Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, le rapport d'information adopté par notre délégation sur ce projet de loi dresse malheureusement, une fois de plus, le constat de l'omniprésence des violences commises contre les femmes dans notre pays. Vous ne connaissez que trop les chiffres : ils sont sans appel. Les violences sexistes et sexuelles constituent un phénomène massif dans notre société, toujours empreinte de sexisme. Les stéréotypes sexués continuent d'assigner les femmes et les hommes à des rôles prédéfinis qui viennent légitimer des rapports de domination désormais acceptables.
Ces violences, qu'elles soient physiques, sexuelles ou verbales, sont extrêmement destructrices pour les victimes car, comme cela nous a été dit lors des nombreuses auditions que nous avons menées, elles ont des conséquences physiologiques et psychologiques de court et de long termes, graves, profondes et durables. Ce sont autant de drames humains qui marquent à jamais la vie des victimes. Ces violences ont également un coût énorme pour la société.
Qui peut accepter de tels comportements, aboutissant à la construction d'une société inégalitaire, dans laquelle les femmes doivent chaque jour prendre des précautions et mettre en oeuvre des stratégies pour ne pas s'exposer aux violences dont elles pourraient être victimes ?
Qui peut s'accommoder d'une société dans laquelle les femmes doivent faire plus attention que les hommes à ce qu'elles postent sur internet et les réseaux sociaux, car elles risquent davantage d'être victimes de cyber-violence et de cyber-harcèlement ?
Qui peut se satisfaire d'une société inégalitaire dans laquelle les femmes doivent chaque jour faire face à des propos dégradants, parfois banalisés, qui constituent un obstacle majeur à l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment dans les domaines scolaire et professionnel ?
Mes chers collègues, nous ne pouvons et ne devons pas accepter cette situation. II est intolérable que des femmes et des filles puissent être inquiétées, harcelées, violentées, agressées ou violées dans notre République. Les victimes doivent être mieux soutenues et les agresseurs mieux sanctionnés. C'est dans cette double optique que nous avons conduit nos travaux, notamment à travers de nombreuses auditions, ce qui nous a permis de nous pencher en détail sur les trois principaux champs couverts par le projet de loi : les violences sexuelles commises à l'encontre de mineurs ; les cyber-violences ; le harcèlement sexiste dans l'espace public.
Sans revenir en détail sur les seize recommandations de notre rapport, qui a été adopté à l'unanimité par la délégation aux droits des femmes, je souhaite insister sur trois points qui me semblent essentiels pour faire changer les mentalités.
Tout d'abord, je tiens à rappeler, au nom de la délégation, que nous nous félicitons du renforcement du seuil d'âge de quinze ans pour la protection des mineurs contre les crimes sexuels. Il me semble en effet essentiel de clarifier les interdits et de renforcer les sanctions : un rapport sexuel entre un majeur et un mineur de quinze ans est interdit. Contrairement à ce que l'on a entendu ces derniers jours, voire ces dernières heures, le texte représente une véritable avancée.
Il me semble ensuite important de souligner la pertinence du dispositif proposé à l'article 3 pour lutter contre les raids numériques. Internet ne saurait être un espace de non-droit, et nous devons nous montrer vigilants pour garantir le respect des droits des femmes, y compris dans les espaces virtuels. Nous proposons de faciliter le signalement de tous les comportements répréhensibles commis par voie numérique par la création d'une plateforme de signalement des cyber-violences. Cette plateforme pourrait être intégrée à un portail d'information et de pré-dépôt de plainte contre toutes les formes de violence, sur le modèle du dispositif PHAROS – plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements. Je ne peux que me réjouir des annonces de Mme la garde des sceaux qui semblent aller dans ce sens.
Concernant, enfin, l'outrage sexiste, nous adhérons pleinement au dispositif proposé à l'article 4 du projet de loi, qui permet de faire évoluer le cadre répressif et de poser un interdit clair, lequel conduira à modifier les comportements et les mentalités, afin, je l'espère, de mettre fin à ce fléau qu'est le harcèlement sexiste dans l'espace public.
Nous nous félicitons de l'adoption en commission des lois de notre amendement permettant d'étendre la liste des agents verbalisateurs, comme le préconisait une des recommandations de notre rapport. Ainsi, tout agent de police judiciaire adjoint et tout agent assermenté au titre du code des transports pourra constater cette infraction. C'est important car plus nombreux seront les agents en mesure de constater l'infraction, plus nous ferons cesser ces agissements.
Je suis absolument convaincu de l'efficacité de ces nouveaux dispositifs, qui s'attaquent à des types de violences bien différents mais participent à un continuum de violence contre lequel il nous faut lutter de manière globale. Il s'agit ici de faire baisser le seuil d'acceptation sociale de ces comportements sexistes violents. Le regard de la société doit changer.
Ce projet de loi me paraît constituer un immense progrès pour lutter contre les violences faites aux femmes, quelle que soit la forme qu'elles revêtent. Il conviendra de veiller à sa pleine application pour mettre totalement fin à ces violences sexistes et sexuelles dans notre pays et permettre enfin l'établissement d'une société d'égalité entre les femmes et les hommes.