Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du dimanche 22 avril 2018 à 14h00
Immigration maîtrisée droit d'asile effectif et intégration réussie — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Nous ne voterons pas cette loi, qui est la triste reprise d'un rite dorénavant constant dans l'histoire politique de notre pays. Il y a, pour chaque législature, en moyenne, deux textes de loi sur l'accueil des étrangers. Personne n'a jamais fait le bilan de ces textes qui se sont accumulés, tant et si bien que depuis l'ordonnance du 2 novembre 1945 de la Libération – ce document qui faisait, après une guerre mondiale, après les tumultes et les déplacements de population dont vous vous souvenez, vingt-cinq pages – , le code concerné comporte désormais mille pages. À l'évidence, à mesure que les pages s'empilaient, rien ne s'est réglé. Au contraire, tout s'est aggravé. Aucun bilan global n'a été tiré. Mais, par contamination, c'est d'abord le code de la nationalité, puis le régime des libertés publiques qui, progressivement, ont été ici entamés, là à moitié dissous.

On a vu comment de la peur de l'autre au mépris de soi, il y a peu. Avoir peur des autres au point de remettre en cause les traditions les plus constantes de la patrie sur le code de la nationalité et sur les libertés publiques, c'est déjà se mépriser soi-même beaucoup. De la peur de l'autre au mépris de soi, il y a peu. Du mépris de soi à la haine de l'autre, il y a encore moins. Nous l'avons entendu au fil des débats. Nous avons entendu ces propos incroyables, ces caricatures absurdes, ces angoisses qui paralysent et tétanisent la réflexion de certains, qui voient ce pays bien plus mal qu'il n'est sur ce sujet. Peu importent les intentions : il y aura de nouveau un texte et peut-être encore un autre, et sans doute un autre encore, parce que rien ne peut être réglé de cette façon.

Peu importent les intentions. Il vient d'être décidé que la rétention administrative se transforme en une détention de fait, puisque l'on conservera des gens enfermés et privés de liberté pendant quatre-vingt-dix jours, sans avoir la moindre installation correspondant à un tel besoin. Le ministre a prévu d'accélérer toutes les procédures, de diminuer tous les temps de recours, d'allonger la rétention et de prendre des mesures pour permettre que cela se passe dans des conditions humaines et équitables. Quelles mesures ? Quatre cents places de plus… On se pince. On ne peut y croire… Qu'est-ce que tout cela peut bien régler ?

Je crains que, dorénavant, tout aille encore plus mal pour notre pays, qui sera montré du doigt parce que cette détention de quatre-vingt-dix jours ne respectera pas les droits sur lesquels nous nous sommes engagés dans toutes les arènes internationales. D'une certaine façon, tout est dit. Notre logique est à l'inverse. Monsieur le ministre d'État, je suis sûr que, dans votre esprit, vous faites pour le mieux et que vous pensez régler des choses. Mais vous devez bien comprendre que, dans les conditions du monde aujourd'hui, le problème n'est pas celui de la gestion des arrivées, mais celui de la gestion des départs. Il ne faut pas viser une immigration zéro, mais une émigration zéro, c'est-à-dire que chacun vive heureux là où il se trouve.

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