Cet article, vous le savez, est le coeur du projet de loi puisqu'il traite de l'objectif majeur, prioritaire et unanimement partagé qui est de renforcer la lutte contre les infractions sexuelles commises sur des mineurs.
Il a beaucoup évolué au fil du temps, depuis les premières déclarations ministérielles jusqu'à la version de ce soir, en passant par l'avis du Conseil d'État, qui a considérablement affaibli la rédaction initiale. De version en version, le sentiment se propage que la recherche de la protection absolue des enfants a fini par céder le pas à des exigences juridiques légitimes mais plus relatives. Si, comme l'affirme Mme la garde des sceaux, l'article 2 est « la seule solution juridiquement acceptable », il est jugé insuffisant par un nombre sans cesse plus grand de personnes tout aussi préoccupées et impliquées dans le combat contre les violences sexuelles à l'encontre des mineurs.
Je suis persuadée que ce serait une grave erreur de ne pas accorder la plus grande attention à cette perception et de laisser s'accroître une incompréhension qui viendrait s'ajouter à celle que les affaires judiciaires récentes ont suscitée – elle en serait même amplifiée.
En précisant les critères constitutifs du viol, en aggravant les sanctions réprimant l'atteinte sexuelle et en rendant obligatoire la question de la qualification d'atteinte sexuelle, la construction juridique proposée supprime en effet les risques d'impunité des auteurs de violences sexuelles contre les mineurs de quinze ans, mais, à aucun moment, elle ne parvient à poser avec clarté un interdit, ce qui, pour le coup, aurait effectivement relevé de cet « enjeu civilisationnel » dont vous vous réclamez.
Dans le cas de Sarah, onze ans, qui a subi un acte sexuel avec pénétration mais sans que soit établie l'existence de violence, de contrainte, de menace ou de surprise, son agresseur, avec ce nouveau texte, serait donc poursuivi pour atteinte sexuelle aggravée. La peine encourue serait multipliée par deux, mais il ne serait toujours pas forcément jugé pour crime de viol, à moins que l'appréciation de la vulnérabilité et du défaut de discernement ne résulte systématiquement de l'âge des mineurs. Si, comme nous le pensons, tel n'est pas le cas, l'article 2 ne répond pas aux promesses que l'annonce de ce projet de loi a fait naître,