Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 15 mai 2018 à 15h00
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

La réponse de la société, notamment de l'institution judiciaire, au fléau que constitue le viol n'est absolument pas à la hauteur du crime et du préjudice individuel et collectif subis. On l'a dit : alors même que 10 % seulement des femmes victimes de viol portent plainte, 3 % de plaintes débouchent sur un procès en cour d'assises.

Le problème est selon nous structurel. Au niveau de la société, il renvoie au système de domination masculine et patriarcale, aux discriminations de genre et à la culture du viol ancrée dans les esprits. C'est pourquoi nous avons plaidé, et continuerons de le faire, pour une loi-cadre qui embrasse, en particulier, l'indispensable travail de prévention et d'éducation, lequel nécessite des moyens d'ampleur qui font aujourd'hui cruellement défaut.

Au niveau de la justice, l'enjeu n'est pas d'abord notre arsenal pénal, qu'il faut certes affiner mais qui représente déjà, en matière d'infractions sexuelles, l'un des systèmes répressifs les plus puissants d'Europe. Il peut toujours être amélioré, mais il nous semble problématique de choisir exclusivement cet axe. En effet, la question de fond consiste, d'une part, dans l'accès au droit et à la justice pour les victimes et, d'autre part, dans les moyens donnés à la justice pour appliquer effectivement la loi et pour condamner les crimes en tant que tels.

Aujourd'hui, la police et la justice n'ont ni le temps ni les moyens de mener les enquêtes et de conduire les procédures à leur terme. C'est notamment ce qui explique le phénomène de correctionnalisation que le texte risque d'accentuer.

Je vous renvoie à ce sujet à un article très fouillé de Sophie Boutboul dans Le Monde diplomatique de novembre dernier. Cet article citait différents responsables et magistrats expliquant par exemple que « même si la correctionnalisation est juridiquement illégale, elle est incontournable, car nos moyens sont insuffisants ».

Interrogé à ce propos en 2017, le ministère de la justice expliquait que « la correctionnalisation est nécessaire pour lutter contre l'encombrement des cours d'assises, qui ne permet pas de renvoyer devant cette juridiction l'ensemble des affaires ».

Or les procédures que vous instaurez dans l'article 2 vont accélérer ce processus, comme nous l'expliquerons en défendant nos amendements. Voilà pourquoi nous voterons contre cet article.

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