Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, je vais vous le dire sans détour : ce texte pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes aurait pu, aurait dû, être un grand texte à la hauteur de ce que l'on peut attendre d'une grande cause d'un quinquennat. Les déclarations du Président de la République, vos déclarations, mesdames les ministres, les annonces tonitruantes, tout le laissait croire !
Mais force est de constater que comme toute politique sous l'ère Macron, tout n'est qu'effet de communication, et au final, la montagne n'accouchera que d'une toute petite souris.
Car que trouve-t-on dans ce texte annoncé par tant de tambours et de trompettes ?
À l'article 1er, une modeste augmentation de la prescription des crimes de nature sexuelle ou violente commis sur des mineurs, alors qu'une réelle ambition en la matière aurait été de les rendre imprescriptibles, à l'image des crimes contre l'humanité – car qu'est-ce finalement qu'un crime sexuel à l'encontre d'un enfant, si fragile et si innocent, si ce n'est un crime contre l'humanité ?
Vous objecterez, comme vous l'avez fait en commission et dans votre propos liminaire, madame la garde des sceaux, qu'une telle mesure encourrait la censure du Conseil constitutionnel. Eh bien soit ! Prenons 1e risque ! Le jeu en vaut la chandelle : ayons le courage de porter ce message politique que de telles atrocités envers des enfants sont des atteintes à l'humanité tout entière !
L'article 2 est une véritable occasion manquée. On nous annonçait la définition dans le code pénal d'un âge en deçà duquel toute relation sexuelle avec un adulte serait constitutive d'un viol. Il faut en effet tenir compte du manque évident de discernement de l'enfant, qui ne lui permet pas de consentir à l'acte. Le débat s'était déjà installé dans notre pays pour savoir quel devait être cet âge, cette question étant une véritable question de société.
Mais là aussi, vous avez fait marche arrière, si j'ose dire, vous contentant de quelques précisions, que l'on pourrait qualifier de sémantiques, du code pénal.
L'article 3 prévoit une extension des délits de harcèlement sexuel et de harcèlement aux « raids numériques » même lorsque chacun des auteurs n'a pas agi de manière répétée. Cette extension est la bienvenue, car elle est la juste prise en compte de nouvelles formes de harcèlement liées au numérique dont nos jeunes sont bien souvent les victimes.
L'article 4 crée ce qui a été présenté comme la mesure phare de ce projet de loi, une nouvelle infraction, « l'outrage sexiste », passible d'une amende de quatrième classe, voire de cinquième classe en cas de circonstances aggravantes. Mais rappelons qu'en vertu des articles 34 et 37 de 1a Constitution, la détermination des contraventions ainsi que des peines qui leur sont applicables relève du domaine réglementaire. Le Gouvernement aurait donc pu tout simplement l'instaurer par décret, mais il a une fois de plus préféré créer un effet de communication afin, vraisemblablement, de masquer l'inanité de ce projet de loi.
Car enfin, où sont les mesures qui vont faciliter, favoriser, inciter les victimes de viol à porter plainte contre leur agresseur ? Comment faire évoluer ce chiffre effrayant de 13 % des victimes de viol qui portent plainte ? Quelles mesures dans votre projet de loi vont permettre à la jeune étudiante de porter plainte contre le fils de bonne famille qui l'a violée à la suite d'une soirée étudiante un peu trop arrosée, sans que celle-ci craigne d'être montrée du doigt, et de passer de l'état de victime au statut public de fille facile, d'aguicheuse ou de versatile, bref de coupable ? Aucune !
Quelles mesures, dans votre projet de loi, vont inciter la mère d'une famille d'apparence unie et comblée à porter plainte contre ce conjoint, ce mari, ce compagnon qui se transforme, une fois la porte de la chambre refermée, en prédateur sexuel ? Aucune !
Quelles mesures, dans votre projet de loi, faciliteront ou plutôt atténueront la seconde violence que constitue la démarche de porter plainte contre son agresseur sexuel, notamment lorsque l'on est une femme et que l'on risque de devoir raconter son abominable épreuve à quelqu'un qui, dans ces moments-là, peut symboliser l'agresseur, c'est-à-dire un homme ? Aucune !
Ces quelques exemples, qui sont loin d'être des hypothèses d'école, démontrent si besoin était à quel point ce texte manque sa cible et reste bien timide par rapport à l'ampleur de la tâche à accomplir.
C'est donc vraiment avec affliction que nous ne pouvons que constater qu'affichage et communication sont les maîtres mots de ce texte qui méritait beaucoup mieux.