Intervention de Patrice Queneau

Réunion du mercredi 25 avril 2018 à 10h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Patrice Queneau, membre de l'Académie nationale de médecine :

1 000 ou 1 500. Après le concours, j'ai souvent constaté que la médecine générale n'attirait pas. J'ai par exemple interrogé une centaine d'étudiants qui visitaient l'Académie de médecine après avoir réussi le concours. « Surtout pas la médecine générale » semblait être la réponse la plus répandue. Il faut motiver les jeunes pour qu'ils aillent vers un métier exigeant et difficile.

Sur les 3 500 postes de médecine générale actuellement ouverts, un sur deux sera pris par quelqu'un qui n'exercera pas la médecine générale : il n'exercera pas du tout, il exercera comme médecin du sport, journaliste ou homéopathe, par exemple, ou il effectuera des remplacements. Finalement, seul un diplômé sur deux s'installera comme vrai généraliste à l'issue de son troisième cycle.

Concernant les médecins étrangers, l'académie de médecine a pris une position sur l'épreuve classante nationale (ECN). Il ne s'agit ni d'un concours ni d'un examen, puisqu'on peut la réussir avec zéro, et être nommé interne – éventuellement sans parler français – en étant payé pendant quatre ans. Nous parlons de gens qui seront internes de garde et dont le niveau n'a jamais été vérifié ! L'Académie de médecine a émis sur ce sujet une proposition pour laquelle je me suis énormément battu. En remplacement de l'ancien certificat de synthèse clinique et thérapeutique (CSCT), les ministres ont mis en place le certificat de compétences cliniques (CCC), qui est assez comparable. Il faut qu'il soit passé par tous les étudiants ayant effectué leurs études en France, qu'ils soient français ou étrangers. Nous demandons que ce même niveau soit un préalable à l'inscription en troisième cycle pour tous les étudiants venant d'ailleurs, qu'ils soient étrangers ou français – beaucoup de Français reviennent de l'étranger soit qu'ils aient d'abord échoué au concours en France, soit qu'ils se soient dit : « Inutile de le passer ici, je vais tout de suite à Bucarest ou à Athènes, et je reviens ensuite, c'est dans la poche… »

Avec mon ami Claude de Bourguignon, dans Sauver le médecin généraliste, nous estimions que si nous étions dans l'impasse – et nous y sommes –, il faudrait proposer, en plus des contrats d'engagement à devenir médecin généraliste – leur succès est relatif mais il s'agit d'une solution qu'il ne faut pas négliger –, d'instaurer, dès le concours, un quota de places destinées à la médecine générale, ou éventuellement à d'autres disciplines fortement sous-dotées. Ce devrait être un concours de spécialité, encore plus médicalisé que le concours classique. Je vois bien les inconvénients de cette solution : la décision doit être précoce, certains commencent à parler de « sous-concours »…. Je n'en sais rien, je n'en suis pas sûr, mais ce que je sais, c'est que nous avons besoin de gamins et des gamines motivés, alors que beaucoup d'entre eux échouent à la PACES alors qu'ils sont d'excellents candidats. Nous pourrions en tout cas mettre en place une expérimentation en ce sens.

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