Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, « Mon esprit s'était arrêté de tourner et mon corps entier s'est révolté. C'était comme avoir de la fièvre, c'était comme délirer et sentir son corps se déliter. [… ] Ça a aussi été une période de violentes crises d'angoisses. Mon corps hurlait, mon esprit expiait… trop de terreur pour une seule personne. Et ça a été une période où je me suis auto-mutilée. Faire souffrir mon corps était, à mes yeux, le meilleur moyen de me prouver qu'il m'appartenait toujours. Je pouvais « choisir » la souffrance, et non plus la subir par le biais d'autrui. »
Ces mots sont extraits du témoignage d'une femme victime de viol conjugal, mais ils pourraient être ceux de chacune des 225 000 femmes subissant chaque année des violences sexuelles ou physiques infligées par leur partenaire.
Quel est notre sentiment à l'écoute de ces mots ? De la colère, de la compassion pour la victime, du dégoût, de l'effroi – peut-être tout cela. Quoi qu'il en soit, nous sommes unanimes pour affirmer que ces situations sont intolérables. Vivre dans la peur de rentrer chez soi car un prédateur partage votre quotidien, c'est intolérable.
S'efforcer de faire la sourde oreille aux remarques désobligeantes et sexistes de ses collègues de travail, c'est intolérable.
Devoir traverser une rue fréquentée par des individus spécialistes du harcèlement en baissant les yeux et en accélérant le pas, c'est intolérable.
Prier pour que les camarades de classe de son enfant ne le briment pas pour ses photos publiées sur les réseaux sociaux, c'est intolérable.
Mes chers collègues, une société qui vit dans cette peur, c'est intolérable. À plusieurs reprises, et récemment encore, nous avons eu l'illustration que notre société était en émoi quand le fléau des violences sexuelles et sexistes est traité par les médias.
Pourquoi cette résonance si forte ? Parce que c'est un sujet qui a trop longtemps fait l'objet d'un déni. Il a forgé des secrets de famille, poussé une jeune fille au suicide, fait chuter les résultats scolaires d'un élève, quand les prédateurs et harceleurs se sentaient au contraire protégés par l'anesthésie des sens : ne pas parler des faits, ne pas voir les réalités, ne pas entendre les appels au secours, ne pas lutter.
Aujourd'hui, la parole s'est libérée. Aujourd'hui, mes chers collègues, nous sommes ici pour entendre cette parole, pour agir et faire en sorte que la peur change de camp.
En qualité de responsable du texte pour le groupe majoritaire, je dois vous dire combien j'ai été fier de voir la représentation nationale unie, consciente des enjeux, soucieuse de débattre de ce projet de loi, et désireuse de légiférer pour lutter contre ce fléau. Sachez que j'ai été très sensible aux échanges que j'ai eus avec chacune et chacun d'entre vous, sur le texte de ce projet de loi ; j'ai senti que je dialoguais, non pas avec un collègue de la majorité ou de l'opposition, mais avec un citoyen qui avait des attentes et des témoignages à livrer.
C'est par ces différents échanges que j'ai compris que nous étions tous concernés, car nous connaissons tous un membre de notre famille, un ami, un proche, un voisin qui a été confronté, à un moment de sa vie, à des violences sexuelles ou sexistes.
Concrètement, les réflexions des parlementaires, toutes sensibilités confondues, ont permis d'enrichir et de renforcer le texte. Je prends pour exemple l'extension de la surqualification pénale de l'inceste aux viols et agressions sexuelles commis à l'encontre de majeurs, alors qu'elle ne concernait jusqu'à présent que les mineurs.
Je pense aussi à la création d'une circonstance aggravante supplémentaire lorsque le viol et les agressions sexuelles sont commis dans les transports en commun, ou encore à la possibilité donnée aux associations de se constituer partie civile – mesure proposée par l'un de nos collègues du groupe La France Insoumise. En effet, les associations accompagnent les victimes notamment pour les inciter à enclencher une procédure judiciaire.
J'ai aussi ressenti, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, pendant les auditions et les débats en commission, que les dispositifs de votre projet répondent aux attentes de la société. Vous avez porté, dignement et dans le respect des préoccupations de chacun, des mesures qui ont été bâties à la suite d'une large concertation avec les acteurs compétents et concernés. Ce projet de loi est la traduction d'une promesse présidentielle. Comme sur de nombreux sujets, ce qui a été dit est fait.
Mesdames et messieurs les députés, je tenais à vous remercier une nouvelle fois pour votre participation active en commission et votre implication, déconnectée de toute instrumentalisation politique. Les débats sur ce sujet si sensible seront, je n'en doute pas, tout aussi constructifs et apaisés dans cet hémicycle. Une fois encore, nos travaux seront regardés et commentés. Soyons dignes de la confiance que la société nous a faite…