Intervention de Anne-Marie Curat

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes :

La profession de sage-femme est une profession médicale à compétence définie et cette compétence, ciblée sur la grossesse a été élargie par la loi HPST au suivi gynécologique de prévention pour les femmes en bonne santé. Le ministère avait voulu, par cette mesure, anticiper sur la désertification médicale que nous constatons. Par leur formation initiale, leur connaissance de la physiologie féminine, l'enseignement théorique qu'elles reçoivent en gynécologie, sur la contraception et l'interruption volontaire de grossesse (IVG), soit plus de 240 heures, les sages-femmes étaient bien désignées pour ce rôle. Leur formation en stage comprend aussi 420 heures de prise en charge gynécologique. Depuis 2009, il y a eu effectivement une hausse de la prise en charge de la santé gynécologique par les sages-femmes, notamment les sages-femmes libérales.

À ce propos je rappelle que nous avons 29 000 inscrits à l'Ordre et 23 000 sages-femmes en activité, et que la profession connaît une évolution importante vers l'exercice libéral, soit 30 % désormais, contre 51 % de personnel des hôpitaux et cliniques. Selon les derniers chiffres de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), il y a eu une montée en charge de l'activité gynécologique de prévention. Cependant, le zonage établi il y a quelques années à la demande des syndicats se révèle un frein, car il avait été établi sur le seul nombre des naissances et non sur la demande de soins des femmes. Or la sage-femme ne fait pas seulement des suivis de grossesse, mais aussi une activité de suivi, de contraception, de dépistage et de vaccination. Nos syndicats professionnels négocient actuellement avec la CNAMTS pour revoir ce zonage devenu obsolète. Cela permettrait d'élargir l'offre de soins pour répondre à la demande.

Dans ce même esprit, de réponse à la demande, la loi de santé de 2016 a élargi les compétences des sages-femmes en ce qui concerne la prise en charge de l'IVG médicamenteuse. Mais beaucoup de sages-femmes en libéral nous disent avoir des difficultés à exercer cette compétence, car elles doivent pour cela signer une convention de partenariat avec les centres hospitaliers à proximité et beaucoup de centres refusent. Les sages-femmes seraient également d'accord pour que leur compétence soit étendue à l'IVG instrumentale afin de pouvoir répondre plus rapidement à la demande des femmes. Globalement, cette extension de compétences éviterait à certaines de perdre la possibilité d'obtenir ce qu'elles demandent.

Si je résume nos demandes, par rapport à la densité médicale, il est important que la CNAMTS révise le zonage pour permettre des installations ; nous demandons que les sages-femmes qui s'installeront dans les zones en voie de désertification obtiennent des aides comme celles qui ont été accordées aux médecins. Pour améliorer l'offre de soins, il est aussi fondamental de renforcer la coopération interprofessionnelle, améliorer l'articulation entre médecine de ville et hôpital et l'information des patients sur le rôle de chaque professionnel de santé. Beaucoup de femmes ne connaissent pas les compétences de la sage-femme pour assurer le suivi gynécologique tout au long de leur vie. Bien entendu, la sage-femme exerce une profession médicale à compétence définie, donc dès qu'il y a une pathologie, elle oriente la personne vers le médecin. Or il arrive que dans des zones où une consultation médicale est difficile, des personnes présentant une pathologie s'adressent directement à une sage-femme. Celle-ci se trouve en difficulté car sa compétence propre lui interdit de prendre en charge cette personne et il n'y a pas de médecin vers qui la réorienter : il importe donc de favoriser la communication en santé pour que les compétences de chacun soient bien connues.

Les sages-femmes demandent aussi de pouvoir prescrire aux couples, par exemple pour la surveillance des infections sexuellement transmissibles (IST), le suivi tabacologique, la surveillance vaccinale. La loi de 2016 a donné compétence aux sages-femmes pour vacciner aussi l'entourage de la personne prise en charge. Mais il faudrait améliorer ses possibilités de prise en charge complète du couple.

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