.
Pour les centres d'hébergement et les associations, cette mesure risque enfin de placer les intervenants sociaux dans une position de contrôle et de surveillance des personnes qu'elles accompagnent, incompatible avec l'éthique et la déontologie du travail social.
Les administrations doivent rendre visite à des personnes assignées à résidence qui sont tenues de rester chez elles durant des plages horaires de trois heures. Or, cette mesure n'empêcherait nullement ces personnes de fuir avant ou après ce laps de temps. Surtout, elle impose de déployer de nombreux moyens pour permettre aux agents de police et de gendarmerie de se déplacer quotidiennement à ces domiciles. Dans un souci de bon sens, il conviendrait de supprimer les alinéas 8 et 9 de cet article.
Nous avons déjà discuté du dispositif de l'assignation à résidence qui permet, en renforçant la surveillance, de rendre plus effectives et crédibles les mesures d'éloignement. Avis défavorable.
Avis défavorable. S'opposer aux mesures de placement dans les centres de rétention et aux mesures d'assignation à résidence, revient à autoriser tout le monde à venir, sans crainte d'une quelconque mesure d'éloignement.
Madame Krimi, je vous invite à retirer votre amendement.
Ces amendements qui tendent à supprimer tout contrôle, sont très révélateurs. Ne venez pas nous dire, ensuite, que vous n'êtes pas systématiquement du côté des condamnés, des délinquants, de ceux qui violent la loi ou l'hospitalité car si vous ne pouvez même pas accepter le principe du contrôle de la présence à son domicile d'une personne qui y est assignée, vous adoptez une attitude qui, je suis navrée de vous le dire, pose d'énormes problèmes de sécurité.
Je me souviens d'un fait divers, dont le ministre d'État se rappelle très certainement. Un terroriste, condamné pour des attentats au Maroc qui avait causé la mort de plusieurs personnes, avait été assigné à résidence à la Martinique. Or, il a disparu. Sans doute est-il utile d'en être informé car il a peut-être justement disparu pour commettre un nouvel attentat.
Ce n'est même plus du laxisme que vous exprimez, mais une véritable complaisance à l'égard des criminels et des délinquants qui ont été condamnés par la justice.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Cet amendement vise à modifier l'alinéa 9 pour supprimer la disposition permettant à l'autorité administrative de désigner à l'étranger une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside, dans la limite de trois heures consécutives par période de vingt-quatre heures. En effet, cette mesure apparaît, d'une part, disproportionnée si elle concerne tous les étrangers assignés à résidence qui ne peuvent quitter le territoire et, d'autre part, peu efficace puisqu'une plage horaire de trois heures par jour ne peut empêcher de parcourir de longues distances.
Cependant, est maintenue la disposition visant à permettre à l'autorité administrative de désigner une plage horaire de dix heures par jour aux étrangers devant être reconduits à la frontière en exécution d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire, ou faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ou ceux dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public.
L'amendement no 36 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement tend à mettre fin au dispositif de l'assignation à résidence pour ne conserver que le placement en centre de rétention. Une demande d'asile déposée après une notification d'interdiction, à savoir une décision du juge pénal est, par définition, suspecte, la demande d'asile pouvant être perçue comme le moyen de se maintenir sur le territoire malgré cette condamnation pénale. Une telle décision aurait le mérite de simplifier la situation.
L'amendement no 626 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 844 .
À défaut de pouvoir supprimer cet article, nous proposons, par cet amendement, de suivre les sages préconisations de l'Observatoire du droit à la santé des étrangers. Les plages horaires durant lesquelles l'étranger assigné à résidence devra demeurer à domicile pourraient empêcher les personnes soumises à un protocole médical de le suivre, en particulier s'il a lieu à une grande distance du domicile.
Nous souhaitons par conséquent que les plages horaires ne soient pas opposables aux étrangers qui font l'objet d'un suivi médical. Le sujet est important. L'accès aux soins est un droit universel et notre pays s'est toujours honoré à garantir un droit à la protection sociale et un accès effectif aux soins pour tous, y compris pour les personnes maintenues, détenues, retenues et leurs ayants droit.
Donner des droits à ces personnes renforce la justice pour tous. C'est dans cet esprit que la loi du 11 mai 1998 a été promulguée, introduisant la régularisation pour raison médicale.
Si l'administration est au courant du suivi médical, elle adaptera bien évidemment les plages de contrôle. Avis défavorable.
L'amendement no 844 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 17 est adopté.
L'article 17 bis est adopté.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article 17 ter.
La parole est à Mme Danièle Obono.
Cet article est une nouvelle usine à gaz, loi à rebours ou loi différée puisque voilà revenu un bout de la loi Warsmann.
Par cet article adopté en commission, vous faites le service après-vente, après avoir fait adopter et entrer en vigueur la proposition de loi Warsmann en mars dernier, dans sa version conforme suite au débat au Sénat qui, vous en convenez vous-mêmes, comporte des régressions inacceptables pour les droits des demandeurs d'asile, faisant l'objet d'une procédure de transfert, dite procédure Dublin.
Les associations et les syndicats que nous avons rencontrés, comme vous, ne l'ont pas oublié. Les droits et les libertés fondamentales sont, semble-t-il pour vous, moins importants que le fait de faire publier au plus vite une mauvaise loi que vous comptez modifier quelques mois après. Pendant ce temps, entre le mois de mars et l'adoption définitive potentielle de l'actuel projet de loi, que se passe-t-il ? Ceux qui subiront ces atteintes votées par le Sénat et que vous avez entérinées sous la menace du Gouvernement, ou sous la contrainte, ou sous la bienveillante et ferme demande et sollicitation, ce sont des personne vulnérables, des demandeurs d'asile.
Par cet article, vous comptez réduire la durée durant laquelle une ordonnance de visite domiciliaire est exécutoire en la faisant passer de cent-quarante-quatre heures à quatre-vingt-seize. Le contrôle de l'autorité judiciaire, du juge des libertés et de la détention, sur des mesures attentatoires aux droits et libertés fondamentales, en sera renforcé.
C'est une bonne chose mais pourquoi avoir permis que cette situation dérogatoire existe ? Une mesure en suspens, pour vous qui jonglez avec le droit comme s'il s'agissait d'une abstraction et qui refusez d'assumer les conséquences de vos lois, une mesure bien concrète pour ceux qui verront leur protection amoindrie.
Monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure, le premier texte de loi que notre assemblée a voté après son renouvellement, s'intitulait Confiance dans la vie politique. Il apparaissait alors clairement qu'il fallait travailler l'image de la représentation nationale, de l'homme et de la femme politiques. Or, ce n'est pas avec de tels articles que nous améliorerons la confiance dans la vie publique. C'est certain. Voter deux semaines après l'entrée en application d'un dispositif, un article dans un texte de loi qui revient dessus n'est pas fait pour restaurer la confiance !
C'est d'autant plus regrettable que ce n'est pas la première fois que cela se produit dans ce texte de loi. Plusieurs dispositions reviennent sur des avancées de la proposition de loi Warsmann, notamment à propos des « dublinés ». Il faudra bien que cela cesse.
Je crains une chose, on a fait un pas il y a deux semaines, on fait un pas dans un autre sens aujourd'hui et on nous a déjà annoncé que, dans quelques semaines, pour apaiser un certain nombre de mécontentements internes aux dynamiques politiciennes, on ferait un troisième pas dans un autre sens, en discutant d'une proposition de loi relative aux mineurs non accompagnés.
De grâce, sur un texte aussi technique, aussi objectif que la définition d'une échelle de mesure de la validité d'une ordonnance judiciaire, décider que la décision d'un juge est valable une semaine plutôt que quatre jours, est-il vraiment une révolution si insupportable qu'il faille revenir sur la durabilité du droit deux semaines après ?
Comme l'a excellemment expliqué M. Schellenberger, cet article vise à revenir sur la proposition de loi Warsmann, votée il y a quelques semaines. Quand on entend le Président de la République appeler à la réforme du Parlement, trop lent à légiférer, on peut se demander où est la cohérence. Car, quelques semaines après avoir adopté un texte, voilà que nous revenons dessus. De la même manière, M. Boudié l'a confirmé tout à l'heure, nous votons un dispositif concernant la rétention des mineurs alors qu'un groupe de travail, au sein de La République en marche, préparera une proposition de loi pour revenir sur le texte dont nous discutons.
De qui se moque-t-on ? De la représentation nationale, qui passe des heures à discuter, à débattre et à amender des textes et qui, quelques mois plus tard – on nous annonce la proposition de loi sur les mineurs pour la fin de l'année -, voire quelques semaines seulement, doit accepter qu'on revienne sur les dispositifs qu'elle a adoptés.
On nous annonce également que nous siégerions jusqu'au mois d'août dans le cadre d'une session extraordinaire très intense, alors qu'il y a encore quelques semaines notre ordre du jour était quasiment vide et le Gouvernement ne savait pas comment remplir les séances et occuper les députés.
Le Gouvernement, qui nous fait voter des lois et leur inverse quelques semaines plus tard, n'a aucune cohérence.
Je vous remercie, monsieur le député, pour votre intervention sur un amendement dont je ne m'étais pas aperçu qu'il traitât de l'agenda ni de l'ordre du jour de l'Assemblée.
Il n'étonnera personne que nous pensions que les étrangers qui ont vocation à quitter le territoire français doivent systématiquement être placés en rétention. Nous considérons néanmoins que l'assignation à résidence est toujours mieux que rien, compte tenu surtout de ce que nous entendons dans l'hémicycle. On ne va pas tarder à assigner les étrangers au Club Med, au château de Chambord ou au Ritz.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, NG et FI.
La loi de 2016 relative au droit des étrangers en France a créé des visites domiciliaires qui ont pour objet de vérifier la présence de l'étranger à son lieu d'assignation à résidence. Ces visites sont strictement encadrées. Les préfectures, d'ailleurs, n'y recourent que très rarement car elles sont complexes à mettre en oeuvre, notamment à l'aune des moyens dont les forces de l'ordre disposent.
Cet amendement de suppression de l'article 17 ter entend préserver la disposition qui a porté de quatre à six jours la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui permet aux forces de l'ordre d'effectuer ces visites domiciliaires.
Quant au domicile de chacun, je veux bien comparer le mien avec les vôtres : je suis certaine que ce ne sera pas à votre avantage.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je tiens seulement à vous rappeler, madame Le Pen, que cette disposition, qui concerne non pas les seuls personnes en procédure Dublin mais tous les étrangers, a été ajoutée à la proposition de loi de M. Warsmann par le Sénat. C'était l'engagement du groupe La République en marche de revenir sur cette disposition – je peux en témoigner, étant alors l'oratrice du groupe sur le texte. Nous avons tenu notre engagement en faisant voter ce nouvel article par la commission. Avis défavorable.
Avant de vous donner la parole, monsieur Schellenberger, je précise à chacun qu'il peut la demander sans se croire obligé de claquer des doigts, ce qui n'est pas l'attitude la plus respectueuse du président de séance.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Vos propos, madame la rapporteure, indiquent tout le mépris de La République en marche pour le fonctionnement des institutions de la République française.
Ce qui ne vous a pas convenu, dans l'examen de la proposition de loi de M. Warsmann, c'est le fonctionnement même de la navette parlementaire.
C'est que la loi ne soit pas seulement décidée au sein du cénacle En marche mais soit discutée dans le cadre d'un processus législatif qui implique une navette parlementaire, le bicaméralisme étant un garant de la qualité de la loi, d'autant qu'il permet, dans notre société médiatique, au débat législatif de prendre de la distance avec l'actualité, et ainsi de garantir le droit et de fixer un cap dans une direction dépassionnée.
Ce sont le bicaméralisme et les institutions de la Ve République que vous remettez en cause. Nous nous y refusons. Ce n'est pas parce que la navette parlementaire a conduit à une décision qui ne plaît pas au cénacle En marche que nous devons accepter que vous reveniez sur la rédaction d'un texte seulement deux semaines après son adoption.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'article 17 ter est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 18.
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mes chers collègues, alors que 92 076 mesures d'éloignement ont été prononcées en 2016, seules 24 707 ont été exécutées, soit quelque 27 %. Les comparaisons avec l'Allemagne et le Royaume-Uni ne sont pas à l'avantage de la France, si on se réfère au rapport d'information présenté le 15 février par Guillaume Larrivé des Républicains et Jean-Michel Clément de La République en marche.
En 2016, ce sont 75 815 ressortissants de pays tiers qui ont effectivement quitté le territoire allemand à la suite d'une décision administrative et judiciaire et 47 000 le Royaume-Uni. Le groupe Les Républicains vous présentera des propositions qui doivent permettre de faciliter l'expulsion des immigrés illégaux. Toutefois, tous les efforts investis dans les politiques de visas, de frontières et d'asile seront réduits à néant si les déboutés et les personnes ayant franchi irrégulièrement nos frontières ne sont éloignés qu'en petite minorité.
Aucune gestion de l'immigration n'est possible sans politique de retour efficace. Non, les pays d'origine ne délivrent pas suffisamment de laissez-passer consulaires – nous l'avons déjà souligné – , alors que ce document est indispensable aux procédures d'éloignement. Même si des progrès ont été réalisés depuis 2013, moins de la moitié des laissez-passer consulaires demandés par la France – 46 % – ont été délivrés dans des délais utiles à l'éloignement en 2016. Les résultats obtenus sont très différents d'un pays à l'autre : seuls 11,8 % des laissez-passer consulaires ont été délivrés dans les temps par le Mali, 17,2 % par l'Égypte et 48 % par l'Algérie.
Le rapport d'information que j'ai déjà évoqué indique par ailleurs qu'aucun vol groupé n'a été organisé en 2017 vers les États d'Afrique du Nord ou de l'Ouest ni vers les pays du Sahel. Le rapport note pourtant que de tels vols groupés seraient particulièrement nécessaires : il cite le Sénégal, le Mali et la Guinée comme les trois pays principaux dont l'attitude est préoccupante, en ce qu'ils opposent une très forte résistance, à la fois à la délivrance des laissez-passer consulaires et à l'organisation de vols groupés. Nous devons réaffirmer notre souveraineté nationale en faisant preuve de fermeté.
Vous savez pertinemment, puisque vous intervenez sur chacun d'entre eux, que le temps de parole sur les articles est de deux minutes.
Le Gouvernement, avec l'article 18, vise à faire de la rétention et de l'assignation à résidence la situation normale de toute personne étrangère souhaitant faire valoir ses droits. Vous partez en effet du principe que toute personne étrangère recherche des mesures dilatoires pour s'enfuir et se soustraire à la justice. À vos yeux, il est évident que saisir la justice pour faire respecter ses droits quand on estime que l'État les a niés ne vise qu'à retarder l'éloignement.
Cette justice prédictive conditionnée après jugement est erronée. Manifestement, elle est disproportionnée et attentatoire aux libertés fondamentales. De plus, d'un point de vue pragmatique, cet article conduira à une augmentation des enfermements, faisant fi, semble-t-il, des constats du contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui a montré que, trop souvent, la rétention s'effectue dans des conditions attentatoires aux droits fondamentaux des personnes retenues – je n'ai pas besoin de les énumérer puisque j'ai cru comprendre que même le ministre d'État les reconnaît.
Il est légitime dès lors de nous demander dans quel monde nous vivons. Si, pour vous, les magistrats ne sont que des empêcheurs d'expulser en rond ou ne font que retarder les expulsions, alors, pourquoi ne pas supprimer la justice ? Cela nous permettrait au moins de faire l'économie de lois sur le droit d'asile.
Vous comprendrez que nous ne sommes pas favorables à la suppression du droit au recours.
Je profite de mon intervention sur l'article 18 pour présenter nos amendements portant articles additionnels après l'article 18, qui concernent la mise en corrélation de la délivrance des laissez-passer consulaires par les pays de destination des clandestins qui se sont vu délivrer une OQTF – obligation de quitter le territoire français – et l'aide publique au développement apportée par la France à ces mêmes pays.
Il est en effet intolérable que nous continuions d'avoir des taux d'acceptation aussi faibles des demandes de laissez-passer consulaires de la part de pays dont nous aidons grandement le développement économique et social à coup de millions d'euros. Ces pays crachent à la figure de la France – j'ose l'expression – , en refusant de reprendre leurs nationaux que nous expulsons.
Les laissez-passer consulaires demandés à l'Algérie sont accordés à hauteur de 50 %, à l'Irak, à hauteur de 18 %, au Maroc, à hauteur de 30 %, à la Tunisie, à hauteur de 40 % et à l'Érythrée, à hauteur de 0 %. Je ne parle du Mali, qui a refusé il y a quelques semaines de reprendre deux ressortissants alors que, sur place, nos soldats se battent pour assurer la paix et la stabilité du pays. Une telle attitude est indigne.
Aujourd'hui, monsieur le ministre d'État, la seule solution que nous ayons, après la diplomatie que vous avez évoquée mais qui tarde à produire ses effets, est de peser sur le levier de l'aide publique au développement. Nous pouvons le regretter mais il faut prendre, malheureusement, des décisions énergiques et efficaces. Nos amendements, dont certains visent la remise de rapports, vous en offriront la possibilité. À vous de saisir la main que nous vous tendons.
Cet article prévoit qu'un demandeur d'asile pourra faire l'objet de mesures de surveillance : toutefois, ses douze alinéas particulièrement longs démontrent que la stratégie de rédaction du texte est précisément celle qu'il ne fallait pas adopter, puisqu'elle repose sur la complexification du droit et la multiplication des voies de recours, ce qui conduira mécaniquement à allonger les procédures.
La rédaction même du projet de loi démontre donc que l'objectif affiché n'est précisément qu'affiché et ne sera jamais atteint. Ce texte ne permettra jamais de réduire les délais d'instruction des demandes d'asile. Au contraire, la multiplication des failles juridiques ne fera que rallonger les procédures.
Le présent amendement vise en effet à supprimer l'article 18, qui prévoit de permettre l'assignation à résidence ou le placement en rétention des demandeurs d'asile qui font l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une peine d'interdiction administrative ou judiciaire du territoire.
Il convient de se mettre en conformité avec le Conseil d'État qui, dans son avis du 15 février 2018 sur le texte que nous examinons, a rappelé que « les demandeurs d'asile ne doivent pas en tant quel tels être regardés comme étant en séjour irrégulier, leur présence sur le territoire étant justifiée par leur besoin de protection ». Cette exigence est issue de l'article 31 de la Convention de Genève, signée et ratifiée par la France.
Par cet amendement de suppression de l'article 18, nous souhaitons garantir le droit au recours et les libertés et droits fondamentaux des personnes qui ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une interdiction de retour sur le territoire et qui ont postérieurement déposé une demande d'asile.
En effet, cet article prévoit notamment que celles-ci peuvent être assignées à résidence ou placées en rétention le temps strictement nécessaire à l'examen de leur demande d'asile.
Nous nous interrogeons sur les motivations profondes de cet article qui vise à prolonger cette dégradation des droits et libertés des personnes, si bien que nous risquons de basculer progressivement dans un régime dont le pouvoir exécutif semble vouloir désormais avoir la possibilité de mettre tout le monde en assignation à résidence ou en détention.
En outre, le droit au recours de ces personnes est particulièrement dégradé puisque cet article crée un nouveau recours spécifique qui permet à l'étranger dont la demande a été rejetée par l'OFPRA de ne pas être éloigné le temps de faire le recours devant la CNDA, le tribunal saisi devant statuer en juge unique en soixante-douze heures.
Toutes ces dispositions ne nous semblant ni raisonnables, ni réalistes ni humaines, nous proposons la suppression de l'article 18.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?
Le Conseil d'État, que vous évoquez vous-même, monsieur Peu, a déjà jugé que des motifs d'ordre public pouvaient justifier une assignation à résidence. Or le dispositif de l'article 18 ne concerne que les étrangers dangereux, c'est-à-dire ceux dont l'éloignement est ordonné pour des raisons d'ordre public. Avis défavorable.
Tout d'abord, voici une information qui sera, je pense, une bonne nouvelle pour tous : mon collègue Jean-Yves Le Drian, qui se trouve actuellement à New York, participera au G7 de Toronto, ce qui me donnera le plaisir de rester avec vous jusqu'au bout de la discussion de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur Coquerel, vous ne voulez pas assigner les migrants à résidence. Bien ! Vous ne voulez pas les placer dans des CRA. Parfait ! Mais là, vous ne voulez pas éloigner les étrangers qui présentent une menace grave pour l'ordre public.
Où allons-nous ? Franchement, soutenir des thèses pareilles, c'est hallucinant ! Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
L'amendement no 628 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Monsieur le ministre d'État, notre amendement no 956 visait à garantir le droit au recours.
Tout à l'heure, je vous ai posé une question à laquelle vous n'avez pas encore apporté de réponse : que font les forces de police contre les individus présents dans les cols alpins, qui continuent de tweeter ? J'aimerais avoir une réponse précise. Vous conviendrez qu'il est extrêmement grave qu'une milice d'extrême droite se prenne pour des douaniers dans ce pays. Si vous considérez que c'est anodin, alors nous n'avons pas la même vision de la République – je crois d'ailleurs que c'est le cas.
J'en viens à l'amendement no 955 . Bien que nous soyons diamétralement opposés à vos choix, il s'agit d'un amendement de repli visant à maintenir l'idée d'humanité qui, pour nous, s'inscrit totalement dans le respect des garanties procédurales. Il est très grave de vouloir mettre fin au droit au recours suspensif devant la Cour nationale du droit d'asile pour les demandeurs d'asile – c'est bien cela dont je parlais tout à l'heure.
Dois-je vous rappeler que le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA par la CNDA était de près de 20 % en 2017 ? Autrement dit, un recours devant la CNDA sur cinq a donné lieu à l'annulation de la décision initiale de l'OFPRA. C'est énorme, surtout quand on parle de personnes dont le dossier a été mal examiné, compte tenu du manque de personnel à l'OFPRA, et qui mériteraient bien la protection internationale de la France. Vous voulez donc exposer 20 % des personnes ayant intenté un recours devant la CNDA à un risque de traitement inhumain et dégradant en dehors de la France. À partir du moment où vous permettez leur placement en rétention, vous les condamnez à voir leurs droits moins bien défendus, voire à ne pas pouvoir les défendre du tout et à être expulsés.
Nous estimons que la France doit garantir un examen sérieux de chaque demande d'asile. Pour ce faire, nous voulons garantir le caractère suspensif du recours contre la décision de rejet ou d'irrecevabilité de l'OFPRA auprès de la CNDA. Cela évitera par ailleurs la création d'un nouveau contentieux devant les tribunaux administratifs, qui sont de plus en plus engorgés et manquent de moyens, comme vous le savez.
Sur le vote de l'article 18, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 955 ?
Nous avons déjà débattu de cette question à l'article 8. Or l'amendement no 955 est un amendement de coordination avec un autre amendement défendu par le groupe La France insoumise à l'article 8. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.
Monsieur Coquerel, le Gouvernement est pour l'État de droit et le fait appliquer à l'encontre de toutes celles et tous ceux qui violent le droit. Au cours des dernières semaines, nous avons arrêté un certain nombre de personnes d'extrême droite qui avaient violé le droit. Nous le faisons partout.
Nous sommes contre les intrusions, nous sommes contre la violation du droit. À chaque fois, nous nous contentons, avec le plus grand discernement possible, de faire respecter simplement le droit et l'État de droit.
Si les individus dont vous parlez commettent quelque exaction que ce soit contre des personnes qui tenteraient de venir en France, ils seront arrêtés et poursuivis. Nous le faisons ici, nous le faisons là, et nous essayons d'agir avec discernement. Vous avez vu ce qui s'est passé à Tolbiac :
Exclamations sur les bancs du groupe FI
nous avons essayé d'agir dans le calme pour faire respecter l'État de droit.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il me semble que M. le ministre d'État n'a pas compris la position de la France insoumise.
Je veux donc l'éclairer – nous sommes là aussi pour ça. M. le ministre d'État, peut-être influencé par les députés du Front national ou du groupe Les Républicains, dont il s'inspire beaucoup ces derniers temps…
Ça va, monsieur le président ! On ne m'a pas beaucoup entendu aujourd'hui !
Mes chers collègues, nous avons le temps et nous sommes bien ici… Allons-y !
Je voulais donc vous éclairer, monsieur le ministre d'État, sur les positions de la France insoumise. Il y a une cohérence dans les propositions que nous faisons…
Des propositions subversives !
… pour une autre politique, une politique raisonnée et réaliste qui garantit notamment les droits des justiciables. Je ne dis pas cela pour communiquer, pour montrer notre fermeté ou pour donner le change à la droite et à cette autre droite, mais parce que ces mesures s'inscrivent dans une politique globale. Ainsi, nous voulons donner des moyens à la justice et faire en sorte que le contentieux des étrangers ne serve pas à expérimenter des mesures qui auraient vocation à s'appliquer ensuite aux autres branches de la justice.
Nous avons donc un certain nombre de propositions que je vous invite à lire. Encore une fois, notre brochure est gratuite et disponible sur internet. Vous adorez les nouvelles technologies : je suis sûre que vous y aurez accès assez facilement.
Mme Obono m'a promis un exemplaire dédicacé ! N'êtes-vous pas jaloux, monsieur le ministre d'État ?
Nous souhaitons donc que les droits procéduraux sont garantis. Même quand on a été débouté, on a le droit d'intenter un recours, on a le droit d'avoir une justice à son service. N'hésitez pas, monsieur le ministre d'État…
L'amendement no 955 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 116 |
Nombre de suffrages exprimés | 115 |
Majorité absolue | 58 |
Pour l'adoption | 100 |
contre | 15 |
L'article 18 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 18.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l'amendement no 940 rectifié .
Les accords de réadmission sont des conventions bilatérales signées entre un ou plusieurs États et un pays tiers, visant à faciliter la réadmission des migrants interpellés en situation irrégulière sur le territoire de l'État partenaire. L'Union européenne considère ces outils comme des éléments importants de la gestion concertée des flux migratoires développée avec ses partenaires, s'inscrivant dans la stratégie européenne de lutte contre l'immigration irrégulière et de politique des retours.
Mes chers collègues, je vous demande une nouvelle fois de quitter l'hémicycle dans des conditions qui nous permettent d'écouter attentivement l'orateur. Si certains veulent mener des conciliabules concernant l'organisation de nos séances – ce que je comprends parfaitement – , il serait plus respectueux de le faire en dehors de l'hémicycle.
Poursuivez, monsieur Lachaud.
La stratégie d'externalisation des contrôles migratoires dont je parlais pose un certain nombre de difficultés, sur les plans humain et éthique, dénoncées par de nombreuses associations protectrices des droits humains. C'est tout particulièrement le cas lorsque ces accords de réadmission sont signés avec des pays qui n'offrent pas les mêmes garanties de respect des normes internationales en matière de protection des droits des migrants, voire de droit d'asile.
L'amendement no 940 rectifié vise donc à rendre effectif le principe de réciprocité relatif aux accords de réadmission. Pour notre groupe, il est indispensable que la France ne puisse renvoyer un étranger vers un pays qui ne présente pas les mêmes garanties de droits en matière d'asile.
Pour renvoyer un étranger dans son pays d'origine, nous n'avons pas besoin d'un accord de réadmission. Avis défavorable.
L'amendement no 940 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à réaffirmer clairement les principes de la République tout en contribuant à la lutte contre la surpopulation carcérale : les individus qui viennent en France et bénéficient de l'hospitalité de notre pays doivent respecter ses lois et, à tout le moins, ne pas commettre de crimes ni de délits. L'amendement no 648 prévoit donc que les étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement puissent purger cette dernière dans leur pays d'origine.
Cela ne peut pas dépendre de la loi française : il faut que le pays d'origine accepte de reprendre son ressortissant. Avis défavorable.
Si M. Ciotti est un jour à ma place, …
… nous verrons à quel point il est fort : non seulement il obtiendra tous les laissez-passer consulaires, mais il fera également purger les peines de prison des étrangers dans le pays de ces derniers. Ça, c'est fort !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Sourires.
… qu'il serait difficile d'appliquer immédiatement – j'en suis bien conscient – , mais les discussions sur ce sujet doivent être engagées. Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il faut rester immobile. Vous connaissez la situation de la population carcérale, ainsi que le nombre de détenus de nationalité étrangère que comptent aujourd'hui nos prisons – ils sont plus de 15 000. Entre la réalisation d'une tâche difficile et l'inaction dont vous faites preuve, …
Comment ça, l'inaction ?
… il y a un chemin. Nous vous invitons à vous mettre en marche sur ce chemin.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
C'est une ligne de crête !
L'amendement no 648 n'est pas adopté.
Monsieur le président, je vais faire une proposition – la présidence indiquera tout à l'heure, à l'ouverture de la séance de vingt et une heures trente, si elle est acceptée.
Compte tenu du nombre d'amendements restant à examiner, je pense qu'il n'est pas envisageable de terminer la discussion du projet de loi cette nuit, même en prolongeant la séance. Je propose donc que la prochaine séance soit levée à une heure et que nous nous retrouvions ensuite demain matin.
Le cas échéant, nous pourrions essayer d'achever nos débats en prolongeant la séance de demain matin jusqu'à treize heures trente ou quatorze heures s'il n'est pas possible de terminer à treize heures. Si la présidence l'acceptait, nous pourrions même peut-être gagner une demi-heure en ouvrant la séance de demain matin à neuf heures au lieu de neuf heures trente.
La proposition est sur la table. J'aimerais que nous puissions en discuter et trancher cette question pendant l'heure du dîner.
Je propose en effet que nous utilisions la période comprise entre la fin de cette séance et le début de la prochaine séance pour réfléchir collectivement à la meilleure organisation de nos débats. Nous annoncerons notre décision à vingt et une heures trente.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly