Intervention de Denis Raynaud

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 8h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Denis Raynaud, directeur de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) :

Effectivement, il est très important d'avoir une connaissance microéconomique de ce qui se passe au niveau local. C'est ce que nous essayons de faire dans nos travaux de recherche.

L'IRDES est un institut de recherche pluridisciplinaire ; on ne travaille pas qu'avec des économistes et des statisticiens, mais aussi avec des sociologues et des démographes. D'ailleurs, la publication que l'on vient de faire sur ASALEE est un travail de sociologues qui s'appuient sur des observations de terrain : ils ont interviewé pendant deux à trois ans une vingtaine de médecins, une trentaine d'infirmières, des patients, et de nombreux acteurs de cette organisation de soins, pour en décrire le fonctionnement. C'est très utile lorsque l'on travaille ensuite sur des données administratives – le SNDS, les données de consommation de soins. Sans cette connaissance vraiment locale, on risque de mal interpréter les résultats.

Un troisième niveau d'analyse permet de compléter les observations locales, de type sociologique, anthropologique, qui ne sont que qualitatives. Certes, interviewer vingt médecins, trente infirmières, c'est déjà énorme, et on ne peut pas tous les interroger. Mais on va au-delà, en menant des enquêtes auprès des structures, notamment auprès des maisons de santé, qui nous expliquent comment elles organisent concrètement le travail.

Les enquêtes menées autour des structures sont parfois un moyen de pallier certaines carences dans les données statistiques disponibles. Par exemple, aujourd'hui, les données administratives de l'assurance maladie ne nous permettent pas de faire cette observation microéconomique que vous souhaiteriez voir se développer. Elles ne nous permettent pas de savoir, notamment, si un médecin exerce dans une maison de santé. On doit le reconstruire à partir de la géolocalisation, en faisant des hypothèses.

Il y a sans doute du travail à faire pour améliorer la qualité des données, si l'on veut améliorer la qualité des travaux d'évaluation. Aujourd'hui, pour comparer l'exercice dans les maisons de santé à nos cas témoins qui sont hors maisons de santé, on a besoin de savoir si nos cas témoins exercent en individuel ou en regroupé.

En passant par les maisons de santé, il est possible de reconstituer les informations qui ne sont pas disponibles dans les données administratives. Mais il est impossible de faire des enquêtes sur nos cas témoins : ils ne sont pas concernés, ils ne vont pas répondre. Voilà pourquoi, après les avoir localisés, on fait des hypothèses : s'ils exercent à la même adresse, on dit qu'ils travaillent ensemble. Mais, en fait, on n'en sait rien. En zone rurale, ce n'est pas trop grave. Mais en zone urbaine, cinq médecins peuvent exercer dans un immeuble de dix étages sans qu'on soit capable de dire si ces cinq médecins travaillent ensemble, ou s'ils se croisent juste dans l'ascenseur. Ce sont les limites de l'analyse.

On pourrait sans doute encore mieux structurer les données pour améliorer notre qualité d'observation et d'analyse microéconomique.

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