Intervention de Cyrille Isaac-Sibille

Séance en hémicycle du jeudi 17 mai 2018 à 15h00
Désignation aléatoire des comités de protection des personnes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCyrille Isaac-Sibille, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre des solidarités et de la santé, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, la proposition de loi inscrite à l'ordre du jour par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés vise plusieurs objectifs, que j'énumérerai par ordre d'importance : tout d'abord, faire bénéficier les patients des modes de prise en charge les plus innovants – une personne m'a dit aujourd'hui même, dans les couloirs de cette assemblée, que l'un de ses proches bénéficiait d'un protocole de recherche ; fluidifier, ensuite, les importants travaux de recherche effectués par les hôpitaux et les universités, dont la compétence est reconnue et qui sont actuellement pénalisés ; améliorer, enfin, l'attractivité de notre pays en matière d'essais cliniques.

Dans ce contexte, notre groupe estime que la procédure d'autorisation des essais cliniques en France peut être améliorée.

Les comités de protection des personnes – CPP – constituent une instance indispensable à l'évaluation éthique des projets de recherche impliquant un être humain. Depuis la loi Jardé, les CPP appelés à les examiner sont désignés par tirage au sort. Cette procédure est motivée à la fois par le souci d'éviter que des conflits d'intérêts ne biaisent l'évaluation et par la nécessité de répartir la charge de travail entre les trente-neuf CPP que compte notre pays.

Toutes les personnes auditionnées ont souhaité, comme nous, maintenir le cadre existant, pour d'évidentes raisons de stabilité juridique, mais aussi par principe, afin d'éviter les conflits d'intérêts. Dans cet esprit, la proposition de loi adoptée par la commission vise à fluidifier la procédure d'examen par les CPP, qui est enserrée dans un délai de quarante-cinq jours.

Je souhaiterais revenir sur les modifications qui ont été apportées par notre commission ainsi que sur certains des débats qui ont eu lieu en son sein.

L'objet de la proposition de loi est de faciliter l'instruction des dossiers par les CPP sans remise en question du principe du tirage au sort. La commission a donc modifié en ce sens l'article unique pour ajuster le tirage au sort parmi les CPP effectivement disponibles et pouvant mobiliser en leur sein ou par le biais de leur réseau les compétences indispensables à l'examen du projet de recherche. S'agissant de la disponibilité, il n'apparaît pas utile de renvoyer un dossier vers un CPP dont le plan de charge de travail est déjà important. S'agissant de la compétence, il s'agit de faire en sorte que le dossier soit examiné par un CPP en mesure d'évaluer le projet. Je salue la quasi-unanimité qui a prévalu à l'adoption de ces modifications.

J'aimerais cependant revenir sur quelques-unes des interrogations qui ont été soulevées lors de nos débats en commission.

Tout d'abord, ce projet ne remet pas en question le principe du tirage au sort. Personne ne conteste non plus la nécessité d'évaluer sous un angle éthique un dossier de recherche. Mais force est de constater que, s'agissant d'organismes renouvelables tous les trois ans et composés de membres bénévoles, il n'est pas toujours possible de réunir les compétences indispensables à l'évaluation du dossier. En commission, j'avais pris l'exemple des recherches portant sur les mineurs : près de la moitié des CPP ne comprennent pas de pédiatres, alors qu'il s'agit pourtant d'une obligation juridique et d'un impératif éthique ; les modalités du consentement doivent être clairement définies.

Avec la proposition de loi, il sera possible d'ajuster le tirage au sort afin d'écarter les CPP qui ne comprennent pas de pédiatres en leur sein et qui sont insusceptibles d'en mobiliser via leur réseau. Le tirage au sort s'effectuera donc entre les CPP aptes à répondre. On le voit bien : il n'y a pas de remise en question du principe du tirage au sort, et encore moins de risque avéré de conflits d'intérêts ; il s'agit au contraire de garantir l'effectivité de l'évaluation éthique.

Il nous a également été dit qu'un retard de quelques mois, ce n'était pas très grave : il suffirait de réorienter le dossier vers un autre CPP, puis de procéder à un nouveau tirage au sort. C'est montrer peu de respect pour les étudiants et les équipes de recherche, mais c'est aussi bien mal connaître l'intensité de la concurrence qui règne en ce domaine, ainsi que la réalité des cycles d'innovations.

Je souligne que si beaucoup d'essais cliniques concernent le médicament, il ne faut pas oublier les essais relatifs aux dispositifs médicaux, souvent développés par des TPE-PME : celles-ci ne doivent leur survie qu'au développement de leur produit et se situent souvent sur des marchés de niche. Ajoutons à cela la brièveté des cycles d'innovations : dix-huit mois ! Un retard d'un ou de plusieurs mois pourrait remettre en question la viabilité de l'entreprise. Tout cela est concret et se mesure en pertes d'emplois et en fermetures d'entreprises. Parce que cela ne m'apparaît pas anodin, je plaide pour un dispositif intelligent de tirage au sort.

J'ajouterai que ces retards emportent des effets pratiques importants. J'appelle notamment votre attention sur les évolutions européennes affectant les médicaments. Aux termes du règlement européen qui sera prochainement appliqué, toute absence de réponse dans les délais impartis – quarante-cinq jours – vaudra acceptation du projet, alors qu'aujourd'hui, le silence vaut rejet ! Nous devrions donc être unanimes pour soutenir cette proposition de loi.

Il faut nous doter de la procédure la plus pertinente et faire en sorte que l'examen soit réalisé dans les délais. Ne pas adapter le tirage au sort, c'est précisément favoriser l'émergence de risques pour la sécurité des patients et l'évaluation éthique.

Or, ce qui est aujourd'hui valable pour les médicaments pourrait l'être aussi pour les autres projets de recherches, notamment ceux impliquant des dispositifs médicaux. Au regard de ces évolutions majeures, la réponse que nous apportons est à mon sens la plus pertinente.

Cette proposition de loi constitue le seul vecteur disponible pour engager rapidement des changements. Après discussion, le ministère de la santé s'est rangé à notre proposition, moyennant quelques ajustements que nous avons apportés par voie d'amendements. Madame la ministre, je me félicite de la convergence de vues qui a régné à l'occasion des travaux préparatoires.

Au-delà, permettez-moi d'évoquer d'autres propositions d'amélioration qui ont été spontanément formulées au cours des auditions. Je pense notamment aux moyens de fonctionnement dévolus aux CPP – est-il possible de ne fonctionner qu'avec un seul équivalent temps plein pour le secrétariat ? Je pense également à la reconnaissance des parcours des membres des CPP, qui agissent bénévolement, ou à l'identification d'experts via une liste nationale pour faciliter le travail des CPP.

Sur tous ces sujets, les attentes sont fortes. Il appartient au pouvoir exécutif d'apporter des réponses – aucune modification législative n'est nécessaire, mais j'ai souhaité les évoquer ici car ces demandes me semblent légitimes, alors que nous sommes à la veille du renouvellement intégral de la composition des CPP.

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