La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (nos 627, 902, 838).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de onze heures cinquante-huit minutes pour le groupe La République en marche, dont 391 amendements sont en discussion ; neuf heures seize minutes pour le groupe Les Républicains, dont 959 amendements sont en discussion ; trois heures quarante pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 62 amendements sont en discussion ; cinq heures cinq minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 158 amendements sont en discussion ; cinq heures neuf minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 104 amendements sont en discussion ; trois heures cinquante-cinq minutes pour le groupe La France insoumise, dont 91 amendements sont en discussion ; trois heures quarante minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 47 amendements sont en discussion, et dix-sept minutes pour les députés non inscrits, dont 138 amendements sont en discussion.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 161 à l'article 2.
Le ministre de l'économie peut être amené à assigner en justice les entreprises qui ont des pratiques commerciales illicites. À ce titre, les enseignes de la grande distribution sont régulièrement visées. Il convient de rappeler dans cet article portant sur les sanctions que les entreprises qui sont en relation directe avec les producteurs agricoles peuvent aussi être assignées par le ministre de l'économie : tout contrat déséquilibré peut donc être sanctionné. Or, à ce jour, il n'existe pas de jurisprudence en la matière dans les relations entre producteurs agricoles et leurs acheteurs.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 604 .
L'article 2 prévoit comme sanction, en cas de manquements aux nouvelles obligations relatives aux contrats et aux accords-cadres, une amende administrative pouvant aller jusqu'à 75 000 euros par an. Dans ce cadre, le ministre de l'économie peut être amené à assigner en justice les entreprises qui ont des pratiques commerciales illicites. Cet article vise les enseignes de la grande distribution, mais il convient de préciser que les producteurs agricoles peuvent également être assignés par le ministre de l'économie.
Notre amendement de précision tend à donner plus de force à l'article 2, car, à ce jour, il n'existe pas de jurisprudence en la matière dans les relations entre les producteurs agricoles et leurs acheteurs.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 659 .
Cet amendement de précision porte sur les sanctions en manquement. Il convient de préciser les pouvoirs du ministre de l'économie en matière d'assignation en justice des entreprises qui ont des pratiques commerciales illicites. Parfois, il est bon d'enfoncer des portes qui semblent ouvertes, mais qui, en réalité, ne le sont pas.
Les enseignes de grande distribution, particulièrement inventives lorsqu'il s'agit de mettre la pression sur un fournisseur, sont régulièrement concernées par des pratiques commerciales illicites. Par cet amendement, il est proposé de rappeler que tout contrat déséquilibré peut et doit être sanctionné. Je le répète : la pression doit changer de camp.
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l'amendement no 1033 .
Il convient de préciser que toutes les entreprises en relation directe avec les producteurs agricoles peuvent être assignées par le ministre de l'économie en cas de relation déséquilibrée.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2218 .
Nous reprenons ici à notre compte un amendement qui avait été déposé en commission par nos collègues du groupe de la Nouvelle gauche. Cet amendement permet d'apporter une précision importante quant au régime de sanctions applicable. Quand les idées sont bonnes, il faut se les approprier : cela s'appelle l'appropriation collective des bonnes propositions et des moyens de réflexion !
Parmi les pratiques passibles de sanctions au titre de l'article L. 442-6 du code de commerce figure le fait de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, ou le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant le prix, le délai de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat ou de vente. En vertu de cet article, le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire.
Il ne faudrait pas que le régime de sanctions prévues par le présent projet de loi, qui se solde, en définitive, par une amende administrative, se substitue aux sanctions prévues par l'article du code de commerce que je viens de mentionner. La sanction administrative doit certes être prononcée, mais en sus des sanctions prévues par le code de commerce.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune.
Les amendements identiques ont une vertu pédagogique, puisqu'ils rappellent le droit existant. Ils sont donc satisfaits. Je reconnais l'intérêt d'insister sur les notions de déséquilibre significatif et de prix abusivement bas, mais nous pourrons en discuter à nouveau à l'occasion de l'examen de l'article 10. Avis défavorable aux amendements identiques et à l'amendement no 2218 .
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable à tous ces amendements.
Sur l'amendement no 2218 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures quinze.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 82 |
Nombre de suffrages exprimés | 82 |
Majorité absolue | 42 |
Pour l'adoption | 26 |
contre | 56 |
L'amendement no 2218 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2081 , 2189 , 2190 , 369 , 2242 , 2549 , 717 , 855 , 899 , 979 , 1066 , 1673 , 2566 , 2634 et 1419 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2081 et 2189 sont identiques, de même que les amendements nos 2242 et 2549 et les amendements nos 717 , 855 , 899 , 979 , 1066 , 1673 , 2566 et 2634 .
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 2081 .
Toute somme est toujours relative. Si le montant maximum de 75 000 euros peut être considérable pour un petit exploitant, il est négligeable pour un distributeur important. Il paraît donc nécessaire de réfléchir à un pourcentage et des modalités qui prendraient en compte la situation précise de la personne ou de l'entité sanctionnée. Il serait juste que l'amende soit fonction du chiffre d'affaires de l'acheteur. Tel est l'objet de cet amendement.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2189 .
Lorsque, en février, l'administration a ordonné la tenue de perquisitions chez le géant Leclerc soupçonné de fraudes aux négociations commerciales, le porte-parole du Gouvernement, Benjamin Griveaux, a justifié la procédure en fustigeant la grande distribution qui n'avait pas respecté les engagements pris en automne dernier, lors des états généraux de l'alimentation.
Lorsque ce même groupe, qui détient une part de 20 % du marché, use et abuse de manoeuvres grossières de contournement de la loi française, en délocalisant notamment ses négociations commerciales via sa centrale d'achat belge, Eurelec, l'État doit se montrer ferme. Il doit, sans trembler, rappeler que la loi s'applique partout, de la même manière, à tous et que le plus fort ne dispose d'aucun privilège.
Hélas, comment ne pas rougir face aux agriculteurs de ma circonscription lorsque j'apprends les sanctions prévues par ce texte ? Une amende de 75 000 euros pour des grands groupes ! Le montant prête à sourire. Comment imaginer un seul instant que cette somme pourrait infléchir la logique carnassière du groupe Auchan qui cumule 275 millions euros de bénéfices annuels ? Comment réaffirmer que l'État ne tremblera pas lorsqu'il s'agira de protéger les plus faibles, les agriculteurs écrasés par la voracité des distributeurs, face aux fraudes et aux abus des géants de l' agroalimentaire ?
Je crois que le ministre partage l'objectif que nous poursuivons au travers de cet amendement : retrouver la raison, ne pas pénaliser les petites entreprises artisanales, les petits agriculteurs – il nous a d'ailleurs assurés qu'ils seraient épargnés par les sanctions lorsqu'ils ne s'étaient pas rendus coupables d'une manoeuvre dolosive.
L'amendement no 2189 tend, par conséquent, à proportionner la sanction au chiffre d'affaires réalisé par les auteurs du délit.
Quant à l'amendement no 2190 , qui est comparable, il vise à imposer une sanction plus sévère et forfaitaire de 5 % du chiffre d'affaires. Je comprends cependant que cela soit difficile. Si nous parvenons à vous convaincre de retenir le principe de proportionnalité de la sanction, nous aurons déjà fait progresser la défense du plus faible, de l'agriculteur.
Cet amendement est issu des concertations que j'ai menées avec les agriculteurs de ma circonscription, pour lesquels une amende d'un montant maximum de 75 000 euros serait source d'inégalité. Lorsque l'on m'a parlé de démocratie participative, je ne m'attendais pas à ce que mes propres mots soient repris par des collègues d'un autre groupe, mais là n'est pas la question.
En commission des affaires économiques, le ministre avait salué l'idée d'une sanction proportionnée au chiffre d'affaires, mais il m'avait engagée à reformuler mon amendement. C'est ce que je fais aujourd'hui.
Nous en venons à deux amendements identiques.
La parole est à Mme Barbara Bessot Ballot, pour soutenir l'amendement no 2242 .
Voilà un amendement de groupe que je suis fière de défendre car il remet de l'équité dans ce texte. La question des sanctions prévues à l'article 2 a été largement débattue en commission des affaires économiques. Comment accepter qu'un producteur et un acheteur paient la même somme, soit 75 000 euros d'amende ? Cela n'est pas acceptable et cet amendement tend à réécrire le dispositif pour que l'amende soit fixée à 2 % du chiffre d'affaires, ce qui permettrait d'appliquer des sanctions beaucoup plus dissuasives pour les opérateurs et de rassurer les producteurs qui ne pourront pas se voir infliger des sanctions disproportionnées.
Nous en venons à une autre série d'amendements identiques.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 717 .
Les sanctions concernant les contrats passés entre les producteurs agricoles et les acheteurs ne peuvent pas être du même ordre de grandeur. En effet, il est nécessaire d'introduire une proportionnalité au regard du chiffre d'affaires dans la sanction infligée aux auteurs des manquements.
Nous sommes au coeur du dispositif de rééquilibrage des relations commerciales, car il est également nécessaire de prêter attention aux sanctions pouvant naître des tractations entre un producteur ou une organisation de producteurs, et un acheteur qui est souvent un industriel mais pourrait tout aussi bien être un grand commerçant ou un grand distributeur. Le principe d'une sanction graduée, proportionnée, fixée à 2 % du chiffre d'affaires, comme le proposent un certain nombre de parlementaires, en particulier ceux du groupe UDI, Agir et indépendants, nous paraît beaucoup plus judicieux qu'une sanction forfaitaire pouvant aller jusqu'à 75 000 euros. C'est une mesure de bon sens, mais je crois que le rapporteur et le ministre acquiescent, aussi ménagerai-je mon temps programmé.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 979 .
J'irai dans le sens de mes collègues, en rappelant qu'il ne faut pas oublier le sens et l'efficacité de la sanction. Une sanction doit être justifiée, et surtout proportionnée.
Mes collègues l'ont souligné à juste titre, une sanction de seulement 75 000 euros peut faire sourire les centrales d'achat. Nous devons adapter la sanction à la capacité financière de ceux à qui elle est appliquée.
Il y a quelques années, nous avons voté le principe d'une amende civile plafonnée à 2 millions d'euros pour sanctionner la violation de l'article L442-6 du code de commerce. Puis, suite aux lois Macron et Sapin 2, nous avons remonté le montant maximal de 2 à 5 millions avant, finalement, de tenir compte du chiffre d'affaires. Ne commettons pas la même erreur. Pour éviter de devoir y revenir, adoptons tout de suite la bonne sanction et la bonne mesure.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 1673 .
Je suis très content que cette mesure fasse l'unanimité car, reconnaissons-le, 75 000 euros pour une centrale d'achat ou une grande entreprise d'agroalimentaire, c'est un pourboire. En revanche, pour les éleveurs, cette somme représente plus que ce qu'ils gagnent dans l'année puisque leurs revenus, en particulier ceux des éleveurs laitiers, tournent autour de 14 000 euros par an. La distorsion est évidente et nous devons rendre l'amende proportionnelle au chiffre d'affaires. De fait, je m'étais étonné que le montant prévu par le texte ne tienne pas compte de la taille de l'entreprise. L'idée est donc très bonne et j'attends avec impatience les avis du rapporteur et du ministre.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 2634 .
Dans le même esprit, je soulignerai que nous avons aujourd'hui deux poids et deux mesures entre, d'un côté, des agriculteurs aux faibles revenus, et, de l'autre, des entreprises dont les bénéfices ont été multipliés par trois ces dix dernières années et dont les moyens sont considérables. Nous les connaissons tous, d'ailleurs. Il serait logique que les sanctions soient proportionnelles plutôt que fixes.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l'amendement no 1419 , qui n'est pas identique, mais en discussion commune.
Je suis d'accord avec le principe de la proportionnalité de la sanction, mais l'on sait bien que lors des négociations, l'acheteur a en face de lui une multitude de producteurs. En cas de fraude, ou de défaut dans la conception du contrat, on peut penser que le cas ne sera pas isolé.
Je propose, au travers de cet amendement, que la sanction soit multipliée par le nombre de contrats en cause. Évidemment, la sanction finale sera beaucoup plus importante. Plus vous êtes gros, plus la fraude aura un impact sur les producteurs, plus vous paierez. Je vous propose là une autre forme de proportionnalité, à laquelle je vous invite à réfléchir car, pour que le contournement des règles présente un réel intérêt pour un acteur, il doit le démultiplier sur un très grand nombre de producteurs.
Cette proposition s'inspire de ce que fait la DIRRECTE – Direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi. Quand une entreprise viole les règles de droit social pour un travailleur, on multiplie l'amende par le nombre de travailleurs concernés, ce qui est autrement plus dissuasif qu'une seule amende maximale et plafonnée.
Je salue le travail d'ensemble des groupes puisque nous avons déjà eu cette discussion en commission des affaires économiques. J'avais moi-même porté un amendement relatif au pourcentage, que j'avais retiré pour le travailler à nouveau. Je vois que tous les groupes se sont penchés sur la question. Il est important, en effet, que les sanctions soient graduées et que l'agriculteur seul ne soit pas sanctionné de la même façon que l'industrie agroalimentaire ou le grand groupe d'industrie agroalimentaire.
Je vous invite à retirer l'ensemble de ces amendements au profit des amendements identiques nos 2242 et 2549 , portés par les groupes de La République en marche et du Mouvement démocrate et apparentés, car leur rédaction me semble plus conforme à notre projet et proportionne mieux les sanctions au pouvoir financier des personne auxquelles elles s'appliqueront.
Donc, avis favorable aux amendements identiques no 2242 et 2549 et défavorable à tous les autres.
Je salue le travail mené par l'ensemble des groupes sur ce sujet. Nous avons eu un bon débat en commission des affaires économiques pour établir des niveaux de sanction réalistes par rapport à la taille des entreprises et ne pas fragiliser l'ensemble des producteurs.
Je préciserai toutefois un point pour éviter des erreurs. Nous avons, cette nuit, voté l'article 1er qui fixe la possibilité de contractualiser pour les producteurs. Nous sommes maintenant sur les niveaux de sanction qui s'appliqueront lorsque le premier acheteur du producteur, souvent un transformateur, ne respectera pas le contrat mis en place. Il ne faut pas confondre avec les sanctions prévues lorsqu'un transformateur, une laiterie ou une entreprise de salaison, contractualise avec un distributeur, qui dépendent des conditions générales des ventes, du code de commerce, et qui sont prévues dans la loi Sapin 2 avec la possibilité, en cas d'assignation, d'être frappé d'une sanction pouvant aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires.
Si le plafond de 75 000 euros prévu dans le texte permet l'application de sanctions adaptées, notamment en fonction de la taille des acteurs économiques, la définition d'un plafond en fonction du chiffre d'affaires permettrait d'appliquer des sanctions – cela a été souligné – beaucoup plus dissuasives pour les opérateurs de taille importante.
À l'issue de ce travail conjoint, nous sommes parvenus à une disposition plus adaptée, à savoir une amende administrative ne pouvant être supérieure à 2 % du chiffre d'affaires. Cette disposition me paraît acceptable tant pour les producteurs que pour les acheteurs, les amendements identiques nos 2242 et 2549 prévoyant le cas des associations de producteurs sans transfert de propriété qui recourent à la négociation collective, afin que les producteurs ne se voient pas infliger des amendes disproportionnées avec leur chiffre d'affaires. Cette nouvelle rédaction est bienvenue puisqu'elle permet de préciser que le producteur ne sera sanctionné que s'il fait échec de manière délibérée à la conclusion d'un contrat.
Enfin, ces amendements permettront, dans l'esprit du name and shame, de renforcer la publicité des sanctions, ce dont je me félicite.
Pour toutes ces raisons, je suis favorable aux amendements identiques nos 2242 et 2549 et défavorable à tous les autres amendements en discussion commune.
J'essaie de préserver ma naïveté, parce que c'est elle qui me permet d'avoir, le matin, l'énergie de me lever. Je nourrissais donc l'espoir, naïf, que les débats en commission, la tonalité de nos discussions et notre volonté d'avancer ensemble dans l'intérêt du monde paysan conduiraient le rapporteur et le ministre à regarder moins l'origine des amendements que leur contenu, pour en mesurer l'intérêt.
Je pensais donc que la volonté de préserver l'état d'esprit consensuel des États généraux de l'alimentation conduirait M. le ministre à ne pas se soucier de l'origine contrôlée des amendements du groupe La République en marche et à accueillir les amendements de l'opposition lorsqu'ils vont dans le bon sens.
C'était de la naïveté. Je mesure à quel point le nouveau monde applique les recettes de la vieille politique. À vos yeux ne trouvent grâce que les amendements issus de vos bancs.
Nous avions plusieurs séries d'amendements identiques dont le classement échappe à ma compétence et, au bout du compte, seul un amendement issu du groupe La République en marche est retenu, afin de mieux balayer d'un revers de la main les amendements de l'opposition, qui disent pourtant la même chose.
Un tel comportement ne me paraît ni irréprochable ni correct ni de nature à créer le rassemblement nécessaire du Parlement autour de l'objectif de redressement du monde agricole. Je le regrette publiquement.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, si je comprends la disposition prévoyant, pour le montant de l'amende, un plafond de 2 % du chiffre d'affaires – mes collègues du groupe LR l'ont également proposée – , le problème est que ce plafond reste le même, que la fraude porte sur 10, 100 ou 5 000 euros. Ne serait-il pas possible de multiplier le montant de l'amende par le nombre de contournements ou de fraudes ?
Je regrette, de plus, que la majorité ne tienne pas sa promesse de fonctionner différemment, en considérant que l'opposition, elle aussi, sait rédiger des amendements.
Il y a eu des États généraux, monsieur le ministre : je viens de découvrir qui est le tiers état dans cette assemblée !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je tiens à le souligner : tous les groupes se sont investis sur cette question précise en commission puis dans l'hémicycle en proposant des amendements dont l'objet est similaire, à savoir adapter l'amende à la taille du producteur ou du transformateur.
Je salue également l'évolution du rapporteur et du ministre sur le sujet. Monsieur Jumel ou monsieur Aubert, je comprends votre déception que vos amendements n'aient pas reçu un avis favorable. Toutefois, une amende égale à 2 % du chiffre d'affaires, et non du résultat, peut aboutir à des montants phénoménaux. Cette disposition me semble la plus juste pour tenir compte de la taille des différents acteurs. Je salue donc ce choix.
Moi je ne salue rien ni personne. Ce qui compte, c'est le résultat : nous voulions une sanction graduée pouvant atteindre 2 % du chiffre d'affaires.
Je regrette cependant le spectacle qui est donné : ce sont les amendements identiques des deux groupes de la majorité qui sont retenus, les autres amendements n'étant pas pertinents parce qu'ils proviennent des autres groupes.
Toutefois, je le répète, c'est le résultat qui compte : les sanctions seront graduées lorsque les clauses des contrats passés entre les agriculteurs et les industriels notamment n'auront pas été respectées.
Je retire l'amendement no 2566 non seulement parce que les amendements retenus prévoient une sanction graduée pouvant attendre 2 % du chiffre d'affaires, mais également parce qu'ils permettent de minimiser les sanctions à l'encontre d'un agriculteur qui ne réussirait pas à honorer son contrat tout en étant de bonne foi. En effet, la plupart des autres amendements en discussion commune, qui prévoient eux aussi une sanction pouvant atteindre 2% du chiffre d'affaires, ne contiennent pas une telle mesure. C'est pourquoi je soutiendrai les amendements identiques nos 2242 et 2549 .
L'amendement no 2566 est retiré.
Compte tenu de la théorie du ruissellement qui vous est si chère, comment comptez-vous assurer la répercussion de l'amende de 2 % sur le producteur ?
Je prendrai l'exemple d'un producteur membre d'une organisation de producteurs – OP – qui a commis une faute. Le producteur est désigné comme responsable et se voit infliger une amende de 2 %, alors que son seul tort est d'avoir fait confiance à son OP et qu'il n'est pas responsable de la faute que celle-ci a commise.
Si je comprends l'esprit de précision de ces deux amendements identiques, auxquels je suis plutôt favorable, je m'interroge sur la répercussion de la responsabilité sur le producteur lui-même.
Je commencerai par un point de sémantique. Il n'est pas possible d'affirmer que 2 % c'est énorme : 2 %, ce n'est que deux sur cent ! Il faut relativiser ce propos.
Nous souhaitions et avons collectivement obtenu un pourcentage. Si nous sommes prêts à retirer les amendements qui prévoyaient le même pourcentage ou un pourcentage supérieur – un amendement prévoyait 5 % – au profit des deux amendements identiques qui ont l'aval du rapporteur et du Gouvernement, nous soumettrons toutefois au vote l'amendement qui prévoit la mise sous astreinte, parce que celle-ci laisse la liberté au juge de juger dans des circonstances qui peuvent se révéler dramatiques.
Je reviens sur les 2 %, qui seraient énormes : je tiens à vous rappeler que, durant la crise due à la baisse du prix du lait, nous avons vu le grand groupe industriel laitier que vous avez évoqué faire des bénéfices supérieurs à 10 %. Chaque baisse d'un centime sur le prix du litre de lait représentait 3 % de la collecte. Donc relativisons : 2 %, ce n'est que 2 % ! Tout en étant prêts à nous aligner sur la proposition qui nous est faite, nous demandons que soit étudiée celle qui prévoit l'astreinte.
Dernier point : monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous avions adopté, dans le cadre de la loi Sapin 2, une disposition obligeant les grands groupes industriels, notamment les transformateurs, à publier leurs comptes. En raison d'une cascade de décisions, deux ans plus tard le premier groupe laitier français n'a toujours pas publié les siens. Le texte répare-t-il ce mécanisme ? Que proposez-vous pour empêcher qu'une telle situation se reproduise ?
Je souhaite obtenir une précision sur la mise en oeuvre du dispositif, auquel je suis favorable – je n'entrerai pas dans le débat sur le meilleur amendement.
Les producteurs et les organisations de producteurs doivent exactement comprendre la sanction à laquelle ils seront soumis s'ils enfreignent le dispositif. Qui assurera le contrôle ? Qui se procurera les chiffres d'affaires consolidés nécessaires au calcul des 2 % ? Qui déclenchera la procédure permettant aux sanctions de tomber dans des délais correspondant aux réalités du marché, pour éviter la récidive ?
En effet, si ce sont les délais habituels de l'appareil judiciaire français pour ce titre d'infractions, alors nous ferons rire du monde, car, entre l'infraction constatée et la sanction, il se passera des années, si bien que le dispositif n'aura aucun effet en termes d'amélioration des relations commerciales.
Nous avons eu hier de longs débats sur la capacité de la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – d'assurer les contrôles que nous souhaitions instaurer, le ministre, le rapporteur et la majorité nous expliquant alors qu'elle n'en avait pas les moyens.
C'est pourquoi je souhaite connaître avec précision tant l'instance qui déclenchera la procédure que les délais qu'il est raisonnable d'envisager pour sa mise en application.
Non, monsieur Jumel. Je les choisis pour leur rédaction. J'ai choisi les amendements identiques nos 2242 et 2549 parce que ce sont les seuls qui prévoient à la fois un pourcentage du chiffre d'affaires et, comme l'a souligné M. Molac, une protection du producteur en précisant que celui-ci doit, pour être poursuivi, faire « délibérément » échec à la conclusion d'un contrat. Cela change tout, et me permet également de répondre à M. Dive : dans le cas des organisations de producteurs avec transfert de propriété, c'est évidemment l'organisation de producteurs qui est juridiquement responsable et non plus le producteur. Il faudra, dans un tel cas, que l'organisation de producteurs ait fait échec à la conclusion du contrat et c'est elle qui en endossera la responsabilité. Dans le cas des organisations de producteurs sans transfert de propriété, le producteur sera évidemment responsable, à condition qu'il ait fait délibérément échec à la conclusion du contrat. Or, si c'est son organisation de producteurs qui y a fait échec, il ne s'agira évidemment pas d'une action délibérée du producteur : il ne pourra donc pas être sanctionné, puisqu'il aura délégué l'acte de négociation à son OP, même en l'absence de transfert de propriété.
M. Potier a évoqué la question de la non-publication des comptes : nous y reviendrons à l'article 5 quinquies qui vise à y remédier.
Quant aux contrôles de ce type d'infraction, ils sont délégués à la DGCCRF. Toutefois, l'article 3 prévoit d'étendre les contrôles et la sanction des manquements possibles à l'ensemble des agents du ministère de l'agriculture.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
S'agissant de l'adoption des amendements par la commission des affaires économiques, le rapporteur et moi-même avons essuyé des remarques de la part des groupes majoritaires qui ont trouvé que nous avions trop tendance à accepter des amendements de l'opposition dans la discussion commune.
Exclamations sur les bancs des groupes LR, UDI-Agir, NG, GDR et FI.
Puis-je vous donner quelques chiffres ? Sur les 234 amendements qui ont été adoptés en commission, 40 étaient présentés par La République en marche, 40 par Les Républicains, 19 par le MODEM, 14 par le groupe UDI-Agir et indépendants, 15 par le groupe Nouvelle Gauche, 3 par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et 3 par le groupe La France insoumise.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous penchons, d'une part, au centre et, d'autre part, vers la qualité.
Tous les amendements de cette discussion commune vont dans le même sens – cela a été dit maintes et maintes fois. Ceux que nous soutenons aujourd'hui sont un peu meilleurs, d'une part parce qu'ils protègent les producteurs individuels – je pense que personne, dans cette assemblée, ne s'oppose à cet objectif – , d'autre part parce qu'ils prévoient la publication des noms de ceux qui ont commis des erreurs, dans le cadre d'un dispositif de « name and shame ».
Je ne vois pas comment l'on peut s'opposer à ces amendements, qui permettront d'améliorer un peu les résultats.
Enfin, monsieur Potier, vous vous interrogez sur le taux de l'amende, que nous voulons fixer à 2 % du chiffre d'affaires des opérateurs. Je vais vous donner un exemple théorique : un groupe qui ferait 100 millions d'euros de chiffre d'affaires…
… et 8 millions d'euros de profit – des chiffres tout à fait raisonnables – verrait, s'il était sanctionné, s'envoler 25 % de son profit annuel. Ce n'est quand même pas mal !
On assoit sur le chiffre d'affaires une amende qui peut avoir un impact très important sur le profit. Ce n'est pas peanut, comme on dit au Québec.
Sourires. – Applaudissements sut plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Bien évidemment, nous ne considérons en aucun cas qu'il y aurait de bons amendements d'un côté et de mauvais amendements de l'autre ; il y a juste des amendements qui sont plus complets et qui permettent de nous retrouver sur un objectif commun, celui d'adapter la sanction.
Sur cette question des sanctions, pour répondre aux interrogations qui sont les vôtres, nous avons réalisé quelques simulations afin d'estimer le montant des amendes potentielles en fonction d'un certain nombre de critères. Du côté des producteurs, le taux de 2 % du chiffre d'affaires correspondrait en moyenne à 3 500 euros pour une exploitation laitière, à 1 700 euros pour une exploitation de bovins destinés à la production de viande et à 4 700 euros pour une exploitation de fruits et légumes. Du côté des acheteurs, ce même taux représenterait en moyenne 6 100 euros pour une TPE, 203 000 euros pour une PME et jusqu'à 47,4 millions d'euros pour les gros industriels du secteur laitier ou viande. Ce sont des sanctions extrêmement importantes ! Ce n'est pas rien !
Là encore, nous posons un acte fort, tout en rappelant bien évidemment que nous encourageons les agriculteurs. Ainsi, les amendements nos 2242 et 2549 déposés par les groupes La République en marche et MODEM insèrent à l'alinéa 9 le mot « délibérément » afin de protéger le producteur. Si ce dernier fait délibérément échouer la conclusion d'un contrat, il sera sanctionné ; dans le cas contraire, il ne le sera pas. Cependant, vous le voyez, les sanctions pourront être très lourdes pour les entreprises contrevenantes.
Dominique Potier a posé une question sur la publication des comptes. Cela renvoie à la discussion que nous aurons à l'article 5 quinquies. La loi Sapin 2 a prévu la publication des comptes des grandes entreprises ; grâce à un dialogue régulier avec ces dernières, le groupe Lactalis, par exemple, a publié ses comptes fin 2017 et début 2018. Là encore, nous sommes donc sur la bonne voie et nous espérons que cette démarche sera réitérée chaque année lorsqu'elle sera nécessaire et demandée.
Je répondrai enfin aux questions de M. Viala sur le renforcement des contrôles. Certes, nous renforçons les contrôles, mais nous invitons aussi les opérateurs à la contractualisation – c'est ce que nous verrons à l'article 3 – , qui donnera davantage de visibilité aux agents de la DGCCRF et de FranceAgriMer, chargés de réaliser l'ensemble de ces contrôles, qui seront des acteurs importants sur ces questions.
Merci du soutien que vous apportez à cette démarche. Nous pouvons considérer que nous avons fait un pas très important sur le volet des sanctions en prévoyant une amende proportionnelle au chiffre d'affaires des opérateurs ainsi qu'un dispositif de « name and shame », tout en renforçant la protection des producteurs.
Je demande la parole, monsieur le président ! Le ministre n'a pas répondu à ma question !
Cher collègue Aubert, vous avez déjà pris la parole à deux reprises : une première fois pour présenter votre amendement, une seconde fois pour répondre au rapporteur et au ministre.
Ne rouvrons pas le débat : nous devons avancer. Chacun a eu largement l'occasion de s'exprimer. Il y a du temps pour tout le monde…
Nous sommes en temps programmé, monsieur le président ! Chacun peut parler autant qu'il le veut !
Certes, monsieur Jumel, mais le temps programmé ne nous autorise pas à poursuivre indéfiniment le même débat.
Sourires.
Non, monsieur le président, en temps programmé chacun peut parler aussi longtemps qu'il le souhaite !
Monsieur le ministre, je vous ai posé une question sur la possibilité de multiplier l'amende par le nombre de contrats concernés, comme cela peut être pratiqué en droit social. Dans ce cas, plus il y aurait de producteurs, plus l'amende serait élevée.
La parole est à M. le ministre, pour répondre en deux quarts de secondes à la question que M. Aubert a posée en une demi-seconde.
Sourires.
Monsieur Aubert, ne pleurez pas avant d'avoir mal. J'ai oublié de vous répondre, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser. J'avais laissé passer votre question, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'était pas intéressante ou que je voulais y échapper – d'ailleurs, je n'échappe jamais à rien. L'amende s'appliquera par infraction.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 110 |
Nombre de suffrages exprimés | 109 |
Majorité absolue | 55 |
Pour l'adoption | 34 |
contre | 75 |
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Cet amendement va dans le même sens que les précédents. Considérant l'état actuel des relations commerciales et le déséquilibre flagrant entre acheteurs et producteurs, il ne nous paraît pas opportun d'envisager des sanctions contre les producteurs en cas d'absence de contrat. Nous proposons donc de supprimer les sanctions prévues à l'encontre les producteurs, pour ne les envisager qu'à l'encontre des acheteurs.
La loi doit être la même pour tous. Dès lors que l'on accroît les responsabilités des producteurs et de leurs OP, celles-ci doivent s'accompagner des sanctions correspondantes. Il ne faudrait pas qu'il y ait deux poids, deux mesures, pour un même manquement, entre les producteurs et les acheteurs. Il en va de la crédibilité de l'ensemble du dispositif.
En revanche, l'adoption des amendements identiques nos 2242 et 2549 doit vous rassurer, puisque le producteur doit faire « délibérément » échec à la conclusion d'un contrat pour être sanctionné. Il en est de même pour les OP et les AOP. L'amendement no 306 étant déjà satisfait, j'y suis défavorable.
L'amendement no 306 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à exonérer le producteur individuel d'une sanction lourde infligée à l'organisation de producteurs. En effet, lorsqu'on connaît la réalité du monde de l'agriculture, on sait qu'un producteur seul est susceptible d'enfreindre des règles contractuelles sans le vouloir, par simple méconnaissance de ces dernières. La sanction serait alors manifestement disproportionnée.
Même avis que sur l'amendement précédent. J'ai déjà dit que, pour être sanctionné, le producteur devait faire délibérément obstacle à la conclusion d'un contrat. Cette disposition rassurera l'ensemble des producteurs et des organisations de producteurs.
Le projet de loi mentionne les clauses devant obligatoirement figurer dans un contrat ou un accord-cadre, ainsi que les clauses relatives à la délégation de la facturation, telles qu'elles sont ressorties des discussions que nous avons eues pendant les états généraux de l'alimentation. Les sanctions prévues visent à assurer l'effectivité de ces dispositions, toute obligation devant être assortie d'une sanction. Nous avons répondu à ces questions à travers les amendements que nous venons d'adopter : donc, avis défavorable à l'amendement no 527 .
Monsieur le ministre, je ne conteste pas le fait que nous avons effectivement répondu en partie à ces questions. J'ajoute même que nous sommes également allés dans ce sens hier, lorsque nous avons renforcé le rôle et le poids des OP dans le dispositif.
En revanche, je maintiens qu'il y a, à mes yeux, un problème dans la formulation actuelle des différents alinéas de l'article 2. En effet, l'alinéa 3 commence par les mots : « Le fait, pour un producteur, une organisation de producteurs, une association d'organisations de producteurs ou un acheteur de produits agricoles de conclure [… ] ». Ce faisant, on met le producteur au même rang que l'OP, l'AOP et l'acheteur de produits agricoles s'agissant des sanctions encourues. Ce n'est pas cohérent avec l'article 1er que nous avons voté, ni avec les amendements nos 2242 et 2549 que nous venons d'adopter. C'est pourquoi l'alinéa 3 a besoin d'être amendé.
Juste un petit détail, monsieur Viala : vous le savez, les producteurs peuvent faire le choix de ne pas s'associer en OP. L'alinéa 3 s'applique à ce cas précis : si un producteur choisit délibérément de ne pas intégrer une OP, il se retrouve au même niveau que son premier acheteur, son premier transformateur ou son premier distributeur dans les négociations, et il est alors soumis à la même échelle de sanctions que les autres.
L'amendement no 527 n'est pas adopté.
Sourires.
… car les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre, que j'ai bien entendus, ne suffisent pas à nous convaincre. Le titre Ier de ce projet de loi vise à rééquilibrer la relation commerciale en faveur du producteur – ne mâchons pas nos mots ! C'est pourquoi l'amendement no 307 , qui vise à exonérer de sanctions les producteurs, est cohérent et de bon sens.
Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Afin de garantir l'équilibre du dispositif, on ne peut faire de différences entre producteurs et acheteurs.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1431 .
L'amendement no 1431 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Monsieur le ministre, puisque vous acceptez les amendements complets, en voici un, excellent, que nous pouvons adopter ensemble. Il vise à ajouter une sanction lorsque l'acheteur ne formalise pas ses réserves ou son refus de la proposition d'accord-cadre émise par le producteur ou l'OP. Il faut en effet instaurer de la transparence dans la relation commerciale et faciliter les procédures de contrôle des autorités compétentes. Je m'en remets donc à votre sagesse, monsieur le ministre.
Sourires.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 606 .
Comme l'a dit M. Cinieri, cet amendement vise à protéger les producteurs de manoeuvres auxquelles pourraient recourir les acheteurs. Il faut prévoir le cas où un acheteur ne formalise pas ses réserves ou son refus de la proposition d'accord-cadre émise par le producteur ou l'OP. L'amendement a pour objet d'ajouter une sanction pour l'acheteur de produits agricoles qui ne donnerait pas de réponse écrite au producteur, à l'organisation de producteurs ou à l'association d'organisations de producteurs.
La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour soutenir l'amendement no 1034 .
Afin de ne pas détourner la loi, il convient de formaliser le refus d'une proposition de contrat écrit.
Je serai bref et je vais faire mentir M. Aubert, car je ne regarde pas la tête du client quand je donne mon avis sur les amendements. Je suis favorable à l'ensemble de ceux-ci.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Comme quoi tout arrive, mesdames, messieurs les députés ! Nous avons bien fait de patienter jusqu'ici pour constater votre sagesse sur l'ensemble de ces amendements. Nous ne sommes pas sectaires et nous acceptons la liste entière qui nous a été proposée : avis favorable à ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mes chers collègues, attendez donc, pour applaudir, que l'Assemblée ait voté !
Sourires.
L'amendement no 2285 est retiré.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 2502 .
L'amendement no 2502 est retiré.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 2501 .
L'amendement no 2501 est retiré.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 2691 .
L'amendement no 2691 est retiré.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement n° 2416 .
Cet amendement tend à compléter l'alinéa 6 pour préciser que c'est le ministre chargé de l'économie qui, pour sanctionner le comportement d'un acheteur qui abuserait de sa position dominante dans les négociations avec les producteurs agricoles, serait chargé de l'assigner en justice, comme c'est du reste le cas lorsque des entreprises de la grande distribution sont déférées au titre de leurs pratiques commerciales abusives.
La sanction de cet article est avant tout administrative. En revanche, des amendements à l'article 4 prévoient que, par l'intermédiaire du médiateur compétent pour ces contrats, le ministre chargé de l'économie puisse saisir la justice. Avec, en outre, le recours au médiateur, votre amendement peut être satisfait sur le fond. Je demande donc son retrait.
Défavorable.
L'amendement no 2416 est retiré.
Malgré la sanction proportionnée que nous venons de voter, cet amendement vise à protéger le petit producteur et à l'exonérer de sanctions, car il n'a pas à sa disposition une armada de juristes, mais est concentré sur son métier, ses animaux et ses champs. Nous proposons donc de supprimer l'alinéa 9.
Pour les mêmes raisons que précédemment et pour la crédibilité du dispositif, avis défavorable. Par ailleurs, cet alinéa est formulé de telle manière que ce n'est pas directement l'absence de proposition qui pourrait être sanctionnée, mais seulement le fait que l'absence de proposition fasse échec à la conclusion du contrat. Si, par ailleurs, le contrat est conclu, nul risque pour le producteur d'être sanctionné.
En outre, les amendements de suppression de l'alinéa 8 visent, selon l'exposé sommaire, le producteur individuel, alors que cet alinéa ne concerne que les organisations de producteurs. Avis défavorable, donc.
Défavorable.
Monsieur le président, je ne comprends pas pourquoi cette série d'amendements identiques tombe. Cela signifie-t-il que l'alinéa 9 serait supprimé par un amendement que nous aurions voté antérieurement ?
L'adoption des amendements identiques nos 2242 et 2549 , qui modifiaient l'alinéa 9, a eu pour effet de faire mécaniquement tomber l'amendement no 308 et les amendements nos 23 et identiques, qui tendaient à supprimer ce même alinéa 9. L'Assemblée ne saurait supprimer ce qu'elle a préalablement modifié. Dès lors, en effet, que l'on modifie l'alinéa 9, c'est qu'on l'accepte : on ne peut donc plus le supprimer.
Nous vous en donnerons lecture dans quelques instants.
Il est difficile de supprimer un alinéa qu'on a modifié, car le fait de le modifier le maintient. Nous allons vous donner lecture de ces éléments, afin de vous assurer une parfaite transparence sur cette question.
Je suis saisi de sept amendements identiques, nos 718 , 856 , 900 , 918 , 980 , 1067 et 2567 .
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 718 .
Cet amendement vise à sanctionner les pratiques constatées entre les producteurs et leurs premiers acheteurs sur la même base que dans les relations entre industrie et commerce. D'ailleurs, un avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales – CEPC – de fin 2017 mentionnait déjà cet aspect.
Cet amendement n'est pas mal. Certaines clauses contractuelles font peser des obligations à la charge d'une seule des parties : le vendeur – c'est-à-dire les producteurs, les agriculteurs. Cet amendement vise donc à sanctionner les pratiques constatées entre les producteurs et leurs acheteurs. Puisqu'il est question de rééquilibrage, il faut rééquilibrer les sanctions. Il n'y a pas de raison de sanctionner prioritairement les producteurs – j'allais dire : les pauvres producteurs.
Rappel au règlement
Ce rappel au règlement, que je fais au titre de l'article 58, alinéa 1, de notre règlement, fait suite la question que je viens de poser : pourquoi les services de la séance nous font-ils examiner des amendements de modification d'un alinéa avant les amendements de suppression de celui-ci.
Article 2
Cet amendement tend à insérer, après l'alinéa 11, l'alinéa suivant : « 6° Le fait, pour un acheteur, de ne pas apporter de justifications ou de contreparties à des obligations pesant uniquement à la charge du vendeur. ».
Certaines clauses contractuelles font en effet peser des obligations uniquement à la charge de l'une des parties : le vendeur. Or, l'absence de justification ou de contrepartie à une telle unilatéralité, dans la mesure où cette dernière créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, peut constituer une pratique restrictive de concurrence.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 980 .
Je tiens à m'associer à mes collègues pour insister sur l'importance qu'il y a à sanctionner le déséquilibre contractuel évoqué.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement no 1067 .
Cet amendement vise à prendre acte d'un avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales. Il est dommage, à cet égard, que M. Potterie ne soit pas là, car il soutiendrait évidemment des mesures issues de la commission qu'il préside et destinées à étendre la notion de déséquilibre significatif et à s'assurer que cette notion, qui existe déjà dans le code du commerce, s'applique aussi aux relations qui nous intéressent cet après-midi.
Il s'agit de sanctionner des pratiques commerciales que nous connaissons, comme les marges arrière et diverses ristournes demandées au vendeur au profit de l'acheteur et de la grande distribution. Cet amendement, déposé par plusieurs collègues, vise tout simplement à lutter contre de telles pratiques.
La notion de déséquilibre significatif existe déjà dans le code du commerce et s'applique déjà. Son adaptation au secteur agroalimentaire fait précisément l'objet de la demande d'habilitation à légiférer par ordonnances qui figure à l'article 10. Nous y reviendrons et je déposerai aussi plusieurs amendements qui vont dans ce sens, à propos notamment de la fourniture du détail des contreparties en fonction des conditions générales de vente sur la convention unique. Avis défavorable, donc.
Cette disposition est difficilement contrôlable dans la pratique. Il s'agit ici davantage des contrats aval que de ceux qui sont conclus entre le producteur et le premier acheteur. Il faut préciser que nous travaillons bien ici sur la relation entre le producteur et son premier transformateur. Comme je le disais tout à l'heure, en effet, le contrat entre un transformateur et un distributeur est régi par le code du commerce.
Toutefois, lors de l'examen du projet de loi par la commission des affaires économiques, nous avons introduit l'obligation du retour formel de l'acheteur sur la proposition du contrat, qui permet d'intégrer les justifications demandées. Avis défavorable, donc, à ces amendements.
M. le rapporteur nous renvoie à l'article 10 et aux ordonnances que le Gouvernement veut prendre. On voit bien que, sur une question aussi sensible et importante, qui concerne directement la relation entre les agriculteurs et leurs premiers interlocuteurs, on nous prive de la possibilité de légiférer.
J'ai déposé un amendement, mais je dénonce le fait qu'en cette matière, le Gouvernement veuille agir par ordonnances. En outre, la situation n'est pas très claire, car la limite entre les questions qui seront traitées par ordonnances et celles qui le seront dans le projet de loi est plus que floue.
Faites passer le message, monsieur le ministre : ne nous dépossédez pas de la possibilité de légiférer et d'intervenir en matière de relations commerciales. Ce sont en effet des questions que nous avons toujours traitées ici et qui ont fait l'objet de nombreux débats à l'Assemblée nationale, depuis notamment la loi Galland de 1996.
Nous priver, comme vous le faites avec l'article 10, de la possibilité de traiter de ce sujet, qui est du reste considérable et ne concerne pas seulement les agriculteurs, est une mauvaise manière faite à l'Assemblée nationale.
Je ne comprends pas la raison de votre refus, monsieur le ministre, ni l'argumentation de notre rapporteur, qui évoquait, me semble-t-il, un autre amendement.
Pour nous, la chose est très simple : toute obligation singulière doit donner lieu à une justification. Il existe de multiples obligations singulières – M. Molac a utilisé le terme approprié en évoquant les marges arrière, mais d'autres formes d'obligations existent.
Je comprends bien qu'il y a deux types de contrats différents : ceux qui sont passés avec la grande distribution, et ceux qui sont passés avec les transformateurs. Il n'empêche que les transformateurs aussi peuvent imposer des obligations sans contrepartie, des obligations non justifiées. En quoi est-il gênant de punir ces pratiques, monsieur le ministre ?
Notre seul objectif est de défendre les agriculteurs : quand les acheteurs imposent aux producteurs des conditions particulières, il faut qu'elles soient justifiées. C'est assez simple : nous n'interdisons pas par principe ces clauses, nous précisions simplement qu'elles doivent être justifiées. Ces justifications doivent être claires, explicites ; le cas échéant, elles seront contestables devant la justice.
Je vois notre excellent président opiner du chef : j'en conclus que sa pensée m'accompagne !
Sourires.
C'est la clarté de votre question que j'approuve ; quant au fond, je ne me prononcerai pas.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur Fasquelle, vous avez évoqué les ordonnances prévues à l'article 10. Je vous signale que les sanctions sont déjà prévues par le code du commerce. Nous ne cachons rien : lorsque nous débattrons de cet article visant à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, nous vous donnerons tous les éléments nécessaires. Par la suite, bien évidemment, le Parlement sera associé au travail d'élaboration des ordonnances.
Monsieur Le Fur, les choses sont claires : les clauses abusives sont déjà réprimées par le dispositif. Je ne vois donc pas l'intérêt d'ajouter cet alinéa à la liste des éléments passibles d'une amende administrative.
Pour que ces clauses soient considérées comme abusives, il faut qu'elles soient reconnues comme étant injustifiables. Or est injustifiable ce que l'on ne peut justifier : c'est pourquoi nous proposons de sanctionner le fait de ne pas apporter de justification à des obligations pesant uniquement à la charge du vendeur. Pour que la loi soit simple, claire et limpide, il faut préciser cela !
Cet amendement n'a pas pour objet de faire en sorte que ce type de clause soit nécessairement considéré comme abusif ; simplement, dans la mesure où ces clauses sont singulières, elles doivent être justifiées, expliquées, et ce n'est qu'en cas de défaut de justification qu'elles pourront être sanctionnées.
L'amendement no 1659 vise à sanctionner les clauses de prix illisibles. En effet, comme vous le savez, certains contrats contiennent des formules de calcul très complexes, et manquent ainsi de lisibilité et de prévisibilité quant au prix final payé au producteur. Il convient de sanctionner ce type de pratiques afin de rendre les contrats plus clairs et d'améliorer leur formulation : ils seront ainsi mieux appliqués.
L'amendement no 1660 vise à sanctionner les contrats déséquilibrés. Il concerne plus particulièrement les enseignes de la grande distribution : en effet, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises au cours de nos débats, ceux-ci font souvent preuve d'une grande créativité pour imaginer des modes de calcul complexes, des pratiques commerciales déloyales ou illicites, pénalisant ainsi nos producteurs.
Il convient de renforcer les sanctions contre toutes ces pratiques.
L'amendement no 1659 est déjà satisfait par l'alinéa 3 de l'article 2, qui renvoie à toutes les clauses obligatoires de l'article L. 631-24. D'autres mesures sont possibles pour éviter le déséquilibre entre les parties, qui demeurent libres de contractualiser. Il faut plutôt s'attaquer aux sources de ce déséquilibre, comme je le ferai par l'amendement no 2653 rectifié visant à insérer un article additionnel après l'article 10 ter. Cet amendement concerne les centrales d'achat et vise à éviter les déséquilibres significatifs.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
La clause de prix fait partie des éléments qui seront contrôlés au titre de l'article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime. Les objectifs que vous visez par ces amendements sont donc satisfaits. Nous aborderons à nouveau cette question au moment de l'examen de l'amendement dont a parlé M. le rapporteur, qui porte sur la concentration des groupes de distribution. Avis défavorable.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2005 .
Lors des États généraux de l'alimentation, le chef de l'État a annoncé un projet de loi visant imposer un meilleur partage de la valeur ajoutée : celui dont nous discutons en ce moment. Dans ce cadre, il a été décidé de légiférer par ordonnances afin de rééquilibrer les contrats entre agriculteurs et distributeurs, de sorte que les premiers soient mieux rémunérés, et de mettre fin à la guerre des prix, destructrice de valeur pour tous, mais surtout pour les agriculteurs, en amont de la chaîne.
Ce faisant, il s'agissait de stopper la paupérisation de toute une profession : telle était l'intention affichée par Emmanuel Macron. Ces annonces étaient très attendues par la profession agricole, qui demande depuis des années une répartition plus équitable de la valeur ajoutée.
Or, trop souvent, des agriculteurs se trouvent contraints de vendre leurs produits à des prix inférieurs à leurs coûts de production. Cet amendement, repoussé par la commission des affaires économiques, vise à sanctionner le fait d'acheter un produit en dessous de son coût de production. Je me permets d'insister, car ce sont les associations, les agriculteurs qui nous ont alerté sur point : en l'état actuel de la rédaction de ce texte, rien ne garantit que les prix d'achat seront au minimum égaux aux coûts de production. Les revenus des producteurs ne bénéficient donc pas de cette protection minimale.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je partage votre préoccupation d'éviter que les agriculteurs vendent leur production à perte. Mais les produits alimentaires étant par nature périssables, la vente à perte peut s'avérer nécessaire. Il vaut mieux s'en tenir aux indicateurs de coûts de production, car certaines filières veulent continuer d'avoir la possibilité de vendre à perte, notamment pour les fruits et légumes. Elles ont besoin, à certains moments, de faire des dégagements : dans ce cas, il est utile pour elles de vendre leurs stocks, même à un prix inférieur au coût de production. Sans cela, ces stocks iraient directement à la poubelle. De même, la filière de la viande de porc a par moments besoin de réaliser des opérations de dégagement, en cas de surproduction.
L'interdiction de la vente à perte bloquerait l'économie de ces filières : cette mesure serait donc destructrice pour les producteurs. Avis défavorable.
Défavorable.
Monsieur le rapporteur, en acceptant que les producteurs vendent à perte, vous actez le fait qu'ils ne peuvent vivre de leur métier. Vous dites qu'ils ont parfois besoin de réaliser des opérations de dégagement pour faire sortir leurs stocks, mais au sein d'une filière donnée, c'est au distributeur de prendre ses responsabilités et de gérer les stocks de manière à éviter de laisser des tonnes de fruits chez les producteurs qui se retrouvent par la suite contraints de les vendre à perte ou de les mettre à poubelle.
Encore une fois, vous faites reposer toute la responsabilité sur les producteurs, sans leur garantir un revenu : nous en prenons acte.
Mme Caroline Fiat applaudit.
L'amendement no 2005 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir l'amendement no 2007 .
Par cet amendement, nous souhaitons remédier en partie à un effet pervers de l'article 2.
Le projet de loi impose à l'acheteur de proposer un contrat au producteur. Selon le Gouvernement, cela permettra d'inverser le rapport de force en construisant le prix de l'amont à l'aval. Nous pensons que cette disposition restera sans effet, car une fois le contrat proposé s'engage une négociation dans laquelle le rapport de force est hélas défavorable au producteur. Il s'agit en réalité, à notre avis, d'une manière déguisée de forcer les producteurs à se réunir dans des organisations de producteurs disposant des moyens juridiques suffisants pour proposer des contrats aux acheteurs.
En découlent de nouvelles responsabilités pour le producteur, qui peuvent entraîner des sanctions. Nous pensons qu'il faut tenir compte des moyens de chacune des parties et du rapport de force qui existe entre elles : c'est pourquoi nous proposons qu'en cas de procédure judiciaire la charge de la preuve repose sur l'acheteur, car c'est bien l'acheteur qui a le plus intérêt à ne pas respecter les dispositions de ce projet de loi. Nous proposons, dans le même sens, que l'on ne puisse sanctionner un producteur de bonne foi.
M. Bastien Lachaud applaudit.
Vous sous-entendez que les parties au contrat sont forcément de mauvaise foi. Dans les faits, il arrive aussi qu'elles soient de bonne foi ! Vous soulevez, par cet amendement, la question de la procédure judiciaire, alors que l'article a trait aux sanctions administratives : l'avis de la commission est donc défavorable.
Défavorable.
Vous nous répondez toujours la même chose ! Nous savons bien, évidemment, qu'il y a des gens de bonne foi, nous ne prétendons pas qu'ils soient tous de mauvaise foi. Nous disons seulement qu'il peut y avoir des acheteurs de mauvaise foi, et que dans ce cas il faut protéger les producteurs. Arrêtez de prétendre que nous accusons tout le monde d'être de mauvaise foi : ce n'est pas vrai ! Mais il y a des gens de mauvaise foi : tout le monde le sait, et il faut en tenir compte pour protéger nos producteurs.
Madame Fiat, du point de vue juridique, il n'est pas possible d'affirmer que les producteurs sont forcément de bonne foi. Nous l'avons vu : un producteur peut délibérément mettre en échec la contractualisation ; c'est comme cela, c'est la société humaine.
Bien évidemment, nous souhaitons comme vous protéger les producteurs, mais juridiquement parlant, on ne peut définir une catégorie de personnes qui n'aurait à répondre de rien – les producteurs – et une autre catégorie à qui incomberait exclusivement la charge de la preuve – les acheteurs. L'acheteur peut être de bonne foi, et le producteur peut être de mauvaise foi, cela arrive ! C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement : il s'agit tout simplement d'un problème d'égalité devant la loi.
L'amendement no 2007 n'est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 2481 .
Je vais le retirer, monsieur le président, car nous avons trouvé un accord sur ce point en commission des affaires économiques. Les modifications évoquées en commission sont plus adaptées que cet amendement, par lequel nous proposions une procédure d'injonction avec astreinte. Celle-ci, n'étant pas limitée, pouvait en effet paraître disproportionnée.
Le président de la commission des affaires économiques, M. Roland Lescure, a pris tout à l'heure la parole pour montrer l'impact qu'aurait, sur un géant du lait, une amende représentant 2 % de son chiffre d'affaires : il a estimé que cela représenterait 25 % de son profit annuel. Je rappelle, à cet égard, qu'une diminution de quelques centimes du prix moyen du lait risque de faire diminuer de 50 % les revenus des producteurs laitiers, qui pratiquent l'un des métiers agricoles les plus exigeants.
Lors de la crise du lait, il y a deux ans, ceux-ci ont subi les effets d'une guerre des prix éhontée. Si nous sommes réunis ici, ce n'est donc pas pour pleurer sur le sort des géants du lait ; c'est avant tout pour défendre un revenu digne pour les éleveurs que nous représentons.
Le groupe Nouvelle Gauche votera l'article 2, qui est le fruit d'un compromis – contrairement à l'article 1er. J'espère que nous serons écoutés sur les articles suivants.
L'amendement no 2481 est retiré.
L'article 2, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 3.
La parole est à M. Fabrice Brun.
L'article 3 renvoie au pouvoir réglementaire la fixation de la liste des agents habilités à constater les infractions aux règles applicables à la contractualisation. Le Gouvernement souhaiterait ajouter les agents de FranceAgriMer à cette liste.
Etant donné que, comme nous le savons tous, le budget de l'État est pour le moins contenu, voire contraint, nous avons quelques doutes quant aux moyens qui seront dédiés à ces nouvelles missions des agents de FranceAgriMer et sur la capacité de l'État à abonder le programme 149 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de la prochaine loi de finances.
Ma question est simple : cet article n'est-il pas un effet d'annonce qui risque de demeurer sans suite concrète ?
Comme l'article 2, cet article prévoit la possibilité de prononcer des sanctions administratives à l'encontre des producteurs et des acheteurs qui ne respecteraient pas leurs obligations contractuelles. Je voudrais cependant insister à nouveau sur le rapport de forces qui existe aujourd'hui en faveur des acheteurs que sont les enseignes de la grande distribution.
La crainte est légitimement forte que les centrales d'achat regroupées de la grande distribution ne détournent à nouveau le système pour exercer sur les producteurs la même pression sur les prix. Or, comme à l'article précédent, les dispositions que vous nous proposez ici ne tiennent pas suffisamment compte de la réalité de ce rapport de forces dont souffrent les producteurs. Dans le cadre des contrôles opérés par les agents en matière de manquements de l'acheteur, il faudra que le délai imparti pour se conformer à ces obligations soit très court. En cela, le « délai raisonnable » que vous prévoyez me semble beaucoup trop flou pour être contraignant et dissuader l'acheteur de se livrer à ces manquements.
De même, il faudra par la même occasion tenir compte des conséquences économiques des manquements de l'acheteur sur le résultat du producteur et prévoir des sanctions proportionnelles.
L'article 3 prévoit effectivement que les manquements dans la proposition ou la conclusion de contrats de vente écrits sont constatés par des agents dont la liste sera fixée par un décret en Conseil d'État et précise les modalités selon lesquelles des sanctions sont prononcées.
Je rejoins mon collègue Vigier pour juger problématique la notion beaucoup trop floue de « délai raisonnable ». C'est une notion juridique qui est décrite, mais qui n'est ni définie ni quantifiée, qui est laissée à l'appréciation des juges et des agents visés à l'article 3. Il me semble qu'il conviendrait de fixer une durée précise plutôt que de parler de « délai raisonnable ». Un délai de six mois fixé à un distributeur pour réparer un manquement peut sembler tout à fait anecdotique à celui-ci mais peut se révéler catastrophique pour le producteur. Il me semble donc nécessaire de préciser la notion.
Article 40 de la Constitution oblige, nous ne pouvons pas évoquer, à la faveur de l'examen d'un projet de loi comme celui-ci, les moyens dont l'État se dote, qu'ils soient humains ou matériels, pour assurer la réalisation des objectifs qu'il se donne. C'est vrai pour FranceAgriMer comme pour la DGCCRF dont nous avons parlé à l'occasion de l'examen des articles précédents, et pour l'ensemble des services publics placés sous l'autorité du ministère de l'agriculture ou de celui des finances s'agissant d'assurer dans chaque territoire l'effectivité des obligations et des sanctions votées.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous éclairer quant à la manière dont vous envisagez d'obtenir que le projet de loi de finances prévoie les moyens financiers nécessaires à la réalisation des objectifs de cette loi. Pour évoquer un sujet un peu « limite » dans un territoire comme le notre, la réduction des moyens de l'Office national des forêts – ONF – et la disparition des maisons forestières indiquent que la réduction des dépenses n'épargne pas votre ministère.
Je voudrais, monsieur le ministre, vous poser quelques questions très concrètes sur cet article pour lever toute suspicion qu'il ne soit qu'un artifice de communication politique.
Qu'entend-on par « délai raisonnable » ? Surtout cet article a-t-il fait l'objet d'une étude d'impact de vos services pour déterminer combien de contrats il générera ? Avec quels moyens humains comptez-vous assurer ce contrôle et dans quelle mesure sera-t-il effectif ? Avez-vous anticipé les moyens que tout cela suppose ?
Je voudrais vous livrer quelques éléments d'appréciation sur ce qui a été dit.
D'abord, on n'inscrit pas des effets d'annonce dans le marbre de la loi : ils sont réservés à d'autres types de supports.
Demain, des agents de FranceAgriMer seront, comme les agents de la DGCCRF, habilités à effectuer ces contrôles et bien évidemment l'examen du projet de loi de finances nous permettra d'adapter les dotations pour que nous puissions répondre à ce besoin de contrôle et que les agents puissent exercer leurs fonctions sans difficulté.
Le renforcement de ces contrôles passe aussi par une priorisation de ce type de démarche. Une convention sera signée entre FranceAgriMer et la DGCCRF pour préciser les modalités de fonctionnement et les agents seront formés à la technicité des contrôles afin de travailler dans les meilleures conditions et d'assurer les contrôles les plus justes.
Les orateurs précédents l'ont dit, la notion de « délai raisonnable » ne nous semble pas assez précise et sera nécessairement différente pour un producteur et pour un vendeur. C'est pourquoi nous vous proposons par cet amendement que la loi fixe ce délai.
Notre rôle est en effet d'écrire des lois claires, intelligibles et utiles et d'éviter de laisser tout pouvoir d'appréciation aux agents chargés de ces contrôles, comme c'est le cas en matière de fiscalité des pressoirs, qui fait l'objet d'appréciations différentes de l'administration fiscale selon les territoires, problème dont nous vous avons saisi, monsieur le ministre et qui montre combien on a besoin d'une loi claire.
C'est pour éviter de telles injustices et inégalités devant la loi qu'il nous semble important de fixer un délai. Un délai de trois mois nous semble raisonnable.
Je dois vous dire que j'ai moi-même envisagé de proposer un délai d'un mois – vous voyez, monsieur Benoit, que je suis beaucoup plus dur que vous ! Cependant, les services m'ont assuré que le délai de réponse était quasi systématiquement inférieur à un mois. Il semble donc un peu superflu de poser une limite. Avis défavorable.
Défavorable.
J'ai évidemment toute confiance dans les services quand ils disent que le délai d'un mois est souvent respecté, mais que perdrait-on à inscrire dans le marbre un délai qui soit le même pour tout le monde, permettant ainsi à la loi d'être claire, intelligible et compréhensible par tous ?
Votre réponse, monsieur le rapporteur, confirme que nous pouvons préciser un délai, d'autant que vous avez vous-même envisagé de proposer un délai d'un mois. Celui qui vous est proposé ici est un maximum et ce serait une très bonne chose. En effet, laisser perdurer de telles incertitudes et de telles disparités selon les territoires serait une source très dangereuse d'iniquités. En revanche, la proposition qui vient d'être excellemment défendue par notre collègue constituerait une garantie pour les parties, quitte à ce que vous l'amendiez, et cette garantie est tout à fait conforme au délai d'usage que vous venez de nous indiquer.
Je ne comprends donc pas l'avis défavorable que vous avez exprimé, monsieur le rapporteur, ainsi que M. le ministre.
Je ne voudrais surtout pas que la fixation d'un délai aboutisse à allonger le délai de réponse de l'administration. Puisque vous nous avez assuré que le délai d'un mois était systématiquement respecté, il faudrait peut-être que vous sous-amendiez cet amendement afin que la loi prévoie un délai d'un mois. Ainsi, les conditions seraient les mêmes sur tout le territoire, ce qui constituerait une garantie pour chacun.
Je voudrais par ailleurs vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir répondu à ma question. J'ai bien compris que votre intention était d'augmenter les effectifs pour que ces contrôles soient effectués, mais vous ne m'avez pas indiqué de chiffres. Confirmez-vous qu'il n'y a eu aucune étude d'impact et que l'on ignore combien de fonctionnaires supplémentaires seront nécessaires ? Et les contrôles seront-ils systématiques ou seulement aléatoires ?
Sur l'amendement no 1936 , je suis saisi par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
Je souhaite revenir sur ce qui a été très bien exprimé par Lise Magnier, afin que nos collègues puissent prendre la bonne décision à propos du « délai raisonnable ».
Selon les services, un délai d'un mois permet de trouver des points de convergence et de co-contracter mais, comme l'a très justement dit Lise Magnier, les députés fabriquent la loi, laquelle doit être suffisamment claire et précise.
L'instauration d'un délai de trois mois, de douze semaines, nous paraît être raisonnable pour que les parties prenantes parviennent à définir des points de convergence et d'accord. C'est également une telle inscription dans la loi qui permettra à un juge de se prononcer clairement, parce qu'un, cinq ou six mois, ce n'est pas la même chose. Tel est le sens de cet amendement no 1936 défendu par Lise Magnier.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 79 |
Nombre de suffrages exprimés | 78 |
Majorité absolue | 40 |
Pour l'adoption | 32 |
contre | 46 |
L'amendement no 1936 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à mieux accompagner les agriculteurs. Lors des réunions de concertation, les agriculteurs ont eu l'occasion de dire que, face à des difficultés pour se mettre en conformité, ils ne sont pas toujours bien accompagnés. Nous proposons qu'un mémento des actions à accomplir leur soit remis afin qu'ils sachent quelles mesures appliquer et dans quel ordre.
Tel est le sens de cet amendement : clarifier le rôle des agents en termes d'accompagnement.
Si je suis d'accord avec son esprit, il me semble néanmoins que de telles mesures relèvent plus du pouvoir réglementaire, voire de l'instruction ministérielle. Je pense de surcroît que le ministre a entendu votre préoccupation. Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
J'émets également un avis défavorable parce que cette disposition n'a pas sa place dans la loi et relève du règlement. Cela dit, il s'agit d'un sujet sur lequel nous pouvons en effet travailler parce que nous connaissons tous, sur les territoires, des agriculteurs parfois un peu désorientés face à la somme et à la complexité des informations qu'ils doivent fournir ou face à une mise en conformité. Les chambres d'agriculture peuvent bien évidemment les aider et ils peuvent aussi en appeler ou se référer à un certain nombre de conseils. Avis défavorable, donc, mais nous pouvons travailler sur cette question.
L'amendement no 370 est retiré.
L'article 3 est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 4.
La parole est à M. Fabrice Brun.
Le projet de loi prévoit de renforcer la médiation. Toutefois, l'intervention du médiateur est ainsi limitée à un simple constat qui ne pourra être suivi d'effet pour la partie subissant les abus. Il serait donc souhaitable de consolider l'action du médiateur en prévoyant, notamment, qu'il puisse confier la résolution du litige aux différents médiateurs intervenant déjà dans les relations commerciales concernant les produits agricoles et alimentaires – je pense au médiateur délégué présent dans les entreprises et au médiateur de la coopération agricole.
De plus, le texte ne prévoit aucun recours en cas d'échec de la médiation sur les questions contractuelles. Or, les États généraux de l'agriculture avaient convenu qu'il fallait un cadre dissuasif fort, avec recours à une commission arbitrale. Cette proposition n'ayant pas été retenue par le Gouvernement malgré le consensus des acteurs, le texte doit prévoir que le médiateur des relations commerciales agricoles puisse recourir au juge en cas d'échec de la médiation. Bref, dans ce cas-là, ne laissons pas au plus puissant la liberté de mettre la pression sur le plus faible, sinon, ce sera toujours le pot de fer contre le port de terre !
C'est la crise des prix agricoles et leur volatilité extrême, encouragée par la guerre des prix que se livrent les centrales d'achat de la grande distribution mais aussi par une concurrence intracommunautaire déloyale – les règles n'étant pas également contraignantes pour tous – qui ont été, me semble-t-il, le ferment de la montée en puissance de la médiation des relations commerciales agricoles.
À cet égard, il est symptomatique et révélateur que le recours à la médiation ait été le plus fréquent – depuis l'entrée en vigueur de la loi ouvrant cette possibilité, en 2010, puis son renforcement en 2015 – dans le secteur du lait.
C'est là aussi que l'on peut observer la plus grande vulnérabilité des producteurs, ou l'une des plus grandes. C'est également dans ce secteur qu'à ce jour, la contractualisation est obligatoire. C'est dans ce secteur que la question du prix rémunérateur se pose d'une manière profondément aiguë pour le paysan. C'est là que les exploitations tombent comme à Gravelotte. C'est là aussi, même si ce n'est pas une triste exclusivité, que la détresse morale prospère et que la ruralité ploie sous les coups.
Vous êtes normand, monsieur le ministre, et vous savez que pour près de 95 % des producteurs de lait de vache, les débouchés dépendent d'une grande enseigne ou d'une grande entreprise de transformation. Nous devons réfléchir à cela. La suppression des quotas laitiers au mitan des années quatre-vingts, la politique libérale à l'échelle européenne ont mis le feu à nos campagnes.
Maintenant, nous voici contraints, avec cet article et quelques autres, à mettre en place des rustines ! La médiation, en effet, reste une rustine si l'on considère que l'agriculture n'est pas une activité tout à fait comme une autre et, à ce titre, doit être préservée de la logique du tout profit : 1 200 litiges ou désaccords traités par le médiateur des relations commerciales agricoles depuis 2010 dans le secteur laitier pour un total de 1 500 dossiers traités par la médiation agricole toutes filières confondues ; un taux de réussite de 30 % pour les médiations collectives, qui constituent l'essentiel des affaires… Compte tenu de ces chiffres, la médiation est donc bien une rustine mais en l'état actuel du fonctionnement de la chaîne de production, du producteur au distributeur, elle est cependant nécessaire et même indispensable.
À travers différents amendements, nous allons proposer de renforcer l'efficacité de la médiation au bénéfice des producteurs. Il est en effet indispensable que le constat du médiateur – abus, déséquilibre flagrant – permette in fine au juge d'arbitrer dans les litiges commerciaux. Le médiateur doit pouvoir saisir le juge des référés, ses analyses et ses observations ayant d'une certaine manière une valeur juridique lors du recours devant le tribunal. Si le médiateur des relations agricoles n'a que les yeux pour pleurer, à quoi sert-il ?
De la même manière, il est indispensable que le règlement par la médiation n'entraîne pas l'arrêt de la collecte de lait, alors que tel est le cas aujourd'hui : c'est ainsi que le producteur victime d'une injustice subit d'une certaine manière la double peine lorsqu'il cherche à obtenir réparation. Cette deuxième injustice peut d'ailleurs lui être fatale, comme nous le constatons dans nombre de nos territoires.
Je reste encore un peu naïf, monsieur le ministre, quant aux chances qu'auront nos amendements de prospérer mais j'espère que la façon dont ils appréhendent cette situation, leur connexion avec la réalité concrète que je viens d'évoquer rapidement leur permettra de venir muscler cette loi dans le domaine de la médiation.
Cet article 4 vise à renforcer la médiation agricole et les pouvoirs du médiateur qui, bien sûr, doivent être effectifs en cas de litige. Le médiateur doit pouvoir dénoncer le caractère abusif ou déséquilibré d'une relation commerciale et d'un contrat mais il doit aussi pouvoir saisir le juge en référé, comme l'a souligné Fabrice Brun, afin qu'il traite le litige sur la base de ses recommandations – ce que nous proposons par amendement.
En cas de blocage, il doit pouvoir recourir au « name and shame » – expression que je n'aime guère – qui lui permet de rendre publique l'identité des entreprises qui ne respecteraient pas la réglementation sur les relations commerciales. Il doit pouvoir le faire sans être lié par l'avis préalable des parties.
Nous sommes dans la lignée de la loi Sapin II : on améliore, on crante un petit peu plus haut, on précise, on augmente les sanctions.
Première étape : la fabrique du prix à partir des coûts de production, d'un écrit des producteurs. Deuxième étape : des sanctions pour ceux qui ne respecteraient pas le contrat.
Le problème, c'est que nous sommes en train de regarder sous le lampadaire parce que c'est le seul endroit où il y a de la lumière : en réalité, il y a des tas d'endroits où il n'existe pas d'organisations de producteurs ! Et même s'il y en a, s'il y a des capacités à sanctionner et à mieux organiser la contractualisation, il n'y aura pas de contrat – parce qu'il y aura des rapports léonins, parce que c'est la loi du marché, la loi du plus fort. Et en cas de rapport léonin, inéquitable, il n'y a pas d'arbitre, il y a un médiateur.
Nous disons cela simplement, humblement, parce que nous reconnaissons que nous-mêmes, sur ces bancs, il y a deux ans, n'avions pas trouvé la solution. On ne peut pas basculer dans un système où l'État aurait la responsabilité de fixer les prix, mais on ne peut pas non plus rester dans un système où tout resterait régi par loi du marché. Nous sommes donc à la recherche d'un chemin étroit, difficile, et cet article est sans doute l'un des plus importants de ce projet de loi. En fonction de ce que nous voterons ici, elle sera efficiente ou elle ne sera qu'une promesse non tenue.
Nous avons deux propositions à vous faire. Premièrement, nous proposons de renforcer les pouvoirs du médiateur, afin qu'il puisse faire des analyses ex post en continu sur les effets des bonnes et des mauvaises contractualisations. Il faut donner au médiateur une capacité d'analyse, de prospective et de proposition. Il faut l'armer, lui donner des moyens supplémentaires.
Deuxièmement, et dans une logique de dialogue – parce que nous n'avons aucune leçon à donner dans la mesure où nous ne l'avons pas fait il y a deux ans – nous proposons la création d'une commission d'arbitrage réunissant la puissance publique et les parties prenantes, qui serait chargée de trancher, de dénoncer les accords iniques et inacceptables et d'en proposer d'autres qui soient acceptables pour toutes les parties prenantes.
Telles sont nos propositions, telle est notre démarche, faite à la fois d'une très grande lucidité sur les limites de l'exercice et d'une volonté d'avancer à vos côtés.
Je ne pourrai pas participer à l'examen des amendements à venir car je vais devoir m'absenter quelque temps, mais je tenais quand même à vous alerter sur deux points.
D'abord, si nous voulons une politique agricole courageuse et ambitieuse pour la filière, il faut avoir le courage, lorsque la médiation échoue, d'organiser le recours au contentieux.
Ensuite, et je l'ai déjà dit hier, l'amendement no 1771 de M. le rapporteur risque d'affaiblir le médiateur, puisqu'il précise que le médiateur pourra publier ses conclusions, ses rapports ou ses recommandations « sous réserve de l'accord préalable des parties ». Il est facile d'imaginer ce qui va se passer : un groupe comme Lactalis, par exemple, exercera toute la pression nécessaire sur le médiateur pour que celui-ci ne publie rien.
Si nous voulons être courageux et ambitieux pour la filière, il faut que le médiateur ait un vrai pouvoir, qu'il puisse réellement remplir sa mission de médiation, qu'il soit effectivement l'arbitre des relations entre les deux acteurs pour qu'en cas de match, aucune des deux équipes ne reçoive une pénalité.
L'objet de cet article est de renforcer le rôle et l'effectivité de la médiation agricole. Le médiateur des relations commerciales agricoles a pour mission, en tant que tiers impartial et indépendant, de faciliter le dialogue au sein de la chaîne alimentaire par le biais de la résolution de litiges à l'amiable, en émettant des recommandations. Depuis sa mise en place en 2010, ses missions et ses moyens ont été progressivement renforcés. Le recours à la médiation préalablement à la saisine d'un juge a été rendu obligatoire pour tout conflit portant sur l'exécution d'un contrat ou pour tout différend portant sur la renégociation du prix en cas de fluctuation des prix.
En revanche, en l'état actuel du droit, le médiateur n'est pas en mesure de s'autosaisir. Or, dans la pratique, il a été constaté que les parties sollicitent régulièrement le médiateur et ont moins recours au juge de droit commun pour trancher leurs différends. Depuis sa création, 95 % des médiations conduites à la suite de saisines individuelles ont abouti à un accord entre les parties.
Le projet de loi initial donne au médiateur la faculté de s'autosaisir, afin d'émettre un avis sur toute question transversale et d'obtenir des parties la communication de tout document nécessaire à la médiation. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que la médiation devienne un préalable obligatoire à l'éventuelle saisine d'un juge, tout en limitant cette mission à une durée maximale d'un mois pour accroître l'effectivité du dispositif.
Il faut souligner que l'examen en commission a élargi les missions du médiateur, qui pourra désormais recommander la suppression ou la modification d'un contrat ou d'un accord-cadre qu'il estime non-conforme. Il aura aussi la possibilité, à sa seule initiative, de rendre publiques ses conclusions et ses recommandations en termes de médiation. Enfin, la durée de la médiation, fixée à un mois, pourra être renouvelée une fois, sous réserve de l'accord préalable de chacune des parties.
Le projet de loi, tel que modifié par la commission saisie au fond, renforce donc encore davantage le rôle du médiateur, dans le but de servir l'intérêt général du texte, qui est de rééquilibrer les relations commerciales dans le secteur agricole.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est évident que tout le monde attend ce projet de loi sur l'agriculture et qu'il est vital pour la profession. Mais il ne sera viable que si l'article 1er est bien ficelé. Or, l'article 4 dont nous entamons l'examen doit justement permettre de renforcer l'article 1er qui concerne les contrats et les accords-cadres.
La médiation est essentielle. Le contentieux prend du temps, et il importe de pouvoir recourir à la médiation avant de s'engager dans cette voie. La médiation doit être la plus efficace possible, et il faut lui donner les moyens de cette efficacité. J'espère donc que les amendements que nous avons déposés en ce sens seront adoptés.
Je voudrais apporter quelques réponses aux questions qui ont été posées.
Monsieur Jumel, il est vrai que c'est dans le secteur laitier que les recours à la médiation ont été les plus nombreux, car c'est dans ce secteur que la contractualisation a été rendue obligatoire. Pour mémoire, la contractualisation ne représente que 2 % du secteur bovin. Or, sans contractualisation, il n'y a pas de médiation possible.
Nous devons renforcer la médiation en cas d'échec. C'est pour cette raison que nous donnerons un avis favorable à l'amendement qui permet au médiateur des relations commerciales de saisir le ministre de l'économie. Nous travaillerons également avec la chancellerie pour améliorer les procédures judiciaires. Enfin, je tiens à dire qu'il n'est pas vrai que la médiation signe l'arrêt de la collecte : si le contrat est toujours en vigueur, il s'applique ; et s'il a été rompu, des sanctions peuvent s'appliquer.
Monsieur Potier, le projet de loi propose une médiation plus courte et offre au médiateur des moyens accrus pour obtenir les informations dont il aura besoin. Celui-ci pourra par ailleurs publier des recommandations et des avis.
Enfin, monsieur Dive, un médiateur n'est pas un arbitre : sa mission est de trouver des solutions et d'amener les parties à un consensus.
Voilà les précisions que je voulais vous donner avant d'entamer l'examen des amendements.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Gérard Menuel, pour soutenir l'amendement no 460 .
Cet amendement vise à clarifier le champ de compétences du médiateur s'agissant notamment de la livraison qui procède du contrat d'apport spécifique au droit coopératif. Il s'agit de mettre fin aux imprécisions actuelles.
Un tel champ de compétences ne concerne pas seulement les coopératives : de nombreux litiges ont trait à la livraison des produits.
Il n'est pas du tout dans mon intention de limiter l'action du médiateur mais, au contraire, de la renforcer. La question de l'articulation de l'action du médiateur des relations commerciales avec celle du médiateur de la coopération agricole fera l'objet de l'article 8. Le 3° de cet article prévoit en effet de « modifier les conditions de nomination et d'intervention du médiateur de la coopération agricole pour assurer son indépendance et sa bonne coordination avec le médiateur des relations contractuelles agricoles ».
Il s'agit également de prévoir une meilleure articulation avec le médiateur des relations commerciales agricoles, en renvoyant les litiges relatifs aux éléments du contrat d'apport passé entre un associé coopérateur et sa coopérative, portant en particulier sur les prix et volumes, au médiateur des relations commerciales agricoles, dans le respect du droit coopératif. Cela implique une analyse croisée des deux médiateurs, pour s'assurer que les effets miroir de la contractualisation et le droit coopératif sont respectés, de manière à assurer une cohérence d'ensemble sur toutes ces questions. Avis défavorable.
L'amendement no 460 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1771 .
Cet amendement a pour objet d'étendre le champ des questions sur lesquelles le médiateur peut communiquer.
J'ai bien entendu l'interrogation que Julien Dive a formulée tout à l'heure. Il est vrai que j'avais d'abord déposé un amendement permettant le name and shame pour l'ensemble des actions du médiateur. Mais, après avoir échangé avec ses services et les différentes parties prenantes, j'ai pris conscience qu'il fallait le modifier un peu : en autorisant un usage systématique du name and shame, nous risquions tout simplement de détruire l'ensemble de la médiation.
En effet, si les parties prenantes au contrat n'ont plus confiance dans la médiation, elles risquent de ne plus y avoir recours. Et, étant donné le rapport de forces, les fournisseurs n'intenteront pas de procès à la grande distribution, ni le producteur à son premier acheteur, par crainte d'un déréférencement, d'une rupture de contrat. In fine, il n'y aura ni médiation, ni procédure civile, ce qui laissera les producteurs dans une situation pire que celle qu'ils connaissent actuellement. C'est parce que j'ai tenu compte de ces observations que je vous propose cet amendement no 1771 .
Avis favorable.
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas du tout le sens de votre amendement, pas plus que vos explications.
Cet amendement est tout à fait contraire à l'objectif que nous défendons tous, qui est de donner plus de pouvoir au médiateur. Il affaiblit le médiateur, puisqu'il faudra désormais que les deux parties soient d'accord pour utiliser le fameux « désigne et dénonce ». Or vous nous avez expliqué il y a deux jours que cette procédure pouvait être très utile pour faire aboutir une négociation.
Je ne comprends donc pas du tout le sens de votre amendement. Il est évident que si les conclusions du médiateur risquent de nuire à l'image de l'une des deux parties et surtout, disons-le, à celle qui est en position dominante, elles ne seront jamais publiées. Je pense donc que vous commettez une erreur en revenant sur la rédaction de cet alinéa, qui était plutôt bien rédigé au départ.
Comment mon collègue vient de le dire, cet amendement dépossède le médiateur de son pouvoir. Si on ne lui permet pas, à un moment donné, de pointer du doigt le caractère déséquilibré de la relation commerciale, la médiation n'a pas grand intérêt. Il faut qu'à l'issue de celle-ci, et s'il y a une situation de blocage, le médiateur puisse user de ce pouvoir.
La médiation a un intérêt certain, puisqu'elle permet au médiateur, au terme d'une concertation et après s'être fait communiquer les éléments du dossier, de trouver une issue au litige. Mais il faut donner des moyens importants au médiateur, sans quoi ce dispositif est voué à l'échec, compte tenu du déséquilibre qui existe entre les parties.
L'objectif de la loi, du reste, est bien de protéger l'agriculteur, qui se trouve aujourd'hui dans une situation déséquilibrée face à la grande distribution. Si nous ne donnons pas les moyens au médiateur de communiquer ses conclusions même sans avoir l'aval des deux parties, nous n'allons pas jusqu'au bout de la logique et nous ne protégeons pas suffisamment l'agriculteur. On peut en effet supposer que, dans bien des cas, la grande distribution, l'industriel ne donnera pas son accord, ce qui voue ce dispositif à l'échec.
Je pense vraiment qu'il s'agit là d'un très mauvais amendement, monsieur le rapporteur, je suis désolée de vous le dire, parce que vous n'allez pas au bout de la logique qui permettrait de vraiment protéger l'agriculteur.
Comprenons-nous bien : l'ensemble de cet article renforce le pouvoir du médiateur. Il ne contient pas que le name and shame, mais d'autres éléments aussi.
Justement : si l'on met en place le name and shame, il est certain que les industriels agroalimentaires et les grands distributeurs refuseront la médiation dès le départ. Il n'y aura donc pas de médiation, et l'agriculteur sera encore plus en difficulté. Cela déstabilisera complètement le processus de la médiation.
Le but de cet article est justement de renforcer la médiation, de la rendre la plus systématique possible. Or, en imposant trop de contraintes, notamment par le biais d'un name and shame systématique, vous décrédibiliserez complètement le travail du médiateur : il n'aura plus rien à faire et vous n'aurez pas de procédure pour autant, puisqu'il n'en existe déjà pas actuellement !
Le but de cet article est bien de faire en sorte qu'il y ait le plus de médiation possible et que l'ensemble des parties y aient recours de façon quasi systématique. Plus vous imposerez de contraintes dans la médiation, moins vous aurez de médiation.
Monsieur le rapporteur, nous entendons bien votre dernier argument mais comment voulez-vous que l'amendement, tel que vous l'avez rédigé, soit applicable ? Si l'on demande aux parties d'un conflit, en pleine médiation, si elles sont l'une et l'autre d'accord pour le name and shame, vous pouvez être certain qu'au moins l'une d'elles ne sera pas d'accord ! Cela annihile donc complètement le dispositif. L'amendement est circulaire : il crée quelque chose qu'il détruit à la fin de la phrase. Vous ne pouvez pas nous demander à nous, parlementaires, de le voter comme si cela pouvait renforcer le poids du médiateur !
Tout d'abord, un point de méthode : je suis toujours frappé par la multiplication des anglicismes dans cet hémicycle. Je sais bien que cela fait très moderne, mais je suis attaché au fait que la loi doit être rédigée en français et que nos débats doivent se tenir en français, de manière à ce que tout le monde puisse les comprendre.
Et si le fameux name and shame se traduit par « nommer et dénoncer », nous voyons bien qu'il s'agit ici plutôt de « nommer et renoncer ». Dans les faits, lorsque votre médiateur voudra dire quelque chose, évidemment le groupe de grande distribution ne sera pas d'accord et par conséquent vous ne nommerez rien du tout. Tout cela ne sert donc strictement à rien : il n'y aura pas de procédure de désignation.
Personne n'a envie d'être désigné ! Mais pour la grande distribution, il vaut tout de même mieux être désignée du doigt par le médiateur que de subir certains scandales, comme ceux qui ont pu frapper l'industrie alimentaire, ou encore d'être condamnée par des décisions de justice qui, elles, sont publiques et donnent lieu à certaines informations sur les pratiques. À un moment, il faut surtout choisir à quel moment on est désigné, et il vaut mieux le faire en amont et avec un médiateur.
Pour cette raison, je ne voterai pas votre amendement. Ce qu'il crée, c'est un kiwi : un oiseau avec de petites ailes – trop petites pour voler.
Je veux tout d'abord saluer l'intervention de M. Aubert sur la francisation de l'expression : je vous confirme qu'un certain nombre de nos concitoyens ne comprennent pas ces anglicismes. Cela aurait du sens.
Je veux ensuite vous faire part d'un questionnement. J'entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur, sur le caractère dissuasif du dispositif, qui empêcherait le recours à la médiation. Mais, dans la plupart des cas, le producteur peut lui aussi craindre cet aspect ! Si le producteur dénonce un transformateur peu scrupuleux, d'autres transformateurs n'auront peut-être pas envie de faire appel à ce producteur ; cela vaut donc dans les deux sens.
Je m'interroge, et je n'arrive pas à peser le pour et le contre de cette disposition. Peut-être est-ce avant tout au médiateur de juger s'il doit utiliser cette procédure ou non ? J'ai donc des interrogations sur ce sujet et j'aimerais progresser dans la réflexion.
Il faut ramener les choses à leur juste proportion : le « nommer et dénoncer », dit name and shame, a été voté à l'article 2. C'est l'article 2 qui prévoit les sanctions, et le « nommer et dénoncer » est une sanction.
Dénoncer une entreprise ou l'un des contractants qui se comporte mal – il a refusé un contrat, les raisons pour lesquelles il a refusé de contractualiser semblent mettre en danger une filière, des modes de production ou des groupes d'agriculteurs… – cela n'est jamais bon en termes d'image : vous savez comment cela se passe et à quelle vitesse cela peut aller, notamment sur les réseaux sociaux. Nous avons donc prévu cette sanction à l'article 2 : c'est cela qui aura de l'impact, tout en préservant l'exercice de la médiation.
Au départ, il est vrai que nous avions prévu de placer cette sanction à l'intérieur du volet médiation. Mais nous nous sommes très vite aperçus, en discutant avec le médiateur des relations commerciales, que si vous faites peser cette menace sur le cours de la médiation, les deux parties ne seront jamais d'accord : il y aura toujours une partie pour refuser la médiation, alors que celle-ci est absolument essentielle.
Le principe même de la médiation est d'éviter de « nommer et dénoncer ». La publicité de la recommandation vaut surtout pour les avis transversaux sur une filière, lorsqu'ils sont sollicités dans le cadre de la création d'indicateurs pour les interprofessions. Cela sera proposé tout à l'heure dans un amendement. Il faut pouvoir conserver la confidentialité.
Un exemple : nous avons signé, le 14 novembre dernier, la charte sur les négociations commerciales demandant aux différents opérateurs de respecter des comportements d'achat éthiques et responsables. Nous avons saisi le médiateur des relations commerciales pour vérifier si la contractualisation, les achats se faisaient dans les termes qui avaient été définis par la charte signée le 14 novembre. Et nous avons pu rendre cela public, car c'est le ministère qui avait saisi le médiateur des relations commerciales.
Mais lorsque nous avons affaire à deux parties – un producteur ou une organisation de producteurs, d'une part, et une entreprise de transformation ou un distributeur d'autre part – nous sommes dans la relation contractuelle. Or, dans la relation contractuelle, nous avons besoin de préserver une certaine confidentialité dans le travail mené par la médiation, pour qu'elle puisse aller à son terme et pour que le médiateur – je l'ai rappelé tout à l'heure en présentant l'article 3 – puisse faire son travail, non pas de sanction mais de recherche du consensus nécessaire pour mettre d'accord les deux parties.
Je tiens à préciser que le dispositif que je propose dans l'amendement no 1771 sera complété par un certain nombre d'amendements qui seront examinés un peu plus tard et qui permettront au médiateur de saisir le ministre de l'économie qui, lui-même, pourra saisir directement un juge quand il estimera que les éléments sont suffisants. Ce n'est donc pas le seul dispositif renforçant le pouvoir du médiateur : d'autres seront étudiés dans la suite de l'article.
Sur l'amendement no 1771 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Yves Bony.
Monsieur le rapporteur, il me semble que vous opérez une véritable marche arrière par rapport à la position de la commission des affaires économiques. En effet, votre amendement vide cet article de tout son sens. Demander que les deux parties soient d'accord dans la médiation, c'est mettre le producteur encore plus bas ! C'est inévitable ! Si vous montrez du doigt un groupement qui a fauté, il ne voudra pas que les conclusions du médiateur soient rendues publiques, cela me paraît d'une logique absolue !
Je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre la commission des affaires économiques et la présente séance mais cela pose un gros problème, d'autant que vous êtes vous-même à l'origine de la rédaction adoptée en commission. Je ne comprends donc vraiment pas cette marche arrière.
Monsieur le ministre, vous nous dites que vous avez fait le job en inscrivant dans l'article 2 le name and shame comme sanction. C'est ubuesque : celui qui va se faire sanctionner doit donner son accord pour l'être ! Ils ne seront pas nombreux à accepter !
En revanche, j'entends l'argument de M. le rapporteur selon lequel cela pourrait dissuader les parties d'aller à la médiation. Mais ceux qui refusent d'y aller seront peut-être tout autant couverts de honte que ceux obligés d'aller à la médiation !
Dernier point : cette procédure n'est pas automatique. C'est bien le médiateur qui la déclenche, éventuellement, si la médiation se déroule mal. Bref, nous sommes en train d'enlever des pouvoirs à ce médiateur qui pourtant a besoin d'être renforcé et de voir son autorité reconnue. Cet amendement met réellement en danger la médiation, ce qui est un tort. La version initiale était beaucoup plus intelligente.
Je suis également surpris par la portée de cet amendement. Nous voulons renforcer, légitimer la médiation. Pour qu'il y ait médiation, il faut que les deux parties reconnaissent la nature du litige, la portée du préjudice, permettant ainsi au médiateur de conclure la médiation. Mais subordonner la communication du médiateur à l'accord préalable des deux parties, c'est priver le médiateur de ses prérogatives de libre arbitre, de libre appréciation. Peut-être les explications que vous allez nous donner nous feront-elles changer d'avis, mais je ne comprends pas la nature de cet amendement, qui vise à obtenir l'accord préalable des deux parties avant que le médiateur ne publie son avis ou ses recommandations.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 99 |
Nombre de suffrages exprimés | 96 |
Majorité absolue | 49 |
Pour l'adoption | 64 |
contre | 32 |
L'amendement no 1771 est adopté.
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l'amendement no 2515 .
Le présent amendement a pour objet de permettre la saisine du médiateur, sur demande conjointe du ministre de l'agriculture et du ministre de l'économie, pour mener une investigation sur un sujet donné, pour donner du poids politique au médiateur.
Nous avons passé tout le titre Ier à vouloir confier des missions qu'il n'avait pas à l'Observatoire de formation des prix et des marges. Pour le coup, cette mission-là est plutôt de son ressort, en application de l'article L. 682-1 du code rural.
L'Observatoire de formation des prix et des marges étudie les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l'ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. Il examine en outre la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Monsieur Turquois, le médiateur peut déjà, sur demande conjointe des ministres en charge de l'économie et de l'agriculture, émettre des recommandations sur les modalités de partage équitable de la valeur ajoutée entre les étapes de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles et alimentaires. Cela va donc au-delà de la demande que vous formulez ici. Je considère que l'amendement est satisfait et vous demande le retrait. À défaut, j'y serais défavorable.
L'amendement no 2515 est retiré.
La parole est à Mme Liliana Tanguy, pour soutenir l'amendement no 2235 .
Comme l'ont évoqué tout à l'heure M. le ministre et M. le rapporteur, cet amendement a pour objet de donner la possibilité au médiateur de saisir le ministre chargé de l'économie s'il considère illicite une clause d'un contrat ou d'un accord-cadre. Le ministre pourra ainsi introduire une action en justice en vue de faire constater la nullité de la disposition en cause par la juridiction compétente. En rendant possible cette saisine, l'amendement permettrait donc d'accroître la protection des droits des parties et par voie de conséquence l'effectivité de la médiation.
Par ailleurs, l'amendement garantit aux parties le respect du principe de confidentialité, la communication des résultats d'une médiation ne pouvant intervenir que sous réserve de leur accord. En effet, l'article 21-3 de la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative disposant que « Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité », il n'est nul besoin de prévoir expressément que cet article 21-3 ne s'applique pas si les parties sont d'accord pour dévoiler les résultats de la médiation.
Cet amendement renforce les pouvoirs du médiateur puisque celui-ci pourrait saisir directement le ministre de l'économie. Cela complétera bien la palette des possibilités dont il dispose pour dénoncer les clauses abusives. Avis favorable.
Favorable.
Le groupe GDR va voter cet amendement, mais je tiens à souligner le parti pris d'En marche de ne réserver un sort favorable qu'à ses propres amendements.
Quand nous avons voulu renforcer les prérogatives de la DGCCRF en cas de contrat illicite, il nous a été rétorqué que cela encombrerait ses services, que les moyens humains étaient insuffisants, qu'il faudrait leur permettre d'avoir des prérogatives de terrain...
Vous ne pensez pas que c'est le ministre intuitu personae, Bruno Le Maire lui-même, qui va contrôler la licéité des contrats ! Il va bien sûr faire appel à ses services, notamment à ceux qui ont en charge le contrôle du respect des règles concernant la concurrence et les prix. Bref, avec cet amendement, vous renvoyez aux services de Bruno Le Maire…
Non, au juge !
… cette charge nouvelle alors que vous avez refusé les nôtres hier qui allaient dans le même sens.
Je mets En marche en face de ses contradictions : à force de marcher de travers, vous finissez, chers collègues, par vous mettre les pieds dans le tapis.
L'amendement no 2235 est adopté.
La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l'amendement no 2268 .
Dans le même esprit que l'amendement précédent, il s'agit à la fois de donner un vrai rôle au médiateur et de renforcer l'effectivité de la fixation des indicateurs prévus à l'article 1er du projet de loi. La volonté exprimée par le Président de la République, lors de son discours à Rungis, était de responsabiliser les interprofessions. Ainsi, elles doivent se saisir des problèmes, créer un dialogue entre les différentes parties et aboutir à des indicateurs de prix… Fort bien, mais en cas d'échec au sein des interprofessions, que se passe-t-il ? Rien n'est prévu. Aussi cet amendement vise-t-il à permettre au médiateur de recommander des indicateurs aux interprofessions.
L'amendement no 2268 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Monsieur le ministre, après vous avoir bien écouté tout à l'heure, je pense que serez favorable à ces amendements.
L'amendement no 2483 vise, après l'alinéa 7, à prévoir la possibilité d'un rapport du médiateur sur l'impact de l'évaluation de la contractualisation pour les agriculteurs. Le no 2484 va dans le même sens. Ce serait un moyen de donner plus de pouvoir au médiateur des relations commerciales et de tirer expérience et leçon de ses analyses sur les effets de la contractualisation. Nous pourrions ainsi évaluer les dispositifs que nous sommes en train de voter en faveur de l'agriculture et en contrôler les effets.
Les deux amendements sont satisfaits. Je précise, s'agissant du no 2483, que l'alinéa 4 de l'article L. 631-27 du code rural et de la pêche prévoit déjà que le médiateur puisse « émettre un avis sur toute question transversale relative aux relations contractuelles, à la demande d'une organisation interprofessionnelle ou d'une organisation professionnelle ou syndicale ». Le projet de loi propose de compléter cette phrase par « ou de sa propre initiative ». À défaut de retrait, l'avis serait défavorable.
Ces amendements sont déjà satisfaits. L'avis est défavorable, madame Battistel.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j'entends bien vos remarques mais l'amendement no 2483 propose que le médiateur établisse un rapport. Je ne pense pas qu'il soit satisfait.
Je me permets d'apporter un appui particulier à cet amendement no 2483 parce que je crois qu'il correspond à ce que vous aviez demandé, monsieur le ministre. Il prévoit un rapport qui permettrait de faire une évaluation de l'impact de la contractualisation. Il me semble que vous l'aviez évoqué dans une intervention publique. Nous sommes donc surpris que vous lui donniez un avis défavorable alors qu'il reflète, même si c'est de manière peut-être imparfaite, votre objectif.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 608 .
Pour que la médiation fonctionne, il faut que le médiateur ait des moyens. C'est un point très important, et je regrette que l'amendement no 1771 ait été adopté parce qu'il affaiblit les pouvoirs du médiateur.
Il est proposé ici de prévoir que le médiateur puisse s'appuyer sur d'autres personnes, en l'espèce confier la résolution de litiges à d'autres médiateurs, laissant à un décret le soin d'en préciser les modalités. Il peut en effet y avoir des situations très complexes découlant des contrats, qui justifient de donner des moyens supplémentaires à la médiation. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre : ce serait bien que la médiation fonctionne. Mais encore faut-il lui en donner les moyens.
Cet amendement consolide l'action du médiateur des relations commerciales, contrairement à cet amendement no 1771 qui en affaiblit les prérogatives. Et puis je voudrais m'associer aux propos de Julien Aubert pour à mon tour nommer et dénoncer la formule name and shame : je pense que la langue française est suffisamment riche sans avoir à recourir à celle de Shakespeare.
Tout à fait d'accord, mon cher collègue. Que chacun respecte cette prescription d'évidence.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Avec ces amendements, vous faites le contraire de ce que vous souhaitez, mes chers collègues : vous affaiblissez les fonctions du médiateur en lui adjoignant des médiateurs internes aux entreprises et qui, de ce fait, sont à la fois juges et parties.
On constate depuis 2015 le développement des médiateurs internes aux enseignes et aux centrales d'achat de distribution. Cette procédure n'est ni obligatoire ni contraignante pour les parties au contrat, mais ces médiateurs exercent le même rôle que le médiateur des relations commerciales agricoles : la recherche d'une solution amiable aux litiges commerciaux survenus à l'occasion de la fourniture de produits alimentaires aux enseignes. Sept médiateurs internes aux enseignes de distribution ont ainsi été mis en place depuis trois ans : sur les soixante litiges relatifs aux relations entre fournisseur et distributeur, quarante-cinq ont été traités par eux, sous le contrôle du médiateur des relations commerciales agricoles.
Quant à la médiation pour la coopération agricole, elle est l'objet du 3° de l'habilitation à légiférer par ordonnances prévue à l'article 8. La commission a demandé une meilleure articulation avec le médiateur des relations commerciales agricoles en renvoyant les litiges relatifs aux éléments de contrats d'apport passés entre un associé-coopérateur et sa coopérative, en particulier les éléments portant sur les prix des volumes, à ce dernier, dans le respect du droit coopératif.
Par ces amendements, je le répète, vous confiez aux médiateurs internes aux entreprises, qui sont juges et parties, des missions normalement inhérentes au médiateur des relations commerciales agricoles. Avis défavorable.
Défavorable pour les mêmes raisons.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1175 .
L'amendement no 1175 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Défavorable.
L'amendement no 1876 est retiré.
Cet amendement vise à se prémunir contre un effet collatéral, notamment pour les producteurs laitiers, du système mis en place dans les articles précédents s'agissant de la formation du prix et de la négociation. Il ne faudrait qu'en cas de blocage de la négociation et donc de la contractualisation, la collecte puisse être interrompue : cela aurait bien entendu des conséquences dramatiques pour les producteurs, qui seraient conduits à jeter leur lait.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2204 .
Nous connaissons tous des situations dramatiques, dans lesquelles les hommes comme les territoires sont laminés, et nous savons tous aussi que la dérégulation du marché favorise toujours les plus forts contre le plus faibles.
Sans revenir sur les arguments développés précédemment, je dirai que notre amendement poursuit un objectif clair : mettre fin aux pratiques de chantage à la collecte, notamment pour le lait, en faisant en sorte que celle-ci se poursuive lorsque la négociation n'aboutit pas. L'inversion du mécanisme de construction des prix comporte un risque spécifique au secteur laitier : la crainte de ne pas être collectés piège les producteurs dans leurs négociations, la collecte devenant un outil de pression supplémentaire pour les industriels, sans aucune considération des situations humaines souvent difficiles.
C'est le syndrome des petits chefs : songeons, par exemple, aux pratiques de Lactalis. Il s'agit donc, à travers cet amendement, de faire en sorte qu'en cas d'échec de la médiation et des négociations, la collecte puisse se poursuivre.
La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l'amendement identique no 2557 .
Cet amendement vise non seulement le secteur du lait, qui ne se conserve effectivement que quelques jours, mais également d'autres denrées périssables comme les fruits, dont la durée de conservation est également assez courte. L'idée est qu'au cours des négociations commerciales, l'acheteur ne puisse faire pression sur les vendeurs en leur disant : « demain on arrête », ce qui serait évidemment assez catastrophique. Je rejoins donc l'argumentation de mes collègues.
La parole est à M. Richard Ramos, pour soutenir l'amendement identique no 2516 .
Je vais évidemment dire la même chose que nos collègues Paul Molac et Sébastien Jumel. Peut-être que certains de nos collègues ne le savent pas, mais une vache produit du lait tous les jours.
Sourires.
Avec l'arrêt de la collecte, c'est une pression quotidienne qu'on exerce sur le producteur.
En effet, cela est déjà arrivé, un collecteur peut, du jour au lendemain, dire à un producteur que vu leur désaccord, il arrête la collecte de son lait. Et du jour au lendemain, ce n'est même plus en état de faiblesse que se retrouve ce producteur, mais en état de mort.
Ces amendements, émanant de tous les bancs, sont de bon sens : on ne peut pas laisser le plus fort mettre la pression sur le plus faible. Il est de notre devoir, dans cet hémicycle, de défendre les plus faibles. Voter ces amendements, c'est évidemment défendre nos producteurs qui sont en l'espèce le pot de terre contre le pot de fer.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, FI et GDR.
Je comprends, bien évidemment, l'ensemble des inquiétudes qui se sont exprimées, mais, comme l'a dit le ministre tout à l'heure, tant qu'il n'est pas réformé ou rompu, un contrat lie les deux parties, sans quoi les cocontractants, le livré comme le livreur, s'exposent à des sanctions.
Dans le cas de produits périssables, la médiation n'entraîne absolument pas l'arrêt de la collecte. En cas d'arrêt, le livré peut être très sévèrement condamné par la DGCCRF : il lui est d'ores et déjà absolument interdit de suspendre l'application du contrat le temps de la médiation. La commission est donc défavorable à ces amendements.
Merci tout d'abord à M. Ramos de nous avoir rassurés sur le fait que les vaches produisent bien du lait, et non pas de la poudre ou des briques déjà conditionnées !
Sourires.
Plus sérieusement, la pédagogie étant l'art de la répétition, je redis, comme je l'ai dit tout à l'heure et comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, qu'il ne peut y avoir d'arrêt de la collecte en cas de litige. Tant que le litige n'est pas tranché, le transformateur ne peut pas interrompre la collecte chez le producteur. Celui-ci pourra donc plus facilement saisir le médiateur, puisqu'il ne courra pas le risque de voir la collecte interrompue pendant que le médiateur travaillera à trouver un consensus entre les deux parties.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements. Bien évidemment, nous souhaitons protéger les producteurs, notamment lorsqu'ils rencontrent des difficultés dans ce type de situation – j'ai bien entendu ce qu'a dit M. Jumel. Mais, dans cadre-là, il ne peut y avoir d'arrêt de la collecte : c'est bien ce que nous souhaitions, afin précisément de faciliter et de simplifier le recours à la médiation.
Dans la réalité des territoires – je sais que vous la connaissez parfaitement, monsieur le ministre – , le lien de subordination entre les producteurs et les acheteurs, la situation d'infériorité dans laquelle se trouvent les premiers face aux seconds – dans certaines régions, il n'y a qu'un seul acheteur face à une multitude de producteurs – rendent difficile, voire impossible, à un producteur, même victime, d'aller devant le juge en vue d'obtenir réparation, ou même d'oser défier « le gros » en s'engageant dans une médiation. La pression que fait peser la menace d'un arrêt de la collecte est insurmontable, notamment quand il s'agit de denrées périssables.
Je demande au gouvernement d'être cohérent avec la posture qui est la sienne dans d'autres champs. Je pense notamment à celui du dialogue social où dans la dernière loi travail, il cherchait à éviter les contentieux et à favoriser le rapprochement des points de vue. Mais ici, vous faites l'inverse, monsieur le ministre.
Ces amendements, soutenus sur de nombreux bancs de cette assemblée, sont de bon sens Vous avez l'occasion, monsieur le ministre de l'agriculture, vous qui êtes normand, d'envoyer pour pas grand-chose un signe aux producteurs de lait : je vous invite donc à le faire.
Monsieur le ministre, dans cette discussion, nous voulons renforcer par la loi la position des plus faibles. Nous ne sommes pas naïfs : nous savons très bien que même si le droit stricto sensu n'autorise pas ce genre de pratique, la menace, pour ne pas dire le chantage, qui s'exerce dans le cas de figure que nous visons existe bel et bien entre le producteur et le transformateur, comme elle existe d'ailleurs entre le transformateur et le distributeur.
Je ne citerai pas ici de cas précis, par respect des règles éthiques qui veulent que l'on ne cite pas d'enseignes, mais les grandes et moyennes surfaces – ce que l'on appelle la GMS – ne reculent pas devant les grands groupes, notamment laitiers, et, lorsque la négociation sur les prix est bloquée, n'hésitent pas à déréférencer manu militari quantités de leurs produits, et ce en dépit de toutes les injonctions légales. N'ayons donc pas la naïveté de croire ici que les producteurs sont protégés face à leurs acheteurs lorsque la négociation se grippe. Ces amendements, dont je constate à mon tour qu'ils sont soutenus par tous – cela devrait interpeller nos collègues de la majorité – visent à ce que la loi fixe un garde-fou. Leur vraie valeur juridique, je l'ignore. Quoi qu'il en soit, nous sommes ici pour donner un cap. Pour ma part, je tiens beaucoup à ce que nous allions dans ce sens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je souhaiterais prendre le temps de rappeler ce qui s'est passé en commission : j'ai en effet un peu de mémoire, et le débat n'est pas si ancien que ça. Tout d'abord, il faut rendre non pas à Richard – Ramos – ce qui appartient à Richard, ni à César ce qui appartient à César, mais au groupe du MODEM ce qui lui appartient : c'est en effet lui qui, mes chers collègues, a le premier déposé cet amendement. Le groupe La République en marche en avait déposé un similaire. Je me souviens de ce qui s'est passé lors de leur examen en commission : alors que l'amendement du groupe MODEM venait d'être rejeté, le groupe LaREM a failli faire adopter le sien.
Monsieur le président de la commission des affaires économiques, vous pouvez froncer les sourcils, c'est bien ainsi que les choses se sont passées. Il n'a manqué qu'une seule voix : la mienne. Et j'étais présent, j'ai suivi la séquence de très près. Je voulais que ce débat, parce qu'il est important, reprenne dans l'hémicycle.
Il y a quelques mois, nous l'avons vu dans nos campagnes, les relations se sont dégradées entre les producteurs laitiers et certains industriels – pas tous – qui se font discrets mais savent aussi se montrer hautains, exigeants, méprisants vis-à-vis de certains producteurs, et les maltraitent.
La loi doit être précise. Monsieur le ministre, ces amendements identiques, qui émanent de nos collègues Viala, Jumel, Molac et Millienne sont-ils sans aucune ambiguïté satisfaits ? Vous venez en effet de nous dire qu'aujourd'hui, lorsqu'un litige survient en cours de contrat, il faut laisser le médiateur faire son travail, et que, tant que le litige n'a pas été tranché, la collecte ne peut être interrompue. Soit ces amendements sont satisfaits, auquel cas je prendrai en ce qui me concerne les dispositions qui conviennent, soit ils ne le sont pas, et il faut naturellement, dans ce cas, les voter.
Sourires.
Le groupe La France insoumise votera évidemment ces amendements en vertu du principe selon lequel, comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut arriver à protéger les petits producteurs qui vivent trop souvent la peur au ventre, dans l'angoisse du lendemain. Il faudrait que chacun soit, sur tous les bancs, conscient de cette nécessité. Chacun d'entre nous a bien au moins un agriculteur dans sa circonscription : vivre en 2018 en France avec la peur au ventre, c'est inadmissible.
Il faut revenir au contenu de ces amendements : ils font référence au tribunal arbitral. Or nous avons eu l'occasion d'en parler en commission, il n'existe pas de tribunal arbitral. J'ai expliqué pourquoi : nous avons tous ici en mémoire le tribunal arbitral qui avait été mis en place sur le territoire national pour régler un litige entre un certain nombre de propriétaires financiers. Il a laissé un très mauvais souvenir et un goût amer quant à sa partialité. Pour le cas qui nous occupe, ces amendements sont satisfaits puisqu'un producteur, s'il saisit le médiateur, ne peut en aucun cas voir la collecte s'arrêter. Les choses sont claires.
Le fond de ces amendements qui marquent la volonté de protéger les producteurs ne me pose pas problème, mais il ne sert à rien de les adopter dans la mesure où ils sont satisfaits. Au contraire, les producteurs pourront choisir plus facilement et plus simplement la médiation.
C'est ce que nous souhaitons. Lorsqu'un litige survient, ils doivent saisir le médiateur.
Ces amendements ont au moins, dans une situation qui peut être difficile, la vertu de rassurer les agriculteurs.
Rien que pour cette raison, ils méritent, à mon avis, d'être adoptés. Cette disposition sera inscrite dans la loi, qui contraindra chacun : à mon sens, le recours au médiateur ne suffit pas à éviter les problèmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, FI et GDR.
Le groupe Nouvelle Gauche votera en faveur de ces amendements. Monsieur le ministre, vous nous avez dit qu'ils ne servaient à rien. Nous pensons que, parce que la situation est critique et que nous avons tous, dans nos circonscriptions, été témoins de moments difficiles entre acteurs de la chaîne agricole, il faut donner aux agriculteurs des garanties. Il faut que notre assemblée les assure de son soutien en cas de crise majeure, et, comme cela a été dit tout à l'heure, que « le petit » soit défendu, à la faveur de l'examen de ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG, GDR et FI.
Ma proximité, en tout cas géographique, avec le ministre dans l'hémicycle me permet de constater que c'est la référence à l'arbitrage qui lui pose problème dans ces amendements.
Exactement.
Mais monsieur le ministre, si vous êtes d'accord avec leur philosophie sous-jacente, avec la protection que nous souhaitons donner aux petits producteurs, poursuivez donc la discussion avec nous : nous sommes des gens ouverts. Sous-amendons, voyons comment nous pourrions améliorer ces sous-amendements ! Leur principe semble faire l'unanimité : il serait par conséquent dommage de passer à côté.
Vous connaissez le souci que j'ai de protéger les agriculteurs, je vous en ai fait part à différentes reprises. Je suis bien consciente, aujourd'hui, de la situation difficile dans laquelle se trouvent les producteurs laitiers. Mais je vois également que vous voulez que cette disposition figure noir sur blanc dans le texte, alors qu'elle existe d'ores et déjà dans notre droit. Le contrat ne peut pas être résilié, la collecte ne peut pas être suspendue, car cela constituerait une résolution anormale du contrat qui la prévoit. De toute façon, si les choses sont bien faites, une sanction suivra.
En outre, ces amendements disposent que le blocage de la négociation ne doit pas entraîner « un arrêt de la collecte ou de la livraison des produits agricoles concernés ». Leur adoption pourrait avoir de fâcheuses conséquences, permettant que certains agriculteurs qui décident parfois de suspendre leurs livraisons soient sanctionnés. Si vos amendements ne portaient que sur le lait, je pourrais les comprendre, parce qu'effectivement, dans ce cas, la collecte continue.
Je le répète : le droit prévoit déjà des sanctions si le contrat est rompu. Tant que le médiateur n'a pas tranché le litige, l'exécution du contrat se poursuit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous savez, monsieur le ministre, dans la vie de tous les jours, il y a plein de choses qui ne servent à rien, mais qui sont quand même là pour fixer un cap. Je ne sais pas si, comme vous le soutenez, ces amendements ne servent à rien, mais ce que je sais, c'est que les adopter rassurerait nos producteurs. Il faut inscrire cette disposition dans la loi.
Je voudrais indiquer à l'Assemblée la position du groupe UDI, Agir et indépendants.
Avec notre esprit constructif, nous nous sommes efforcés d'être des « médiateurs »
Sourires
et avons retracé la genèse de la question. Toutefois, puisque les parties prenantes maintiennent leurs amendements, notre groupe votera en leur faveur afin d'inscrire dans le marbre cette disposition – même si, comme l'a dit le ministre, elle est déjà satisfaite.
« Bravo ! » sur les bancs des groupes LR, NG et FI. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 97 |
Nombre de suffrages exprimés | 96 |
Majorité absolue | 49 |
Pour l'adoption | 40 |
contre | 56 |
Exclamations.
Je suis saisi d'une série d'amendements, nos 539 , 84 , 169 , 241 , 291 , 327 , 609 , 711 , 783 , 973 , 1134 , 1190 , 2191 , 2417 , 892 , 1083 et 1666 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 539 , 84 , 169 , 241 , 291 , 327 , 609 , 711 , 783 , 973 , 1134 , 1190 , 2191 et 2417 sont identiques, de même que, de leur côté, les amendements nos 892 , 1083 et 1666 .
La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l'amendement no 539 .
Cet amendement vise à doter la procédure de médiation d'un volet supplémentaire, en prévoyant une voie de recours en référé lorsque la médiation à elle seule ne parvient pas à régler le litige. Cela nous paraît indispensable : premièrement, il faut donner de la force à la médiation, et nous pensons que le risque d'une procédure judiciaire incitera les parties à la mener jusqu'au bout ; deuxièmement, si, malgré tout, la médiation n'aboutit pas, il faut impérativement que l'affaire puisse être portée en justice, sinon l'immense majorité des conflits resteront sans solution.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 84 .
Dans le droit fil des propos que j'ai tenus sur l'article, et comme vient de le dire notre collègue Arnaud Viala, cet amendement propose de renforcer le pouvoir du médiateur en lui permettant de saisir le juge en référé afin que celui-ci s'empare du dossier sur la base de ses recommandations. Ce serait un gage d'efficacité en cas de blocage. À défaut, on pourrait craindre que la médiation n'ait aucun résultat.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement no 327 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 609 .
Il importe de prévoir ce qui se passera si, à l'issue de la médiation, aucun accord n'a été trouvé. En l'état, vous n'allez pas jusqu'au bout, puisque rien n'est prévu dans ce cas. Nous espérons tous que la médiation aboutira à un accord, à une issue favorable au litige, mais dans le cas contraire, il faut bien prévoir une porte de sortie, sinon on se trouvera dans une impasse. Or vous n'en proposez aucune.
Ce que nous proposons au travers de cet amendement, c'est, en l'absence d'accord, de donner au médiateur la possibilité de saisir le juge en référé. C'est encore plus important du fait de l'adoption de l'amendement no 1771 ; on peut en effet penser que certaines parties n'auront pas intérêt à aboutir à un accord, dans la mesure où il n'y aura ni publicité ni possibilité de saisir le juge en référé.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 711 .
J'abonde bien évidemment dans le sens de mes collègues : il faut absolument pouvoir saisir le juge en référé. Monsieur le ministre, ce serait un signal politique fort que de faire peser sur les opérateurs ayant l'intention de faire échouer la médiation le risque d'une telle saisie. C'est indispensable !
Sur les amendements identiques nos 84 , 169 , 241 , 291 , 327 , 609 , 711 , 783 , 973 , 1134 , 1190 , 2191 et 2417 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l'amendement no 783 .
En complément des arguments avancés par mes collègues, j'ajoute que les États généraux de l'alimentation avaient prévu une commission arbitrale pour les cas les plus problématiques. Il nous paraît important de prévoir dans ces cas-là un dispositif renvoyant les parties devant la justice, grâce à l'action de la médiation des relations commerciales agricoles. Sur ce sujet, comme sur tant d'autres, il ne faut pas faire d'angélisme et donner des moyens concrets pour qu'il y ait un véritable rééquilibrage de la relation commerciale.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 973 .
Pour abonder dans le sens de mes collègues, si la médiation a prouvé depuis des décennies qu'elle était un mode alternatif de résolution des conflits, néanmoins le recours à une juridiction doit impérativement être prévu.
Chers collègues, nous voulons par l'intermédiaire de ce texte rétablir des relations commerciales saines en les rééquilibrant en faveur des plus faibles. Or les plus faibles ont besoin d'un médiateur, et d'un médiateur qui soit fort. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait renforcer la médiation, mais il faut aussi renforcer le médiateur lui-même, car, aujourd'hui, celui-ci ne peut qu'émettre des recommandations, des propositions, des avis.
Il nous faut muscler son pouvoir de « persuasion » afin que les deux parties parviennent à s'entendre. Il lui faut donc de l'autorité.
J'en parle d'expérience : dans l'Orne, le président d'une organisation de producteurs, que Véronique Louwagie connaît bien, a discuté pendant des mois avec l'un des plus importants transformateurs de notre pays. Il s'est rendu dix, vingt, cinquante fois à Paris avec le médiateur. Cela n'a jamais abouti. Pourquoi ? Parce que la partie la plus puissante fait traîner les choses et, in fine, comme le médiateur ne peut rien faire, on n'arrive à rien, nos paysans sont désespérés et il n'y a pas d'accord.
Je vous le dis : si nous ne sommes pas capables de donner de vrais pouvoirs au médiateur, en faisant en sorte que celui-ci puisse saisir le juge, c'est l'ensemble du texte qui en pâtira et les relations entre nos paysans, l'industrie agroalimentaire et la grande distribution ne pourront pas s'établir de manière saine et équilibrée. Monsieur le ministre, je vous en prie, il faut donner du pouvoir au médiateur et lui permettre de saisir le juge !
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 1190 .
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été – très clairement – dit.
On nous a expliqué à de multiples reprises qu'il fallait montrer le cap, qu'il fallait que les choses soient claires. Vous-même, monsieur le ministre, avez jugé qu'il fallait renforcer le texte, et renforcer la médiation. Nous en sommes d'accord. Ces amendements sont des amendements de bon sens qui répondent exactement à ce que vous souhaitez, en accroissant l'intérêt du système de médiation.
Il faut, monsieur le ministre, que vous entendiez ce que disent les parlementaires sur ces bancs, car ce sont des parlementaires de terrain, qui sont au contact des choses – d'ailleurs, vous le savez fort bien : vous-même avez été parlementaire pendant des années.
Nos amendements visent tout simplement à renforcer la médiation, comme vous le souhaitiez tout à l'heure. Nous en appelons donc à votre bon sens naturel !
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2191 .
Nous avions rédigé un amendement, qui n'a pas été jugé recevable, visant à instituer une commission arbitrale présidée par un magistrat. À défaut, nous proposons le présent amendement, qui donne au médiateur des relations commerciales agricoles la possibilité de saisir le juge des référés pour ordonner la mise en oeuvre des recommandations du médiateur.
Nous sommes plusieurs groupes à proposer cet amendement de bon sens, que nous aurions tout intérêt à adopter. Je pense que, dans sa grande sagesse, le Gouvernement devrait y être favorable, car cela enverrait un signal fort à nos producteurs, en particulier aux plus fragiles d'entre eux, qui se sentent quelquefois démunis. Il serait important de le faire, monsieur le ministre. Je sais que vous connaissez bien le monde agricole, et vous êtes issu d'un département où il y a de petites et moyennes exploitations agricoles. Je suis convaincu que, dans votre for intérieur, vous êtes d'accord avec l'esprit de ces amendements.
Nous en arrivons à l'autre série d'amendements identiques en discussion commune.
Qui défend l'amendement no 892 ? Monsieur Menuel ?
L'amendement Le Fur, je veux bien le défendre, monsieur le président, car il est excellemment rédigé !
Sourires.
Monsieur le ministre, vous avez souvent souligné l'apport des États généraux de l'alimentation au cours de ces débats. Alors, souvenez-vous de ce qui a été dit à cette occasion : la question a été évoquée à plusieurs reprises.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement no 1083 .
Nous avons tous en tête l'image de la justice tenant, d'une main, la balance, de l'autre, le glaive. Dans ce que vous proposez, monsieur le ministre, il y a la balance : le médiateur. Il manque le glaive. Ajoutez-le !
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement no 1666 .
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Sourires.
Chers collègues, vous oubliez en chemin certains des amendements que nous avons adoptés, puisque, outre le mien, nous avons adopté l'amendement no 2235 , grâce auquel le médiateur pourra saisir le ministre de l'économie et des finances, qui, lui-même, pourra saisir le juge.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Certes, cela fait un intermédiaire de plus, mais on aboutit au même résultat. Demande de retrait ou avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Ce que nous voulons faire, c'est donner au médiateur la capacité de faire son travail, en le renforçant, mais aussi en le protégeant. S'agissant de la durée de la médiation, nous l'avons limitée, à l'alinéa 10 de l'article 4, à un mois, tout en prévoyant qu'elle puisse être prolongée d'un mois supplémentaire. En l'état actuel du texte, le médiateur peut saisir le ministre, lequel pourra ensuite saisir le juge.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Cela permettra de protéger le médiateur dans l'exercice de ses fonctions ainsi que dans son travail et de garantir une qualité de médiation qui permettra d'aller jusqu'au bout du mécanisme sans que l'une ou l'autre des parties ait quoi que ce soit à craindre.
En outre, comme je l'ai dit devant la commission des affaires économiques, il n'est pas possible de permettre au médiateur de saisir un juge.
Ce ne serait pas le protéger, alors que c'est ce que nous voulons faire.
Au-delà de la question juridique, un recours en justice introduit par le médiateur risquerait de dissuader certaines parties d'avoir recours à la médiation. Or ce que nous voulons, c'est que la médiation soit un recours qui soit utilisé autant que possible par celles et ceux qui rencontrent des problèmes. Les amendements nos 1771 et 2235 , qui ont été adoptés, permettront au médiateur de saisir le ministre de l'économie, lequel pourra introduire une action devant la juridiction civile ou commerciale compétente. Le Gouvernement, je le rappelle, s'est engagé à améliorer les dispositions judiciaires applicables ; nous sommes en train d'y travailler d'arrache-pied avec la Chancellerie.
Avis défavorable sur tous les amendements, donc.
Nous sommes tous d'accord sur l'intérêt de ces amendements. De fait, il serait plus simple, pour le médiateur, de saisir directement le juge sans avoir à l'être par les parties. Une telle mesure aurait le mérite de la simplicité et de la souplesse, mais, comme l'a observé M. le ministre, elle serait une ineptie juridique puisqu'elle contrevient à l'article 31 du code de procédure civile, aux termes duquel nul ne peut plaider par procureur. Un tiers, fût-il indépendant – tel un médiateur – , ne peut saisir une juridiction pour le compte d'une partie.
C'est juridiquement impossible, en vertu de cet article du code de procédure civile.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce texte est construit de telle sorte que chacun de ses articles ajoute un niveau supplémentaire à l'édifice d'élaboration du prix. En l'espèce, si l'article 4 demeure en l'état, l'ensemble du dispositif s'en trouvera fragilisé dans ses fondations, car rien ne pourra plus le consolider juridiquement. Autrement dit, nous prendrions le risque de réduire à néant l'utilité de tout ce que nous avons précédemment écrit et voté. Le risque, c'est que la négociation soit difficile – car ce n'est pas le texte qui la facilitera, on l'imagine aisément – , que la médiation n'aboutisse pas et qu'aucun recours, ensuite, ne soit possible pour ceux qui feront face à ces difficultés.
Je ne comprends pas pourquoi, à ce stade de nos débats, et alors que certains avis convergent en faveur de l'adoption du texte – vous aurez en effet observé que, de ce côté-ci de l'hémicycle, nous avons voté tous les articles mis aux voix jusqu'à présent – , vous affichez de la mollesse. Il n'y a en effet pas d'autre mot : il s'agit bien de mollesse.
Vous le savez très bien, monsieur le ministre, les parties demandent que force soit donnée au médiateur et à ceux qui organiseront les négociations ; et si nous adoptons l'article tel qu'il est rédigé, il ne sera pas possible, au cas où les négociations se passent mal, de saisir le ministre pour qu'il saisisse lui-même une juridiction. C'est inconcevable. Je prends d'ailleurs rendez-vous avec vous, à Roquefort, ville que je connais bien, où l'on fixe annuellement le prix du lait : les discussions sont difficiles tous les ans. On sera donc conduit à vous inviter chaque année et, probablement, à vous saisir. Et des cas comme celui-ci, il y en aura des milliers en France ! Ce n'est donc pas possible.
D'autre part, la réponse que vous nous avez faite est très imparfaite et totalement insatisfaisante. Vous nous objectez une impossibilité juridique ; mais si la loi ne permet pas au médiateur de saisir directement le juge, monsieur Terlier, ne pouvons-nous la changer, l'améliorer, corriger ses imperfections ? N'est-ce pas même notre rôle ?
Tel est précisément le sens de ces amendements. Je le dis donc tout net : leur rejet serait, pour nous, un motif de rejet de l'article 4 dans son ensemble, car nous ne pouvons soutenir une mesure aussi peu cohérente avec le reste du texte. Cela pourrait aussi remettre en cause la position de notre groupe sur l'ensemble du projet de loi. Nous ne pouvons en effet accepter que vous mollissiez ainsi à ce stade.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous êtes en train de créer une véritable usine à gaz, monsieur le ministre. Le médiateur, placé sous la tutelle du ministre de l'agriculture, devrait donc saisir le ministre de l'économie, qui à son tour saisira le juge. Pourquoi ne pas simplifier la procédure, pour aller directement du médiateur au juge ?
Je le dis d'autant plus que l'article 31 du code de procédure civile, que notre collègue a évoqué, le permet tout à fait. S'il justifie son intérêt à agir, le médiateur peut en effet saisir le juge. Vous nous opposez donc des arguments fallacieux, …
… et l'on a un peu de mal à comprendre pourquoi vous refusez de renforcer le pouvoir du médiateur. C'est un peu comme au football : si l'arbitre n'a que des cartons jaunes en poche, je ne suis pas sûr que les équipes l'écoutent très longtemps !
S'il peut sortir le carton rouge, en revanche, il peut faire respecter les règles du jeu. Il nous faut donc mettre ce carton rouge dans la poche du médiateur, monsieur le ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je pense, mes chers collègues, que vous sous-estimez un peu les agriculteurs. En vertu de l'intérêt à agir, le médiateur ne peut saisir directement le juge.
Non, ce n'est pas possible. Mais, disais-je, vous sous-estimez les gens. Vous évoquiez, je crois, l'organisation des producteurs Lactalis Grand-Ouest – OPLGO – , en Normandie. Peu à peu, les agriculteurs, mécontents, se sont révoltés contre les vétérinaires. Ils ont alors saisi les juges, et sont beaucoup plus respectés aujourd'hui dans les relations commerciales.
Il y a de vrais problèmes dans le secteur du lait, nous sommes bien d'accord. Mais ne sous-estimez pas les agriculteurs : ils sont en train de se regrouper, et des actions sont en cours.
Ils ont parfaitement compris, au vu de la multiplication des intermédiaires, qu'ils pouvaient eux-mêmes saisir la justice. Et ce qui fait le plus avancer les choses, c'est la jurisprudence. Ne doutez pas qu'ils agissent en conséquence.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
On a déjà agité, ici, le principe selon lequel nul ne plaide par procureur, lorsqu'il a été donné au ministère de l'économie la possibilité de saisir le juge, s'agissant du déséquilibre des relations contractuelles entre producteurs et grandes surfaces. Le législateur est passé outre, introduisant une dérogation à ce principe ; la mesure a alors été contestée devant le Conseil constitutionnel, qui, par une décision rendue en 2011, a entériné le fait que le ministre de la justice pouvait saisir le juge, à la place des victimes, pour faire respecter le droit.
Le principe selon lequel nul ne plaide par procureur n'est donc pas insurmontable, puisqu'il a déjà été surmonté : tout dépend, en réalité, de la volonté du législateur. Cessons de nous cacher derrière des principes, même importants : assumons notre responsabilité de législateur en introduisant une dérogation pour donner un vrai pouvoir au médiateur.
J'irai dans le même sens que mes collègues. Franchement, monsieur le ministre, vous créez une usine à gaz : le médiateur sera totalement inefficace ; il ne servira à rien car il ne saisira jamais le ministre en vue d'une action judiciaire, et ce sont, une fois encore, les agriculteurs qui trinqueront. Je rejoins mon collègue Viala : si vous en restez là, je ne voterai pas l'article 4.
Cette obstination à refuser des amendements frappés au coin du bon sens conduira aussi notre groupe à voter contre l'article.
En dépit de vos leçons sur un prétendu mépris des agriculteurs, madame Leguille-Balloy, vous connaissez le coût que représente, pour un particulier, la saisine d'un juge, sans parler de la complexité de la procédure. J'ajoute que, avec les politiques que vous soutenez, les tribunaux de proximité déménagent les uns après les autres, s'éloignant des territoires ruraux et rendant plus difficile encore l'accès à la justice.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
À Neufchâtel, dans le pays de Bray, le tribunal d'instance a été fermé, et les tribunaux de proximité remis en cause.
Permettre au médiateur, dans sa mission d'intérêt général et d'utilité publique, de se substituer au faible pour saisir le juge nous paraît être un élément de défense supplémentaire. Si vous refusez de prendre ce fait en compte, nous voterons contre l'article.
Je veux répondre à ceux de mes collègues qui ont contesté mon interprétation de l'article 31 du code de procédure civile. Je les renvoie à la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, qui qualifie le titulaire d'un droit à agir. Celui-ci, dit la Cour, doit justifier d'« un intérêt légitime juridiquement protégé » et d'« un intérêt direct et personnel ». Or le médiateur n'a pas d'intérêt direct et personnel à saisir la juridiction.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 539 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 89 |
Nombre de suffrages exprimés | 87 |
Majorité absolue | 44 |
Pour l'adoption | 30 |
contre | 57 |
Je tiens à m'excuser par avance auprès de M. le ministre, car je vais ici remettre une pièce dans le juke-box de la discussion que nous avons eue tout à l'heure. Je propose en effet d'insérer, après l'alinéa 10, un alinéa aux termes duquel « l'exécution d'un contrat ou de l'accord cadre mentionné à l'article L. 631-24 ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires se poursuit pendant la procédure de médiation aux conditions et aux modalités ayant cours au moment de la procédure ».
Vous l'avez rappelé, une telle précision est sans effet si elle est déjà satisfaite par l'état du droit – dès lors que l'exécution d'un contrat se poursuit nonobstant la procédure de médiation – , mais, comme l'a noté M. Brun, il est préférable de l'inscrire dans la loi s'agissant de l'accord cadre. Cela permettrait de sécuriser nos agriculteurs, au regard d'éventuelles ruptures abusives des contrats.
Les amendements no 1214 et 1604 , complémentaires des deux précédents, précisent quant à eux que si la convention, le contrat ou l'accord cadre arrivent à échéance au cours de la médiation, ils sont réputés poursuivis « aux mêmes conditions et modalités jusqu'à la fin de la période de médiation et le cas échéant, en cas de saisine de la juridiction compétente, jusqu'à la résolution judiciaire du litige ».
Sur l'article 4, je suis saisi par le groupe Les Républicains et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur les quatre amendements en discussion ?
Je ne serai guère original dans mon argumentaire : l'opérateur qui n'exécute pas un contrat est lourdement sanctionnable, en présence ou non d'une médiation. Surtout, ces amendements suggèrent que la médiation pourrait conduire à une rupture de contrat, alors que c'est précisément le contraire : elle doit permettre de résoudre un conflit. Avis défavorable.
Défavorable également.
Je défendrai en en même temps l'amendement no 1661 .
Ces deux amendements visent à renforcer le travail du médiateur des relations commerciales agricoles en lui donnant un pouvoir supplémentaire, celui de pouvoir saisir d'office le juge en cas d'urgence ou pour les dossiers les plus importants et d'assurer une coordination, sûrement très utile, des différents médiateurs pouvant intervenir en la matière.
L'amendement no 1661 a donc été défendu également.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Avis défavorable. Ces amendements sont assez semblables à ceux dont nous venons de débattre s'agissant de la saisine du juge et de l'articulation entre le médiateur des relations commerciales agricoles et les médiateurs internes aux entreprises.
Comme je l'ai déjà argumenté, les médiateurs internes aux entreprises sont à la fois juge et partie, alors que le médiateur des relations commerciales agricoles est indépendant. Il ne s'agit donc pas du tout du même niveau de médiation.
Ces amendements procèdent d'une fausse bonne idée. En voulant lui donner davantage de pouvoir, on remet en cause le médiateur et son efficacité. Cela me permet de redire aux députés du groupe Les Républicains que le médiateur n'a en poche ni carton rouge ni carton jaune. Son rôle est de réaliser une médiation en accompagnant les deux parties, pour trouver les voies d'un consensus. Tel est le choix que nous avons fait.
Ce qui importe aujourd'hui, c'est de saisir le médiateur lorsqu'il y a un litige. Sur ce point, l'article 4 est important. Nous souhaitons que le recours au médiateur puisse être garanti et qu'il puisse s'effectuer dans de bonnes conditions de transparence pour toutes celles et tous ceux qui sont amenés à le saisir, parce qu'ils rencontrent une difficulté à contractualiser.
C'est pourquoi je donnerai un avis défavorable à ces deux amendements, qui vont au-delà du problème juridique relatif à l'efficacité même du médiateur. Si nous avons tenu cette position, je le redis, c'est parce qu'elle ne permet pas aujourd'hui d'apporter toutes les conditions de sécurité à l'exercice correct des fonctions du médiateur.
Je soutiendrai ces amendements, tout en revenant un instant sur le débat que nous avons eu à propos de l'article 31 du code de procédure civile et du principe selon lequel nul ne peut plaider par procureur.
L'argument juridique que vient de rappeler M. le ministre ne vaut pas car, bien que ce principe soit inscrit dans le code civil, le législateur a tout à fait la possibilité d'introduire une dérogation. C'est exactement ce qui a été fait s'agissant de la possibilité pour le ministre de saisir les tribunaux en lieu et place des victimes qui, par peur de représailles dans leurs relations avec les centrales d'achat ou les grandes surfaces, n'osent pas saisir les tribunaux.
La plupart des décisions qui ont été rendues et qui ont condamné les grandes surfaces ces dernières années l'ont été à la suite de saisines du ministre de la justice. Lors du débat sur la possibilité de déroger au principe selon lequel nul ne plaide par procureur, la question est remontée au niveau du Conseil constitutionnel.
Je vous renvoie donc, chers collègues, à sa décision de 2011, qui, après avoir affirmé que le législateur était parfaitement en droit d'introduire une telle dérogation, a consacré la volonté de celui-ci de permettre au ministre de la justice de saisir les tribunaux.
Ce qui a été possible pour le ministre de la justice doit l'être pour le médiateur. Que l'on évacue définitivement cet obstacle, qui n'en est pas un ! C'est une question de volonté politique car, sur le plan juridique, si nous le voulons, nous pouvons adopter ces amendements et permettre au médiateur, en cas d'échec ou de difficulté, de saisir le juge.
Je rejoins tout ce qui a été dit jusqu'à présent. Un médiateur qui n'a pas la possibilité de saisir le juge, qui, comme je l'ai dit précédemment, a en mains la balance, mais pas le glaive, sera mené en bateau durant des mois sans pouvoir faire pression sur les parties pour aboutir.
Le terrain dont nous parlons présente la particularité d'un déséquilibre du rapport de forces entre les parties, avec une qui est très forte et l'autre qui, malheureusement, l'est beaucoup moins. La partie en position de force fera traîner les discussions.
Le médiateur se retrouvera démuni. Il ne pourra pas à un moment siffler la fin de la récréation, conclure et défendre véritablement les agriculteurs.
Voilà un beau projet de loi mais, comme l'a souligné Dominique Potier dans son intervention, l'article 4 est très important. C'est maintenant, monsieur le ministre, que vous devez nous dire si vous voulez vraiment aider les agriculteurs ou si ce texte ne sera qu'une loi d'affichage.
Le délai est d'un mois plus un mois !
Monsieur le ministre, chers collègues, vous avez vu que, jusqu'à maintenant, le groupe Les Républicains a travaillé au consensus. Nous avons pu, tous ensemble, avancer sur le renforcement des organisations de producteurs et sur l'accroissement du rôle que l'Observatoire peut jouer. À cet égard, l'article 4 est une vraie déception pour nos agriculteurs car nous allons les laisser se faire croquer par les puissants, avec un médiateur atone et sans pouvoir. Je m'étonne que, sur un sujet aussi essentiel, chers collègues de la majorité, vous ne vous affranchissiez pas des consignes, comme vous avez su le faire hier, et que vous ne fassiez pas preuve de plus de bienveillance à l'égard du monde agricole, qui a besoin de vous.
Nous voterons donc sans hésitation contre cet article, parce qu'il ne va pas dans le bon sens.
Monsieur le ministre, je le répète, ce qui est à l'oeuvre dans cet article, c'est finalement la sécurité de tout le dispositif que vous prévoyez. C'est aussi l'affichage politique que vous donnez, en disant à tous les agriculteurs de France, qui attendent vos propos avec impatience, que vous ne souhaitez pas doter ce texte de la force nécessaire pour qu'il résolve partiellement les problèmes auxquels ils sont confrontés. Nous ne pouvons pas cautionner cela.
J'ajoute à ce que vient de décrire Jérôme Nury que vous trahissez ici de manière évidente, ce qui a été demandé lors des États généraux de l'alimentation. S'il y a bien un point sur lequel tous les agriculteurs et les parties prenantes sont d'accord, c'est qu'il faut que ces négociations aboutissent et que ceux qui en sont chargés aient la force nécessaire pour les faire aboutir.
À ce stade du débat, nous ne pouvons pas accepter un tel recul. Nous voterons contre cet article.
Je veux bien tout entendre, mais on ne peut pas dire que cet article 4 ne renforce pas le pouvoir du médiateur. C'est faux : il le renforce par essence. En outre, plusieurs amendements ont été adoptés, notamment pour permettre au médiateur de saisir directement le ministre de la justice. On peut donc adopter toutes les postures politiques mais l'on ne peut pas dire que cet article ne renforce pas le pouvoir du médiateur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, cet article 4 sonne un peu l'heure de vérité pour vous et pour la majorité.
Lors des États généraux de l'alimentation, vous avez beaucoup promis, notamment aux producteurs, aux agriculteurs, aux éleveurs, en leur donnant une garantie sur le prix – prix de revient, peu importe comment on l'appelle. Il existe d'ores et déjà certains indicateurs, car la loi Sapin 2 avait beaucoup avancé sur ce sujet. Vous vous étiez engagé dans cette voie.
Or, aujourd'hui, avec cet article, notre collègue Arnaud Viala a eu raison de le dire, vous êtes en retrait par rapport à ce que vous avez promis et annoncé pendant les États généraux de l'alimentation. Vous pouvez certes dire le contraire, mais démontrez-le nous !
Cet article 4 sonne pour vous l'heure de vérité. Il est en deçà de ce que vous avez annoncé, des engagements que vous avez pris et peut-être des engagements de campagne du Président de la République, que je n'ai pas tous gardés en mémoire, je l'avoue.
Les agriculteurs ont besoin de garanties, monsieur le ministre, sans quoi vous leur faites des promesses vaines, ce que nous ne pouvons pas accepter.
La semaine dernière, dans une ferme à Gondreville, accompagné de deux agriculteurs, l'un plutôt proche de la Confédération paysanne, l'autre de la FNSEA, je présentais à la presse la façon dont nous appréhendions le débat qui s'est ouvert mardi. Je vous ai indiqué dans quel état d'esprit les agriculteurs de ma circonscription, mais je crois aussi, de la France entière, envisageaient ce texte, balançant selon la formule normande « p't'êt ben qu'oui, p't'êt ben qu'non ». On verra, disaient-ils, en fonction de ce que la loi proposera ou non pour nous protéger.
Arrivés à l'article 4, de renoncement en renoncement, d'affaiblissement en affaiblissement, d'effacement de la loi en effacement de la loi, nous basculons vers le « p't'êt ben qu'non », ce qui justifie le vote contre cet article lequel, quoi qu'en dise le rapporteur, affaiblit considérablement les promesses faites lors des États généraux sur le rôle de la médiation et les prérogatives du médiateur.
Je vous invite, monsieur le ministre, à vous ressaisir car d'un consensus, vous allez en arriver à une loi suscitant l'opposition, alors que cela n'est pas bon pour l'agriculture.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Avec cet article, le médiateur ne sert plus à rien. Je le dis comme je le pense, monsieur le ministre, vous portez un coup de couteau dans le dos de nos agriculteurs. Ils s'en souviendront ! Nous voterons contre l'article 4.
Ce n'est pas parce que la majorité n'a pas voté tous les amendements de l'opposition que nous avons affaibli le pouvoir du médiateur.
Nous avons collectivement voté des amendements pour renforcer son pouvoir. Le médiateur constitue un maillon essentiel. Nous ne plantons pas un couteau dans le dos des agriculteurs. Au contraire, nous sommes à leurs côtés depuis le début. Toutes les interventions de mes collègues dans l'hémicycle l'ont montré.
Plus de cent députés de la majorité ont organisé des états généraux dans les territoires. Nous sommes aux côtés des agriculteurs, nous travaillons des solutions avec eux. Les amendements que nous avons déposés, ceux que nous avons votés, parfois avec vous, apportent une véritable solution dans le cadre de ces négociations commerciales.
Le fait que nous voterons cet article ne vous surprendra pas, et nous le voterons sans aucune difficulté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous nous abstiendrons sur cet article, comme nous l'avons fait sur l'article 1er. Lors des États généraux de l'alimentation, monsieur le ministre, vous avez choisi de faire naître une espérance très forte dans le pays. Pour l'instant, le compte n'y est pas.
Si nous nous abstenons, c'est que certains sujets très importants n'ont pas encore été abordés, notamment celui des relations commerciales avec les centrales d'achat, que nous considérons comme majeur. Nous verrons quelle sera la position du Gouvernement sur ce sujet.
Se pose également la question des produits phytosanitaires et celle de la nutrition, du contenu de l'assiette et de la restauration collective.
À cet égard, en commission du développement durable puis en commission des affaires économiques – qui a apporté quelques éléments de correction – , on a ajouté de la complexité et des charges pour les agriculteurs. Or, je le répète, la ligne directrice du texte doit être le revenu agricole et le revenu des agriculteurs. Car si les agriculteurs français vivent de leur revenu, cela assurera la succession générationnelle, la France sera souveraine en matière alimentaire, pourra continuer d'exporter en Europe et dans le monde et être un grand pays producteur. L'enjeu est aussi celui-là. On a parfois tendance à l'oublier.
Nous avons beaucoup travaillé sur la contractualisation et sur les organisations de producteurs, mais nous n'avons pas donné assez de poids à ces organisations. On parle beaucoup de rééquilibrage des relations entre producteurs et industriels, mais aussi avec la grande distribution ; or le compte n'y est pas. La médiation contribue précisément à ce rééquilibrage.
Je vois que le rapporteur réagit en manifestant sa volonté de me répondre ; je m'en réjouis, car l'objet de mon intervention était bien de faire réagir. Nous n'en sommes pas au dernier article du texte, nous avons encore le temps de rectifier le tir, mais je le répète, monsieur le ministre : pour l'instant, le compte n'y est pas ; …
Je salue l'esprit constructif de M. Benoit. Je suis en grande partie d'accord avec son intervention.
Nous envisagerons aux articles suivants les améliorations possibles.
Pour rappeler de manière quelque peu schématique le contenu de l'article 4, le médiateur pourra se saisir de l'ensemble des contrats sans qu'aucune des deux parties n'en aient fait la demande, et il pourra saisir le ministre de l'économie qui, lui-même, saisira le juge concerné.
Si cela, ce n'est pas renforcer le pouvoir de médiation, je ne vois pas ce que c'est !
Il y a une véritable cohérence dans le titre I, caractérisé par la responsabilisation par l'appel à l'interprofession, aux contrats, à la médiation. Cela permet un vrai rééquilibrage. Il est beaucoup plus facile de recourir à la médiation que d'en passer immédiatement par la voie judiciaire. Ces éléments vont dans le bon sens. Peut-être faudra-t-il renforcer encore cette dimension dans quelques mois ou dans quelques années, mais à ce stade, je le répète, le texte est cohérent.
Monsieur le ministre, vous avez parlé à plusieurs reprises de la responsabilisation des filières et de l'intérêt de la médiation. Sur ces points, nous vous rejoignons. Mais encore faut-il donner des moyens substantiels au médiateur, et c'est là que nous divergeons.
En ce qui concerne le délai, qui continue d'être qualifié de « raisonnable », le texte n'est pas du tout satisfaisant : les situations vont différer d'une partie à l'autre du territoire puisque, on le sait, les choses ne se passent pas de la même manière selon les départements. Vous maintenez donc une inégalité entre les territoires.
Ensuite, l'amendement du rapporteur a amoindri la médiation. En empêchant de rendre publiques les sanctions et décisions sauf accord des deux parties, on affaiblit en effet la position de l'agriculteur, et c'est la grande distribution ou l'industriel qui reprend le pouvoir. Ce n'est absolument pas acceptable.
Enfin, en refusant de permettre au médiateur d'aller lui-même jusqu'au juge, vous opposez une fin de non-recevoir à la médiation. Là encore, vous affaiblissez le médiateur, vous réduisez ses moyens et, ainsi, c'est finalement l'agriculteur que vous rendez plus faible. Ce n'est pas admissible.
J'aimerais remettre en lumière la cohérence de ce que nous avons fait jusqu'ici.
L'article 1, c'est la contractualisation : il s'agit de créer la chaîne, ou la cascade, qui va permettre aux producteurs regroupés en organisations de contractualiser et d'inverser le mécanisme de construction du prix.
À l'article 2, vous avez voté le volet des sanctions, dont vous avez vu que nous l'avons élaboré ensemble, en fixant un pourcentage du chiffre d'affaires, en mettant en oeuvre le name and shame, en instaurant différents dispositifs.
Nous restons dans la logique de la responsabilisation du producteur et des filières.
À l'article 3, nous mettons en oeuvre les moyens de contrôle par l'intermédiaire de la DGCCRF et de FranceAgriMer.
À l'article 4, enfin, nous permettons la saisine du médiateur et la recherche de solutions par les deux parties en cas de litige. Nous vous avons donné des garanties en vous rappelant qu'en cas de litige il n'y a pas d'arrêt de la collecte ni de suspension du contrat existant.
Lorsque le médiateur est saisi, il ne saisit pas le juge, parce qu'il doit être protégé dans l'exercice de ses fonctions : c'est au ministre de l'économie qu'il revient de le faire. Là aussi, nous souhaitons faire confiance à la médiation et permettre aux parties de voir un intérêt particulier à la saisine du médiateur. Je le rappelle, nous souhaitons que le médiateur puisse être saisi par le plus grand nombre de producteurs qui rencontreraient des difficultés dans la contractualisation.
Voilà qui est en parfaite cohérence avec l'esprit des États généraux de l'alimentation. Je ne comprends donc pas comment vous pouvez prétendre que nous réduisons les pouvoirs du médiateur. Je ne comprends pas que l'on puisse nous accuser, comme l'a fait M. Jean-Pierre Vigier, de donner un coup de poignard dans le dos aux agriculteurs. Tous ici, nous travaillons depuis plusieurs jours sur ce qui les concerne ; tous, nous les accompagnons dans nos territoires, quels que soient nos valeurs et nos partis politiques ; et personne ne pourra jamais dénier à qui que ce soit ici la volonté d'aider les agriculteurs et de défendre la ruralité en action que nous appelons tous de nos voeux.
De grâce, arrêtons les faux procès et les postures. Et continuons à travailler et à construire.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ce qui me préoccupe aujourd'hui, c'est la cohérence du texte ; or cette cohérence est au rendez-vous, et à la hauteur des attentes exprimées pendant les États généraux de l'alimentation.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 99 |
Nombre de suffrages exprimés | 94 |
Majorité absolue | 48 |
Pour l'adoption | 64 |
contre | 30 |
L'article 4, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est d'abord à M. Fabrice Brun.
J'aimerais revenir d'un mot sur la construction des indicateurs de coût de production, qui ne doivent pas être soumis à la pression des industriels et des distributeurs. Nous avons aujourd'hui dans les interprofessions, avec le concours de FranceAgriMer, toutes les informations nécessaires pour élaborer ces indicateurs de manière neutre. Voilà pourquoi il faut faire évoluer le texte, pour une véritable marche en avant dans la construction du prix. Nous l'avons répété : ces coûts ne doivent pas servir de moyen de pression sur le prix payé au producteur mais, au contraire, permettre de modifier les relations commerciales au profit des producteurs. Choisissons ainsi clairement notre camp : celui des paysans !
Le présent article se veut, si j'ai bien compris, la traduction des conclusions de l'atelier 6 des EGA, qui soulignait que les interprofessions sont sans doute les mieux à même d'apporter des solutions adaptées à chaque filière.
Vous proposez ainsi qu'elles puissent désormais définir des modèles de clauses contractuelles, définir et diffuser des indicateurs, formuler des recommandations sur la prise en considération de ces indicateurs pour la détermination et la renégociation des prix. Vous leur confiez en quelque sorte une mission étendue de conseil, mais qui, là encore, n'apporte pas vraiment d'amélioration tangible pour les producteurs. En effet, il semble à ce stade du débat que les avis des organisations interprofessionnelles n'auront aucun caractère contraignant et que les recommandations ne seront que facultatives.
D'un côté, donc, on dit vouloir légitimer l'intervention des interprofessions dans la conclusion des contrats – et nous partageons cet objectif ; de l'autre, on ne rend pas contraignantes, donc opérantes, les recommandations.
Vous avez indiqué en commission, monsieur le rapporteur, que vous étiez à cet égard « contraints par le règlement OCM et son article 157 qui régit les organisations interprofessionnelles » – je peux l'entendre – , concluant : « Nous ne pouvons malheureusement pas rendre les indicateurs obligatoires. » C'est pour nous, vous le comprenez, un aveu de faiblesse. Il nous appartiendra de remédier à cette faiblesse à la faveur de l'examen de l'article 5.
L'article traite, cela a été dit, du rôle des interprofessions, dont nous avons beaucoup parlé hier à propos des indicateurs. Le texte dispose que les interprofessions proposent des modèles de rédaction qui puissent servir de guide sans pour autant lier les parties – et c'est bien là que le bât blesse. Il leur confie le soin d'élaborer et de diffuser des indicateurs relatifs aux coûts de production, mais ces indicateurs – cela vient d'être dit – ne seraient pas contraignants et, de fait, s'apparenteraient donc à de simples recommandations, ce qui n'est pas suffisant à nos yeux. Tel était l'enjeu de notre débat d'hier. L'idée est que ces indicateurs puissent servir demain de référence aux opérateurs.
Ce qui fait un contrat, c'est l'accord entre deux parties complémentaires et loyales l'une envers l'autre. Mais cette complémentarité n'implique pas systématiquement une égalité entre les deux parties. De fait, les négociations peuvent être déséquilibrées – ce n'est toutefois pas une généralité, je tiens à le préciser.
Le fait de renforcer le rôle et le pouvoir de conseil des organisations interprofessionnelles reconnues aura des incidences positives. Déjà très actives – nous avons tous été sollicités par elles dans nos territoires ces derniers mois – , elles pourront désormais publier des indicateurs qui seront pris en considération dans la construction du prix.
Cet article représente une reconnaissance, et même une consécration, de leur expertise. Grâce à l'accompagnement qu'elles leur offriront, les producteurs exploitants indépendants bénéficieront d'une véritable équité dans la négociation. Au-delà des considérations financières, la poursuite du travail de conseil et d'orientation contribuera ainsi à la montée en gamme de l'agriculture française, qu'il s'agisse du bio ou des objectifs environnementaux et sociétaux que nous nous sommes fixés.
À ceux qui estiment que les organisations interprofessionnelles ne défendront pas tous les producteurs, je tiens à dire en outre que les conclusions des EGA ont mis à l'honneur les plans filière, qui visent particulièrement à ne laisser aucun exploitant sur le bord de la route. C'est aussi notre rôle.
Suspension et reprise de la séance
La séance est suspendue pour cinq minutes. Je prends cette suspension à mon compte pour éviter qu'elle le soit sur celui d'un groupe. En effet, dans le cadre du temps législatif programmé, la durée de la suspension est imputée sur le temps restant du groupe demandeur.
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.
Cet amendement devrait plaire à notre rapporteur que je sais être un amateur de vin.
Sourires.
Je saisis donc cette occasion de lui rendre hommage. Pendant les suspensions de séance, on prolonge les débats dans les endroits les plus inattendus… L'amendement vise à prendre en considération les spécificités du secteur vitivinicole, de sorte que le contrat type défini dans le cadre des accords interprofessionnels ne comporte pas toutes les clauses obligatoires en vertu de cet article.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 1052 .
Dans le cadre complexe du secteur viticole, les contrats doivent s'adapter à l'offre et à la demande. J'attends les arguments du ministre et du rapporteur à ce sujet.
Ce qui compte, c'est ce qui marche. Cet amendement vise ainsi à ne pas perturber ce qui fonctionne bien : en particulier, les accords interprofessionnels dans le domaine du champagne. Par souci de clarté, il faut également prévoir une réserve, selon laquelle l'obligation de faire figurer ces clauses dans les contrats types ne s'applique pas aux contrats types définis par des accords interprofessionnels conclus dans le secteur vitivinicole ou des décisions rendues obligatoires en application de la loi du 12 avril 1941 portant création du Comité interprofessionnel des vins de Champagne. Ces accords ont toujours bien fonctionné, et sont même un modèle au sein des interprofessions. Aujourd'hui, plus de 50 % de la production de champagne est exportée, ce qui prouve la réussite de ce secteur, qu'il faut veiller à ne pas perturber.
Ces amendements identiques émanent d'amoureux du vin et de la préservation de notre patrimoine français. Monsieur le ministre, en conclusion du débat sur l'article 4, vous nous avez rappelé l'objet de ce texte : accompagner les producteurs pour qu'ils s'organisent en filières, afin de peser davantage face à la grande distribution, notamment en matière de fixation des prix et de répartition de la valeur. La filière viticole, en particulier celle du champagne, est d'ores et déjà organisée. Viticulteurs, coopérateurs et négociants ont toujours travaillé ensemble dans ce sens. Il n'est pas envisageable que la future loi fragilise un tel équilibre. Cette filière, qui participe au rayonnement international de notre pays, doit faire face aujourd'hui à des difficultés face à la concurrence. Nous avons relevé tout à l'heure l'usage d'anglicismes dans notre hémicycle. « Champagne » est le mot de la langue française qui, dans le monde entier n'a nul besoin d'être traduit ! Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je ne doute pas de votre avis favorable pour préserver l'équilibre de notre filière viticole.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
Cet amendement est la conséquence nécessaire de l'amendement visant à adapter l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime aux spécificités de la filière vitivinicole ; il en est indissociable. La dérogation qu'il aménage permet aux contrats types définis dans le cadre d'accords interprofessionnels conclus dans le secteur vitivinicole de ne pas comporter l'ensemble des clauses obligatoires prévues par cet article. Nous en reparlerons à l'article 10, à propos des conditions de paiement plus favorables.
La parole est à Mme Sandra Marsaud, pour soutenir l'amendement no 2573 .
Dans la droite ligne de mes collègues, je propose d'adapter les dispositions de la loi aux pratiques des accords interprofessionnels de la filière viticole en matière de contrats types. On en a parlé pour le champagne, mais c'est également valable pour le cognac, dont 98 % de la production est exportée – ce qui témoigne, là encore, du pragmatisme et de l'expertise des accords types existants.
Je vous remercie, monsieur Brun, d'avoir souligné mon attachement à la filière viticole : avec une belle-famille tout entière implantée entre Beaune et Pernand-Vergelesses, il ne saurait en être autrement !
J'ai conscience, surtout après avoir entendu les interprofessions et notamment le CNIV – Comité national des interprofessions des vins – au salon de l'agriculture, que chaque filière est soucieuse de préserver sa spécificité, mais le projet du Gouvernement permet précisément un équilibre entre clauses obligatoires et respect des particularités des filières en renvoyant un grand nombre de dispositions aux accords interprofessionnels étendus. Il faut d'ailleurs noter, cela vous rassurera peut-être, que les accords qui respecteront la loi ou qui iront plus loin que celle-ci demeureront applicables.
Le Président de la République a mis les filières face à leurs responsabilités et la loi leur donne les moyens d'y parvenir avec un souci commun de préservation des producteurs. La définition par les interprofessions des indicateurs de coûts de production et de marché est au coeur de leur nouvelle mission, sans quoi l'inversion de la proposition contractuelle entre les mains des producteurs, des organisations de producteurs ou des associations d'organisations de producteurs ne sera pas opérante. Je suis donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Je remercie les députés des circonscriptions viticoles de nous avoir fait voyager au pays du champagne, du bergerac et des autres appellations. La filière viticole française est une belle filière, qui fait honneur à notre patrimoine – et aussi à notre balance commerciale, car nos exportations en matière de produits viticoles et vinicoles ont de quoi nous rendre fiers. Nous devons à tous ces producteurs qui, année après année, travaillent et enrichissent la terre que l'image de notre pays soit associée à ces beaux terroirs.
Cette filière a ses spécificités, et nous a adressé un plan de filière. Elle a pris ses responsabilités ; à elle de s'emparer des outils qu'elle va créer. Pour mémoire, l'article 1er, dans la version de la commission des affaires économiques, prévoyait un délai obligatoire de trois ans. Nous avons modifié cette disposition car, comme je l'ai rappelé, cette durée n'était pas pertinente pour beaucoup de secteurs dont le secteur viticole. Cette contrainte ajustée, les interprofessions peuvent imposer une durée minimale qu'ils jugent pertinente. Il n'y a donc pas lieu de prévoir de dérogation sectorielle pour une filière en particulier. C'est pourquoi je donne un avis défavorable.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous aussi sommes à l'écoute des interprofessions. Si nous avons été nombreux, sur tous les bancs de l'hémicycle, à déposer ces amendements identiques, c'est justement parce que l'interprofession viticole nous a alertés sur les difficultés que notre projet de loi pourrait engendrer dans le secteur. C'est important d'entendre les professionnels et de les autoriser à garder le fonctionnement qu'ils ont réussi à mettre en place pour participer à l'exportation de nos champagnes, de nos vins et de nos alcools. Nous devons être à leur écoute, et donc adopter ces amendements.
J'entends bien, madame Magnier, mais la difficulté qu'ont soulevée devant vous les représentants de la filière viticole, notamment ceux de votre territoire, a été levée grâce aux amendements adoptés à l'article 1er et relatifs à la question de la durée.
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 81 |
Nombre de suffrages exprimés | 71 |
Majorité absolue | 36 |
Pour l'adoption | 23 |
contre | 48 |
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour soutenir l'amendement no 502 .
Cet amendement rétablit le droit existant, que le projet de loi modifie en supprimant des précisions sur les clauses types que peuvent élaborer les interprofessions.
Je présume – monsieur le ministre, vous le confirmerez peut-être – que c'est la notion de prix plancher qui a motivé la réécriture de l'article 5. J'insiste sur le fait que cet amendement n'apporte rien : il s'agit simplement de moins modifier le code rural en vigueur.
La notion de prix plancher est relative à des clauses types, c'est-à-dire à des modèles de clauses. Aujourd'hui, le code rural prévoit l'existence de contrats qui définissent ce qu'on appelle des tunnels de prix : un prix plancher et un prix plafond. Son article L. 632-2-1 autorise les interprofessions à prévoir comme paramètre d'élaboration de prix son encadrement dans un tunnel de ce genre. Il ne s'agit absolument pas d'un prix minimum ni d'un prix recommandé.
Cette notion ne pose donc aucun problème pour l'application du droit de la concurrence dont il sera question tout à l'heure. Par conséquent je maintiens cet amendement pour que les précisions sur ce que peuvent faire les interprofessions en matière de clauses types soient les plus complètes possible.
Cet amendement permet de rappeler que les contrats interprofessionnels peuvent proposer des clauses types relatives aux clauses de réserve de propriété, ce qui favorisera la bonne exécution des contrats, notamment dans le secteur viticole.
S'agissant de l'amendement no 203 , je reprendrai le même argumentaire que celui que j'ai développé précédemment à propos du maintien du dispositif existant sur les clauses types.
Je reviendrai plutôt sur l'amendement no 502 . Le cumul des deux rédactions qu'il propose amènerait de la confusion du fait de la superposition de clauses différentes. En outre, il est impératif de supprimer la référence au principe de prix plancher. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces deux amendements.
Pour ce qui est des amendements identiques nos 260 et 461 , vous proposez d'insérer une clause interprofessionnelle de réserve de propriété, mais rien n'empêche l'interprofession du vin de la prévoir sans intégrer ce dispositif à l'article codifié sur les interprofessions, qui concerne tous les secteurs et toutes les productions. Avis défavorable également.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas. D'abord, je ne vois pas en quoi mon amendement créerait de la confusion : il apporte au contraire des précisions sur les clauses types. Ensuite, vous affirmez qu'il faut supprimer la notion de prix plancher. Je maintiens que sa suppression n'est pas motivée en droit. Il s'agit d'un principe de clause d'élaboration du prix, non d'un prix minimum. Je ne comprends pas en quoi il serait opportun, dans le cadre de ce projet de loi, de supprimer cette notion qui n'a pas été dénoncée jusque-là.
Je souscris à l'argumentation de M. Descrozaille. La notion de tunnel existe aujourd'hui dans une série d'accords interprofessionnels. Elle protège à la fois le producteur, lorsque les prix sont très bas, et le transformateur quand ils sont très hauts, limitant l'ampleur des variations d'une année sur l'autre. Je ne mesure pas tous les enjeux, mais l'amendement de M. Descrozaille m'interpelle.
Monsieur Turquois, il est tout à fait possible de parler de tunnel de prix dans les accords interprofessionnels dès lors que ce n'est pas la loi qui l'impose. De même, le prix plancher peut être défini au niveau d'une interprofession à condition de ne pas figurer dans un texte de loi – car ce serait contraire au droit européen.
Enfin, monsieur Descrozaille, maintenant que la direction générale de la concurrence s'est rendu compte de l'existence de la notion de prix plancher dans le droit français, je ne lui donne pas six mois à compter de l'adoption de cette loi pour obliger la France à la supprimer.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2288 .
Il est défendu, puisqu'il s'agit toujours de la notion de prix plancher : gardons du temps pour les discussions suivantes !
L'amendement no 2288 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur la base des arguments que j'ai déjà développés, cet amendement a pour objet de compléter le texte en précisant clairement que les indicateurs validés par accord interprofessionnel ont valeur d'indicateurs de référence.
La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour soutenir l'amendement n° 272 .
Il tend à ce que les indicateurs validés par accord professionnel étendu aient valeur de référence, et ne soient pas noyés dans la masse d'une multitude d'autres indicateurs.
Cette formule, avec le terme de « référence », ne me semble pas très claire car elle pourrait signifier que les opérateurs sont contraints de s'y référer. Tel qu'il est rédigé, l'article 5 permet d'aller aussi loin que possible, dans le respect des missions dévolues aux interprofessions en application du règlement OCM – organisation commune des marchés des produits agricoles – et en tenant compte également des avancées opérées dans le cadre du règlement « omnibus », entré en application depuis janvier 2018. Avis défavorable à ces amendements.
Le terme « référence » peut, en effet, être source de difficultés d'interprétation et de contrôle. La formulation doit être utilisée si elle renvoie à l'impossibilité d'utiliser un autre indicateur dès lors qu'un indicateur public interprofessionnel est disponible pour un produit concerné.
En revanche, je soutiens la mise en exergue, dans un autre amendement, des indicateurs validés par accord interprofessionnel, qui poursuit le même objectif.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour soutenir l'amendement no 504 rectifié .
Nous abordons, à mon sens, le coeur de ce texte : la dérogation du secteur agricole aux règles du droit de la concurrence. Avec ce texte, nous n'apportons pas d'argent aux producteurs, nous ne modifions pas leurs conditions fiscales, mais nous créons du droit pour les protéger. Cette démarche s'inscrit dans la longue histoire de la PAC puisque, depuis l'origine, il est établi en droit, au niveau européen, que le secteur agricole déroge à l'application du droit de la concurrence en vertu des cinq objectifs du traité de Rome, dont deux sont partiellement contradictoires, puisque l'un garantit des prix raisonnables au consommateur et l'autre un revenu équitable à la population agricole.
Avec le présent texte, nous nous préoccupons du revenu de la population agricole. En droit, pendant des années, cette dérogation s'est traduite par l'intervention de prix publics. À la suite des accords de Marrakech déjà cités par M. Ruffin, l'agriculture a été inscrite à l'ordre du jour du GATT, lequel est devenu l'OMC, et l'intervention publique a été interdite.
Puis, les réformes de la PAC pour la mettre en conformité avec les accords internationaux conclus au niveau de l'OMC ont consisté à démanteler tous les mécanismes de stabilisation et de protection des marchés. Il ne reste aux producteurs que leurs organisations, leurs associations d'organisations et les organisations interprofessionnelles.
Cette dérogation, les juristes du droit de la concurrence n'ont jamais su l'interpréter. Ils ont toujours considéré que, hors de la concentration capitalistique, il n'y avait point de salut. Durant ces vingt dernières années, la direction générale de la concurrence, au niveau de Bruxelles, a pris la main sur la Direction générale de l'agriculture et du développement rural et a pris de plus en plus d'importance au sein de notre administration.
Très récemment, la Cour de justice de l'Union européenne a clarifié cette question, dans l'arrêt sur le dossier du cartel des endives. Elle a ainsi défini que les organisations de producteurs ont le droit d'échanger des informations stratégiques sur les prix et sur les volumes sans être accusées d'entente. Elle a eu une lecture qu'elle appelle téléologique des traités et elle a avancé la notion d'« effet utile », contredisant par là les arguments avancés par les juristes du droit de la concurrence depuis des années, et notamment ceux qui avaient accusé France Endive de conclure des ententes sur les prix.
L'amendement que je présente reprend textuellement ces principes, qu'il s'agisse des termes de l'article 157 du règlement européen portant OCM ou, pour les questions des échanges d'informations stratégiques en prix et en volume, de ceux de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne rendu sur le dossier du cartel des endives.
Ne pas les adopter reviendrait à céder à l'intimidation technocratique. Beaucoup d'agents, dans nos administrations, sont convaincus qu'un trop grand nombre de petits metteurs en marché ne favorise pas une situation économiquement saine et n'est donc pas politiquement souhaitable. Ils interprètent le droit pour ne pas leur permettre de survivre ou, pire, de prospérer.
Nous devons prendre nos responsabilités. En tant que législateurs, nous pouvons interpréter, transcrire les arrêts de la Cour de justice de l'Union, les transposer dans le code rural de manière à permettre aux interprofessions de mieux protéger les producteurs.
Rappelons qu'une organisation interprofessionnelle fonctionne à l'unanimité et que ses accords ne peuvent être étendus par l'État qu'après un contrôle de conformité légale.
J'insiste donc sur l'importance de cet amendement.
J'ai été long mais je voudrais terminer par un dernier point. Contrairement à ce que je viens d'entendre, il ne s'agit pas là de fronde : je nourris le plus grand respect pour le travail du rapporteur, qui porte ce texte avec le ministre de façon extrêmement courageuse. Ce projet de loi est compliqué. Il maintient un équilibre entre les attentes sociétales et les souhaits des producteurs, les deux étant contradictoires. Je respecte ce qu'ils font. Je ne fais qu'exercer ma liberté en m'exprimant ainsi sur des dossiers de fond, et je suis las d'entendre que soit nous sommes disciplinés et godillots, soit nous sommes frondeurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-Agir et Modem.
Nous avons déjà eu à de nombreuses reprises ce débat avec M. Descrozaille. Je partage une partie de son objectif, mais en tant que rapporteur, je me dois de lui rappeler que son amendement soulève un certain nombre de difficultés, tenant notamment au périmètre des informations stratégiques qui pourraient être échangées.
Vous le savez, le sujet est sensible et lourd d'interprétation.
Vous reprenez le vocabulaire de l'arrêt relatif au cartel des endives, c'est vrai, mais cet arrêt concerne les organisations de producteurs et les associations d'organisations de producteurs, non les interprofessions, ce qui est différent. Les interprofessions sont des organismes interprofessionnels – des OI, selon la Commission européenne – et les organisations de producteurs sont des OP. Vous prévoyez d'offrir la possibilité aux interprofessions de fournir des analyses prévisionnelles, alors que le droit européen est formel sur ce point : les indicateurs et indices évoqués dans ce projet de loi ne peuvent en aucun cas concerner l'avenir. Les interprofessions ne peuvent que constater ces indicateurs et en rendre compte. La détermination d'un indicateur pour l'avenir pourrait être qualifiée d'entente puisqu'il s'agit d'indicateurs déterminés par des organismes interprofessionnels.
Le sujet est trop sensible, compte tenu des responsabilités accordées aux interprofessions par ce texte. L'action des interprofessions doit s'inscrire dans le respect du droit de la concurrence. Sur ce point, nous serons en désaccord. La réponse de l'Autorité de la concurrence, saisie sur les possibilités d'action offertes aux acteurs du secteur agricole pour structurer les filières, accompagnés du guide qui serait élaboré par les services de la DGCCRF, permettra à chaque opérateur de savoir ce qu'il est autorisé à faire ou pas.
Aujourd'hui , l'ensemble des interprofessions avec qui j'ai échangé s'inquiètent ce qu'elles sont autorisées à faire ou pas. Je ne pense pas qu'il faille tenter le pari, dans ce projet de loi, d'aller le plus loin possible, car on mettrait en insécurité juridique les interprofessions, ce qui ne serait pas leur rendre service. Avis défavorable.
Monsieur Descrozaille, je sais que chacun des députés travaille avec un soin particulier ses amendements. Je respecte le travail précis et approfondi que vous menez. Cependant, ces amendements sont également étudiés par le cabinet, et en particulier le service juridique du ministère. Il s'avère que votre amendement pourrait soulever un certain nombre de difficultés, tenant au partage des informations stratégiques. Du fait de l'avis de l'Autorité de la concurrence qui permet de définir ce que peut faire une interprofession, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire cette disposition dans la loi.
Je vous propose, au vu du travail que vous avez fourni, que mes services et mon cabinet se tiennent à votre disposition pour échanger sur ce sujet et vous fournir une analyse fine, technique et pratique des raisons qui nous amènent à rendre un avis défavorable à votre amendement.
Je voudrais soutenir l'amendement de M. Descrozaille. Je comprends les arguments soulevés par le rapporteur et le ministre, même si je n'ai pas les compétences juridiques ni le recul nécessaires pour mesurer le risque de fragiliser les interprofessions qu'ils évoquent.
Il me semblerait judicieux, cependant, d'adopter cet amendement afin de l'intégrer au texte qui sera transmis au Sénat. Cela nous permettrait de retravailler au Sénat à partir d'une base déjà écrite. La rédaction que nous aurons adoptée aujourd'hui pourra être maintenue ou modifiée. Mais si on ne l'adopte pas aujourd'hui, le débat n'aura pas lieu ! Adoptons l'amendement, et s'il faut corriger la rédaction, cela pourra être fait au Sénat ou en revenant ici.
Je maintiens mon avis défavorable, mais je m'engage à travailler ce sujet avec M. Descrozaille afin de déposer un nouvel amendement en séance au Sénat.
Votre proposition me convient, monsieur le ministre, mais je remercie le président Jacob pour son intervention.
En effet, monsieur le rapporteur, nous avons beau en avoir longuement discuté, il est un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec vous : je suis convaincu qu'en l'espèce, c'est le pouvoir politique du Parlement par rapport à la technocratie qui est en jeu. J'insiste pour le dire ici. Dire que l'échange d'informations est impossible, c'est de l'interprétation et de l'intimidation. L'analyse de la Cour de justice part du cas particulier du cartel des endives, mais cette interprétation vaut pour tout, et elle n'opère pas de distinction entre les objectifs des organisations agricoles.
Il en va de même pour les analyses prévisionnelles. Quelle plaisanterie ! Ces dispositions sont écrites en toutes lettres dans l'article 157 de l'OCM ! Et je me suis entendu dire par les services que les analyses prévisionnelles seraient autorisées, mais pas les indicateurs ? De grâce ! Où est-il inscrit que les analyses qualitatives seraient autorisées – « baissier », « haussier »… – mais pas les chiffres ?
Tout cela mérite un travail complémentaire. Je remercie le ministre de m'avoir proposé de travailler avec son cabinet pour déposer un amendement au Sénat. Je le ferai avec plaisir et confiance. Merci également au président Jacob, mais je retire cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 504 rectifié est retiré.
J'étais prêt à soutenir cet amendement et je regrette qu'il ait été retiré. Permettez-moi de vous lire l'avis de l'Autorité de la concurrence, que je n'interprète pas de la même manière que le ministre : « Les organisations interprofessionnelles peuvent publier des indicateurs, des indices et des clauses de répartition de la valeur ». C'est ce que propose notre collègue.
Quant à la sécurité juridique, il est prévu que les organisations interprofessionnelles puissent notifier leurs accords préalablement à leur mise en oeuvre, pour s'assurer auprès de la Commission européenne qu'ils sont bien conformes au droit. La sécurité juridique est donc bel et bien assurée.
Par pitié, ne soyons pas frileux et utilisons au maximum les possibilités offertes par l'arrêt « endives » – « chicons », devrais-je plutôt dire, en bon député du Pas-de-Calais et du Nord ! – et le règlement « omnibus ». Ne restons pas en arrière alors que nous avons la possibilité d'aider les agriculteurs.
Monsieur Fasquelle, nous transposerons dans les articles prochains un certain nombre de mesures tirées du rapport de l'Autorité de la concurrence, mais là n'est pas la question.
Il est bien évident que les interprofessions peuvent faire valider leurs indicateurs par la Commission européenne, mais nous ne sommes pas dans ce cadre. L'amendement vise les indicateurs prévisionnels et non les indicateurs de coût de production. C'est bien différent. Je sais, ce sont des mots, mais en droit, tous les mots ont leur importance et il ne faut pas tout mélanger. Chaque terme doit être pesé.
Cet amendement est défendu.
Je tiens toutefois à préciser que j'ai, de nouveau, un problème avec le service de la séance qui n'a pas respecté, pour transcrire l'amendement, la rédaction que je lui avais fournie et que j'ai sous les yeux. Il convient de régler ce problème.
L'amendement no 540 est retiré.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1177 .
Le règlement « omnibus » du 13 décembre 2017 a modifié l'article 157 du règlement OCM et a ajouté dans les compétences des organisations interprofessionnelles celle « d'établir des clauses types de répartition de la valeur au sens de l'article 172 bis, portant notamment sur les gains et les pertes enregistrés sur le marché, afin de déterminer comment doit être répartie entre elles toute évolution des prix pertinents du marché des produits concernés ou d'autres marchés de matières premières ».
Cet amendement vise à tirer les conséquences de cette avancée d'« omnibus » en adaptant la formulation de l'alinéa 7 : il prévoit que les clauses types de répartition de la valeur ne peuvent faire l'objet d'accords étendus à l'ensemble des professionnels d'une filière, au sens de l'article L. 632-3 du code rural et de la pêche maritime.
Favorable.
L'amendement no 1177 est adopté.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 2478 .
Chers collègues, je souhaite vous emmener dans une autre réalité de territoire, puisque plusieurs ont été évoquées ici : celle des outre-mer.
Souvent, lorsque nous prenons la parole, dans cette assemblée, en tant qu'élus des outre-mer, c'est pour vous faire part de nos nombreuses difficultés. Or, ce soir, je souhaite vous faire part de ce qui marche ! Et ce qui marche, il faut le défendre !
Je prendrai l'exemple de La Réunion, territoire insulaire et isolé, situé à 10 000 kilomètres de la métropole – territoire captif aussi, d'une superficie de 2 500 kilomètres carrés, dont 1 000 kilomètres carrés de parc protégé. Sur le reste sont construites les infrastructures et vivent 850 000 habitants, qui ne se contentent plus de pratiquer la monoculture de la canne à sucre mais se sont également engagés dans la diversification agricole.
Durant des années, en effet, nous avons tous cru que nous ne pouvions nous nourrir qu'au prix d'importations massives, si bien que nous étions à la fois passifs et captifs. Nous sommes restés enfermés dans cette idée jusqu'au jour où des hommes et des femmes, trouvant cette situation insupportable, ont décidé de la combattre. Il nous a fallu quarante ans pour construire des filières intelligentes, permettant d'associer l'ensemble des acteurs. Et, alors qu'il y a quarante ans nous faisions venir de la salade, des tomates, des haricots et des poulets, La Réunion est aujourd'hui devenue autosuffisante pour certains produits animaux et végétaux.
Cette structuration intelligente des filières garantit aux consommateurs une production locale, soutient l'emploi, structure le territoire et crée de la valeur ajoutée. Un seul chiffre : de 2009 à 2016, la diversification agricole organisée en filières a permis de faire progresser le volume de l'élevage de 24 % et celui du végétal de 36 %.
C'est pourquoi, mes chers collègues, j'espère recevoir votre soutien pour ajouter à l'article 5 un alinéa qui précise que « la structuration en filières agricoles s'impose comme mode de développement d'une production locale, créatrice d'emplois et de valeur », cela étant valable dans les départements visés à l'article 73 de la Constitution. Nous ferions ainsi un geste fort en direction de ces gens qui y ont cru, qui nous ont rendus actifs et qui nous rendent fiers aujourd'hui de ces filières qui nourrissent nos populations.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
Madame la ministre, ne prétendant pas connaître aussi bien que vous les départements d'outre-mer, je ne me prononcerai pas sur le fond. Je partage votre sentiment. Toutefois, sauf mention contraire, le texte s'appliquera outre-mer. De surcroît, l'amendement oublie Mayotte, ce qui pose un problème. Avis défavorable.
Madame la députée, vous avez raison, l'île de La Réunion a su structurer ses filières de maraîchage ou d'élevage de volailles, ou sa filière bovine. Des marges de progrès, nous le savons, existent encore. Le texte sur lequel nous travaillons, le rapporteur vient de le rappeler, s'appliquera aux territoires ultramarins tout autant qu'aux territoires de la métropole, parce qu'ils sont tout simplement dans la République et que nous devons les prendre en compte.
J'aurai l'occasion, lors d'un prochain déplacement à Mayotte et à La Réunion, de rappeler les propos que j'avais déjà tenus dans les Caraïbes, à savoir que la structuration des filières, pour l'autonomie, la souveraineté et la qualité alimentaires des territoires ultramarins, est une priorité. Ces territoires, qui doivent en effet avoir la capacité de diminuer leurs importations de productions étrangères, disposent aujourd'hui des outils pour innover.
L'État est à leurs côtés, via, par exemple, les assises des outre-mer, qui se tiennent actuellement, les États généraux de l'alimentation ou le grand plan d'investissement 2018-2022, qui aidera à structurer l'amont des filières. Nous souhaitons que les États généraux ne soient pas uniquement réservés aux territoires métropolitains mais concernent également tous les outre-mer.
Votre amendement exclut enfin l'île de Mayotte, qui, comme nous le savons tous, est confrontée à de grandes difficultés, alors qu'elle a également la capacité de créer des filières.
Je sais, pour avoir rencontré les Mahorais au salon de l'agriculture, qu'ils sont en train de relever ces filières et de remporter ce pari de l'intelligence collective et de la confiance. Il convient d'emmener avec nous dans une dynamique de progrès l'ensemble des territoires d'outre-mer.
Les dispositions que nous prenons aujourd'hui les concernent intégralement : il n'est pas nécessaire de les mentionner dans le texte puisque, je le répète, ces territoires sont aussi ceux de la République.
Sur l'amendement no 2478 , je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Ericka Bareigts.
Je sais bien, monsieur le ministre, que le texte s'appliquera à l'ensemble des départements – car il s'agit bien en l'occurrence des départements d'outre-mer, et pas des territoires : ce sont deux statuts différents. Je tenais à le préciser, monsieur le ministre.
C'est vrai.
Toutefois, mon expérience, et de députée et de ministre des outre-mer, m'a appris que, lorsque des textes doivent ou peuvent être appliqués aux départements d'outre-mer, il se passe des choses : des réunions de cabinet, des réflexions, des ordonnances… Et certains, qui ne connaissent pas nos territoires, se servent de dispositions réglementaires pour nous exclure des dispositifs nationaux.
Il y a eu trop d'évidences qui ne s'appliquaient pas. Nous avons connu trop de dispositifs de droit commun qui devaient s'appliquer et ne se sont pas appliqués.
Ce que nous demandons, c'est d'inscrire dans la loi une structuration en filières agricoles, c'est-à-dire un choix de développement, comprenant une perspective, un chemin que nous voulons tracer. Car une loi est également faite pour tracer un chemin, lorsqu'il est voulu et porté par des territoires. Il est nécessaire d'envoyer, aujourd'hui, ce message en votant cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe NG.
Il est difficile de parler après Ericka Bareigts ! Je tiens toutefois à ajouter un argument.
J'ai eu l'honneur et le bonheur, durant la précédente législature, d'élaborer, à la demande du Premier ministre, Écophyto II. Je me suis rendu dans toutes les régions, j'ai rencontré tous les partenaires institutionnels et le voyage qui m'a le plus impressionné est celui que j'ai effectué dans l'île de La Réunion, où nous nous sommes croisés, madame Bareigts. Cela a été conforté par la rencontre, en métropole, des élus et des acteurs de la Guadeloupe.
Qu'ils se trouvent dans l'océan Indien ou dans l'océan Atlantique, les habitants de ces territoires sont tous confrontés à des situations extrêmes en termes de climat et d'environnement économique, parfois agressif compte tenu des effets de dumping qu'a évoqués notre collègue.
Or, là-bas, dans ces territoires aux conditions économiques et climatiques extrêmes, il y a une image de l'excellence française, qu'il s'agisse de la gastronomie, de l'agronomie ou de l'école vétérinaire. Une sorte de génie de l'invention agrobiologique fait de la France un des laboratoires du monde. La France rayonne en Afrique et dans l'océan Indien, elle rayonne dans les Amériques et les Caraïbes à partir de ses territoires d'outre-mer. Nous devons y protéger une agriculture d'excellence contre les vents du marché.
Cet amendement apporte non seulement de la valeur économique et sociale à ces territoires mais contribue également à la recherche commune, sur notre planète, de solutions agroécologiques novatrices. C'est un argument supplémentaire.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 67 |
Nombre de suffrages exprimés | 51 |
Majorité absolue | 26 |
Pour l'adoption | 14 |
contre | 37 |
L'amendement no 2478 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly