Je commencerai par la réforme du doctorat, encore aujourd'hui objet de controverse. Pour renforcer les relations entre les doctorants, les laboratoires et les entreprises, nous disposons de systèmes qui fonctionnent très bien comme les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE). Faut-il vraiment qualifier un doctorat ? Pourquoi, en effet, parlerait-on de doctorat professionnel alors qu'un doctorat est de fait très professionnalisant ? J'ai du reste longtemps été agacée de ce qu'on évoque des formations professionnelles d'un côté et des formations-recherche de l'autre, comme si la recherche n'était pas un métier. Nous devons faire en sorte que les doctorats mènent à des métiers différents, les uns académiques, les autres relevant du monde de l'entreprise. S'il faut apporter des améliorations à la réforme du doctorat, nous nous y emploierons ; cela d'autant plus que j'ai connaissance d'autres critiques que celle que vous mentionnez. Mais je ne suis pas vraiment persuadée, j'y insiste, qu'il faille créer des doctorats professionnels, ce qui par ailleurs laisserait entendre que les autres ne seraient pas professionnels – or je suis sensible aux mots.
Madame Thill, les universités sont internationales par définition. Tous les enseignants-chercheurs, tous les chercheurs travaillent rarement seuls mais plutôt en collaboration avec leurs collègues de tous les pays. Aussi les réseaux internationaux des universités sont-ils probablement les plus riches, réseaux qu'elles peuvent d'ailleurs mettre à la disposition de l'ensemble de leurs partenaires.
La France reste attrayante pour les étudiants étrangers même si elle tend à l'être un peu moins depuis quelque temps, en partie à cause de certaines exigences : de plus en plus d'étudiants étrangers viennent non seulement pour prendre des cours mais également pour mener une vie universitaire en dehors de ces cours – un point que nous pouvons encore très nettement améliorer, la venue de davantage d'étudiants étrangers étant l'un de nos objectifs.
Je rappelle que les financements destinés à faire rentrer en France des chercheurs français ou à attirer des chercheurs étrangers dans le cadre du plan climat s'élèvent à 30 millions d'euros hors budget. Cette somme a été confiée au CNRS – ce qui me paraît normal puisqu'il s'agit d'un programme national. Pour organiser au mieux l'arrivée de ces collègues, doctorants ou étudiants, il faut identifier, au sein des universités, au sein des laboratoires, des équipes de recherche qui travaillent déjà sur le climat au sens large, c'est-à-dire sous ses aspects technologiques aussi bien que géophysiques ou encore économiques, sociaux, sociologiques ou anthropologiques. L'idée n'est pas de créer des équipes ex nihilo mais, pour les universités qui travaillent déjà sur le sujet, d'offrir un environnement attrayant pour un chercheur étranger. C'est pourquoi, pour un euro financé par les organismes et les universités de recherche, l'État investira lui-même un euro. Nous entendons accueillir ainsi une cinquantaine de chercheurs, outre des doctorants et des post-docs, dans des structures où, j'y insiste, l'on travaille déjà sur ces sujets. C'est l'équivalent, en volume financier, d'un programme de recherche européen, ce qui nous paraît un bon calibre.
Ma collègue Agnès Buzyn et moi-même sommes révoltées par ce qui s'est passé le mois dernier lors des épreuves classantes nationales. Les conditions d'études et la qualité de vie des étudiants en médecine, nous le savons, se dégradent de plus en plus pour de multiples raisons. Quelque chose de grave se passe, au sein de cette population soumise à de très fortes pressions, qui conduisent parfois à la dépression. Ajoutez donc au stress du concours l'annulation d'épreuves et l'obligation de les repasser ! Nous étions donc nous-mêmes très en colère, mais il fallait bien organiser une nouvelle épreuve, ce qui a été fait. Il n'est cependant pas question d'en rester là ; une enquête conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche a été commandée, dont les conclusions seront connues au début du mois de septembre. Nous reverrons alors les étudiants.
Par ailleurs, nous voulons effectivement confier une réflexion globale sur les conditions de vie des étudiants en médecine à une personnalité, que nous n'avons pas encore choisie. Certes, ces étudiants auront au cours de leur carrière de très lourdes responsabilités et devront gérer des situations de stress intense, mais ne les plongeons pas dans la dépression dès leurs études…
Les enseignants jouent évidemment un rôle, monsieur le député Garcia, dans la détection des talents, et il est essentiel qu'ils soient formés en ce sens. Le travail des associations est aussi tout à fait remarquable. Les internats, pour leur part, donnent satisfaction, mais ils n'interviennent qu'en aval, lorsque les talents ont déjà été repérés. Il faut vraiment chercher les talents parmi les plus jeunes ; c'est au niveau du collège qu'il faut repérer ces graines de génie et les pousser à cultiver leur potentiel, les encourager à faire des études supérieures, à s'intéresser à la connaissance. Dans mon autre vie, j'avais imaginé un système « grand frèrepetit frère » : nous demandions aux collèges de nous signaler des enfants au potentiel considérable, et nos étudiants, dont nous savions que les études seraient longues, les accompagnaient. Ils les amenaient à la faculté, leur faisaient bénéficier des places de théâtre ou autres activités offertes aux étudiants par l'université. Des étudiants peuvent aussi offrir un tel accompagnement dans le cadre de services civiques ; j'en ai rencontré récemment dont le travail est remarquable. Il s'agit aussi de libérer les talents de l'autocensure ; il faut qu'il soit naturel d'aller à l'opéra, d'entrer dans une bibliothèque, d'écouter de la musique classique, etc. Une grande part de la réussite tient effectivement à la maîtrise de codes qui ne sont pas seulement dispensés par l'école.