Intervention de Jean Sibilia

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Jean Sibilia :

Je considère que cette réponse est la plus compliquée qui soit à donner. De temps en temps, quand on préside une assemblée, l'on a son point de vue personnel, qui est un engagement presque moral vis-à-vis de la Nation qui vous a formé, et puis il y a la réalité pragmatique de terrain. Je vais vous faire deux réponses, mais la bonne sera la seconde. La première est la suivante. Au titre de mon engagement personnel, j'aurais rendu à la Nation par un service civique en zone défavorisée. Je jure que c'est ma conviction profonde. Je l'aurais fait, au même titre que j'ai fait mon service national à l'époque. Cela me paraît normal. L'État nous aide, tout en nous donnant le droit au remords. Je rappelle que, parfois, il paye deux cursus à un étudiant qui se trompe. C'est quand même un avantage notable, dans un pays où la formation est excellente, à un prix qui est celui que vous connaissez. La République est là pour soutenir ses étudiants quel que soit leur niveau social. Je crois que l'université reste un ascenseur social. Selon les écoles, nous comptons entre 10 % et 20 % de boursiers. Cela montre que tous les étudiants en médecine ne sont pas des enfants de nantis. Je pense qu'une frange d'étudiants serait en phase avec mes propos, et capable de rendre à la Nation, par réciprocité. Mais ce message est difficile à faire passer aujourd'hui, avec un métier en telle métamorphose, tellement difficile et avec une telle souffrance au travail. L'engagement personnel que nous demandons, pour des raisons sociétales et d'évolution personnelle, est vécu plus difficilement encore lorsqu'il est imposé aux médecins et à leurs familles, car cela revient à proposer un projet familial délocalisé, peut-être en conflit avec un projet professionnel maturé par ailleurs. Un médecin qui s'est formé durant son deuxième cycle, en vue de devenir cardio-pédiatre, peut se voir demander d'aller faire de la médecine générale durant deux ans en Corrèze ou dans une zone urbaine défavorisée. C'est très bien, cela rend service. Mais ce projet professionnel peut être difficile à accepter, dans une période de la vie où l'on a un certain âge, souvent avec une famille que l'on doit entraîner avec soi. Vous voyez que ce n'est pas simple. L'approbation des professionnels de santé sur un projet qui serait imposé de cette manière est difficile à obtenir.

Il est de ma responsabilité de vous dire que je ne suis pas entendu quand je propose cela. J'ai pourtant essayé de le faire. Je vous parle en toute sincérité.

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