Intervention de Stéphane Peu

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Bien évidemment, tout le monde ici peut souscrire aux deux grands objectifs du projet de loi : construire plus et mieux protéger. Je pense que la crise du logement dans notre pays est d'abord une crise du logement abordable, si l'on regarde qui est victime du mal logement, et combien pèse le logement dans le budget des ménages. Elle est donc liée au manque de logements conventionnés et de logements HLM.

Le problème est que sur ces objectifs louables et un diagnostic sur lequel nous pouvons être d'accord, vous posez, comme trop souvent, un postulat idéologique. Vous considérez que la réponse doit être libérale, et souvent éloignée des traditions de ce pays. Lors de la conférence de consensus, je vous avais suggéré, messieurs les ministres, de faire du benchmarking, des comparaisons internationales pour regarder partout où des crises du logement sévissent, notamment dans les grandes métropoles européennes, quelles étaient les difficultés auxquelles nos voisins sont confrontés, et les recettes mises en oeuvre. Vous savez sûrement que l'atout de la France pour faire face à la crise du logement, c'est justement l'histoire d'une économie mixte dans le secteur du logement : un secteur public et un secteur privé, une économie de court terme et une économie de long terme. C'est cette mixité de la réponse à la crise du logement qui fait la force de notre pays ; c'est sur cette mixité qu'il faut s'appuyer pour répondre aux défis du logement. Et plutôt que d'affaiblir les HLM, il fallait les conforter pour que la branche de long terme, publique ou d'économie sociale et solidaire, soit renforcée par rapport à un secteur privé terriblement consommateur d'argent public. Dans notre pays, le secteur privé vit depuis plusieurs années sous perfusion d'aides publiques, beaucoup plus que le logement conventionné, au point d'en être totalement drogué.

Malheureusement, le fait d'être prisonnier de ce postulat idéologique vous éloigne des réponses pragmatiques qui s'appuieraient sur l'histoire de notre pays et iraient a contrario des crises que connaissent d'autres pays voisins, offrant à notre pays des réponses beaucoup plus efficaces.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine joueront le jeu parlementaire, déposeront des amendements : nous pensons que nous allons apporter notre pierre à l'édifice pour empêcher les mauvaises dispositions et essayer d'améliorer celles qui peuvent l'être. Mais j'appelle votre attention sur une chose : dans l'exposé des motifs, le logement est qualifié de diverses manières : bien marchand, bien de consommation, bien d'usage. Mais jamais on ne le voit qualifié comme un droit, alors que c'est un droit à caractère constitutionnel. Il y a là un péché originel qui permet de mieux comprendre la philosophie de ce projet de loi : loin de construire plus et protéger mieux, il va faire chuter la production de logements dans notre pays et fragiliser les plus modestes.

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