Intervention de François Simon

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

François Simon, président de la section exercice professionnel du Conseil national de l'Ordre des médecins :

Vous avez reçu hier, avec un retard dont je vous prie de nous excuser, un document qui sert de trame à mon intervention.

Nous avons mené en 2015 une grande consultation sur les attentes et réflexions des médecins, à laquelle 35 000 d'entre eux ont répondu. Sur cette base, l'Ordre a fait, en janvier 2017, des propositions pour « construire l'avenir à partir des territoires », parmi lesquelles sa troisième priorité est « ouvrir et professionnaliser la formation des médecins ». Vous pouvez consulter ce document sur notre site.

En effet, le modèle actuel de sélection et de formation des futurs médecins ne répond manifestement plus aux besoins des territoires. À l'évidence, un jeune praticien s'installe rarement dans un territoire qu'il ne connaît pas ; aussi faut-il tout mettre en oeuvre pour que le parcours de formation soit étroitement lié aux territoires et non plus centré sur l'hôpital.

Dès le lycée, il convient d'informer et d'inciter les jeunes des territoires en difficulté à s'orienter vers les études de médecine. Or ils subissent un handicap par rapport à ceux qui habitent près d'une faculté.

La première année commune aux études de santé (PACES) doit être réformée afin de modifier le mode de sélection. Les stages de découverte en premier cycle doivent débuter très tôt et les stages du second cycle doivent être professionnalisants et permettre de découvrir le travail en équipes et toutes les formes d'exercice. Ils doivent se passer sur des territoires, et ceux-ci pouvant être éloignés de l'université, il faudra réorganiser le temps universitaire pour permettre que ces stages soient plus longs. S'il est possible d'être à l'hôpital le matin et à l'université l'après-midi dans une ville universitaire, ce ne l'est pas ailleurs. Il faudra aussi trouver des solutions pour financer les déplacements et l'hébergement des stagiaires. On a évoqué des internats ruraux, mais des internats urbains aussi sont envisageables.

À la suite de l'internat, on pourrait mettre en oeuvre très rapidement un post-diplôme d'études spécialisées (DES), sur le type de l'assistanat hospitalier, sous forme d'assistants dans les zones déficitaires.

S'agissant de l'exercice, on sait que les médecins ne veulent plus exercer seuls. Ils privilégient l'exercice regroupé, si possible en équipe. Ces regroupements, qu'ils soient physiques, sur un site ou plusieurs, permettent de mutualiser les moyens, le personnel d'accueil, la gestion administrative du cabinet. Ils facilitent l'organisation de la continuité des soins, qui n'est pas assurée, et qui permet d'éviter des hospitalisations qui n'étaient pas nécessaires. Toutes les formes de regroupement doivent être encouragées, non seulement sous la forme matérielle de maisons de santé, mais aussi des regroupements virtuels et multisites. Les outils informatiques, les moyens juridiques, techniques, réglementaires, sont disponibles pour autoriser ces échanges. Contrairement à une idée reçue, l'Ordre refuse très peu d'ouvertures de sites secondaires dans le cadre du multisites. C'est d'ailleurs moins compliqué qu'on ne le dit et nous avons engagé des travaux pour simplifier encore les démarches.

Mais cet exercice sur le territoire ne peut se faire que si le praticien a un accès facile aux plateaux techniques – biologie et radiologie, bien sûr – et à des spécialistes de second recours – cardiologues, oto-rhino-laryngologistes (ORL) – ainsi que l'appui d'un centre hospitalier ouvert.

Il faut encourager toutes les solutions innovantes. François Arnault a répertorié toutes celles qui fonctionnent bien. En général, elles sont proposées et mises en oeuvre par des leaders. Aussi vaut-il la peine de réfléchir à intégrer dans le cursus des médecins une formation au leadership à la fois dans une équipe médicale, mais aussi s'agissant de la réflexion sur le système de santé, ce que nous pratiquons moins que ne le font les Anglo-Saxons.

Il faut aussi évidemment décloisonner le secteur public et le secteur privé dans les territoires et les faire travailler en synergie. Ils ne sont pas concurrents mais complémentaires.

Enfin, n'oublions pas que si la désertification concerne les zones rurales, bien des zones urbaines connaissent aussi de grandes difficultés.

Comme vous le voyez, cette introduction a été centrée sur la formation. À nos yeux, c'est le pont capital.

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