L'article 1er du projet de loi s'inscrit dans ce vaste mouvement législatif qui n'a tendu, depuis une vingtaine d'années, qu'à allonger, par réformes successives, les délais de prescription de l'action publique, notamment pour les infractions sexuelles. Ce mouvement a les faveurs de l'opinion et des parlementaires, qui ont le sentiment d'oeuvrer pour le bien commun en réconciliant le droit et leur indignation compréhensible. Il se heurte toutefois à une réserve grandissante des professionnels de la justice, inquiets de voir des procédures engagées longtemps après les faits, avec des risques sérieux de fragilité des poursuites, du fait du dépérissement des preuves.
Nombre de ces dossiers s'accumulent dans les juridictions, sans véritable chance d'aboutir, faute d'éléments à charge suffisants. À l'issue de ces procédures, non-lieux, relaxes et acquittements finissent par désespérer les victimes.
Je proposerai donc la suppression de cet article 1er. J'ai bien conscience d'aller à contre-courant de l'air du temps. Et pourtant, je suis une femme, et une mère. Je n'ai aucune indulgence envers les prédateurs sexuels, mais je ne crois pas que l'on fasse de bons textes sous le coup de l'émotion – l'émotion consécutive à l'affaire Weinstein ou à l'affaire de Pontoise – même s'ils s'inscrivent dans une volonté politique.
Je suis confortée dans mes réserves par la récente pétition de féministes radicaux exigeant le retrait de l'article 2 du projet de loi. Cette pétition, rédigée en écriture inclusive, tend à criminaliser les relations sexuelles consenties – je dis bien « consenties » – entre un mineur de quinze ans et un majeur de dix-huit ans. Je veux mettre en garde notre assemblée contre la survenance d'un nouvel ordre moral, qui ne prendrait plus les habits de l'intégrisme religieux, mais les atours d'un néopuritanisme victorien.
L'éducation des plus jeunes, garçons et filles, l'information du public, un meilleur accueil des victimes, vos politiques publiques, madame la secrétaire d'État, seront plus efficaces que l'allongement des délais de prescription pour faire baisser le niveau alarmant des violences sexuelles subies par les plus vulnérables, et d'abord par les mineurs.