La fusion des universités, monsieur Bois, est le résultat, en général, d'une longue préparation ; il n'est donc pas question de revenir sur les processus enclenchés, d'annoncer à tous ceux qui y travaillent depuis des années que tout est terminé et qu'il faut repartir en arrière. Toutefois, que ceux qui considèrent le fonctionnement de leur université comme insatisfaisant fassent leurs propositions et si l'expérience valide la « boîte administrative » qu'ils suggèrent – si j'ose m'exprimer de la sorte –, cette dernière sera entérinée. J'ai vu d'assez près plusieurs processus de fusion d'universités et je sais qu'ils ne font pas toujours l'unanimité – rien ne fait d'ailleurs jamais l'unanimité – mais dès lors qu'ils ont été adoptés par une majorité, il faut les laisser aller à leur terme car, dans la plupart des cas, il s'agit de créer ces fameuses universités « compréhensives » évoquées précédemment. Quand on fusionne une université qui enseigne le droit et la médecine avec une université qui enseigne les lettres, les langues et l'histoire, et une université qui enseigne les sciences et la technologie, que fait-on sinon créer une université couvrant toutes les disciplines ? Je n'entends donc pas du tout contrarier les projets en cours depuis des années.
Vous m'avez interrogée sur les politiques tarifaires. Je me suis exprimée sur le sujet la semaine dernière alors que les droits d'inscription n'étaient pas encore fixés pour la rentrée 2017. Je ne savais alors pas s'ils seraient maintenus en l'état ou bien augmentés de l'équivalent du taux d'inflation. Le choix a été fait de ne pas les modifier. Le programme du Président de la République ne prévoit du reste pas de hausse massive en la matière et ce sera bien le cas puisque le Gouvernement met en oeuvre ce programme. Les droits d'inscription ne serviront donc pas de variable d'ajustement. Ceux des étudiants extracommunautaires sont le seul point sur lequel on peut s'interroger même s'il n'est pas à l'ordre du jour : le sujet est complexe et mérite qu'on l'examine dans le détail.
Les modalités des prérequis, madame Charrière, font l'objet de concertations en cours. Je ne peux donc pas vous indiquer quelle forme elles prendront. Je reste néanmoins persuadée qu'il faut continuer d'assurer l'accès à l'enseignement supérieur à tout élève titulaire d'un baccalauréat, droit qu'il faut garantir par un accompagnement adéquat. Je n'affirmerai pas à un bachelier qui n'a jamais fait de biologie de sa vie qu'il ne réussira jamais des études de médecine ou des études de biologie ; je lui dirai seulement : « Compare ce que tu as à faire avec ce que tu sais faire. Si vraiment tu bosses, si tu t'en donnes les moyens, pourquoi pas ! » Il faut donc lui donner les bons outils, faute de quoi il est assuré d'aller droit dans le mur. C'est ainsi que je conçois les prérequis et l'accompagnement de la réussite.
Il faut savoir que l'enseignant-chercheur qui découvre l'hétérogénéité des étudiants dans un amphithéâtre de première année vit un moment de solitude terrible. Il se demande comment faire pour parvenir à parler à tous ces étudiants venant d'horizons si différents : certains vont fuir car ils savent déjà ce que l'enseignant va dire et d'autres vont fuir aussi mais pour la raison inverse – tant ils sont loin d'avoir le niveau exigé. C'est un énorme gâchis humain, social et financier. Les prérequis dont il est question présupposent donc qu'on dise la vérité aux étudiants.
Pour ce qui est de l'apprentissage, nous y travaillons avec Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud. L'idée est de s'appuyer sur ce qui a déjà été réalisé dans les campus des métiers et des qualifications. Il s'agit de proposer des filières à des élèves qui veulent pratiquer des métiers plus que des disciplines, par exemple des métiers de l'agriculture, du tourisme… et cela aux niveaux CAP, BEP, baccalauréat professionnel ou technique, au niveau ingénieur voire au niveau du doctorat. Il convient donc de concevoir l'apprentissage avant et après le baccalauréat, tant il est vrai que les métiers concernés exigent des connaissances théoriques à mettre ensuite en pratique. Nous allons encourager l'apprentissage au sein de l'enseignement supérieur et nous songeons à mettre en place des formations où les jeunes choisiront un grand secteur et passeront des diplômes de différents grades. Là encore, il est nécessaire de beaucoup oeuvrer avec les territoires concernés afin que ce dispositif, différent, donc, du système universitaire tel qu'il existe, soit adapté aux entreprises qui prendront les jeunes en apprentissage et aux emplois qu'ils seront susceptibles d'occuper ensuite.
Il est important, monsieur Acquaviva, qu'une université trouve, si j'ose dire, sa « signature ». Quand l'université de Corte a travaillé sur son projet, en mettant l'accent sur la mer, les incendies de forêt, la culture, l'insularité…, elle a trouvé son identité. Une université n'a pas vocation à être obligatoirement dans une métropole et en interaction avec un énorme écosystème puisqu'il est bien question d'avoir des universités partout sur le territoire, en métropole comme en outre-mer. Nous ne forcerons jamais l'université de Corte à travailler avec telle ou telle autre université. Elle travaille fort bien en réseau. C'est du reste la seule université à avoir signé un contrat tripartite avec l'État et la région : il est en effet intéressant pour certaines universités de garder des diplômes d'État tout en travaillant avec la région.
J'en viens à la question de Mme Petit : aucune filière, à mes yeux, ne sert à rien. Il ne faut pas confondre les filières universitaires qui doivent fournir des cadres, des employés et des techniciens au monde socio-économique, filières qu'on ne saurait négliger, et les lieux où, à l'université, se construit la connaissance que l'on enseigne. Or la connaissance est toujours utile. Certes, on imagine moins certaines filières, comme celle que vous avez mentionnée, déboucher directement sur un emploi. Il faut le dire aux étudiants afin d'éviter qu'ils ne s'engouffrent massivement dans telle ou telle voie sans avoir conscience de ce qui les attendra. C'est pourquoi l'orientation doit être faite par des personnels sachant vraiment ce qu'on exigera des étudiants.
Je prendrai un exemple très illustratif : on n'a jamais vu autant d'étudiants s'inscrire en licence de génétique qu'après la diffusion de je ne sais plus quelle série télévisée mettant en scène la police scientifique. Tous voulaient devenir policiers scientifiques. Fort bien, leur avais-je expliqué, nous allons commencer par étudier la génétique des bactéries, puis celle des plantes avant d'en venir à la génétique humaine – il faut en effet aller du plus simple au plus compliqué. Évidemment ces étudiants n'étaient pas au bon endroit puisque lorsqu'on entame une licence de génétique, c'est vraiment pour, ensuite, mener des études universitaires au sens classique du terme.
Les universités se transforment, car elles doivent être capables de proposer des filières caractérisées par une très haute exigence conceptuelle qui permettra de produire des connaissances elles-mêmes enseignées par la suite. De cette masse de connaissances, dans quinze, vingt ou trente ans, on fera quelque chose et peu importe, même, si l'on n'en fait rien. Parallèlement, les universités doivent réussir le pari d'accueillir un maximum d'étudiants pour leur donner un accès à l'emploi. Il faut donc très clairement assumer le fait que nous n'avons pas besoin d'avoir 2 500 étudiants inscrits dans telle ou telle filière et qu'à l'inverse, il en faudrait davantage dans d'autres filières. Il faut savoir ce que l'étudiant recherche en première intention : conceptualiser ou bien occuper un emploi immédiatement ? Définir son projet professionnel n'empêche pas celui qui veut exercer un métier tout de suite de décider, plus tard, de faire une pause pour réfléchir.
Le 21/08/2017 à 09:02, Laïc1 a dit :
"J'en viens à la question de Mme Petit : aucune filière, à mes yeux, ne sert à rien. Il ne faut pas confondre les filières universitaires qui doivent fournir des cadres, des employés et des techniciens au monde socio-économique, filières qu'on ne saurait négliger, et les lieux où, à l'université, se construit la connaissance que l'on enseigne. Or la connaissance est toujours utile. Certes, on imagine moins certaines filières, comme celle que vous avez mentionnée, déboucher directement sur un emploi. Il faut le dire aux étudiants afin d'éviter qu'ils ne s'engouffrent massivement dans telle ou telle voie sans avoir conscience de ce qui les attendra. C'est pourquoi l'orientation doit être faite par des personnels sachant vraiment ce qu'on exigera des étudiants."
Le problème en sociologie ou en philosophie, et même en psychologie, c'est que la connaissance, non seulement est socialement inutile, mais en plus repose sur des erreurs, des approximations, des incohérences, de contradictions, des opinions, bref tout ce qu'un esprit scientifique et pratique doit rejeter plutôt que de les apprendre stupidement à des fins sociales inexistantes.
Oui, ces études sont dangereuses, autant pour l'équilibre intellectuel de l'étudiant que pour son intégration sociale à venir.
Mme la ministre dit clairement : "Il faut le dire aux étudiants afin d'éviter qu'ils ne s'engouffrent massivement dans telle ou telle voie sans avoir conscience de ce qui les attendra."
Or, personne ne le dit, nulle part c'est écrit et souligné, sinon moi dans mes commentaires : où est l'information efficace et la mise en garde de l'étudiant dans ces conditions ? Tout cela n'est pas acceptable et ne peut pas continuer.
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