Monsieur le président, mesdames les ministres, mesdames les présidentes, madame la rapporteure, mes chers collègues, comme nombre d'entre vous, je ne suis pas de ceux qui aiment légiférer à outrance. En matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, beaucoup n'est en effet pas du ressort du législateur. C'est un enjeu de civilisation, passant par de l'éducation, de la prévention, de la sensibilisation, une mobilisation de l'ensemble des acteurs de la vie publique et associative nécessaire pour faire réellement avancer les choses.
Nous devons légiférer, pour être utiles, chaque fois que nous identifions des carences ou des zones grises dans notre droit, chaque fois que face à des situations qui nous sont insupportables, nous nous sommes dit : « Mais est-ce vraiment cela, l'État de droit ? Que fait la justice ? » C'est bien là que la société a besoin du législateur. Pour mieux protéger tous ces adultes qui ont conservé la fragilité de l'enfance et qui se sont exprimés à travers la voix de Flavie Flament. Pour ces petites filles dont il a pu être estimé qu'à l'âge de onze ans, elles auraient pu consentir à un rapport sexuel avec un adulte. Pour les milliers d'Amanda Todd en France, ces adolescents victimes d'une nouvelle forme de harcèlement via l'anonymat et la violence des réseaux sociaux. Pour nous toutes, mesdames, qui adoptons des stratégies d'évitement, téléphone à la main et tête baissée, pour échapper au harcèlement de rue, parce que malheureusement, un trottoir n'est pas un lieu neutre.
Ces situations nous sont insupportables et nous nous devons de réagir, sans jeter l'opprobre sur les forces de l'ordre ou sur les magistrats, sans oser considérer qu'ils céderaient à la facilité dans des situations aussi difficiles et douloureuses, mais en admettant qu'il nous revient de mieux les armer et de leur donner les moyens de sanctionner efficacement l'ensemble de ces agissements que nous ne pouvons plus tolérer. C'est l'objet de ce projet de loi.
Parce que la mémoire traumatique d'une victime peut se déclencher plus tardivement, peut-être parce qu'elle se reconnaîtra dans l'innocence de son enfant devenu adolescent, nous porterons la prescription des crimes sur mineurs à trente ans à compter de leur majorité. Parce qu'on ne peut participer impunément à l'humiliation collective d'une personne via internet, nous sanctionnerons le cyber-harcèlement. Parce qu'il n'existe pas de liberté d'importuner dans notre pays, nous créerons une nouvelle infraction, l'outrage sexiste, pour lutter contre le harcèlement de rue. Sur ce dernier point, je tiens à saluer mes collègues du groupe de travail transpartisan qui ont mené quatre mois de travaux pour préparer ce texte et proposer une contravention qui définit une ligne rouge, un nouvel interdit, et garantit la liberté d'aller et venir de toutes et tous.
Enfin, parce qu'un adulte ne peut avoir de relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans impunément, nous doublerons les sanctions pénales en matière d'atteinte sexuelle, laquelle est et restera un délit, et nous affirmerons qu'un enfant de moins de quinze ans est un être vulnérable, qu'en abuser n'est ni plus ni moins qu'un viol, lequel est et restera un crime. Je le répète : nous inscrirons dans la loi qu'abuser de la vulnérabilité d'un mineur de moins de quinze ans est caractéristique d'un viol, lequel est un crime et non un délit.
Il n'y a aucun recul dans ce projet de loi, aucune décriminalisation, mais un renforcement de l'arsenal répressif et des moyens sur lesquels un juge va pouvoir reposer pour qualifier le viol d'un enfant.
Permettez-moi d'insister sur ce point, car en matière de violences sexuelles sur mineurs, nous sommes en présence d'un sujet sensible sur lequel il y a beaucoup d'incompréhension de la part de nos concitoyens, qui ne connaissent pas forcément les différentes qualifications pénales et ce qu'elles entraînent.
Or notre rôle est de faire la loi, mais aussi de l'expliquer, et non pas d'entretenir, dans une démarche partisane, une confusion qui, in fine, ne nuit ni au Gouvernement, ni à la majorité, mais bien aux victimes, qui ne peuvent connaître l'étendue de leurs droits si les responsables politiques suscitent eux-mêmes une confusion dans leurs esprits.