Je serai maintenant plus brève.
Le troisième axe du projet de loi permet d'améliorer la définition des délits de harcèlement sexuel ou moral. Ces derniers exigent actuellement la répétition des faits, répétition qui doit émaner d'une même personne. Pour permettre de réprimer les situations dans lesquelles cette répétition émane de plusieurs personnes, notamment en cas de « raid numérique », lorsque plusieurs internautes adressent des courriels offensants à une même victime, une proposition a été formulée : elle consistait à étendre ces délits lorsque les faits sont commis de manière concertée par plusieurs personnes alors même que chacune d'entre elles n'a pas agi de façon répétée. Votre commission, sur proposition de votre rapporteure, a élargi cette extension des délits au cas de l'instigation ou lorsque les personnes agissent en sachant que d'autres personnes ont déjà offensé la victime. Cette extension est tout à fait appropriée et je me félicite, là encore, de cette amélioration notable due au travail de votre commission.
Le quatrième et dernier axe du projet de loi doit permettre la répression du harcèlement dit « de rue » en créant une contravention nouvelle d'outrage sexiste, lequel fait l'objet d'une définition travaillée par un groupe de parlementaires. Les auteurs de ces faits pourront donc faire l'objet d'amende forfaitaire. Cette contravention aura également un aspect symbolique fort. C'est l'un des éléments essentiels du plan d'action annoncé par le Président de la République en novembre 2017, défendu, sur ces points très précis, par Marlène Schiappa, avec évidemment l'appui du ministère de l'intérieur.
En conclusion, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que Marlène Schiappa et moi-même avons l'honneur de vous présenter répond à une attente forte de nos concitoyens : renforcer les moyens juridiques mis à la disposition de l'autorité judiciaire pour lui permettre de faire respecter au quotidien les droits des femmes et des enfants, en mettant fin au sentiment d'impunité des auteurs de violences sexuelles et sexistes. De ce point de vue, ce texte constitue une avancée majeure. Je souhaiterais donc qu'il puisse être adopté dans sa version améliorée par votre commission, sans préjudice, bien sûr, de nouvelles améliorations qui pourront intervenir en séance.
Mesdames et messieurs les députés, je me permets une fois encore d'appeler votre attention sur un point : il me semble que ce texte va aussi loin qu'il est possible au regard des principes constitutionnels et conventionnels qui s'imposent à nous tous dans un État de droit. En commission des lois, certains d'entre vous ont indiqué que le Parlement ne devrait pas hésiter à prendre le risque d'une éventuelle censure par le Conseil constitutionnel. Je ne peux évidemment pas souscrire à une telle analyse, non seulement en raison de mes anciennes fonctions, mais aussi par respect pour nos institutions démocratiques et essentiellement pour des raisons de pur bon sens.
Je rappelle qu'en matière d'infractions sexuelles, par le biais des questions prioritaires de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déjà censuré deux fois notre droit pénal : en septembre 2011, sur la définition de l'inceste ; en mai 2012, sur la définition du harcèlement sexuel. Ces deux censures ont suscité d'inextricables difficultés pour nos juridictions et ont été particulièrement traumatisantes pour les victimes. Il me semblerait délicat de reproduire de telles erreurs.
C'est pourquoi je vous demande à nouveau de considérer ce projet avec l'ensemble des avancées qu'il recèle et en respectant les équilibres qu'il a retenus car il répond pleinement aux enjeux de civilisation auxquels nous sommes confrontés. Il permettra enfin, comme l'a rappelé le Président de la République dans son discours de novembre 2017, que « la honte change de camp ».