Intervention de Alexandra Louis

Séance en hémicycle du mardi 15 mai 2018 à 15h00
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Louis, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Permettez-moi d'aller jusqu'au bout de mon raisonnement ; je serai bien évidemment très à l'écoute de vos réponses.

L'imprescriptibilité applicable aux crimes contre l'humanité est une exception voulue par le législateur, parce que c'est une infraction internationale recouvrant un crime spécifique. Certes, il est toujours délicat de comparer les infractions, mais cette exception a un sens.

En définitive, vous posez la question de la prescription en droit français, mais elle a été tranchée il y a peu de temps, lors de la réforme de 2017 : le législateur a voulu garder le principe de la prescription. Il faut faire preuve de beaucoup de mesure sur ce sujet. Le crime contre l'humanité doit être la seule infraction imprescriptible.

Surtout, il faut rappeler, comme l'ont fait certains collègues en commission et, hier, en séance, que l'allongement à trente ans du délai de prescription n'allait pas de soi : au cours des auditions, certaines personnes ne sont interrogées sur cette disposition. Nous croyons profondément qu'il fallait étendre ce délai. La mission de consensus menée par Flavie Flament et Jacques Calmettes a montré qu'il était nécessaire d'étendre à trente ans la durée de prescription. Dans le cadre de cette mission, s'est également posée la question de l'imprescriptibilité, qui a été tranchée.

L'extension du délai est opportune pour les victimes, qui pourront engager valablement une action publique jusqu'à 48 ans, et voir l'auteur condamné. Nous savons que le problème de la preuve se posera toujours, mais le phénomène d'amnésie post-traumatique sera pris en compte. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas aller jusqu'à l'imprescriptibilité. Du reste, le problème de la preuve n'en continuerait pas moins d'exister. En tout état de cause, il faut être très vigilant lorsque l'on touche à l'échelle des délais de prescription, d'autant que le sujet a été tranché très récemment. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement no 69 porte sur un sujet dont nous avons débattu hier et en commission : il vise à étendre le bénéfice de l'allongement du délai de prescription aux victimes majeures. Comparer les traumatismes subis par un mineur et par un adulte est évidemment très délicat. Cependant, des psychiatres et des neurologues ont relevé que les traumatismes subis par les enfants et les phénomènes d'emprise ou d'amnésie post-traumatique sont beaucoup plus prégnants. Nous voulons protéger particulièrement les enfants, car la plupart des crimes et des violences sexuelles ont lieu dans la sphère familiale, et très souvent avant l'âge de 15 ans. C'est pourquoi nous avons allongé le délai de prescription applicable aux crimes commis envers ces derniers. Nous estimons que le délai de vingt ans est suffisant pour ceux qui concernent les adultes. La commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

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