Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, traiter la question des violences sexuelles et sexistes, les dénoncer et les sanctionner dans tous les espaces et dans toutes leurs incarnations, telle est l'ambition initiale de ce texte, partagée par nombre d'entre nous. Or, à l'issue des débats qui ont eu lieu en commission des lois, il apparaît que ce texte n'est pas tout à fait abouti.
S'agissant des violences sexistes, et plus précisément de l'outrage sexiste – ou harcèlement de rue – le projet de loi apporte, à l'article 4, une réponse qui pourra, nous l'espérons, dissuader les comportements et pratiques insupportables qui empêchent les femmes d'évoluer sereinement dans l'espace public. À cet égard, nous saluons le principe d'une contravention de quatrième ou de cinquième classe, assortie d'un stage de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ce dispositif présente un intérêt pédagogique certain et responsabilisera, nous l'espérons, les auteurs de ces faits.
Le constat est le même pour les dispositions prévues à l'article 3 du texte : l'élargissement de la définition du harcèlement en ligne doit permettre de mieux punir ces fameux « raids numériques » lors desquels des internautes, certainement galvanisés par le sentiment d'impunité que leur confère l'anonymat du net, prennent pour cible un individu en particulier. Là encore, la réponse nous semble totalement appropriée puisqu'aucune répétition des faits n'est nécessaire pour sanctionner l'infraction. Les internautes ne pourront plus se défendre en invoquant le caractère ponctuel de leur action puisque tout acte, même isolé, sera désormais puni.
Concernant, maintenant, les violences sexuelles, objet des articles 1eret 2 du projet de loi, le constat est moins réjouissant.
Si le groupe MODEM et apparentés se félicite de l'allongement de dix ans du délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur des mineurs, qui passe ainsi de vingt à trente ans, nous appelons à un débat de fond sur le sujet. C'est tout le sens de notre amendement no 165 . Il est indispensable, au regard des nombreuses avancées scientifiques en matière d'amnésie traumatique, que les opinions et les expertises soient confrontées les unes aux autres. Nous savons depuis plusieurs années que, pour faire face à la souffrance créée par les violences qu'ils ont subies, et tout simplement pour survivre, les individus, mineurs comme majeurs, peuvent reléguer dans les limbes de leur mémoire certains épisodes douloureux, qui resurgissent – parfois malgré eux – des années plus tard. Dans ces conditions, la prise de parole est rendue impossible. Il apparaît donc impensable de ne pas prendre en compte cet élément dans notre approche.
Autre question dont nous sommes convaincus qu'elle mérite un enrichissement : le consentement des mineurs. Quand vous proposez la rédaction suivante : « lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes », nous répondons : « lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de quinze ans, la contrainte morale est présumée ». Quand vous entendez préserver ce que vous appelez l'architecture de notre droit, nous souhaitons avant tout protéger les enfants.
Si la présentation ici faite peut donner l'impression d'une opposition irréconciliable, nous croyons, au contraire, qu'il n'en est rien. La synthèse est toujours possible : notre proposition ne bouleverse pas l'architecture de notre droit ; elle ne contrevient pas à la protection des droits de la défense. Elle vient corriger une asymétrie inique et rétablir un équilibre en inversant la charge de la preuve de manière à la faire peser sur le défendeur et non plus sur le mineur, pour lequel il est difficile voire traumatisant de devoir prendre la parole dans ce contexte.
Dernier complément, et non des moindres, permettant d'accroître la protection des mineurs : l'obligation pour les établissements abritant des activités sportives de procéder à la déclaration de l'ensemble des éducateurs sportifs professionnels et bénévoles auxquels ils font appel.
Ces trois amendements réaffirment tout l'attachement du groupe MODEM et apparentés à la protection de l'enfance, attachement partagé par le Président de la République qui, le 25 novembre dernier, lors du lancement de la grande cause nationale du quinquennat, s'exprimait en ces termes : « Nous fixerons une règle claire dans la loi, parce que nous ne pouvons admettre que la présomption de consentement s'applique de façon aussi floue lorsqu'advient une relation sexuelle entre un mineur et un adulte. [… ] C'est un sujet de grande sensibilité où le débat de société, de conscience, doit prendre toute sa place. [… ] Je veux ici vous donner une conviction personnelle, c'est que nous devrions sans doute aligner sur l'âge de la majorité sexuelle fixée dans notre droit à quinze ans [… ] par souci de cohérence et de protection des mineurs cette présomption ».
Si le législateur doit absolument se préserver des affres de l'actualité, il ne peut hélas pas s'en extraire complètement, surtout quand celle-ci le rattrape avec régularité. Alors que l'actualité récente vient nous rappeler combien notre système est lacunaire, ce texte est une formidable opportunité d'y remédier qu'il ne faut pas manquer, à moins de décevoir les espoirs suscités par ce projet de loi.
Le groupe MODEM et apparentés votera ce texte mais croit, comme beaucoup, qu'il est encore possible de l'enrichir.