C'est bien à l'esprit de la loi MOP que je faisais référence : la nature ayant horreur du vide, nous gagnerions à proposer un nouveau cadre.
Le concours d'architecture, Madame Charvier, est unanimement reconnu pour présenter des vices et des vertus. Ce modèle qui fut très opérant a contribué à bâtir une culture de la qualité dans le logement social mais, de l'aveu même d'un certain nombre d'architectes, constitue désormais un obstacle à l'émergence de jeunes talents. La loi MOP fixe le principe du concours sans en définir précisément les règles. Il s'est donc produit de facto un glissement progressif d'un concours sur esquisse, comme imaginé au départ, à un concours sur avant-projet sommaire (APS), parfois même étoffé, ce qui nécessite des moyens supplémentaires et augmente considérablement le coût du concours pour le maître d'ouvrage. Ce qui explique qu'il soit aujourd'hui quelque peu décrié.
Lors des débats relatifs au projet de loi LCAP, l'intention du Gouvernement, du rapporteur et de la commission était manifestement d'exclure par décret le logement social du champ de l'obligation de concours fixée dans la loi MOP ; toutefois, le décret n'a pu être pris et l'ambiguïté a perduré alors qu'elle ne correspondait à l'intention initiale d'aucune des parties prenantes au débat. Il s'agit donc désormais de rétablir l'ordre prévalant avant 2016.
Cela étant, plusieurs bailleurs sociaux insistent sur l'intérêt de maintenir des concours simplifiés pour certains types de projets. L'Immobilière 3F, notamment, bailleur reconnu pour ses bonnes pratiques concernant les concours, se retrouve dans la situation ambiguë où elle organise des concours par choix, les estimant nécessaires à la qualité de ses projets, mais selon un système intermédiaire, en quelque sorte, qui ne relève pas pleinement de la loi MOP. Je défendrai donc un amendement visant à y remédier.
Les quelques dérogations, Madame Anthoine, que l'article 15 prévoit d'instituer à la règle de l'avis conforme, en ce qui concerne les antennes-relais notamment, doivent être replacées dans leur contexte. En effet, les études d'impact révèlent que le nombre de litiges est très faible – de l'ordre de vingt-cinq à trente par an – du fait de l'impossibilité de trouver un accord avec l'ABF. Deux conclusions peuvent en être tirées : d'une part, une concertation en amont est nécessaire – c'est au coeur du débat – et, d'autre part, si la plupart des cas sont résolus, cela signifie que cette dérogation ne permet en réalité que de régler un certain nombre de cas très particuliers sans être réellement exorbitante du droit commun. Ajoutons que les technologies concernées évoluent extrêmement vite : les relais téléphoniques d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'il y a dix ans et sont certainement appelés à gagner en discrétion à l'avenir. Compte tenu des enjeux de couverture numérique de tous les territoires – notamment les territoires ruraux, madame Anthoine, dont vous savez comme moi, puisque nous en sommes tous deux élus, qu'ils rencontrent de grandes difficultés dans ce domaine –, il me semble que nous pouvons accepter cette dérogation qui, encore une fois, n'a que peu de répercussions. Le véritable objectif de l'article 15 consiste à éviter d'ouvrir une boîte de Pandore au risque d'en faire sortir des monstres. Sur ce point, la cohésion de la commission sera décisive.
Les questions liées à l'intervention des ABF dans les opérations de rénovation donnent souvent lieu à des idées fausses, monsieur Le Bohec. L'avis conforme permet de maintenir une certaine unité ; il est certes délivré par l'ABF, mais sur la base des documents d'urbanisme existants et, par conséquent, d'un certain nombre de préconisations qui s'imposent en matière d'urbanisme. Souvent, les élus s'abritent donc derrière l'avis de l'ABF alors que celui-ci s'est borné à dire le droit tel qu'il existe.
D'autre part, en matière de développement durable et d'énergie, il faut faire preuve de la plus grande prudence : dans les centres anciens, par exemple, l'habitat, qui a parfois plusieurs siècles d'âge, n'est pas toujours adapté aux nouvelles contraintes environnementales. L'installation d'un double vitrage dans une maison à colombages et en torchis sans traitement climatique intérieur, par exemple, provoquera à coup sûr une prolifération de champignons sur les murs. Les ABF possèdent la connaissance du bâti ancien et leur avis est souvent très pertinent en matière d'isolation et de performance énergétique, tandis que les architectes contemporains seront plutôt tentés d'arriver avec des solutions toutes faites. De ce fait, le dialogue avec l'ABF a une réelle valeur ajoutée concernant les questions énergétiques dans les centres anciens.