Cet article 1er révise le délai de prescription de l'action publique de certains crimes commis sur des mineurs pour le porter à trente ans, et fige son point de départ à la majorité de la victime. Cette modification consensuelle est essentielle et majeure, car la prescription de trente ans est réservée aux crimes les plus graves – les actes de terrorisme et infractions connexes, les infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive et leurs vecteurs ou les atteintes à la personne constituées par les disparitions forcées, les crimes de guerre.
Majeure encore, car elle répond à des recommandations portées depuis de nombreuses années par pas moins de cinq propositions de loi entre 2002 et 2014, et de très nombreux amendements déposés en faveur soit d'un allongement des délais, soit d'une imprescriptibilité.
Majeure enfin, car elle conserve à l'imprescriptibilité son caractère exceptionnel en le réservant aux seuls crimes contre l'humanité.
Essentielle, cette prescription de trente ans considère des réalités parfois difficilement conciliables, d'une victime en souffrance qui doit prendre pleine conscience des agressions dont elle a été victime, qui doit disposer du temps nécessaire pour comprendre, absorber et dépasser le phénomène de l'amnésie traumatique et la réalité de l'effacement des preuves et de la mémoire ou encore la fragilisation des témoignages.
Il est préférable que l'imprescriptibilité ne soit pas retenue, malgré l'inextricable situation subie par les mineurs violentés, non parce qu'il faut accorder à l'auteur le droit à l'oubli, mais parce qu'il faut accepter qu'avec le temps, les probabilités de non-lieu et d'acquittement augmentent, donnant à la victime le sentiment de ne pas avoir été entendue ou crue – notre collègue Laurence Vichnievsky l'a rappelé.
Accorder ce délai dérogatoire de trente ans pour les crimes sexuels sur mineur de quinze ans, c'est enfin garder au niveau des crimes les plus graves ceux perpétrés sur les mineurs de quinze ans, et c'est reconnaître la vulnérabilité singulière de la victime violentée, victime qui a dû apprendre à apprivoiser sa peur, sa honte, souvent même sa culpabilité, voire un sentiment d'asservissement ou, pire, son conflit affectif avec les sentiments qu'elle aurait pu porter à son agresseur.
Cette prescription tient donc compte des conséquences psychiques et physiques, à court et moyen terme, des crimes sexuels commis sur les mineurs, ainsi que des raisons qui rendent si difficile la libération de la parole, encore à quarante-huit ans.