Intervention de Jean Sibilia

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Jean Sibilia :

Nous avons la capacité et la volonté de former plus. Il faudra que nous réfléchissions aux moyens pédagogiques, mais nous pouvons former plus. Pour prendre mon exemple, je suis doyen d'une grosse faculté à Strasbourg. Très clairement, j'aurais la capacité d'augmenter dans une proportion importante le numerus clausus. Nous pouvons le faire, en accord avec l'université, dans le cadre de négociations et en adaptant les moyens pédagogiques. C'est tout à fait réalisable. Il ne faut pas dire que ce ne l'est pas – mais cela ne peut pas se faire totalement sans moyen.

Je souhaite ici rappeler quelques chiffres. Former un médecin de plus dans le dispositif actuel coûte environ 150 000 euros à la Nation, à moyens constants. Mais il existe aussi un coût à ne rien faire. Cette remarque était un préliminaire pour répondre à votre question sur le numerus clausus. Nous avons un déficit quantitatif marqué, en particulier en termes de progression de la formation.

Par ailleurs, l'on affirme souvent que le problème sera réglé par la formation des paramédicaux. Ce n'est pas vrai. Les pays qui ont augmenté leur nombre de médecins ont également accru leur nombre de paramédicaux. C'est dans le rapport de l'OCDE pour 2017. C'est traçable. Donc cela ne suffira pas non plus. C'est vertueux, parce que la prise en charge de demain se fera dans les territoires, au travers de parcours qui ne pourront être que pluriprofessionnels. Il est inutile, effet, de demander à un médecin de passer à domicile pour prendre le pouls d'un patient ou faire une injection. Le parcours sera pluriprofessionnel. Nous avons besoin de ces métiers de la santé, mais cela ne suffira pas non plus.

Nous voulons supprimer le numerus clausus. J'exprime clairement ma position. Depuis le début, nous, les doyens, sommes favorables à sa suppression. Politiquement, le numerus clausus est illisible. Il est devenu le symbole de l'échec du système jacobin descendant. Pire encore, il est synonyme de « massacre des étudiants » – vous avez sans doute vu, un dimanche soir récent, cette émission de Laurent Delahousse sur France 2. C'est vécu ainsi. Dans la vie, il y a votre vérité et la vérité reçue par les autres. Aujourd'hui, le numerus clausus n'est plus tenable. On ne le veut plus ni politiquement, ni techniquement. Il a été contourné et il ne sert plus à rien.

Les étudiants français formés en Roumanie à Cluj sont 600. C'est pour cela que la problématique des moyens est importante. Aujourd'hui, je suis obligé de faire inscrire dans les facultés, pour les épreuves classantes nationales (ECN), 200 étudiants étrangers de plus que l'an dernier. Ils sont près de 600 étudiants et l'on en annonce 800 l'an prochain. Ce sera intenable.

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