Intervention de Bruno Duvergé

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 10h40
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Duvergé :

La cinquantaine d'auditions diversifiées auxquelles nous avons procédé nous a permis de former notre propre avis, mais le groupe du Mouvement Démocrate (MODEM) et apparentés aurait toutefois aimé être systématiquement invité à participer aux visites de terrain. La force de la commission d'enquête tient aussi à la diversité de ceux qui la composent : certains sont plus politiques, d'autres sont juristes, d'autres encore ont bien connu le fonctionnement de l'État, d'autres enfin celui des entreprises. Je me classe dans cette catégorie, puisque j'ai travaillé plus de vingt ans dans un grand groupe international ; c'est certainement avec ce biais-là que j'ai participé à toutes les auditions.

Avec l'optique d'un homme d'entreprise, je considère qu'Alstom n'avait pas la taille critique pour avancer seule et qu'elle devait s'adosser à des partenaires mondiaux. Pour le volet « Énergie », l'offre de General Electric était intéressante. Surtout, elle avait un sens sur le plan industriel. Bien entendu, l'opération pose la question de notre indépendance technologique et industrielle, mais les auditions nous ont permis de nous rendre compte que General Electric était déjà bien présent depuis longtemps dans nos installations et équipements civils ou militaires ; réunir Alstom et de General Electric n'entraînait donc pas de changement fondamental. Dans le volet ferroviaire, si Alstom et Siemens ne s'étaient pas rapprochés, Siemens et Bombardier l'auraient fait et Alstom se serait trouvée isolée. Or, face aux Chinois et aux Américains, seule une approche européenne est viable. Pour Alcatel et Nokia, l'approche européenne vaut également : leur rapprochement permet la création d'un leader européen des technologies innovantes de réseaux. Évidemment, comme l'a souligné le rapporteur, il nous faut être très vigilant sur l'avenir d'ASN, beau fleuron dont nous avons visité le site à Calais. Le même enjeu – la création de leaders européens – vaut pour les chantiers navals.

Des dix axes de travail proposés je retiens cinq, liés au développement économique : revaloriser l'image de l'industrie, renforcer l'attractivité, faire grandir nos industries, accompagner les ruptures technologiques, renforcer l'intelligence économique. Il va sans dire que le contrôle d'investissements étrangers, au demeurant d'une extrême importance, ne fonctionnera que si les cinq volets de travail cités sont pleinement développés.

Il est patent que l'image obsolète de notre industrie ne correspond pas à la réalité ; il est donc urgent que les Français redécouvrent leur industrie et soit fiers d'orienter leurs enfants vers les filières d'apprentissage. Contrairement aux idées reçues, la France attire les investissements étrangers, comme l'indique clairement le dernier rapport de Business France ; c'est un point fort, et il faut s'attacher à développer cette attractivité. Le point le plus faible de notre économie, c'est son insuffisante capitalisation ; il est donc urgent de rediriger l'épargne vers l'investissement productif. Alors que nous produisons de nombreuses innovations, trop peu mûrissent et se développent sur notre territoire. L'Histoire montre que notre force n'a pas obligatoirement tenu à des technologies précises mais à la création d'écosystèmes : nous avons réussi à le faire pour le nucléaire, le ferroviaire et l'aéronautique. Notre force est dans l'intégration, et c'est ce que nous devons développer. Un autre point faible de notre industrie tient à une intelligence économique trop défensive et restrictive ; nous devons développer une intelligence économique partagée au service des entreprises de toute taille, dans toutes les technologies.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés est donc en phase avec la vision exprimée dans le rapport, dont il approuvera évidemment la publication.

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