Intervention de Denis Raynaud

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Denis Raynaud, directeur de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) :

Merci beaucoup de me donner l'occasion de m'exprimer devant cette commission. Mon intervention a été préparée avec des collègues de l'IRDES : Guillaume Chevillard, Véronique Lucas-Gabrielli et Julien Mousquès.

À l'IRDES, nous travaillons notamment sur l'accessibilité des soins, qui intéresse les membres de votre commission : mesure de la qualification et de la densité de l'offre, organisation des soins, conditions d'exercice des praticiens.

Avec la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), nous avons développé un indicateur – l'accessibilité potentielle localisée (APL) – qui est utilisé par les agences régionales de santé (ARS) pour construire les zones servant de base à leur politique territoriale. À l'IRDES, nous continuons à travailler sur cet indicateur qui a le mérite d'exister et d'avoir une déclinaison opérationnelle mais qui reste perfectible.

Nous cherchons notamment à mieux prendre en compte l'offre, la demande et l'éloignement. Loin d'être triviales, ces questions vont permettre d'affiner la notion de désert médical, qui dépend de seuils définis à partir de nos travaux méthodologiques. Nous cherchons aussi à remédier au caractère par trop communal de cet indicateur, qui peut le rendre discutable quand il faut prendre en compte la réalité dans les périphéries des grandes villes ou dans les zones de montagne. Nous travaillons donc sur des mesures infra-communales. Nous voulons améliorer la mesure des distances, compte tenu de remarques qui nous ont été faites sur les zones urbaines denses et les zones de montagne : chacun sait que l'on ne traverse pas Paris en trente minutes et que, en montagne, la durée du déplacement dépend de ce que les géographes appellent la déclivité et la sinuosité des routes, qui peuvent rendre les conditions d'accès particulièrement difficiles.

Pour améliorer ces travaux sur la mesure du temps d'accès aux soins, nous ne nous focalisons pas uniquement sur la durée des trajets en voiture mais nous nous intéressons aussi aux transports en commun ou à la marche. Dans certaines zones urbaines très denses comme la région parisienne, ces modes d'accès sont sans doute plus pertinents que la voiture.

Il y a deux ans, nous avons publié une étude sur les déplacements des patients, dont je vais mettre quelques exemplaires à votre disposition. Il est important de comprendre les déterminants de ces déplacements qui atténuent voire compensent la disparité de l'offre, même s'ils constituent une contrainte.

Quant aux questions d'organisation des soins et de conditions d'exercice des professionnels, elles sont cruciales pour vos travaux dans la mesure où elles ont des répercussions sur les motivations des médecins quand ils décident de s'installer ou de se maintenir dans un lieu donné. Nous travaillons sur l'exercice dans les structures pluri-professionnelles de proximité. Les évaluations passées ont montré que ces maisons de santé pluri-professionnelles (MSP) avaient eu un effet vraiment positif en matière de démographie médicale, que ce soit dans les zones rurales ou dans les zones urbaines.

Dans les zones rurales, ces structures ont permis de maintenir la démographie médicale ou de limiter sa décroissance. Dans les zones urbaines, les maisons de santé se sont installées plutôt dans des quartiers périphériques, ce qui a souvent permis d'améliorer un peu l'offre. Nous sommes en train de compléter nos travaux, qui datent de deux ou trois ans, car la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) nous a demandé d'évaluer l'accord conventionnel interprofessionnel qui sert de cadre à la rémunération des maisons de santé.

Nous avons une évaluation en cours sur la coopération entre les médecins et les infirmières, à travers l'évaluation du protocole « Action de santé libérale en équipe » (ASALEE), un cadre dans lequel le suivi de malades chroniques s'effectue sous la forme d'une délégation de certaines tâches de médecins aux infirmières. Cette pratique peut permettre au médecin de dégager du temps, et donc d'accroître l'offre médicale.

Dernière thématique liée à vos sujets et sur laquelle nous travaillons : l'évaluation des expérimentations de télésurveillance. La télésurveillance permet-elle d'améliorer l'offre de soins ou la qualité de la prise en charge du patient ? Les résultats ne seront pas disponibles dans l'immédiat car nos travaux viennent de commencer.

En conclusion, je dirai que l'organisation des soins est l'un des facteurs qui peuvent expliquer les comportements d'installation des médecins. Ce n'est donc pas à négliger. À la lecture de la littérature internationale sur l'efficacité des mesures destinées à réguler ces installations, on identifie d'ailleurs trois principaux leviers : le profil de recrutement des étudiants en médecine, leur lieu de formation, les modes d'organisation des soins.

Jusqu'à présent, il n'y a jamais vraiment eu d'évaluation très sérieuse des mesures de coercition ou d'incitation financière, que ce soit en France ou à l'étranger. Nous avons le sentiment confus qu'elles ne sont pas très efficaces, mais les publications internationales regrettent l'absence d'évaluation vraiment sérieuse.

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