Intervention de Jean Sibilia

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Jean Sibilia :

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis très heureux de venir discuter d'un sujet qui nous préoccupe, vous et nous, ensemble, depuis de nombreuses années. Il s'agit du problème de la démographie médicale et de la gestion des zones défavorisées que l'on appelle « déserts médicaux » – mais je pense que cette notion s'est étendue à d'autres secteurs.

Je préciserai tout d'abord que les formateurs que sont les universitaires et les doyens ne nient pas cette situation. Nous en avons absolument conscience, dans nos territoires. Nous avons aussi conscience que cette notion de désert médical comprend des entités assez différentes. Le désert peut être rural, mais il peut aussi être urbain, dans des zones de non-droit et des zones défavorisées. Un deuxième point important mérite d'être noté : à l'instar d'une équation mathématique, la résolution de la problématique de la démographie médicale est extrêmement compliquée, d'autant que celle-ci ne peut pas être sortie de son contexte général. Je prendrai ou trois exemples pour l'expliquer. En particulier, on ne peut pas dissocier la problématique de l'installation d'un médecin en zone rurale de celle de l'installation d'une école, d'un boulanger, d'un bureau de poste ou encore de la 4G. Un médecin n'ira pas s'installer dans une zone territoriale qui ne bénéficie pas d'éléments d'accompagnement pour lui et sa famille. L'autre élément de contexte est que la profession a beaucoup évolué. Elle s'est féminisée. C'est un souci potentiel en zone défavorisée pour la continuité des soins, notamment les gardes. En effet, nous savons qu'il est difficile pour une femme de sortir après dix-neuf heures dans une zone urbaine difficile ou dans une zone de non-droit. De fait, le problème de la démographie quantitative est doublé d'un problème qualitatif. Je citerai un dernier point, pour être bref. Ces zones dites défavorisées que sont les déserts médicaux ont aussi été modulées et modifiées par l'organisation des soins, notamment une sorte de déficit de la médecine générale, l'engorgement des urgences et d'autres facteurs qui accroissent la difficulté d'organisation des soins. Voilà pour les éléments de contexte général, que vous connaissez tous. Mais je tenais à vous dire que nous avons pleinement conscience de ce contexte. Souvent, l'on taxe les universitaires, en particulier les doyens, d'être dans leur tour d'ivoire et de ne pas voir les choses. C'est faux. Nous avons totalement conscience du contexte.

Nous avons également conscience que l'on vous « challenge » sur ce message politique, que vous êtes en première ligne et que vous devez y répondre. C'est donc à nous de vous apporter des solutions, en précisant quelles sont les bonnes, les moins bonnes et les mauvaises. En effet, certaines solutions sont acceptables, mais d'autres le sont difficilement.

J'ai préparé un texte très complet, qui retrace l'intégralité de la situation actuelle, avec les enjeux de la formation, qui sont à la fois quantitatifs, démographiques et qualitatifs. On ne peut y répondre par la seule augmentation du nombre de médecins, voire de professionnels de santé. Nous devons répondre très clairement par une amélioration qualitative. C'est notre responsabilité, j'en suis conscient. Aujourd'hui, les enjeux sont ceux de la mondialisation, de la marchandisation, de la modification des outils, notamment la télémédecine. Celle-ci ne réglera évidemment pas tout, loin de là. Mais des outils nouveaux existent. Nous devons en tenir compte dans la formation et dans le qualitatif. Ce texte propose vingt engagements très modernes de notre Conférence, partagés avec la Conférence santé. J'ai discuté avec les pharmaciens et les hôpitaux, qui sont évidemment engagés à un niveau différent mais qui partagent cette analyse. Ces vingt engagements nous permettraient d'avancer ensemble. Nous pouvons essayer de voir comment les mettre en oeuvre, car il faut qu'ils soient accompagnés clairement, politiquement. Ce ne sont pas uniquement des engagements techniques.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

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