Intervention de Jean Sibilia

Réunion du jeudi 19 avril 2018 à 11h30
Commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain

Jean Sibilia :

Je sais. Il est plus facile de vous rendre à Strasbourg. Vous savez que c'est simplement lié au système précédent, qui nous obligeait à inscrire en priorité les étudiants de notre académie. Or l'académie, c'est le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. J'ai toujours plaidé, quand c'était possible, via la commission dérogataire, pour accueillir les étudiants de Moselle ou des Vosges qui souhaitaient venir. Je l'ai toujours fait, en fonction des capacités d'accueil. Le problème est peut-être en partie modifié maintenant par Parcoursup. La semaine dernière, nous avons reçu six mille six cents dossiers à Strasbourg. Ils ont tous été traités. Cela montre que c'est possible, avec des moyens constants.

Vous posez aussi le problème des capacités d'accueil. Il existe deux niveaux. Celui de la capacité d'accueil de la première année commune est en fait un problème d'amphi. Tous nos cours sont en massive open online course (MOOC) sur des plateformes. Notre capacité d'accueil est de 2 100 étudiants. Demain, je peux faire ouvrir un amphithéâtre de 300 places. J'en ai déjà neuf. Le présentiel ne concerne qu'un seul d'entre eux, et tout le reste est en télétransmission. Demain, il suffirait de connecter un amphi de 300 places pour proposer 300 places supplémentaires aux étudiants en première année commune aux études de santé (PACES). Ce n'est pas le problème. Ce qui est le plus compliqué, c'est l'accueil après la PACES, pendant les études de médecine. Cet accueil dépend des enseignants, des terrains de stage, de l'ingénierie de répartition. C'est plus compliqué. Mais, je l'ai dit, nous avons une marge de manoeuvre. Nous avons bien augmenté le numerus clausus graduellement depuis dix ans. Nous pouvons encore faire un effort. Nous pouvons encore augmenter. Il faut que l'on travaille en réseau avec les centres hospitaliers et les maisons de santé pluri-professionnelles, et que l'on développe l'ambulatoire. Ce sera une façon de répondre à la situation. Nous ne pouvons pas mettre tous les étudiants dans les mêmes services hospitaliers du CHU. Il faut donc que le CHU fasse une métamorphose universitaire, je le répète.

Concernant Cluj, je n'ai jamais dit qu'il n'y avait pas de problème ou que les étudiants concernés n'étaient pas en souffrance. Auparavant, ils s'y rendaient après des échecs en France – à une place ou à mille du dernier classé, selon les cas. Je regrette profondément cette situation, qui vient du numerus clausus que nous souhaitons modifier. La souffrance là-bas est réelle. Il n'y existe pas de terrain de stage, même si l'enseignement n'est pas mauvais. Mais je voulais souligner que, désormais, cette université n'attire pas seulement des étudiants en échec. Certains s'y inscrivent directement, sans être passés par la PACES. Ce n'est pas du tout la même chose. Peut-être vivent-ils ensuite un sentiment d'exclusion. Je comprends qu'ils ne sont pas bien accueillis lorsqu'ils reviennent en France. Cela étant, la Conférence a déjà consenti des efforts. Ainsi, nous acceptons d'inscrire ces étudiants sur la plateforme « Système Inter-universitaire Dématérialisé d'Evaluation en Santé nationale » (SIDES), à condition que les universités étrangères de l'Union européenne paient au minimum la même cotisation que les universités françaises. Ce serait un comble que l'on inscrive des étudiants d'une université étrangère dont les droits de scolarité sont dix fois supérieurs aux nôtres sans lui demander de cotisation. Je serai intransigeant sur ce point. Nous attendons la création de la filiale de la plateforme francophone « Université numérique en sport et santé » (UNESS), laquelle sera ouverte à toutes les universités francophones, et en priorité les roumaines qui accueillent des Français. J'espère qu'un jour, nous pourrons former ces Français en France. Nous continuerons à les accueillir au moment de l'internat, ou l'équivalent de la fin du deuxième cycle, pour les intégrer en espérant qu'ils s'installeront en France. Si nous pouvions réintégrer dans notre dispositif les étudiants formés en Belgique, en Roumanie et en Pologne, et leur permettre de s'installer assez rapidement, ce serait un mécanisme immédiat d'amélioration de la situation.

Pour finir, j'en viens au no man's land des étudiants inscrits et non installés. C'est un fait sociétal, lié à une envie de développement personnel et d'investissement dans son temps de travail qui n'est plus le même qu'avant. Mon père, généraliste rural, ne fermait jamais son cabinet. Jamais. Il ne partait pas en vacances. Aujourd'hui, les cabinets sont fermés. Les médecins ont des familles. Ce sont des femmes, qui ont une vision de la vie et une organisation différentes – c'est noble, elles font des enfants pour la Nation. L'installation est donc évidemment décalée, et l'exercice professionnel aussi. Il s'écoule maintenant huit à neuf ans entre la sortie et l'installation. C'est un fait. Il s'agit de trouver des facteurs d'attractivité pour favoriser l'installation. Mais je n'ai pas de solution magique à proposer.

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