Intervention de Raphaël Gérard

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai le plaisir cet après-midi, en tant que rapporteur pour avis, de porter la voix de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi relatif à l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, qui entend répondre aux aspirations profondes de nos concitoyens en créant un choc de l'offre et en permettant de construire plus vite, mieux et moins cher.

En cette année européenne du patrimoine culturel, j'aimerais rappeler, à titre liminaire, que l'acte de construire ne se résume pas à un acte technique répondant à de strictes contraintes économiques. C'est aussi un acte éminemment culturel qui participe au rayonnement international de notre pays et à la qualité du cadre de vie de ses habitants.

C'est pour cette raison que la commission des affaires culturelles s'est saisie pour avis sur sept articles ou parties d'articles, avec deux axes fondamentaux sur lesquels je vous appelle à la vigilance.

Le premier, ce sont les conditions de préservation de notre patrimoine bâti, qui représente notre bien commun, la trace d'une histoire collective, mais aussi un formidable levier d'attractivité et de développement économique pour les territoires.

C'est pour cette raison qu'il ne faut pas négliger le potentiel de nos monuments historiques dans le processus de revitalisation des territoires que le projet de loi prévoit de contractualiser à l'article 54.

C'est pour cette raison également qu'il convient de ne pas s'écarter des équilibres dessinés à l'article 15 s'agissant des avis des architectes des Bâtiments de France (ABF) en secteur protégé. Un avis simple et non plus conforme serait désormais exigé pour l'installation des antennes de téléphonie mobile et pour les autorisations de démolir portant sur des bâtiments insalubres ou frappés d'un arrêté de péril. Si ces deux concessions répondent aux attentes des Français en matière de couverture extensive des territoires et de valorisation d'espaces publics de qualité, il est pour autant primordial de ne pas chercher à élargir le champ de l'avis simple de l'ABF.

Malgré les critiques parfois légitimes qu'il peut susciter, l'ABF demeure le pilier de nos politiques de préservation du patrimoine, en remplissant une précieuse mission de conseil et d'accompagnement, notamment pour les maires des petites communes afin de garantir la qualité des constructions et leur insertion harmonieuse dans l'espace urbain.

L'enjeu aujourd'hui consiste donc davantage à renouer le dialogue entre les élus locaux et les ABF, en ménageant une voie de concertation en amont de la délivrance des avis conformes de ces derniers. C'est le sens des quatre amendements que je présenterai sur ce sujet, qui ne doivent pas être pris séparément, mais qui s'inscrivent dans une continuité logique pour engager une coconstruction et une coresponsabilité, pour que jamais les avis ne soient vécus comme des sanctions.

Le deuxième enjeu fondamental, c'est de ne pas reproduire les erreurs du passé en négligeant la dimension architecturale de l'acte de construire.

Le Président de la République a eu l'occasion de manifester un attachement fort pour l'excellence architecturale de notre pays pendant la campagne présidentielle. La France, c'est le patrimoine, mais un patrimoine qui ne se résume pas à une contemplation nostalgique du passé. La création d'aujourd'hui est le patrimoine de demain. Ne l'oublions jamais : les lois de 1977 sur l'architecture et de 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique ont été élaborées en réaction aux errements de la reconstruction d'après-guerre, avec la construction rapide et massive des grands ensembles dont nous continuons de payer le coût social et économique.

Nous ne pourrons pas dire que nous n'avions pas conscience de ces enjeux au moment de l'examen du projet de loi ELAN.

L'acte de construire s'inscrit dans le temps court – quelques années tout au plus – avec des enjeux de rentabilité économique qui peuvent entrer en contradiction avec la qualité du bâti et la qualité de vie de ses occupants : on a pu observer ces dernières années, en parallèle d'une amélioration de la qualité technique des logements, une dégradation nette de leur qualité spatiale et d'usage.

C'est pourquoi il est important de prendre également en compte le temps long, en pensant au coût global, en intégrant le coût de la construction, mais aussi les coûts d'entretien et de maintenance et de valeur d'usage des logements. Aussi, si on veut rompre avec la « France moche » tant décriée et concilier toutes ces échelles de temps, nous devons poser un nouveau cadre qui donne à l'architecte la possibilité de jouer son rôle de concepteur, mais aussi de gestionnaire des projets.

C'est pour cette raison que, tout en souscrivant aux principaux objectifs du projet de loi, je proposerai, au nom de la commission des affaires culturelles, plusieurs amendements visant à élaborer par voie de concertation un nouveau modèle d'intervention de l'architecte qui soit garant de la qualité globale des logements.

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