C'est la crise des prix agricoles et leur volatilité extrême, encouragée par la guerre des prix que se livrent les centrales d'achat de la grande distribution mais aussi par une concurrence intracommunautaire déloyale – les règles n'étant pas également contraignantes pour tous – qui ont été, me semble-t-il, le ferment de la montée en puissance de la médiation des relations commerciales agricoles.
À cet égard, il est symptomatique et révélateur que le recours à la médiation ait été le plus fréquent – depuis l'entrée en vigueur de la loi ouvrant cette possibilité, en 2010, puis son renforcement en 2015 – dans le secteur du lait.
C'est là aussi que l'on peut observer la plus grande vulnérabilité des producteurs, ou l'une des plus grandes. C'est également dans ce secteur qu'à ce jour, la contractualisation est obligatoire. C'est dans ce secteur que la question du prix rémunérateur se pose d'une manière profondément aiguë pour le paysan. C'est là que les exploitations tombent comme à Gravelotte. C'est là aussi, même si ce n'est pas une triste exclusivité, que la détresse morale prospère et que la ruralité ploie sous les coups.
Vous êtes normand, monsieur le ministre, et vous savez que pour près de 95 % des producteurs de lait de vache, les débouchés dépendent d'une grande enseigne ou d'une grande entreprise de transformation. Nous devons réfléchir à cela. La suppression des quotas laitiers au mitan des années quatre-vingts, la politique libérale à l'échelle européenne ont mis le feu à nos campagnes.
Maintenant, nous voici contraints, avec cet article et quelques autres, à mettre en place des rustines ! La médiation, en effet, reste une rustine si l'on considère que l'agriculture n'est pas une activité tout à fait comme une autre et, à ce titre, doit être préservée de la logique du tout profit : 1 200 litiges ou désaccords traités par le médiateur des relations commerciales agricoles depuis 2010 dans le secteur laitier pour un total de 1 500 dossiers traités par la médiation agricole toutes filières confondues ; un taux de réussite de 30 % pour les médiations collectives, qui constituent l'essentiel des affaires… Compte tenu de ces chiffres, la médiation est donc bien une rustine mais en l'état actuel du fonctionnement de la chaîne de production, du producteur au distributeur, elle est cependant nécessaire et même indispensable.
À travers différents amendements, nous allons proposer de renforcer l'efficacité de la médiation au bénéfice des producteurs. Il est en effet indispensable que le constat du médiateur – abus, déséquilibre flagrant – permette in fine au juge d'arbitrer dans les litiges commerciaux. Le médiateur doit pouvoir saisir le juge des référés, ses analyses et ses observations ayant d'une certaine manière une valeur juridique lors du recours devant le tribunal. Si le médiateur des relations agricoles n'a que les yeux pour pleurer, à quoi sert-il ?
De la même manière, il est indispensable que le règlement par la médiation n'entraîne pas l'arrêt de la collecte de lait, alors que tel est le cas aujourd'hui : c'est ainsi que le producteur victime d'une injustice subit d'une certaine manière la double peine lorsqu'il cherche à obtenir réparation. Cette deuxième injustice peut d'ailleurs lui être fatale, comme nous le constatons dans nombre de nos territoires.
Je reste encore un peu naïf, monsieur le ministre, quant aux chances qu'auront nos amendements de prospérer mais j'espère que la façon dont ils appréhendent cette situation, leur connexion avec la réalité concrète que je viens d'évoquer rapidement leur permettra de venir muscler cette loi dans le domaine de la médiation.