Nous avons tous été marqués par le procès de Pontoise, où un non-lieu a été prononcé au sujet d'un « rapport sexuel » entre une fillette de onze ans et un homme âgé de vingt-huit ans. À l'époque, j'avais posé une question d'actualité au Gouvernement, qui avait été saluée sur tous les bancs de cette assemblée. Vous m'aviez répondu positivement, madame Belloubet. Mais ce qui semblait nous mettre d'accord à l'époque est aujourd'hui introuvable dans cette loi. Même si le Conseil constitutionnel pose problème avec le terme « irréfragable », ce qui peut se comprendre, nous aurions pu nous montrer audacieux et affirmer une volonté politique pour la présomption de non-consentement.
L'affaire de Pontoise, qui n'est malheureusement pas la seule, avait de quoi scandaliser et interpeller. Nous nous demandons tous comment on peut raisonnablement se poser la question du consentement dans le cas d'une fillette de onze ans face à un adulte. Le législateur doit envoyer un signal fort aux magistrats et à la société tout entière pour que ce type de jugement n'arrive plus.
C'est pourquoi nous proposons, pour les cas de viol sur mineur de moins de treize ans, d'affirmer dans la loi une présomption de non-consentement afin d'inverser la charge de la preuve et pour que la justification des actes pèse sur l'adulte, et non sur la victime, si jeune, qui est parfois encore un ou une enfant. Je vous demande solennellement, mes chers collègues de la majorité, de bien réfléchir et de ne pas commettre l'erreur d'adopter en l'état cet article 2.
Dans la même veine, l'article 4 présente le risque de conduire à un déclassement juridique du harcèlement sexuel. Oui, il faut affirmer notre refus du harcèlement de rue, car il est insupportable ! Les femmes ne sont pas des objets de l'espace public que l'on siffle et que l'on insulte. Mais faisons bien attention à l'utilisation qui pourrait être faite de cette nouvelle infraction, ainsi rédigée.
Pour conclure, mes chers collègues, le Parlement est saisi, et j'en suis profondément navrée, d'une loi mal rédigée et porteuse de reculs, d'une loi sans envergure, qui passe à côté de son sujet, et je dirais même, de sa raison d'être. Dans la « start-up nation » chère à la Macronie, on demande toujours des résultats : aux cheminots, aux étudiants, aux chômeurs. On se veut pragmatique. Alors je vous le demande : quel sera le résultat concret de cette loi ? Combien de femmes victimes de violences sexistes et sexuelles vont voir leur situation améliorée par cette loi ? Combien vont être accompagnées ? Des actes de violences sexistes et sexuelles vont-ils être empêchés grâce à cette loi ?
Pour chasser les souris et soulever les montagnes, nous vous proposons, par cette motion de renvoi, de reprendre la discussion et les travaux en commission. Donnez-nous le temps de vous convaincre que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles exige tellement plus et tellement mieux que votre insoutenable renoncement. Ne laissons pas passer cette chance de pouvoir faire mieux !