Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Séance en hémicycle du mardi 22 mai 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Initialement, la Politique agricole commune avait été pensée comme une aide compensatoire versée aux producteurs afin de mettre à la disposition des consommateurs des produits de qualité à des prix raisonnables. Cependant, ces primes ne permettent plus de compenser les coûts des agriculteurs, qui vendent constamment à perte. Il convient donc de renverser le rapport de force afin qu'ils perçoivent un revenu proportionnel à la vraie valeur des produits agricoles.

À cet égard, l'action du législateur – notre mission, mes chers collègues – consiste à permettre la construction d'un équilibre innovant, de la fourche à la fourchette, entre les intérêts des divers acteurs – producteurs, transformateurs et distributeurs – afin de renforcer l'équité en matière de partage de la valeur.

Faire bouger les lignes d'un système largement critiqué, tel était le but de mon amendement visant à exclure les produits agricoles et alimentaires de la convention unique – c'est-à-dire du résultat des négociations commerciales annuelles entre fournisseurs et distributeurs. Les opérateurs économiques que nous avons auditionnés ont unanimement dénoncé ce système, qui génère de vrais psychodrames dans certaines filières. Rien de tel n'existe dans les autres pays européens, où les négociations commerciales sont plus apaisées.

Le Gouvernement a donc accepté de réformer – c'est l'objet de l'article 10 – de nombreuses pratiques qui rendent les fournisseurs vulnérables face à la concentration de la distribution. Plusieurs amendements visant à résorber les déséquilibres qui se cristallisent dans la convention unique ont été déposés.

En un mois, producteurs, industriels et distributeurs ont réfléchi à un système alternatif, sans toutefois parvenir à un accord sur la forme qu'il pourrait prendre. C'est pourquoi une réflexion au long cours s'impose en vue de mettre en place un nouveau système. Nous la mènerons au cours des prochains mois, dans le cadre de nos débats et des groupes d'études consacrés aux sujets agricoles.

Le deuxième défi que doit relever notre politique agricole et alimentaire consiste à rétablir la confiance entre les acteurs de la chaîne alimentaire. L'agriculture française est en crise. Il s'agit d'une crise structurelle, qui frappe toutes les filières depuis plusieurs années.

Nous devons garder à l'esprit que la loi ne pourra pas tout. La confiance ne se décrète pas. Il incombe au monde agricole de saisir les opportunités offertes par la réforme et de s'organiser afin de prendre en main son destin collectivement et en bonne intelligence.

Responsabiliser les filières agricoles, telle est la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours prononcé à Rungis le 11 octobre 2017. Nous l'avons mise en marche lors du vote du texte en commission des affaires économiques. Dorénavant, les interprofessions peuvent définir elles-mêmes des indicateurs prenant en compte les coûts pertinents de production agricole, leur évolution et les prix de marché afin de définir les modalités de détermination du prix payé au producteur.

Les interprofessions agricoles ont été au coeur des États généraux de l'alimentation. Elles sont le lieu de la concertation. Leur fonctionnement par consensus garantit leur légitimité dans l'exercice des missions que nous souhaitons leur confier.

J'ai déposé plusieurs amendements visant à rétablir la confiance en introduisant davantage de plasticité dans l'établissement des contrats et en aménageant les règles du droit de la concurrence. Il s'agit de renforcer la place des producteurs, ce qui supposera notamment leur adhésion à des organisations de producteurs ainsi qu'à des associations d'organisations de producteurs. Notre rôle de parlementaire consiste avant tout à donner des outils adaptés aux acteurs du monde agricole afin de renverser le rapport de force qui prévaut dans les négociations commerciales.

Le troisième défi auquel nous sommes confrontés consiste à répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, lesquels sont au coeur du renouvellement de notre modèle agricole et alimentaire. Ils demandent notamment que les producteurs soient mieux rémunérés. Leur demande d'être mieux informés et d'avoir accès à des produits de meilleure qualité, dont le mode de production respecte le bien-être animal et l'environnement, s'est également faite plus pressante.

Ainsi, le titre II du projet de loi ouvre la voie à la construction d'une véritable éthique de l'alimentation, assortie d'un pacte pour la préservation de l'environnement. L'éthique de l'alimentation suppose d'abord l'amélioration de l'information des consommateurs. Il est essentiel que les produits mis sur le marché soient correctement désignés, afin que nous, consommateurs, disposions d'une information claire et transparente.

Elle suppose ensuite la poursuite de la lutte contre le gaspillage alimentaire, notamment en procédant à l'approfondissement de la loi du 11 février 2016, dite « loi Garot », mais aussi à l'adoption de l'obligation incombant à chaque structure de restauration collective d'intégrer à ses missions une dimension d'approvisionnement durable. Ces mesures, que nous avons adoptées en commission des affaires économiques, constituent des étapes majeures de l'éducation de nos enfants au mieux manger.

Le présent projet de loi s'attache donc à inclure les acteurs publics dans une véritable démarche de revalorisation des produits et de construction d'une offre alimentaire respectueuse de l'environnement et du vivant. Renforcer la compétitivité de nos filières agricoles tout en préservant l'environnement, tel est l'objectif des mesures prévues par le titre II du projet de loi.

Renforcer la protection du vivant suppose également de réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques et de procéder à la conversion des exploitations à des modes de production agricole davantage respectueux de l'environnement.

Renforcer la protection du vivant suppose aussi d'améliorer la prise en compte du bien-être animal. Dans le cadre de l'examen du projet de loi en commission, nous avons adopté des avancées majeures en ce sens. Ainsi, nous avons attribué un véritable statut de lanceur d'alerte aux responsables « protection animale » des abattoirs. Nous avons également adopté une expérimentation en faveur des abattoirs mobiles. Par ailleurs, le projet de loi étend aux associations de protection des animaux la possibilité de se constituer partie civile dans les procès jugeant des délits relevant du code rural.

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