Puisque nous entamons une nouvelle séance et que nous n'avons pas été très bavards jusqu'à présent, permettez-moi de prononcer un discours de la méthode.
À certains moments, vous répondez que nos propositions ne sont pas réalisables à cause des règlements européens – nous respectons les institutions européennes – , à cause de la loi de modernisation de l'économie, la LME, que nous n'avons pas remise en cause lors du quinquennat précédent – nous n'allons pas vous demander de le faire aujourd'hui, ce serait tout de même paradoxal – , parce que la justice ne peut pas être saisie, parce que l'État ne peut pas fixer les prix…
Nous pouvons entendre, en responsabilité, ces arguments, mais vous savez bien que l'État dispose de certaines marges de manoeuvre. Ainsi, le fait de laisser aux interprofessions la liberté de trouver elles-mêmes les bonnes solutions peut aboutir à des relations ressemblant, sans vouloir caricaturer, à celle du renard et des poules dans un poulailler. Si nous voulons organiser un peu les choses, il faut plus qu'une consultation de l'interprofession : il faut une volonté de l'État. Nous ne pouvons pas nous en remettre à la seule délibération, à la seule concertation. Le mouvement coopératif et le statut des groupements agricoles d'exploitation en commun – GAEC – , par exemple, ont été élaborés de manière volontariste, alors que les ministres compétents auraient pu nous répondre chaque fois que ces mesures relevaient du domaine réglementaire ou de dispositions fiscales.
Il faut afficher une volonté si on veut constituer de grandes AOP. Quand on voit aujourd'hui, dans la filière du lait, les rapports léonins que nous n'avons cessé d'évoquer au fil de nos discussions et quand 40 % seulement des producteurs qui ne sont pas en coopérative sont regroupés, le chemin pour retrouver des prix équilibrés est très long. Je ne vois pas ce qu'il en coûterait aujourd'hui au Gouvernement de dire dans la loi sa volonté de construire par voie réglementaire de grandes OP et AOP, par exemple dans le cadre d'un plan de cinq à dix ans, afin que nous ayons enfin dans notre pays une structure de l'offre à la hauteur des enjeux. Nous maintenons donc notre amendement et regrettons qu'il n'ait pas, en cet instant, rencontré d'écoute.