Intervention de Jean François Mbaye

Réunion du mardi 13 février 2018 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean François Mbaye :

En octobre 2016, un mois après l'installation de la Commission présidée par Kofi Annan, commission composée d'experts locaux et internationaux chargée d'enquêter sur la situation dans l'Arakan et de formuler des propositions, une série d'attaques coordonnées et simultanées ont visé trois postes de l'armée birmane dans le nord du Rakhine. Ces attentats ont été revendiqués quelques jours plus tard par l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan (ARSA), groupe armé appelant au djihad dont l'activité était jusque-là inconnue. La répression de l'armée birmane est immédiate.

Le 25 août 2017, alors que la commission Annan vient de rendre son rapport, l'ARSA attaque à nouveau une vingtaine de postes de police et tue douze policiers.

Ce qui a fait suite à cette attaque n'est pas seulement une contre-offensive totalement disproportionnée contre des civils désarmés mais une opération systématique de nettoyage ethnique. Emmanuel Macron a même parlé de génocide mais nous préférons parler de nettoyage ethnique. L'ONU évoque plus de 1000 mors, MSF plus de 6 700 dont 730 enfants de moins de 5 ans.

Les échanges en matière de renseignement militaire semblent indiquer que l'exode en cours est le résultat d'une opération de nettoyage ethnique méticuleusement planifiée par l'armée birmane. D'après ces rapports, étayés par des images satellites, les troupes qui ont opéré dans l'Etat de Rakhine avaient été positionnées avant les attaques du 25 août en prévision manifeste des opérations de nettoyage.

Les témoignages que nous avons pu entendre sont particulièrement choquants : exécutions sommaires et massives, femmes et jeunes filles torturées et violées méthodiquement, souvent en groupe, par les militaires birmans et milices bouddhistes, tueries de bébés et d'enfants piétinés, violés à morts, jetés dans des puits ou dans le feu, familles enfermées dans des maisons incendiées. Les actions de l'armée birmane ont conduit à une campagne coordonnée de massacres, d'expulsion violente du plus grand nombre possible de Rohingyas conjuguée à une stratégie de la terre brûlée pour empêcher leur retour.

La Birmanie présente l'ARSA comme une organisation importante bien structurée. Néanmoins nos interlocuteurs bangladais mettent en doute cette analyse et vont même jusqu'à contester l'existence même de l'ARSA. En tout état de cause, on ne dispose d'aucune évaluation circonstanciée de l'ARSA, de ses capacités d'action. Selon certains témoignages que nous avons entendus, une attaque terroriste bien équipée et coordonnée apparaîtrait improbable.

Le nombre de réfugiés ayant fui la Birmanie vers le Bangladesh depuis la fin août 2017 s'élève à 688 000, auxquels il faut ajouter les 87 000 personnes qui avaient fui la Birmanie après les offensives militaires d'octobre 2016. 300 000 Rohingyas étaient déjà sur place. En incluant les réfugiés arrivés lors de précédentes vagues de violence, il y aurait donc au total plus d'un million de Rohingyas au Bangladesh. L'Arakan a de fait été vidé des quatre cinquièmes de la population Rohingya. Il n'en compterait plus qu'environ 200 000.

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