Mais, au bout du compte, nous n'avons vu qu'un théâtre d'ombres et des artifices scéniques.
Le projet de loi qui nous est soumis nous ramène à la réalité de la politique du Gouvernement, qui me rappelle cet empereur romain du IIIe siècle après Jésus-Christ : Héliogabale. Celui-ci était atteint d'une forme de folie – ce n'est pas, rassurez-vous, monsieur le ministre, un mal dont je vous accuse – qui lui faisait servir à sa table des plats en carton-pâte ou en cire. Évidemment, ses convives se devaient de s'extasier devant un tel festin. C'est un peu l'impression que me donne aujourd'hui votre projet de loi.
Vous avez manqué de courage. Vous n'avez pas voulu vous attaquer frontalement – ou tout au moins jusqu'au bout – au paradis des nantis. Vous vous êtes inscrits dans le modèle économique qui détermine la politique gouvernementale et qui autorise une licence, celle d'écraser les plus petits.
Si vous n'en avez pas eu la force – c'est sans doute que vous n'en avez pas eu la possibilité politique et sociale – d'aller à l'affrontement avec la grande distribution et l'industrie agroalimentaire. Vous n'avez pas pu ou pas voulu, scotchés que vous êtes aux orientations libérales de ce gouvernement.
Vous me faites également penser à un personnage de la mythologie grecque : Orphée, qui ne devait jamais regarder en arrière, sous peine d'un châtiment. Le même syndrome vous touche : vous avez perdu la mémoire des choix qui nous ont conduits à l'impasse qui est celle de notre agriculture.
Comment pourriez-vous retrouver votre chemin, sauf peut-être au moyen des échanges que nous allons avoir, et faire évoluer considérablement ce projet de loi ?
Vous refusez de vous retourner sur le passé et de le regarder : or seule la lucidité quant aux trahisons dont a été victime l'agriculture française aurait permis d'éviter les pièges qui lui sont toujours tendus. Or cette lucidité aurait permis d'inventer un autre chemin.
Tournons-nous vers ce passé. La loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, dite loi Galland, était censée s'attaquer à la revente à perte.
La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dite loi Dutreil 2, portait, elle, sur les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs et introduisait les marges arrières comme solutions.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dite LME, prétendait lutter contre les pratiques commerciales abusives, et, notamment, cette fois, contre les marges arrières.
Je n'omets pas de citer la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui a introduit la contractualisation et qui était défendue par Bruno Le Maire, aujourd'hui ministre du gouvernement.