La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (nos 627, 902, 838).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de onze heures trente-trois minutes pour le groupe La République en marche, dont 351 amendements sont en discussion ; huit heures onze minutes pour le groupe Les Républicains, dont 839 amendements sont en discussion ; trois heures trente-six minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 59 amendements sont en discussion ; quatre heures cinquante-trois minutes pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 146 amendements sont en discussion ; quatre heures cinquante-quatre minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 94 amendements sont en discussion ; trois heures cinquante minutes pour le groupe La France insoumise, dont 87 amendements sont en discussion ; trois heures vingt minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 40 amendements sont en discussion ; treize minutes pour les députés non inscrits, dont 103 amendements sont en discussion.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 211 à l'article 5.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 211 , 925 , 1795 , 165 , 462 , 495 , 597 et 755 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 211 , 925 et 1795 sont identiques, de même que les amendements nos 165 , 462 , 495 , 597 et 755 .
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement no 211 .
Il est défendu, monsieur le président. Il s'agit de renforcer le rôle des interprofessions.
Sourires.
Monsieur Benoit, il eût été préférable que vous vous leviez et que vous vous approchiez du micro.
Non, monsieur le président : en restant assis à ma place, je m'assure que la durée de mon intervention ne sera pas décomptée du temps de parole de mon groupe !
Sourires.
La parole est à M. Jean-Claude Leclabart, pour soutenir l'amendement no 1795 .
De même que l'amendement défendu par M. Benoit, l'amendement no 1795 vise à renforcer le rôle des interprofessions.
Cet amendement, qui vise à reconnaître et conforter le rôle des interprofessions, a été très bien défendu par mes collègues.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 597 .
Cet amendement vise à renforcer les interprofessions en prévoyant qu'au sein des organisations interprofessionnelles reconnues, chaque organisation professionnelle adhérente propose au moins un indicateur pour l'élaboration des plans de filière et fasse « ses meilleurs efforts pour parvenir à un accord au sein de l'interprofession ».
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements.
Votre idée est tentante, mais nous sommes contraints par le règlement OCM – organisation commune des marchés agricoles. En effet, son article 157, qui régit les organisations professionnelles, dispose que les interprofessions « poursuivent un but précis prenant en compte les intérêts de leurs membres et ceux des consommateurs, qui peut inclure » plusieurs objectifs détaillés dans le règlement. Nous ne pouvons malheureusement pas rendre obligatoires les indicateurs que vous proposez de mettre en place mais, de fait, de nombreux indicateurs de ce genre existent déjà. Avis défavorable.
Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je vous annonce que, sur le vote de l'article 5, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements en discussion commune.
Sur le fond, le Gouvernement soutient bien évidemment l'objectif recherché par ces amendements, à savoir que les membres d'une organisation interprofessionnelle puissent se donner clairement les moyens de l'ambition portée par l'interprofession. Cependant, ces amendements ne peuvent pas être acceptés car, comme nous l'avons déjà dit lors de l'examen de l'article 1er, le fonctionnement de l'interprofession relève du domaine de l'initiative privée : c'est à l'interprofession de définir son règlement intérieur et les règles de son bon fonctionnement. Avis défavorable.
Avant que nous passions au vote sur l'article 5, je donne la parole à M. Arnaud Viala.
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
… nous semble apporter peu de plus-value aux dispositions de l'article 4, lesquelles étaient d'ailleurs relativement contestées par notre groupe. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 51 |
Nombre de suffrages exprimés | 34 |
Majorité absolue | 18 |
Pour l'adoption | 34 |
contre | 0 |
L'article 5, amendé, est adopté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 5.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 2420 .
Avec cet amendement, nous nous éloignons un peu des liasses d'amendements proposées par les acteurs de la société civile pour chercher quelques innovations qui viendraient compléter ce projet de loi. Pour ce faire, nous nous sommes directement inspirés des débats pluralistes organisés dans le cadre des États généraux de l'alimentation, qui ont fait émerger différentes préoccupations que nous avons donc tenté de reprendre dans les quelques amendements que je défendrai au nom de mon groupe.
L'amendement no 2420 , portant article additionnel après l'article 5 – d'autres amendements porteront sur d'autres articles – , vise à renforcer le pouvoir des associations d'organisations de producteurs, les AOP. Ces dernières ont aujourd'hui un poids relativement faible au sein des filières. Par exemple, dans la filière du lait, en dehors du secteur coopératif, elles regroupent moins de 40 % des producteurs. On compte, à l'échelle nationale, 650 organisations de producteurs – OP – , ce qui est beaucoup, mais seulement une poignée d'AOP, lesquelles représentent moins d'un tiers de la production nationale. Ces taux sont extrêmement bas dans certaines filières ; même dans les filières plus structurées, les AOP sont loin de représenter 50 % de la production.
Or tout l'édifice que nous avons bâti vise justement à rééquilibrer le rapport de forces entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Nous verrons à l'article 10 comment nous pouvons décartelliser et en finir avec les oligopoles d'acheteurs mais, si la profession ne s'organise pas de façon volontaire, nos efforts seront vains.
Pour ce faire, nous proposons différentes mesures. L'une d'entre elles, que je présenterai ultérieurement, est assez générale : elle consiste à élaborer une stratégie nationale de développement des AOP, relevant de la puissance publique, avec des leviers d'action multiples, à la fois réglementaires, fiscaux, budgétaires et portant sur la formation. Il conviendrait également de mobiliser les premier et deuxième piliers de la politique agricole commune, la PAC. Il s'agit toujours de construire, à terme, des rapports de force équilibrés : on ne s'en remet pas à la liberté des filières et des interprofessions, mais on structure l'organisation de l'offre française pour la faire monter en qualité et avoir des justes prix.
L'amendement no 2420 vise simplement à exercer un pouvoir dévolu à la puissance publique, celui de fixer les seuils de reconnaissance des organisations de producteurs. Nous n'avons pas eu l'outrecuidance ni la prétention de définir les seuils pertinents pour la filière laitière – les experts nous disent qu'avec quatre ou cinq organisations de producteurs par bassin, nous aurions enfin une structuration à la hauteur des enjeux de cette filière. Je ne serais pas capable de vous décrire aujourd'hui le niveau d'organisation des différentes filières de la production bovine ou ovine, de la production de volailles ou de tels ou tels fruits et légumes, mais toujours est-il que cette arme revient à l'État. Dans cet amendement, nous proposons tout simplement que les seuils de reconnaissance des organisations de producteurs soient revus par filière, afin d'encourager davantage le regroupement des producteurs au sein des interprofessions. En somme, c'est la puissance publique qui se met au service de ce mouvement de consolidation de l'offre dans notre pays.
Je partage votre préoccupation, monsieur Potier, mais il s'agit d'une disposition réglementaire – vous citez d'ailleurs dans votre exposé sommaire l'article D. 551-127 du code rural. Il revient donc au Gouvernement de décider s'il souhaite revoir ces seuils. Nous verrons bien ce que répondra M. le ministre. En tout cas, j'émets un avis défavorable puisque cette disposition relève du domaine réglementaire et non législatif.
Comme M. le rapporteur, je partage bien évidemment l'objectif d'encourager le regroupement des producteurs et la structuration des filières. Je partage également votre souhait de définir des seuils de reconnaissance des OP et AOP adaptés en fonction des filières. Pour ce faire, nous devons trouver le point d'équilibre entre la structuration des filières par une concentration de l'offre et la liberté laissée aux acteurs des différentes filières d'accéder ou non au statut d'OP ou d'AOP. Par exemple, dans les filières du lait de chèvre et du lait de brebis, …
… les seuils de producteurs permettant la reconnaissance d'une OP sont respectivement fixés à 50 et 60, contre 200 pour la filière du lait de vache. Il est également nécessaire de tenir compte des spécificités des différents territoires, notamment des zones de montagnes ou à faible densité – mais vous connaissez tout cela.
Il est nécessaire de réévaluer régulièrement les seuils de reconnaissance des OP. Ce travail est actuellement prévu dans le cadre des discussions avec les représentants des filières. Je veillerai à ce qu'il soit procédé à ce réexamen dès que ce sera nécessaire, en concertation, bien évidemment, avec les organisations agricoles et techniques concernées.
La question de la représentation des OP au sein des interprofessions constitue aussi un point fondamental. Il s'agit non pas de réduire le nombre d'OP pour ne conserver que les plus grandes ou les plus fortes, mais surtout de fédérer l'ensemble des OP dans une organisation commune qui ne peut être que d'initiative privée. Certaines filières, comme celles des fruits et légumes ou de la viande bovine, se sont déjà organisées ainsi. D'autres filières comme celle du lait, qui compte aujourd'hui soixante et onze OP et quatre AOP mais aucune fédération réunissant ces dernières, ont cette ambition, qu'elles ont portée dans leur plan de filière – la nécessité d'une telle structuration a d'ailleurs été rappelée dans la trentaine de plans de filière qui nous ont été livrés en décembre dernier.
Pour toutes ces raisons, monsieur Potier, je suis défavorable à votre amendement.
Puisque nous entamons une nouvelle séance et que nous n'avons pas été très bavards jusqu'à présent, permettez-moi de prononcer un discours de la méthode.
À certains moments, vous répondez que nos propositions ne sont pas réalisables à cause des règlements européens – nous respectons les institutions européennes – , à cause de la loi de modernisation de l'économie, la LME, que nous n'avons pas remise en cause lors du quinquennat précédent – nous n'allons pas vous demander de le faire aujourd'hui, ce serait tout de même paradoxal – , parce que la justice ne peut pas être saisie, parce que l'État ne peut pas fixer les prix…
Nous pouvons entendre, en responsabilité, ces arguments, mais vous savez bien que l'État dispose de certaines marges de manoeuvre. Ainsi, le fait de laisser aux interprofessions la liberté de trouver elles-mêmes les bonnes solutions peut aboutir à des relations ressemblant, sans vouloir caricaturer, à celle du renard et des poules dans un poulailler. Si nous voulons organiser un peu les choses, il faut plus qu'une consultation de l'interprofession : il faut une volonté de l'État. Nous ne pouvons pas nous en remettre à la seule délibération, à la seule concertation. Le mouvement coopératif et le statut des groupements agricoles d'exploitation en commun – GAEC – , par exemple, ont été élaborés de manière volontariste, alors que les ministres compétents auraient pu nous répondre chaque fois que ces mesures relevaient du domaine réglementaire ou de dispositions fiscales.
Il faut afficher une volonté si on veut constituer de grandes AOP. Quand on voit aujourd'hui, dans la filière du lait, les rapports léonins que nous n'avons cessé d'évoquer au fil de nos discussions et quand 40 % seulement des producteurs qui ne sont pas en coopérative sont regroupés, le chemin pour retrouver des prix équilibrés est très long. Je ne vois pas ce qu'il en coûterait aujourd'hui au Gouvernement de dire dans la loi sa volonté de construire par voie réglementaire de grandes OP et AOP, par exemple dans le cadre d'un plan de cinq à dix ans, afin que nous ayons enfin dans notre pays une structure de l'offre à la hauteur des enjeux. Nous maintenons donc notre amendement et regrettons qu'il n'ait pas, en cet instant, rencontré d'écoute.
L'État intervient dans ce processus : en agissant par décret et en travaillant avec les filières et les différentes organisations concernées, nous pouvons démontrer qu'il existe une volonté, un chemin que nous pouvons prendre pour créer de grandes OP et AOP, des structures qui peuvent porter des projets, aller chercher des débouchés économiques, traiter de nouveaux marchés et assurer cette qualité que nous appelons tous de nos voeux.
À l'issue des phases de concertation et des travaux menés entre l'administration et les représentants professionnels, le décret no 2018-313 du 27 avril 2018 a procédé à une refonte de la partie réglementaire qui régit les OP et les AOP. Nous avons procédé à une révision des seuils de reconnaissance dans le secteur de l'élevage : pour l'élevage bovin, le nombre minimal de producteurs nécessaires à la reconnaissance d'une OP est ainsi passé de 50 à 60 et le nombre d'animaux commercialisés de 5 000 à 6 000 équivalents gros bovins.
La volonté est donc là, nous avons la capacité d'agir par décret, et je ne pense pas qu'il faille mentionner une volonté expresse dans la loi : il nous suffit de l'incarner, de bâtir avec les OP et les AOP des stratégies de progrès et de conquête sur certains marchés et des stratégies de montée en gamme. C'est ce que nous appelons de nos voeux.
L'amendement no 2420 n'est pas adopté.
Cet amendement tend à prévoir qu'une partie à un contrat peut saisir une instance de conciliation des litiges. À ce jour, en effet, seules les organisations professionnelles membres de l'interprofession peuvent saisir cette commission des litiges.
La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour soutenir l'amendement no 413 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 612 .
L'article 5 renforce les missions des interprofessions pour faciliter notamment le traitement des litiges et fournir un appui méthodologique aux producteurs. Ainsi, les interprofessions auront le soin d'élaborer et de diffuser les indicateurs.
À plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous avez été très attentif et vous avez souvent évoqué la responsabilisation que vous souhaitiez pour les filières. Cet amendement vise à apporter un soutien aux filières en faisant en sorte que l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires puisse intervenir et qu'ainsi les opérateurs économiques puissent disposer d'indicateurs publics des coûts de production et des prix de marché. Pourrait ainsi être confiée à l'observatoire la mission d'élaborer de tels indicateurs en parallèle avec le travail des interprofessions.
Par ailleurs, l'observatoire pourrait émettre des avis, recommandations et conseils pour aider les filières à indiquer le degré de pertinence des indicateurs utilisés dans les contrats à la demande de l'une des parties. Nous avons beaucoup évoqué les indicateurs hier. Leur rôle est très important et il serait souhaitable que l'observatoire puisse apporter un appui aux professionnels, aux filières et aux interprofessions.
Il n'est pas nécessaire d'étendre la saisine de l'organe de résolution des litiges des interprofessions aux représentants des acteurs économiques : laissons les membres des interprofessions défendre leurs intérêts. De fait, l'amendement propose que les opérateurs économiques puissent directement saisir l'instance de conciliation des interprofessions, et que cette saisine ne soit plus réservée aux organisations professionnelles membres de ces interprofessions. Par exemple, alors que l'instance de conciliation peut aujourd'hui être saisie par la Fédération nationale des industries laitières – FNIL – , l'amendement propose que Lactalis puisse la saisir aussi. Cela risque de mettre certaines organisations professionnelles en difficulté. J'y suis donc défavorable.
Comme vous le savez, dans la viticulture, des délais de paiement plus longs que ceux que prévoit l'article L. 443-1 du code du commerce sont une pratique courante et partagée par tous les acteurs. Il est donc important de préciser dans la loi que, dans ce cas, il ne s'agit pas de délais de paiement manifestement abusifs.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 201 .
Cet amendement, lui aussi relatif aux délais de paiement, tend à prévoir la possibilité de déroger à ces délais par accord interprofessionnel, des délais plus courts ou plus longs pouvant être négociés au sein de chaque interprofession.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 1053 .
Comme l'a dit mon collègue, en la matière, des pratiques particulières sont courantes dans certaines professions – la viticulture en fait partie. Si deux familles professionnelles se mettent d'accord sur un décalage de paiement, je ne vois pas pourquoi on les en empêcherait.
Je défends donc cet amendement, en attendant les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre.
La parole est à M. Jacques Cattin, pour soutenir l'amendement no 1854 .
Laisser à l'autorité administrative centralisée l'appréciation de l'abus manifeste d'un délai de paiement sans en préciser clairement les règles n'est pas respectueux de nos interprofessions viticoles régionales.
Pour que l'article proposé soit pertinent, il faut être précis et exiger, d'une part, que les décisions d'encadrement soient prises à l'unanimité des familles professionnelles de la production et du négoce, voire de la coopération, bien que celle-ci n'y soit malheureusement pas contrainte, compte tenu de son statut, et c'est bien dommage. Il faut également exiger que ces délais de paiement s'inscrivent dans de bonnes pratiques et des usages commerciaux, loyaux et respectueux et, enfin, qu'ils tiennent compte des circonstances locales particulières et des produits concernés, comme les stocks à rotation lente – je parle des grands crus, qui sont mis en marché beaucoup plus tard et sont les fleurons de la viticulture et de l'image de la France.
L'article visé doit donc permettre à chaque interprofession de s'adapter au mieux, en fonction de sa spécificité régionale. Il ne doit pas être arbitré par une interprétation déconnectée de nos terroirs viticoles.
La parole est à Mme Sandra Marsaud, pour soutenir l'amendement no 2583 .
Cet amendement, qui porte sur la dérogation actuellement permise aux délais de paiement de 45 ou 60 jours en cas d'accord interprofessionnel étendu, inverse la charge de la preuve que la dérogation de délais de paiement est justifiée, avec le risque de renforcer le déséquilibre des relations commerciales amont-aval.
Un projet de directive visant à interdire des pratiques commerciales déloyales a été présenté récemment par Phil Hogan. Bruxelles souhaite que les délais de paiement aux producteurs excédant 30 jours ouvrés après la livraison des produits périssables ou la réception de la facture soient définitivement interdits. La directive devra être transposée en droit français, mais il ne s'agit pour l'instant que d'un projet. Il faut, selon moi, une appréciation au cas par cas. Avis défavorable, donc.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l'amendement no 2421 .
Là encore, nous avons essayé de ne pas nous contenter de reprendre des plaidoyers présentés par d'autres, si légitimes soient-ils, et d'être créatifs, en partant du diagnostic établi par les États généraux de l'alimentation – EGA – et de formuler des propositions originales. L'argument consistant à invoquer le droit européen ne sera pas valable, car notre proposition est en conformité avec le règlement du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles.
L'amendement tend à ce que, lorsqu'un accord-cadre est conclu au sein d'une filière, les prérogatives de l'État en matière de régulation des productions soient activées.
La plus grande part de ce que nous avons décrit évince les concurrences extérieures à la France, où des concurrences stériles créent un phénomène de surproduction. Nous savons que les plus belles histoires que nous avons racontées – près de quatre décennies d'expérience avec les quotas laitiers et des dizaines, voire des centaines de signes d'identification de la qualité et de l'origine, les SIQO – , sont liées à cette maîtrise de la production.
Nous voudrions donc simplement, avec cet amendement que nous avons construit par nos propres moyens, décrire cette capacité à réguler l'offre dès lors qu'un accord-cadre est signé. Nous rappelons que les règles contraignantes portent sur de régulation de l'offre. Elles couvrent la régulation de l'offre uniquement pour le produit concerné et ont pour objet d'adapter l'offre à la demande. Elles n'ont ainsi d'effet que pour le produit concerné – cela va de soi, mais il vaut mieux le dire – et ne peuvent etre rendues contraignantes pour une durée de plus de trois ans, ce qui est très raisonnable.
Elles ne portent pas préjudice au commerce de produits autres que ceux qui sont concernés par ces règles. En outre, chose très importante, dans le respect de la liberté des producteurs, elles ne permettent pas la fixation des prix, y compris à titre indicatif ou de recommandation, et ne conduisent pas à l'indisponibilité d'une proportion excessive du produit concerné qui, autrement, serait indisponible autrement. En d'autres termes, nous n'organisons pas la pénurie pour faire monter les prix, mais nous contentons d'adapter l'offre et la demande.
Enfin, et c'est le dernier point de notre rédaction, auquel nous avons beaucoup travaillé et que je vous demande d'entendre avec respect pour le travail accompli par un collectif d'experts, de paysans et de responsables agricoles : elles ne créent pas de discrimination, ne font pas obstacle à l'entrée de nouveaux venus sur le marché – autrement dit, elles ne sont pas corporatistes et ne forment pas un clan ou un groupe : elles restent ouvertes. Il ne s'agit que d'une régulation sur un cahier des charges et sur un accord-cadre.
Il s'agit de muscler le rapport de forces et d'établir des règles de loyauté à l'intérieur de la profession agricole. Je le répète, nos références sont les quotas laitiers et les SIQO qui, pour toutes les productions, ont fait leurs preuves. C'est, monsieur le ministre, une faculté que nous proposons d'inscrire dans la loi.
Monsieur Potier, je reconnais l'originalité de l'amendement, qui n'est pas une copie d'amendements issus de différents organismes de la société civile. Permettez-moi de citer l'avis de l'Autorité de la concurrence, qui déclare qu'il faut encourager les mesures de régulation de l'offre des produits sous appellation d'origine contrôlée – AOP – ou indication géographique protégée – IGP – , mais dans les secteurs couverts par l'organisation commune des marchés agricoles – OCM – , à savoir le jambon, le fromage et les vins.
Le règlement OCM permet aux États membres, à la demande des producteurs, de leurs associations ou des organismes interprofessionnels, d'adopter des règles contraignantes pour la régulation de l'offre pour les fromages et le jambon bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographiquement protégée, au titre respectivement des articles 150 et 172. Les États membres peuvent également définir des règles de régulation de l'offre dans le secteur vitivinicole, en vertu de l'article 167 du même règlement. Ces dérogations spécifiques aux règles de concurrence et fondées sur des considérations en matière de qualité sont exclusivement liées à la gestion des volumes et ne peuvent porter sur les prix.
Lors de l'instruction, les parties auditionnées par l'Autorité ont fait valoir l'efficacité de telles règles pour la compétitivité de filières sous signe de qualité. Dans un souci de clarification des règles, l'Autorité préconise d'étendre les possibilités de régulation de l'offre existante dans ces secteurs sous AOP et IGP à d'autres produits bénéficiant de telles appellations. Encourageons-les. Tel est le sens de votre amendement d'appel, sur lequel je laisse le ministre s'exprimer.
Je demande le retrait de cet amendement, présenté par son exposé sommaire comme un amendement d'appel.
J'émets également un avis défavorable mais je veux dire à Dominique Potier que ce n'est pas parce que nos avis sont défavorables que nous ne respectons pas le travail accompli par les parlementaires. Vous ne m'entendrez jamais, pas plus aujourd'hui qu'hier ou que demain, affirmer que le travail produit par les parlementaires est mal fait ou ne procédant pas d'une réflexion suffisante.
Quoi qu'il en soit, nous estimons qu'à travers votre amendement vous proposez une dérogation au droit de la concurrence. C'est déjà le cas pour les fromages en AOP ou IGP. Dans son avis du 3 mai 2018, l'Autorité de la concurrence préconise d'étendre les possibilités de régulation de l'offre existant dans les secteurs sous AOP et IGP à d'autres produits bénéficiant d'une telle appellation.
Je vous remercie pour l'accueil que vous réservez à cette proposition. Vous confirmez qu'elle est conforme au règlement OCM, qu'elle est possible et qu'il y a même une recommandation de l'étendre à d'autres produits, ce que nous proposons d'inscrire dans la loi.
Ne jouons pas sur les mots : il s'agit au minimum d'un amendement d'appel. Vous semblez en partager la philosophie mais je n'ai pas compris ce qui fait obstacle, sur le plan juridique, à son adoption. Vous avez été respectueux de notre travail, je serai respectueux de votre position mais, en tout état de cause, nous maintiendrons cet amendement car nous pensons que, si nous n'innovons pas, nous retomberons dans les mêmes travers que ceux que nous avons connus après la loi Sapin 2, dans les mêmes ornières, dans les mêmes défauts. Il nous faut des instruments nouveaux pour un monde nouveau.
C'est dommage, monsieur le ministre. Nous nous connaissons suffisamment : je sais que vous partagez les principes et les recommandations contenus dans cet amendement. Vous m'avez d'ailleurs dit ce matin que vous assisteriez à une manifestation dans ma circonscription, territoire de l'IGP « Jambon de Bayonne », qui s'est justement inspiré de cette philosophie pour se construire.
La proposition que nous faisons n'est pas du tout polémique : il s'agit d'inviter l'ensemble de notre assemblée à inscrire dans la loi un certain nombre de dispositions permettant aux IGP de prospérer, de faire connaître leur travail et de se protéger. Je regrette votre position : ce n'est pas un bon moyen pour aboutir à un consensus au sein des différentes sensibilités de notre assemblée.
Je n'ai sans doute pas été assez clair. Cet amendement va dans le bon sens et rappelle ce que l'avis de l'Autorité de la concurrence préconisait. Toutefois, celle-ci affirme que les interprofessions doivent se saisir de la question, non que cela doit passer par la loi. Recourir à la loi est contraire aux règles de l'OCM ; en revanche, si les interprofessions s'en saisissent à leur niveau en s'inspirant de ce qui a été fait pour le jambon, le fromage et les vins, alors ce sera valable ; mais cela ne doit pas passer par un véhicule législatif.
Tel est l'avis de l'Autorité de la concurrence, et c'est tout son intérêt. J'invite d'ailleurs toutes les interprofessions et toutes les OP et AOP à le relire car il précise un certain nombre de choses qu'elles peuvent faire aujourd'hui mais ne font pas nécessairement. Il est donc important que cet amendement ait été débattu parce qu'il fait passer ce message aux interprofessions et aux opérateurs. Mais maintenant, c'est aux opérateurs de s'en saisir : cela ne peut pas passer par un véhicule législatif.
Si l'on veut aller plus loin que ce que préconise l'Autorité de la concurrence, cela relève du règlement européen, et donc d'un autre cadre du travail.
Il s'agissait d'un amendement d'appel, je vais le maintenir comme tel, mais nous pouvons imaginer que la France plaide sur ce sujet à l'échelon européen à l'occasion des négociations de la PAC. Il faudrait plaider, monsieur le ministre, pour que l'on puisse à nouveau réguler la production, dès lors qu'une interprofession en est d'accord. Vous savez bien que la régulation passera par des instruments publics : elle ne peut pas relever uniquement d'accords-cadres privés.
Nous sommes d'accord sur le fond ; permettez que l'on maintienne cet amendement d'appel pour la forme. Même s'il est trop tard pour demander un scrutin public, nous sommes heureux d'avoir mené ce débat et d'avoir obtenu votre accord politique sur le fond. J'espère qu'il prospérera à l'échelle européenne et que nous le défendrons ensemble.
Pour vous assurer de mon accord, je m'engage publiquement à porter ce débat auprès de l'ensemble de nos partenaires européens dans le cadre de la négociation de la future PAC. Comme vous le savez, l'enjeu sera particulièrement compliqué ; nous y travaillons.
Pour votre information, je serai d'ailleurs à Madrid la semaine prochaine avec la ministre espagnole et d'autres partenaires, afin d'établir un document de travail contenant des propositions, une position claire et précise sur un budget de la PAC ambitieux, …
… avec la volonté de l'ouvrir à un certain nombre de sujets : votre proposition peut en faire partie.
Je ne suis pas favorable à cet amendement. Il faut être prudent avec ce genre de sujets. Nous comprenons bien la logique de restriction de l'offre visant à faire monter les prix car cela est plus rémunérateur. Mais, en réalité, nous perdons en compétitivité et en performance, prêtant le flanc au risque d'importation. Cela fragilise ainsi complètement notre économie, ainsi que les agriculteurs.
Nous devons donc faire attention avant de prendre ce genre de mesures. Nous nous privons en effet de la capacité d'aller chercher des points de croissance à l'export, ce qui n'est quand même pas inutile pour notre industrie agroalimentaire. Ensuite, cela nous fait perdre de la compétitivité, déstabilisant nos producteurs et accroissant le risque lié à la concurrence. Je ne suis pas seulement réservé sur cet amendement : je voterai contre.
Je remercie le Gouvernement, qui s'apprête à plaider ce dossier à l'échelon européen.
Christian Jacob se met dans les pas de François Guillaume, dans mon département : j'ai de l'estime et du respect pour ce dernier, mais il a combattu férocement les quotas laitiers au motif que cela nous empêcherait d'exporter et limiterait la liberté. Or ils ont permis quatre décennies de revenus quasiment garantis et de modernisation des exploitations ; la capacité d'exportation n'a pas été empêchée, et vous le savez très bien.
Nous sommes des régulateurs, nous assumons clairement que la gauche, représentée dans sa diversité dans cette assemblée, est du côté des régulateurs, parce que l'agriculture ne marche pas avec le libéralisme : le meilleur de l'entreprise se révèle dès lors que les marchés sont organisés et protégés. Voilà notre ligne.
Ce débat aura au moins permis de rappeler, au-delà des illusions sur des amendements faussement communs, que nous avons de vraies divergences. Je suis heureux de retrouver ce bon vieux monde avec vous, Christian Jacob : nous ne sommes pas d'accord.
Le président Jacob, même s'il est un spécialiste, fonctionne avec un vieux logiciel : avec la demande mondiale, on passe de la logique de la fourche à la fourchette, et de la fourchette à la fourche. Dans le monde entier, c'est le consommateur qui décide de ce que l'on mangera.
La logique productiviste de produits à bas coûts ne répond pas à la demande mondiale future, à savoir plus de qualité dans l'assiette et l'information accessible d'un clic sur nos portables concernant les produits, leur contenu et combien le paysan a touché par kilo.
Votre logique, monsieur Jacob, ne permet pas à l'agriculture française de monter en gamme. C'est parce que nous serons les meilleurs dans la montée en gamme que nous serons les meilleurs sur le marché international.
À quoi aboutissent les raisonnements du type de celui tenu par M. Potier ? À la chose suivante : dans le domaine de la production porcine, il y a douze ou treize ans, nous avions la même production que les Allemands et les Espagnols. Les trois pays – France, Allemagne et Espagne – étaient à égalité. Aujourd'hui, la production allemande est deux fois plus importante que la production française, et il en va de même pour la production espagnole. Voilà la réalité.
En multipliant les contraintes artificielles, alors même que d'autres continuaient leur progression, nous avons abaissé la France.
Nous étions la première nation agricole et agroalimentaire : ce n'est plus le cas. On se fait plaisir. Si l'on retire de la balance des paiements les produits liquides – les vins et autres alcools – , nous sommes à peine excédentaires. Voilà la réalité de la politique qui a été trop longtemps été menée.
J'entends votre argument, monsieur Ramos, mais allez convaincre les Allemands et les Espagnols, qui, eux, font tout autre chose. Allez convaincre les Irlandais, qui multiplient leur production laitière par deux. Il en va de même pour les Polonais et pour bien d'autres. Voilà quel est l'enjeu.
Monsieur le ministre, j'attends autre chose de votre part : j'attends que vous défendiez le budget de la PAC. Les chiffres sont clairs depuis quelques heures : la baisse envisagée du budget de la PAC est non pas de 5 % ou 6 %, comme on le disait, mais de 8 %. C'est cela que vous êtes en train d'abandonner. On est en train de nous berner avec un texte qui veut donner des illusions à nos agriculteurs, au moment même où l'on cache les vraies évolutions du sujet européen, c'est-à-dire une réduction très sensible des moyens alloués à la production agricole. C'est cela que je vous reproche de dissimuler. Vous devez mettre toute votre énergie, monsieur le ministre, à défendre nos intérêts à Bruxelles.
Je ne veux pas trancher entre le vieux monde et l'ancien monde. Néanmoins, je note que, dans ce débat, on nous dit que nous ne pouvons pas, nous, détenteurs de la souveraineté nationale, choisir la manière dont nous souhaitons organiser notre agriculture, par respect de la réglementation européenne. S'il ne s'agit pas d'ouvrir un débat juridique, il convient toutefois de souligner ce point et de s'interroger.
Si encore l'Union européenne faisait les choses correctement ! Mais il y a des controverses. Un peu plus tôt, mon collègue Marc Le Fur parlait de la PAC. La Commission européenne a acheté 380 000 tonnes de lait en poudre pour faire augmenter les prix. Mais si, subitement, elle se met à les vendre, provoquant une baisse considérable des prix et des cours, alors on se tire une balle dans le pied.
J'aimerais que nous en débattions un jour car l'Union européenne nous impose, par certaines de ses réglementations, une manière d'organiser le secteur agricole, tout en le désorganisant par ailleurs, soit avec des décisions à courte vue, soit avec la baisse du budget de la PAC, qui est normalement l'une des principales politiques intégrées de l'Union. Cela mériterait un débat.
Ensuite, si j'aime bien les mots – « de la fourche à la fourchette », tout cela est très beau – , la réalité est que notre agriculture est à bout de souffle et que nous sommes en train de disparaître de la scène mondiale en tant que pays disposant d'une vraie avance technologique.
Si nous ne corrigeons pas très rapidement le tir, nous constaterons dans dix ou quinze ans que nous aurons totalement disparu de certains marchés.
Tout à l'heure, Marc Le Fur parlait d'élevage. Eh bien, je vous rappelle que l'Allemagne nous a également dépassés dans la production de fraises.
Je parle non pas de la fraise de Plougastel, mais plutôt de celle de Carpentras mais, quoi qu'il en soit, cela laisse rêveur. Quelque chose ne marche pas bien – on peut même dire que l'on marche sur la tête.
Monsieur Le Fur, je comprends ce que vous dites sur la PAC, et vous avez raison.
Mais nous ne pouvons pas faire un procès d'intention à M. le ministre de l'agriculture : il n'a cessé d'affirmer qu'il défendrait la PAC.
Merci !
Commençons par lui donner, tous ensemble, un mandat pour défendre la PAC et les intérêts français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.
Défendons-le tous, sur tous les bancs.
Ensuite, monsieur Le Fur, vous fonctionnez avec un vieux logiciel.
Vous êtes dans le nouveau monde, je n'ai aucun doute sur ce point, mais la question est simple : avons-nous envie de manger de la fraise allemande et des produits espagnols ?
Nous savons que les produits espagnols ne permettent pas aux consommateurs de manger sainement. Je n'ai pas envie que l'agriculture française ressemble à l'agriculture espagnole.
La vraie question, et vous l'avez posée plusieurs fois, monsieur Le Fur, c'est qu'il faut arrêter d'importer des produits respectant des normes différentes de celles que l'on impose aux agriculteurs français ; je serai d'accord sur ce point avec M. Le Fur et avec M. Jacob. Mais je ne veux pas que l'agriculture française ressemble à l'agriculture espagnole.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.
Le sujet est simple : la moyenne d'âge d'un élevage est de dix-neuf ans chez nous, de dix ans en Allemagne et de quatre à cinq ans en Pologne. Ils sont plus efficaces que nous parce qu'ils ont su se moderniser. Arrêtons de dire que leurs productions sont médiocres. Certes les nôtres sont meilleures mais à force de les sous-estimer nous nous sommes fait dépasser par nos concurrents.
Je ne fais aucun procès d'intention à notre ministre, mais j'écoute et je lis le Président de la République avec la plus grande attention. Il a exposé ses grandes idées européennes dans quatre beaux discours, celui d'Athènes, celui de la Sorbonne, celui prononcé devant le Parlement européen de Strasbourg, celui enfin d'Aix-la-Chapelle, tenu à l'occasion de la remise d'un prix.
Dans ces discours pas une allusion à la politique agricole commune. On y trouve beaucoup de belles et grandes choses, je ne le nie pas, mais comment voulez-vous convaincre nos interlocuteurs que nous plaçons au premier rang un sujet que le chef de l'État n'évoque même pas dans quatre discours explicitement fondateurs ? Il y a quand même un problème.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
On ne peut pas continuer de parler de sujets généraux engageant l'ensemble de l'Europe en oubliant à ce point les intérêts de nos agriculteurs.
Il ne s'agit pas même des intérêts de nos agriculteurs mais de la place de la France dans l'Europe et dans le monde. Le sujet est géopolitique : arrêtons de laisser la production de masse – elle existe, et elle est consommée par les gens modestes – aux Américains du Nord et du Sud, aux Océaniens, aux Russes et aux Ukrainiens. Nous aussi, Européens, y avons notre place. Il y a certes un marché pour les productions de niche mais nous y confiner serait une erreur de fond et c'est ce choix que je crains que nous fassions implicitement, notamment en votant ce texte.
Nous devons assumer notre rôle agricole, et ce rôle est mondial. Le refuser serait une erreur pour notre agriculture, pour notre nation, et – cela dit sans exagération aucune – pour la place de l'Europe et de la France dans le monde.
Je voudrais rapporter un débat qui s'est tenu à l'occasion des États généraux de l'alimentation et qui réunissait tous les acteurs : l'Association nationale des industries alimentaires – l'ANIA – , les syndicats dans leur diversité, la société civile. Il s'agissait là aussi de résoudre ce problème : comment produire dans le contexte mondialisé d'aujourd'hui ?
Notre amendement s'inscrit dans le droit-fil d'orientations qui ont été approuvées par tous ces acteurs. Alors, je vous en prie, pas de caricatures : il ne s'agit pas d'opposer le super-qualitatif local protégé et l'ouverture à tous les vents de la mondialisation. Le monde et les marchés ne sont pas tels. L'essentiel, pour la France et l'Europe, est tout d'abord de reconquérir leur autonomie en protéines pour l'alimentation animale et humaine.
La priorité pour la France est d'adopter des modes de production économes en énergies dont l'exploitation détruit la planète et nous rend dépendants d'une économie mondialisée où la fluctuation des cours condamne notre économie. La priorité pour la France est de reconquérir le marché intérieur sur les signes de qualité, domaine dans lequel nous sommes déficitaires, et pas seulement pour l'agriculture biologique, mais pour beaucoup d'autres productions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Les régulations des marchés ne nous ont jamais empêchés d'avoir notre place dans le monde. Vous savez très bien qu'il y a des quotas A et des quotas B. Plutôt que de mettre fin au système des quotas, nous aurions dû organiser un quota A pour le continent européen, où les producteurs seraient payés dignement quel que soit leur pays et un quota d'exportation pour prendre notre part dans le récit alimentaire du monde.
Toutes les études de l'Institut national de la recherche agronomique – l'INRA – et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – le CIRAD – disent que nous n'avons pas à être des super-producteurs qui inondent le monde mais que nous aurons besoin de toutes les paysanneries du monde, de commerce juste, de relocalisation, d'agro-écologie, d'une nouvelle performance qui n'a rien à voir avec les firmes que vous décrivez. Nous avons besoin de fermes coopératives innovantes. C'est comme ça que nous pourrons reconquérir non seulement la confiance de nos concitoyens mais de la valeur ajoutée économique, sociale et environnementale.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Sourires.
Les organisations de producteurs doivent se saisir des avancées qui ont été réalisées, notamment par le règlement OCM, pour réguler leurs volumes. Ce système fonctionne : il n'est qu'à voir la filière du comté. Il s'agit certes d'une filière particulière, qui fonctionne selon des modalités spécifiques et dont les volumes de production sont limités, mais cela marche et elle rémunère ses producteurs.
Qu'est-ce qui interdit aujourd'hui de construire des filières d'excellence selon les mêmes principes ?
On sait très bien que, dans un commerce mondialisé, on ne maîtrisera les prix que si on arrive à réguler les volumes de nos productions au niveau des organisations de producteurs, et non à celui des interprofessions.
Vous avez raté un discours du Président de la République, monsieur Le Fur : celui qu'il a tenu à l'occasion de ses voeux au monde agricole, dans lequel il défendait la PAC avec acharnement.
Applaudissements plusieurs bancs du groupe LaREM.
Dans ce discours, qui s'adressait aux bénéficiaires de la politique agricole commune, il a été parfaitement clair sur les intentions de la France en matière de défense de la PAC.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Quant à ce que vous dites à propos de la concurrence, je ne conteste pas qu'il faudra débattre de la question des charges – nous aurons ce débat lors de l'examen du projet de loi de finances, notamment s'agissant de la réforme de la fiscalité agricole – , mais il ne faut pas mentir aux agriculteurs français : même si on les réduit de façon conséquente, nous ne serons jamais concurrentiels par rapport au feed-lots nord-américains ou aux anciens kolkhozes ukrainiens.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Il faut donc travailler sur les productions de niche – les niches peuvent être grandes. Il faut mettre en place des circuits originaux et reconquérir le marché français sur lequel l'agriculture française a perdu pied depuis quelque temps.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. le ministre, pour essayer de synthétiser et conclure le débat fort riche que nous avons eu sur cet amendement.
Sourires.
C'est un débat important. Je dois d'ailleurs prochainement être entendu par votre commission des affaires étrangères sur le sujet de la PAC, et je crois utile d'informer l'ensemble de la représentation nationale de ce que nous voulons faire en la matière.
Vous avez raison, monsieur Le Fur, la baisse de 5 % qui est annoncée aujourd'hui…
Si vous le dites. Nous parlons en euros courants, et cela se traduit, en euros constants, par des baisses de 15 % voire 17 % du revenu des agriculteurs, ce qui met en péril la viabilité même des exploitations.
Il ne s'agit pas de dire que nous avons abandonné la partie – bien au contraire : la partie commence. Une proposition a été mise sur la table. Nous devons surenchérir et, pour l'emporter, nous nouer des alliances. C'est ce que nous faisons ; c'est ce que nous avons fait dès le lendemain du jour où la Commission a présenté ses propositions afin d'être en mesure de présenter un autre visage de la PAC, une PAC plus lisible, plus simple pour les agriculteurs, une PAC qui permette de préserver les filets de sécurité dont ont besoin les agriculteurs, une PAC dont on saura que le premier pilier ne peut pas avoir de cofinancements nationaux – c'est bien un projet européen sur lequel nous nous appuyons. Nous avons besoin de tout le monde pour porter la voix de la France.
Dans son discours prononcé dans le Puy-de-Dôme lors de ses voeux aux agriculteurs, le Président de la République a été clair à ce sujet. Nous avions également évoqué la PAC au salon de l'agriculture. Mon mandat est de défendre un budget ambitieux pour la PAC. C'est ce à quoi nous travaillons avec le Premier ministre, sous l'autorité du Président de la République, et je puis vous assurer que nous avons les coudées franches pour aller chercher des alliés sur une proposition beaucoup plus favorable pour nos territoires.
Nous avons besoin de la PAC pour soutenir les AOP et les AOC, mais on ne peut pas résumer la France à une agriculture de niches.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
Certes, nous pouvons aller chercher de la valeur ajoutée en travaillant sur des niches, et obtenir les points de compétitivité qui nous manquent – c'est également là que nous pouvons aller chercher de nouvelles productions propres à satisfaire les consommateurs – , mais il doit aussi y avoir une volonté exportatrice. Nous l'avons évoqué cet après-midi à propos des vins et spiritueux, domaine dans lequel nous avons d'excellents résultats.
Nous devons continuer à aller chercher des points de compétitivité et de la marge à l'exportation. C'est le « en même temps » : nous devons pouvoir faire les deux. C'est dans cette direction que je souhaite emmener l'agriculture française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Sur l'amendement no 2421 , je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Pour permettre à chacun de réfléchir aux nombreux arguments qui ont été développés, je vous propose de suspendre quelques minutes la séance.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 91 |
Nombre de suffrages exprimés | 88 |
Majorité absolue | 45 |
Pour l'adoption | 11 |
contre | 77 |
L'amendement no 2421 n'est pas adopté.
Cet amendement rédactionnel vise à remplacer, à l'article L. 632-4 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « les mesures » par les mots : « les actions communes », lesquels figurent déjà à l'article L. 632-3 et désignent les actions susceptibles d'être rendues obligatoires par l'extension des accords interprofessionnels.
À mon avis, la formulation actuelle satisfait déjà votre demande, monsieur Bony. L'article 164 du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles n'utilise pas les termes « actions communes », mais évoque plutôt des « accords », des « décisions » ou des « pratiques concertées ». Avis défavorable.
L'amendement no 204 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Dino Cinieri vise à faire en sorte que les organisations interprofessionnelles percevant des créances ne soient pas soumises au contrôle prévu à l'article L. 133-4 du code des juridictions financières. Cela signifie, en fait, qu'il tend à mettre fin au contrôle des organisations par la Cour des comptes afin de sécuriser le régime juridique qui leur est applicable.
Les États généraux de l'alimentation ont été l'occasion de rappeler la nécessité de sécuriser juridiquement les actions des interprofessions.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour soutenir l'amendement no 517 .
À mon avis, une telle dérogation devrait être inscrite non pas dans le code rural et de la pêche maritime mais plutôt dans le code des juridictions financières.
De plus, le fait que la Cour des comptes puisse contrôler des organisations interprofessionnelles participe à la sécurité juridique des interprofessions. Avis défavorable.
Avis défavorable pour les mêmes raisons, monsieur le président.
Monsieur le ministre, nous sommes tous convaincus que les organisations interprofessionnelles doivent jouer un rôle conséquent. Nous sommes tous convaincus que l'un de leurs devoirs est la défense des produits d'origine française. Cet amendement vise tout simplement à leur permettre de solliciter des marchés les cotisations leur permettant de réaliser des actions de promotion de ces produits.
Il me semble que cela est assez simple et devrait faire l'unanimité au sein de cette assemblée : il s'agit de donner les moyens aux organisations interprofessionnelles pour agir en faveur de nos produits.
Le droit européen interdit le financement via des fonds publics mentionnant l'origine, sauf à travers les SIQO – dont font partie les IGP – , parce qu'ils sont reconnus officiellement. L'utilisation des CVO – contributions volontaires obligatoires – est risquée en raison du doute toujours persistant sur leur nature, comme me l'a encore rappelé la Direction générale de la concurrence lorsque j'ai été la voir à Bruxelles. Cet organe continue d'ailleurs à mettre en cause la pertinence des CVO. Même si la loi française précise bien qu'il s'agit de crédits de nature privée, l'utilisation des CVO est encadrée par le droit européen qui, je pense, limite les possibilités de les utiliser dans le cadre d'opérations de promotion. Avis défavorable.
L'amendement no 678 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1623 rectifié .
L'article 5 bis, inséré par la commission des affaires économiques, prévoit que les organisations de producteurs et les associations d'organisations de producteurs qui ne réalisent pas la commercialisation des produits de leurs membres peuvent échanger des informations stratégiques.
Dans son avis du 3 mai 2018 relatif au secteur agricole et, plus particulièrement, aux possibilités d'actions offertes aux OP et aux AOP du secteur agricole en matière d'échanges d'informations au regard des règles du droit de la concurrence, l'Autorité de la concurrence a précisé que la dérogation prévue à l'article 152, paragraphe 1, point c-ii, du règlement OCM peut bénéficier à toutes les OP ou AOP concentrant l'offre et mettant sur le marché la production de leurs membres, qu'il y ait ou non transfert de propriété. Le présent amendement tient donc compte de cet avis, qu'il vise à transcrire dans le droit.
Après mûre réflexion, avis favorable.
Je trouve que cet amendement intéressant va dans le bon sens, mais qu'il y va très peu.
J'ai présidé nos travaux en fin d'après-midi : l'amendement no 504 de notre collègue Frédéric Descrozaille présentait des idées autrement plus pertinentes. Il allait bien au-delà. Une porte a été ouverte par la Cour de justice européenne avec le fameux jugement concernant les endives. La porte a été un peu plus ouverte par les parlementaires européens avec le règlement omnibus. Eh bien, ne soyons pas moins ambitieux que les juges et les parlementaires européens !
Nous sommes souvent les premiers à critiquer leur caractère timoré mais, pour une fois, qu'ils allaient dans le bon sens, on ne les accompagne pas, ou très peu : il est simplement question d'échanges d'informations. L'amendement de M. Descrozaille, évoqué en fin d'après-midi, allait bien au-delà en autorisant non seulement des échanges d'informations mais des actions stratégiques permettant de peser sur les marchés. Si l'on n'y parvient pas, on se prive d'un moyen d'action pour nos agriculteurs. Nous devons en être conscients.
Nous n'allons pas refaire le débat de cet après-midi mais je précise à nouveau au président Le Fur que cet amendement vise justement à aller au maximum de ce que le droit européen autorise aujourd'hui en intégrant les nouveautés du règlement Omnibus.
J'ajoute que l'amendement de M. Descrozaille concernait les interprofessions et qu'il est ici question des OP et des AOP.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 1623 rectifié est adopté.
L'article 5 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1178 .
L'amendement no 1178 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 5 ter, amendé, est adopté.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement no 354 , portant article additionnel après l'article 5 ter.
L'amendement no 354 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Monique Limon, pour soutenir l'amendement no 2258 .
Cet amendement, défendu par le groupe La République en marche, s'inscrit dans la lignée de ceux que nous avons présentés.
L'article 1er du projet de loi propose que les organisations interprofessionnelles dialoguent, se mettent d'accord et fixent des indicateurs et, comme nous avons entendu les demandes des agriculteurs quant au risque d'absence d'accord entre les parties au sein des interprofessions, nous avons déposé des amendements. Le premier étage du dispositif, adopté à l'article 4, permettant la saisine du médiateur des relations commerciales agricoles par une organisation membre d'une interprofession pour un avis ou une recommandation sur des indicateurs. Le deuxième étage, c'est précisément cet amendement, avec la saisine de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont nous souhaitons qu'il puisse apporter un appui technique aux parties.
L'article 5 prévoit la possibilité, pour les interprofessions, d'élaborer et de diffuser les indicateurs mentionnés à l'avant-dernier alinéa du II de l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.
L'article 5 quater résulte de deux amendements : l'un de Mme Monique Limon et des membres du groupe La République en marche, l'autre de votre rapporteur. Il renforce les dispositions de l'article 1er tendant à promouvoir un équilibre au sein des relations commerciales dans le secteur agricole, en particulier lors de la détermination des prix entre les parties.
À cet effet, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires apparaît comme une structure objective permettant d'encadrer au mieux les indicateurs des prix et, ainsi, d'assurer des prix justes pour les producteurs. Il donne notamment à l'OFPM le rôle d'élaboration et de diffusion des indicateurs que les parties pourront prendre en compte dans les contrats de mise en marché des produits agricoles si les interprofessions font défaut dans l'accomplissement de cette mission.
Alors que l'observatoire étudie déjà les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l'ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et qu'il examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation de ces produits, il convient d'en faire un outil pour aider, le cas échéant, les interprofessions à remplir leur mission.
Je regrette une nouvelle fois l'adoption de l'amendement à l'article 1er qui confère à l'OFPM un rôle pour valider ces indicateurs.
Il me semble beaucoup plus judicieux d'en faire un outil d'appui plutôt qu'il ne se substitue aux interprofessions, lesquelles ne doivent pas pouvoir se défausser sur la puissance publique : il faut qu'elles assument leurs responsabilités.
Avis favorable.
L'amendement no 2258 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 5 quater est ainsi rédigé ; en conséquence, les amendements nos 1939 , 2195 , 1940 , 699 , 709 , 747 , 857 , 893 , 908 , 971 , 1085 , 1135 , 1182 , 1313 , 1515 , 1639 , 1807 , 2093 , 2631 , 140 , 166 , 243 , 275 , 288 , 598 , 663 , 757 , 798 , 1260 , 1310 , 1479 , 1543 , 1045 et 2260 tombent.
L'article 5 quinquies complète l'article L. 611-2 du code de commerce afin de permettre au président du tribunal de commerce d'enjoindre aux dirigeants d'une société commerciale du secteur agroalimentaire ou de la grande distribution de déposer ses comptes sous astreinte pouvant aller jusqu'à 2 % du chiffre d'affaires journalier moyen réalisé en France par la société.
Tel qu'adopté, cet article affaiblit l'efficacité de l'astreinte, tant par rapport au régime général fixé par l'actuel article L. 611-2 du code de commerce qu'au régime spécifique auquel il se substitue en ce que le président du tribunal ne pourra agir que si l'absence de dépôt des comptes est répétée. Il est donc proposé de supprimer les mots : « , de manière répétée, ».
J'émets un avis favorable sur cet amendement qui concerne la publication des comptes. Nous avons souvent évoqué ce sujet important, cet élément attendu par un certain nombre de professionnels agricoles.
J'ajoute que nul ne saurait se soustraire à la loi : en l'occurrence, nous renforçons le dispositif pour que les grandes entreprises publient leurs comptes et agissent dans la plus grande transparence possible, à l'image des PME et des TPE.
L'amendement no 2695 est adopté.
Cet amendement vise à renforcer la capacité du ministre de l'économie et du ministre de l'agriculture à saisir directement le président du tribunal de commerce pour que celui-ci oblige les entreprises qui ne publient pas régulièrement leurs comptes à le faire. Tout l'édifice que nous avons construit repose sur cette transparence ; il importe donc de la garantir.
Puisque l'excellent amendement no 2695 du rapporteur a été adopté, je retire cet amendement.
L'amendement no 704 est retiré.
Cet amendement de notre collègue Jean-Pierre Vigier vise à renforcer le pouvoir de saisine du président du tribunal de commerce par le ministre de l'économie ou le ministre de l'agriculture. Nous avons tous en tête un certain nombre d'entreprises qui ne publient pas leurs comptes et nous avons même auditionné les représentants de certaines d'entre elles au sein de la commission des affaires économiques. Afin d'accélérer la publication des comptes, nous proposons de conférer le pouvoir de saisine aux ministres concernés.
L'objectif est d'accélérer l'application des sanctions. Les Français savent que la justice peut être très énergique et très rapide lorsqu'une affaire est très médiatisée, mais qu'elle est parfois peu encline à déclencher des procédures. Or nous savons tous que certaines entreprises, que certains industriels de notre pays tiquent à l'idée de publier leurs comptes.
L'objet de cet amendement est de permettre au ministre de l'économie ou au ministre de l'agriculture, auxquels est rattaché l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, de saisir le président du tribunal de commerce.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement no 1068 .
Je souhaite simplement qu'on ne cale pas, comme on l'a fait à l'article 4. Il faut que les principes qui sont énoncés soient suivis d'effets et que nous nous donnions les moyens de notre politique. J'espère donc que la proposition que nous faisons à travers cet amendement sera entendue par le rapporteur et le Gouvernement, car elle nous permettra de nous donner les moyens de notre politique.
L'article 5 quinquies, tel qu'il est rédigé aujourd'hui, prévoit que le président du tribunal de commerce adresse forcément à la société une injonction de publier ses comptes à bref délai sous astreinte, laquelle peut représenter 2 % de son chiffre d'affaires. Il n'est pas indiqué qu'il « peut » adresser, mais qu'il « adresse » une injonction. L'intervention des ministres ne semble donc pas nécessaire. Avis défavorable.
Nous venons d'adopter un amendement qui encadre précisément la publication des comptes et le Gouvernement partage évidemment la préoccupation des parlementaires, s'agissant des sociétés qui refusent de publier les leurs.
Le code de commerce permet déjà au ministère public de saisir le président du tribunal de commerce pour que celui-ci enjoigne sous astreinte au dirigeant d'une société de procéder au dépôt de ses comptes. L'article 5 quinquies prévoit, quant à lui, l'action directe du président du tribunal de commerce en cas de manquement réitéré. Cet article supprime, dès lors, la saisine via le président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, ce qui me semble être une bonne chose, car cette disposition pouvait mettre le président de l'OFMP dans une position délicate. Or il importe que celui-ci puisse travailler en confiance avec les différents opérateurs.
Le pouvoir de saisine que vous voulez donner aux ministres ne me paraît pas nécessaire, puisque le président du tribunal de commerce a la pleine capacité d'enjoindre aux sociétés qui n'auraient pas publié leurs comptes de le faire. Enfin, votre proposition visant à saisir le président pour qu'il instruise le dossier ne me paraît pas suffisamment précise. Je suis donc défavorable à ces amendements.
Monsieur le ministre, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Même si vous venez de nous expliquer qu'en l'état actuel du droit les industriels doivent publier leurs comptes, nous savons tous qu'ils ne le font pas. Aucun moyen efficace ne leur enjoint de le faire, puisque nous avons de multiples exemples de sociétés qui ne publient pas leurs comptes.
À l'article 4, alors que nous vous demandions qu'en cas d'échec de la médiation, une procédure judiciaire puisse être déclenchée sans l'intervention du ministre, vous nous avez demandé d'accepter l'idée que ce soit le ministre qui la déclenche. Maintenant, vous ne voulez plus que les ministres, c'est-à-dire le pouvoir politique, puissent intervenir pour contraindre des grands groupes – puisque c'est bien de cela qu'il s'agit – à publier leurs comptes, afin que toute la lumière soit faite sur les profits qu'ils font et qu'ils ne répercutent pas sur les échelons inférieurs. Tout cela est parfaitement illogique et incompréhensible.
À deux articles d'intervalle, la logique est totalement inversée, et ce qui se cache derrière cela, c'est le poids du lobby des grands groupes, qui pèse sur le Gouvernement et qui l'empêche de lever ce verrou.
Or c'est ce que nous attendons tous. C'est pourquoi nous ne pouvons pas accepter ce que vous nous proposez.
Je ne peux pas laisser dire cela. L'intervention du juge est une procédure automatique, et l'article 5 quinquies le dit très clairement.
Relisez l'article. Je ne vais pas le lire in extenso ici, mais les choses sont très claires. L'intervention du ministre est inutile, puisque le tribunal enjoint directement aux dirigeants de déposer leurs comptes sous astreinte de 2 % du chiffre d'affaires.
Je pense que la réponse que proposent M. le ministre et M. le rapporteur est vraiment celle que nous attendions, au sein de la commission des affaires économiques. Nous avons auditionné un représentant de l'entreprise Bigard – vous savez que moi, je n'ai pas peur de donner les noms – , qui a repoussé son micro et a refusé de répondre à la représentation nationale quand nous lui avons demandé s'il allait publier ses comptes et que je lui ai demandé pourquoi il ne le faisait pas.
Nous avons tous bagarré, puisque l'amendement que j'ai déposé a été cosigné par l'ensemble des partis politiques représentés sur ces bancs. Je répète que, de mon point de vue, la réponse que le ministre et le rapporteur nous proposent aujourd'hui correspond exactement à notre attente. Le juge signifiera – il ne s'agit pas d'une possibilité – aux entreprises qui ne déposent pas leurs comptes qu'elles devront s'acquitter d'une somme qui, des 1 500 euros initialement prévus – une somme qui, pour M. Bigard ou M. Lactalis, ne représente pas plus que deux petites chupa chups – s'élèvera désormais à 2 % du chiffre d'affaires, ce qui est colossal.
Je remercie donc le Gouvernement, le ministre de l'agriculture et le rapporteur de répondre aujourd'hui à cette insulte qui a été faite au Parlement, à cette insulte qui a été faite à la commission des affaires économiques par les groupes qui n'ont pas voulu nous répondre. Aujourd'hui, nous avons une réponse claire et précise.
Lactalis, Bigard et les autres devront déposer leurs comptes. Sinon, ils auront des pénalités importantes.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et REM.
Exclamations sur les bancs des groupes MODEM et REM
mais je vais tout de même continuer d'adresser mes questions à M. le ministre, puisqu'il est présent.
Comment ferez-vous, monsieur le ministre, pour que le juge calcule 2 % d'un chiffre d'affaires qui n'est pas publié ?
Lorsque vous avez affaire à des entreprises cotées, vous disposez déjà d'un certain nombre d'informations qui peuvent servir de base de calcul.
Mais j'aimerais vous faire la lecture précise de l'article 5 quinquies, tel qu'il résulte des délibérations. Il permet de donner une plus grande marge de manoeuvre au président du tribunal de commerce pour récupérer les comptes des grandes entreprises.
Voici le texte de l'article : « Lorsque les dirigeants d'une société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires ou exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d'achat d'entreprises de commerce de détail ne procèdent pas au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23, le président du tribunal de commerce adresse à la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut excéder 2 % du chiffre d'affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l'injonction. » Je tiens à souligner que les entreprises de la distribution sont bien concernées par cette obligation de publication des comptes.
Vous voyez que si les comptes ne sont pas publiés à l'heure dite, le tribunal de commerce pourra adresser immédiatement au dirigeant de la société une injonction de publier ses comptes sous astreinte de 2 % du chiffre d'affaires, alors que le texte initial prévoyait toute une gradation de sanctions, dont le blâme et le conseil de discipline, ce qui induisait un délai de prévenance beaucoup plus long, et ce qui retardait d'autant la publication des comptes.
D'après nos recherches, il y a une vingtaine de sociétés en France qui ne veulent pas publier leurs comptes à ce jour. Nous travaillons à les y obliger.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette explication de texte sur l'article 5 quinquies, mais je réitère ma question : comment fait-on pour appliquer une pénalité de 2 % sur un chiffre d'affaires qu'on ne connaît pas, dans la mesure où il n'a pas été publié ? Pour le dire autrement, est-ce que l'article 5 quinquies, tel que vous venez de nous le lire, va autoriser les services fiscaux et financiers de l'État à utiliser les éléments dont ils disposent, comme les déclarations de TVA, pour évaluer le chiffre d'affaires de ces entreprises ?
Le tribunal peut le faire, oui, puisqu'il s'agit de données fiscales. Les services ont les informations et peuvent calculer l'astreinte journalière. Dès la première alerte, la société doit publier ses comptes, sous peine de payer cette astreinte, qui sera calculée sur la base des informations fiscales qui auront été données.
Je vous remercie de cette réponse, qui me satisfait, et je remercie notre experte, Véronique Louwagie, qui m'a fortement aiguillée sur la dernière partie de la question.
La parole est à M. Richard Ramos, qui souhaite sans doute se joindre à ces remerciements.
Je voulais en effet remercier les députés du groupe Les Républicains qui ont cosigné mon amendement, comme les députés siégeant sur les autres bancs.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il est vrai que c'est un problème particulièrement sensible, qui pose d'autres questions vis-à-vis d'autres sociétés.
Monsieur Viala, quand j'étais rapporteure générale de la commission des finances, je suis allée consulter les comptes des groupes Bigard et Lactalis – quatre parlementaires ont le droit de les demander, et le secret fiscal ne peut leur être opposé. Je peux donc confirmer que les services de Bercy disposent de toutes les informations nécessaires au sujet de ces entreprises, y compris leur chiffre d'affaires, grâce à la liasse fiscale. À l'heure actuelle, toutefois, ces informations n'ont pas encore été publiées.
Quoi qu'il en soit, l'article 5 quinquies de ce projet de loi va plus loin que la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 », qui représentait une première étape. Il est absolument indispensable de disposer de ces informations pour que les agriculteurs puissent engager une négociation qui ne soit pas totalement dissymétrique, notamment avec les deux sociétés que je viens de citer.
Pour ma part, j'ai l'habitude des tribunaux et des astreintes. C'est simple : si la société en cause dit qu'elle ne peut s'acquitter d'une amende représentant 2 % de son chiffre d'affaires, ou si elle se prétend incapable de déterminer son chiffre d'affaires, alors le juge, de lui-même, détermine un montant ; et si la société conteste ce montant, alors c'est à elle de prouver qu'il ne correspond pas à son chiffre d'affaires.
L'amendement no 531 n'est pas adopté.
L'amendement no 2696 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 5 quinquies, amendé, est adopté.
Deux orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. Fabrice Brun.
À ce stade du débat, je voudrais vous lire une citation de Churchill : « Le vrai génie réside dans l'aptitude à évaluer l'incertain, le hasardeux, les informations conflictuelles. » Cet axiome illustre bien la complexité des mécanismes de formation des prix dans l'agriculture.
Ceux-ci dépendent en effet de nombreux critères : ils sont soumis à la volatilité du marché mondial, aux aléas climatiques, à l'élasticité de l'offre, à des négociations souvent tendues. Comme l'a rappelé Marc Le Fur avec talent, cette question complexe doit donc être envisagée au niveau européen et mondial – même si elle garde une dimension nationale.
Puisque ce projet de loi a pour but d'améliorer les revenus des agriculteurs, je voudrais dire un mot de nos aînés à propos de la revalorisation des petites retraites agricoles. Je rappelle que c'est 631 euros par mois pour un exploitant, à peine 400 euros par mois pour le conjoint. En raison de la faiblesse de ces pensions, de nombreux retraités agricoles vivent donc sous le seuil de pauvreté. Mettre fin à cette injustice, pour des hommes et des femmes qui ont travaillé dur toute leur vie, ce n'est pas sans lien avec l'objet de ce projet de loi.
C'est d'abord une question de solidarité générationnelle. Cela permettrait aussi de libérer du foncier agricole et donc de donner un coup de pouce aux jeunes qui veulent s'installer, au bénéfice de la capacité de production de notre pays.
Cet article élargit le champ d'application de la clause de renégociation des contrats, et prévoit notamment que la clause de renégociation définie par les parties ne fera plus seulement référence à des indices de prix mais également à des éléments contenus dans les accords interprofessionnels.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 679 , 744 , 1252 , 1834 , 522 , 1227 et 1642 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 679 , 744 , 1252 et 1834 sont identiques, de même que les amendements nos 522 et 1227 .
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 679 .
Le dispositif actuel de renégociation du prix convenu ne concerne que certains produits agricoles et alimentaires figurant sur une liste établie par décret, qui ne prend pas en compte le fonctionnement particulier de certaines filières, dans lesquelles le prix des produits est fixé à partir des cotations, qui évoluent à un rythme hebdomadaire, mensuel, voire trimestriel – c'est le cas, notamment, du porc et du steak haché. Cette situation amenait les clients à demander les tarifs annuels pour ces catégories de produits, ce qui est tout à fait inadapté.
Nous proposons, par cet amendement, de renverser cette logique en faisant entrer tous les produits agricoles et alimentaires dans le champ d'application de l'article L. 441-8 du code de commerce, à l'exception de certains produits listés par décret, afin de prendre en compte leurs modalités de commercialisation. En effet, les produits dont le prix est indexé sur une cotation ou un cours de marché dépendent intrinsèquement de la volatilité des cours et devraient être visés par le décret relatif à la clause de renégociation.
Je précise que cet amendement a été déposé par notre collège Sébastien Leclerc.
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 1252 .
Cet amendement renvoie à l'article L. 441-8 du code de commerce, qui – je le rappelle – a été modifié pour la dernière fois par l'ordonnance no 2017-303 du 9 mars 2017. L'encre est à peine sèche. Cet article, dont certaines filières se trouvent très bien, spécifie les modalités de renégociation des contrats – il a trait, d'une manière plus générale, aux conditions de contractualisation. L'objet de cet amendement est de faire en sorte que ces filières ne soient pas affectées par ce projet de loi.
Ces amendements n'ont pas fait l'objet de débats en commission des affaires économiques. Je rappelle que le but de cet article est de rendre effective la clause de renégociation, qui est très peu utilisée pour l'instant. Elle ne doit pas être confondue avec les modalités de révision des prix au fil de l'année suivant la négociation commerciale.
En l'état actuel, le deuxième alinéa de l'article L. 442-9 du code de commerce exclut « les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses, [… ] les produits de l'aquaculture ainsi que [… ] les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits ». Aux termes du projet de loi, la liste des produits concernés sera fixée par décret.
Vous proposez d'exclure les produits mentionnés à l'article L. 441-2-1 du code de commerce, dont la liste est précisée à l'article D. 441-2 : « Fruits et légumes, à l'exception des pommes de terre de conservation, destinés à être vendus à l'état frais au consommateur ; viandes fraîches, congelées ou surgelées de volailles et de lapins ; oeufs ; miels. » Une réflexion est en cours sur l'article L. 441-2-1, et surtout sur la liste fixée par décret, car ces produits sont également exclus de la convention unique.
Avec les discussions sur les négociations annuelles, le Gouvernement s'est engagé à exclure d'autres produits, comme la viande hachée congelée. Il faut se souvenir qu'il s'agit d'une clause dérogatoire. Il est à mon avis juridiquement plus prudent de lister les produits concernés, d'autant que le décret existe déjà. L'avis de la commission est donc défavorable.
Comme l'a dit M. le rapporteur, ces amendements n'ont pas été discutés en commission des affaires économiques. Surtout, ces propositions n'ont pas été discutées ni a fortiori validées dans le cadre des États généraux de l'alimentation. Les parties prenantes nous ont fait savoir, au contraire, qu'elles ne souhaitent pas de modification de la liste des produits soumis à la clause de renégociation.
Par ailleurs les acteurs économiques s'accordent à reconnaître que la clause de renégociation est difficile à négocier. L'imposer par défaut à tous les produits risque fort de rendre les relations commerciales encore plus tendues. Cela nous ferait rentrer dans un monde où tout se négocie tout le temps. Nous voulons au contraire apaiser les relations sociales et faire en sorte que les négociations commerciales aient lieu de façon éthique et responsable.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre pour leurs explications, et je retire l'amendement no 1834 .
L'amendement no 1834 est retiré.
L'amendement no 1642 n'est pas adopté.
L'amendement no 1547 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 88 .
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5. En remplaçant la référence à des indices publics dans la clause de renégociation par la prise en compte d'indicateurs de prix librement choisis par les parties, ce projet de loi ne favorisera pas la mise en oeuvre du processus de renégociation. En effet, cette nouvelle rédaction de l'article L. 441-8 du code de commerce permettra au partenaire bénéficiant du pouvoir de marché le plus important d'imposer à la partie la plus faible l'indicateur qui lui convient le mieux.
Comme je le disais tout à l'heure, il est impératif de réformer la clause de renégociation, qui n'est pas suffisamment utilisée par les opérateurs.
L'article L. 441-8 du code de commerce a pour finalité de répondre à la spécificité des productions agricoles qui se caractérisent par une forte fluctuation des cours imputable pour l'essentiel aux aléas naturels ou climatiques. Toutefois, l'application de cet article ne permet pas d'atteindre cette finalité, comme en témoigne l'importante sollicitation du médiateur des relations commerciales agricoles à propos des difficultés que rencontrent les parties pour s'entendre sur le contenu de cette clause et pour trouver des indices pertinents permettant sa mise en oeuvre – par exemple, des seuils de déclenchement. En outre, la notion de matière première agricole, jugée trop limitative, est difficile à apprécier.
Il semble donc que les parties soient réticentes à faire jouer ce mécanisme, notamment en cas de variation des cours. La charge de la preuve revient systématiquement aux producteurs, qui disposent de peu d'outils pour faire valoir que le prix de leur production est significativement affecté par des fluctuations des prix des matières agricoles. L'obligation faite au contrat de préciser les modalités et critères de détermination du prix, notamment des indicateurs de coûts de production et de leur évolution, permettra d'intégrer à la formule de prix des éléments qui feront quasiment automatiquement varier le prix. Cela permettra aux producteurs d'attester beaucoup plus facilement que le prix de leur production a été affecté. Le déclenchement de la clause de renégociation sera ainsi grandement facilité, de même que la négociation qui s'ensuivra. Je suis donc défavorable à la suppression des alinéas 4 et 5 de cet article.
L'amendement no 88 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1429 .
L'amendement no 1429 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 2657 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Monique Limon, pour soutenir l'amendement no 2269 .
Cet amendement rédactionnel du groupe La République en marche vise à ce que l'Observatoire de la formation des prix et des marges diffuse les indicateurs tels que définis par les différentes organisations interprofessionnelles.
Nous avons eu de nombreuses discussions sur ce sujet. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement parce qu'il rappelle utilement que l'Observatoire de la formation des prix et des marges peut diffuser, et donc rendre publiques, des indicateurs.
L'amendement no 2269 est adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 1744 .
L'amendement no 1744 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 96 .
Il vise à préciser qu'« en cas d'échec de la renégociation, chacune des parties pourra, de bonne foi, mettre fin au contrat dans les meilleures dispositions ». En effet, le code de commerce ne prévoit actuellement aucune disposition visant à tirer les conséquences d'un échec de la renégociation du prix convenu, ce qui est bien évidemment dommageable pour les vendeurs, exposés à la poursuite des relations commerciales, l'acheteur continuant alors de commander et de régler au tarif initial, source de surcroît d'une recrudescence de litiges.
Vous voulez prévoir, mon cher collègue, que chacune des parties puisse mettre un terme au contrat en cas d'échec de la renégociation, de bonne foi, mais ne pensez-vous pas que ce sera la partie la plus faible qui en fera systématiquement les frais ? Les cas de déréférencements sont suffisamment décriés et sources d'incertitude économique pour ne pas les rendre légaux. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 96 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Défavorable parce que ce serait la suppression du renvoi au médiateur en cas d'échec de la renégociation.
L'amendement no 62 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 294 .
L'amendement no 646 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 701 , 912 , 1082 , 1192 , 712 , 858 , 894 , 989 et 1006 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 701 , 912 , 1082 et 1192 , d'une part, et 712, 858, 894, 989 et 1006, d'autre part, sont identiques.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 701 .
Je le retire pour une excellente raison : mon amendement no 706 , accepté par le rapporteur et le Gouvernement, qui prévoit l'automaticité de l'évolution des prix payés aux agriculteurs dans le même sens que l'évolution des indicateurs de coûts, a été adopté à l'article 1er.
L'amendement no 701 est retiré.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement no 1082 .
La parole est à M. Nicolas Forissier, pour soutenir l'amendement no 1192 .
Cet amendement organise une clause de renégociation permettant, pour certains produits, d'indexer le tarif du fournisseur sur la hausse du cours de la matière première agricole. Avec mon collègue Jean-Pierre Vigier, j'invite le législateur à répercuter la hausse du coût des intrants – énergie, protection des cultures, intrants – car les causes de surenchérissement des coûts de production ne manquent pas.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 1006 .
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Prévoir une révision automatique du prix d'un produit uniquement à la hausse, alors que M. Besson-Moreau a rappelé que nous avons adopté un amendement qui permet une plasticité à la hausse comme à la baisse, est susceptible de créer un déséquilibre dans les relations commerciales en cas de diminution, par la suite, du cours des matières premières. Ce mécanisme aurait en outre un effet inflationniste très important. Enfin, il existe risque que la contractualisation se mette en place à partir du prix le plus bas possible en prévision de l'automaticité des hausses successives. Et puis je ne vois pas comment ces amendements pourraient faire redescendre vers les producteurs la valeur récupérée par les industriels. L'avis est donc défavorable.
Défavorable.
Je comprends vos arguments, monsieur le rapporteur. Ils sont justes à l'instant où nous parlons, mais, sur le temps long, pour toute une carrière d'agriculteur, vous avez tort, parce qu'en monnaie constante, les produits agricoles perdent toujours de la valeur. L'une des raisons est qu'en réalité, les hausses ne sont guère répercutées et ne suivent jamais l'évolution du coût de la vie. Je vais retirer l'amendement no 858 parce que j'ai bien compris qu'on n'a pas envie de changer cet état de fait, mais je le regrette.
L'amendement no 858 est retiré.
L'amendement no 1643 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements portant articles additionnels après l'article 6, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l'amendement no 984 .
La parole est à Mme Caroline Abadie, pour soutenir l'amendement no 2273 .
Il vise à améliorer les relations commerciales entre producteurs et éleveurs en revenant sur l'interdiction qui empêche aujourd'hui les producteurs de céréales d'en vendre directement à leurs voisins. Il convient de permettre aux producteurs de vendre leurs céréales, dans leur commune et dans les communes limitrophes, dans des proportions très raisonnables – un maximum de 500 kilos par transport.
La filière céréales est extrêmement bien structurée et a présenté un plan relativement complet. Or ces amendements me semblent aller à l'encontre de ce plan de filière en dérégulant le commerce des céréales. L'avis est donc plutôt défavorable.
J'abonde dans le sens du rapporteur. On a une belle filière céréales. Elle éprouve certes des difficultés, mais elle a présenté un beau plan de filière, incluant de belles démarches de progrès. L'obligation pour un producteur de vendre ses céréales et ses oléagineux à un collecteur agréé, qui remonte à l'avant-guerre, …
… a permis la structuration de la filière telle que nous la connaissons aujourd'hui. Je rappelle qu'à cette obligation répond, pour les collecteurs, celle du paiement au comptant. L'article D. 666-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit qu'un producteur puisse déroger à l'obligation de vendre sa production à un collecteur agréé et la livrer directement à un client, sous réserve que la transaction se fasse sous le contrôle d'un collecteur susmentionné, qui sécurise ainsi le paiement au producteur. C'est pourquoi je demande le retrait de ces amendements.
Je ne suis pas sûr de l'emporter mais je suis toujours surpris par ce type de raisonnement. On préconise pour tout le monde la proximité, la vente directe, mais un agriculteur, en l'occurrence, n'est pas autorisé à vendre sa production à son voisin. C'est inaudible !
Les arguments que vous soutenez sont des arguments du passé, du temps où l'ensemble des céréaliers livraient à des coopératives. Désormais, ils stockent chez eux et pourraient vendre à leur voisin éleveur.
Élu dans une région d'élevage, je peux témoigner que les éleveurs souhaitent, eux aussi, disposer d'une production d'alimentation du bétail qui ne passe pas nécessairement par les grandes structures. Ils veulent pouvoir acheter à leur voisin. Or cela n'est pas possible aujourd'hui. Nous sommes dans une logique totalement anachronique. Je suis peut-être prêt à me rallier à l'amendement de Mme Abadie. On ne peut pas préconiser la vente directe pour tout le monde et l'interdire entre deux agriculteurs, l'un plutôt producteur de céréales et qui serait très heureux d'en vendre à son voisin, et ce dernier, plutôt éleveur, et qui serait très heureux de les lui acheter. Il faut encore actuellement passer par des camions, qui vont se rendre dans un grand centre de stockage puis en revenir. C'est vraiment d'une autre époque.
Monsieur Le Fur, le président Jacob aurait pu vous répondre. La question de la qualité sanitaire se pose. Le collecteur n'est pas là seulement pour prendre livraison des céréales ; il en contrôle la qualité, les mycotoxines et un certain nombre d'autres éléments. Si ces céréales ne sont destinées qu'à l'alimentation animale, à la limite, pourquoi ne pas adopter votre solution, mais, avec une autorisation limitée à 500 kilos, cela ne mènera pas bien loin. Enfin, si elles sont utilisées comme semences, intervient alors le problème de leur reproductibilité, de leur pouvoir de germination, qui n'est pas contrôlé, ce qui est excessivement dangereux.
Monsieur le rapporteur, mon amendement concerne bien évidemment la consommation animale.
L'agriculteur achète des céréales précisément pour nourrir son bétail. Vous m'avez répondu qu'une telle éventualité pourrait poser un problème sanitaire. Avec ce raisonnement, l'éleveur qui transforme ses propres céréales en aliments pour ses propres animaux ne devrait pas non plus avoir le droit d'écouler de cette manière une partie de sa production ! Il faudrait également lui imposer un contrôle sanitaire ! Votre raisonnement sanitaire ne tient donc pas un quart de seconde, monsieur le rapporteur. Dans ces conditions, il faudrait interdire à tout producteur d'utiliser ses propres céréales pour nourrir ses animaux.
Tout cela obéit à la logique suivante : il faut passer par de grosses maisons et deux agriculteurs n'ont pas le droit de se mettre d'accord entre eux. Votre logique est une logique du passé ; pour le coup, monsieur le rapporteur, vous portez la voix du monde d'hier.
Étant éleveur, je connais assez bien la situation : si un éleveur contamine ses bêtes avec ses propres céréales, c'est tant pis pour lui, en revanche, s'il les a achetées à un tiers, il peut se retourner contre lui pour contamination des céréales. Votre amendement conduirait à mettre deux agriculteurs en difficulté.
Sur cette question sanitaire, il n'est pas possible – excusez la trivialité du terme – de mégoter.
D'une part, le collecteur a également pour rôle d'assurer la transparence et la traçabilité des céréales qu'il livre sur d'autres sites.
D'autre part, nous avons bien évidemment évoqué ce sujet avec l'ensemble des acteurs de la filière céréalière, comme nous avons évoqué d'autres sujets avec les acteurs des filières laitière ou bovine. Lorsqu'une proposition comme la vôtre, qui a le mérite d'exister, de faire l'objet d'une réflexion et d'un travail, mais fait l'objet d'un consensus contre elle, il ne faut pas, je crois, s'opposer à la volonté de l'ensemble des acteurs d'une filière.
Comme je le disais tout à l'heure, un plan de la filière céréalière existe : il a pour objet d'améliorer la qualité de la production, d'augmenter les rendements et de mettre en place des plans et des démarches de progrès. Il faut également travailler, dans cette filière, sur des circuits courts, comme je l'ai vu, cette semaine, dans l'Indre : une filière blé 100 % française – il s'agit d'un bel exemple que j'aime à citer – y a été mise en place autour de circuits courts. Avant de pouvoir franchir l'étape de la transformation, l'ensemble des céréales passent cependant par un collecteur, qui vérifie que les règles sanitaires sont bien respectées.
L'article 7 est adopté.
La parole est à Mme Monique Limon, première oratrice inscrite sur l'article 8.
Nous débutons l'examen de l'article 8, qui fait l'objet de nombreux amendements. Il porte notamment sur les relations entre les coopératives agricoles et leurs associés coopérateurs.
Il faut d'abord souligner le rôle essentiel que jouent les 2 600 coopératives présentes sur le territoire français pour notre économie, avec environ 86 milliards d'euros de chiffre d'affaires, pour nos emplois, avec près de 165 000 salariés, mais également pour l'aménagement et la cohésion de nos territoires.
À La République en marche, nous sommes convaincus du bien-fondé du système coopératif.
Dans le cadre des EGA, les États généraux de l'alimentation, des interrogations se sont exprimées sur les modalités de l'engagement coopérateur mais aussi sur la transparence dans la rémunération et dans la redistribution des profits aux associés coopérateurs.
L'article 8 vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures visant à clarifier les relations entre les sociétés coopératives agricoles et leurs associés coopérateurs, et à améliorer leur information dans la détermination des éléments qui constituent la rémunération.
Il s'agit d'un sujet particulièrement technique qui nécessite un temps d'échange et de dialogue. Les EGA ont permis d'ouvrir une porte, d'engager une réflexion qui explique le recours aux ordonnances. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nos collègues attendent de vous que vous les informiez sur le contenu de ces ordonnances ainsi que sur la concertation qui sera engagée avec l'ensemble des acteurs concernés.
On ne peut évidemment pas traiter de la question du revenu agricole sans se pencher sur le système coopératif, compte tenu du poids des coopératives dans ce modèle. Le modèle coopératif agricole concerne en effet les trois quarts des agriculteurs qui adhèrent à au moins une coopérative. Mais il y a, nous le savons, coopérative et coopérative, certaines d'entre elles étant devenues de véritables mastodontes, des multinationales dont les choix sont davantage dictés par des stratégies économiques comparables à celles d'autres géants industriels à statut commercial que par leur statut d'origine. Le constat est bien connu. Dans un tel contexte, le lien entre les coopérateurs et leur coopérative s'est distendu. Le législateur a déjà tenté, à plusieurs reprises, d'y apporter remède, notamment en 2014 ; cette question était alors au coeur de nos préoccupations.
Monsieur le ministre, vous souhaitez redonner aux coopératives agricoles – en tout cas dans les orientations que vous affichez – un rôle exemplaire en matière de contractualisation. Nous pensons que cet objectif est positif ; nous le partageons sans aucun problème.
Néanmoins, au-delà de cet objectif, des intentions et des quelques pistes déjà esquissées, nous restons, comme le monde paysan, sur notre faim. En effet, pour des raisons qui nous échappent, vous avez fait le choix, monsieur le ministre, sur cet article comme sur l'article 9, de légiférer par ordonnances. Or, au bout du compte, vous n'avez pas fourni au Parlement l'ensemble des éléments qui lui auraient permis de donner un consentement à la fois libre et éclairé, ou en tout cas d'être correctement et précisément informé sur la manière dont vous envisagez d'atteindre cet objectif.
Je vous donne acte, monsieur le ministre, du fait que cette décision de légiférer par ordonnances n'a peut-être pas été prise dans votre ministère mais à l'Élysée ou quelque part où l'on a décidé de faire de l'ordonnance un mode de gouvernance usuel, habituel et presque systématique. Je profite de cette intervention pour vous demander de préciser votre pensée, vos objectifs ainsi que la manière dont vous allez finaliser ce dispositif, afin que nous puissions nous forger une opinion libre et éclairée sur l'article 8.
Je voudrais m'exprimer sur le sujet des coopératives afin tout d'abord de saluer la volonté du Gouvernement de réfléchir à un toilettage de leur statut. Comme l'a dit Mme Limon, elles structurent notre territoire et ont beaucoup apporté aux agriculteurs. Cependant, là où, du temps de mes grands-parents, elles couvraient un canton, et là où, du temps de mes parents, elles approchaient celle du département, certaines d'entre elles font désormais la taille d'un quart de la France.
Les modes de gouvernance démocratique des coopératives doivent être revus, de même que les facilités prévues pour y entrer et en sortir. Dans des structures aussi grandes, le système d'apport intégral présente des limites. Il convient peut-être de rapprocher leur fonctionnement de pratiques actuelles. Je serais donc très intéressé d'entendre les explications du ministre à propos des pistes sur lesquelles il a envie de travailler. Quoi qu'il en soit, l'intention est plus que louable.
Monsieur le président, j'espère surtout qu'elle sera entendue. Bien évidemment, nous nous sommes engagés, dans les États généraux de l'alimentation, à retravailler sur le statut de la coopération.
Le constat suivant fera, je le crois, l'unanimité sur ces bancs : nous connaissons tous, sur nos territoires, des coopératives, auxquelles nous sommes attachés. Elles sont porteuses tout à la fois d'un modèle d'entreprise, de valeurs, d'emplois, d'aménagement du territoire et de structuration de filières. Elles regroupent de grandes organisations de producteurs, ce qui permet d'aller chercher des débouchés commerciaux peut-être inaccessibles si les agriculteurs restaient seuls. Elles apportent la preuve que le regroupement peut présenter un certain nombre d'avantages.
Le monde coopératif est un secteur très important dans notre pays, ces chiffres en témoignent : les 2 600 coopératives agricoles réalisent un chiffre d'affaires de près de 86 milliards d'euros. Bien évidemment, notre réflexion ne vise pas à remettre en cause le modèle coopératif mais à lui redonner pleinement l'exemplarité qui est la sienne et qui fait son honneur. Nous avons donc choisi de légiférer par ordonnances, dans un délai de six mois.
Le premier des travaux que nous souhaitons lancer porte sur l'amélioration des relations entre les associés coopérateurs et leurs coopératives, c'est-à-dire sur les questions de rémunération, de transparence et de conditions de départ.
Chaque membre d'une société coopérative agricole et de leurs unions dispose d'un double statut : celui d'associé, titulaire d'une fraction du capital social de la société ; celui de coopérateur, souscripteur d'un engagement d'activité vis-à-vis de la société à laquelle il adhère. L'associé coopérateur est intéressé au premier chef par la gestion de la coopérative et par les orientations stratégiques prises par l'organe d'administration – conseil d'administration, conseil de surveillance ou directoire de la société qu'il a contribué à élire.
Nous avons traité trois problématiques. Premièrement, il est constaté un manque d'information des associés coopérateurs quant aux relations économiques qu'ils ont nouées avec la société dont ils sont membres. Deuxièmement, la disposition de la LAAAF – la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt – n'a été que partiellement mise en oeuvre, du fait d'une période transitoire. Troisièmement, le système coopératif repose sur une détermination du prix en fin de campagne et tient compte de la restriction, pour une coopérative, à aller s'approvisionner au-delà de ses membres. On note donc une connaissance insuffisante par les associés coopérateurs du règlement intérieur de leur coopérative et des explications données concernant sa politique et ses choix.
Plusieurs difficultés subsistent quant aux possibilités de départ de l'associé coopérateur. Les échéances des différents engagements – bulletins d'adhésion et contrats d'apport – ne sont pas synchronisées, ce qui peut rendre tout départ impossible. Les indemnités financières sont disproportionnées – nous connaissons tous, sur nos territoires, des exemples dans lesquels des sommes absolument énormes sont demandées à des coopérateurs qui souhaitent quitter une coopérative. L'action du médiateur de la coopération agricole est réduite à la portion congrue ; nous avons cherché à y remédier dans les articles précédents consacrés à la coopération agricole.
L'article 8 du projet de loi a été modifié par la commission des affaires économiques pour renforcer le rôle des associés coopérateurs dans la détention des éléments constituant leur rémunération. Un amendement a été déposé, à la suite de l'examen en commission, pour tenir compte du modèle économique particulier des sociétés coopératives.
Nous avons d'autres pistes de travail.
Une synthèse sera établie par l'organe chargé de l'administration de la coopérative, avec une clé de répartition. La première répartition serait destinée aux associés coopérateurs en fonction de la part restant de la coopérative ; la deuxième porterait sur la part des dividendes remontés des filiales en fonction de leurs résultats.
Le départ des associés coopérateurs sera simplifié, par un meilleur encadrement du remboursement des parts sociales.
Le contrôle sera renforcé, avec une attestation du commissaire aux comptes adressée au Haut Conseil de la coopération agricole, si des manquements répétés de la coopérative sont démontrés.
Nous souhaitons en outre renforcer l'action du médiateur de la coopération agricole, institué par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui est nommé par le HCCA, le Haut Conseil de la coopération agricole. Les coopératives et leurs membres, vous le savez, n'y ont recours que de façon très anecdotique : on a dénombré six cas durant la période 2015-2017. La faiblesse du nombre de recours est liée à plusieurs facteurs : la mise en place récente du médiateur, en janvier 2015, et son absence de visibilité auprès des coopérateurs ; un manque d'informations et une absence de promotion de ses travaux par les acteurs publics du HCCA et les acteurs privés de Coop de France ; son manque d'indépendance et d'impartialité ; l'insuffisance des moyens dont il dispose, ce travail étant effectué par des bénévoles ; le besoin d'une évolution réelle des pratiques, jusqu'à présent caractérisées par l'intériorisation de ses difficultés par le monde coopératif.
L'articulation entre le médiateur de la coopération agricole et le médiateur des relations commerciales agricoles n'est pas clairement explicitée. Le premier tient compte des avis et des recommandations formulées par le second. Quant au MRCA, rendu compétent par l'article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime sur toute question relative aux relations contractuelles, il est également compétent, de fait, sur tout litige opposant un associé coopérateur et sa coopérative.
Voici donc quelques pistes de travail : la nomination par le ministère de l'agriculture d'un médiateur de la coopération agricole ; une meilleure articulation de celui-ci avec le médiateur des relations commerciales agricoles, s'agissant des litiges relatifs aux éléments des contrats d'apport portant sur les prix ou les modalités de détermination et de révision des prix et des volumes.
Enfin, nous souhaitons recentrer les missions du Haut Conseil de la coopération agricole et en rénover la gouvernance. Il est aujourd'hui présidé par l'un de mes prédécesseurs, Henri Nallet. Il s'agit d'un établissement d'utilité publique, doté de la personnalité morale et dont le périmètre d'action est très vaste. Sa composition ne traduit pas la diversité du monde agricole, puisqu'il rassemble sept représentants des coopératives agricoles plus cinq personnalités qualifiées. Son action reste assez limitée s'agissant de l'expertise à apporter sur les grandes questions économiques que se pose le secteur coopératif. Son indépendance est amoindrie par la faiblesse de ses moyens : il ne dispose pas de moyens en propre, hormis un délégué général et un responsable administratif. Nous souhaitons donc renforcer les missions du HCCA en matière de suivi du respect du droit coopératif et installer une instance de concertation avec les syndicats agricoles.
Pour faire tout cela, nous avons besoin de temps, et c'est pourquoi nous agirons par ordonnances, sur une période de six mois. J'ai vu qu'un certain nombre d'amendements visaient à réduire cette durée de six à trois mois, mais nous avons besoin de temps pour travailler, avec Coop de France et l'ensemble du secteur coopératif. Je m'engage également à travailler aussi avec les parlementaires, dans un souci de transparence, sur le contenu des ordonnances. Tel est l'engagement que je prends devant vous ce soir.
J'ai été un peu long, mais je souhaitais vous indiquer l'état d'esprit du Gouvernement avant d'engager la discussion sur l'article 8. Je voulais aussi souligner notre attachement au monde de la coopération, ainsi qu'aux valeurs des coopératives. À travers ces ordonnances, nous souhaitons bel et bien redonner du sens aux coopératives, leur redonner de la force sur les territoires et faire en sorte que les associés coopérateurs puissent retrouver des marges de manoeuvre, des marges de progrès et surtout de la compétitivité dans leurs exploitations.
Monsieur le ministre, cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu une telle charge contre les coopératives. J'avoue que vos attaques m'inquiètent beaucoup.
Rappelons ce qu'est le mouvement coopératif en France ! Il a permis le développement de notre secteur agricole et agroalimentaire, qu'il s'agisse des productions de masse comme des productions de niche, grâce à la volonté d'agriculteurs qui, à un certain moment, ont décidé de se regrouper, de mobiliser des capitaux, de s'engager, au travers de leurs parts sociales, pour assurer à leur entreprise une capacité d'investissement très importante. Les coopératives sont donc étroitement liées au développement agricole.
À travers le réquisitoire que vous venez de faire, vous adoptez un comportement consumériste. Or le mouvement coopératif est l'exact opposé de cela.
Les agriculteurs ont leur liberté.
J'ai été coopérateur à 100 %, mais on a aussi la possibilité de travailler avec le secteur privé ; cela ne pose aucun problème. Personne n'a les pieds et les mains liées par sa coopérative ; il s'agit d'un engagement d'une autre nature. Les parts sociales que l'on possède permettent d'investir. Si vous donnez aux coopérateurs la possibilité de quitter très facilement la structure, c'est toute la capacité d'autofinancement et d'investissement de celle-ci que vous allez fragiliser.
par ailleurs, la démocratie existe déjà très largement dans le secteur coopératif. On procède à des élections et à des renouvellements. J'imagine que vous savez comment fonctionne l'assemblée générale d'une coopérative ?
Oui, j'en ai chez moi !
On y élit le conseil d'administration, on y rend des décisions sur les contrats d'apport à présenter devant l'assemblée générale, on y définit les prix liés au marché, on y accorde des avances de trésorerie, on y bloque les ristournes : autant de décisions qui relèvent de la compétence de l'assemblée générale. Et vous voulez traiter tout cela par ordonnances ?
Si, comme vous le dites, vous voulez travailler avec les parlementaires, faites-nous des propositions claires et rédigeons le texte ici ! Pourquoi choisir la voie des ordonnances ?
Je le répète : il y avait très longtemps que je n'avais pas assisté à une telle attaque en règle contre le monde coopératif. Vraiment, je ne vois pas quel est votre objectif en faisant cela.
Vous dites vouloir travailler avec les parlementaires. Moi, je pars du principe qu'il faut vous faire confiance mais, comme me le souffle Marc Le Fur, le plus simple serait d'éviter les ordonnances : c'est comme ça qu'on travaille en toute transparence avec les parlementaires ! Là, avec les objectifs que vous venez de fixer, tout est permis ; on ne sait pas où l'on va atterrir.
Sincèrement, je suis inquiet. Je ne comprends pas votre charge contre les coopératives. Dans tous les secteurs – les céréales, le lait, la viande – cohabitent le secteur privé et le secteur coopératif ; les agriculteurs, en fonction de leurs volontés et de leurs goûts, sont soit dans l'un, soit dans l'autre. Prenons garde de ne pas déstabiliser des secteurs qui marchent bien !
Je suis, moi aussi, surpris par la méthode employée. Je connais peu le fonctionnement des coopératives agricoles mais j'ai été, dans une autre vie, le président de la Fédération nationale des coopératives de transport routier. Ce n'est pas exactement la même chose mais je comprends fort bien les problèmes que peuvent rencontrer des coopérateurs dans des coopératives devenues très importantes.
Vous voulez renforcer le rôle des associés coopérateurs. Or, comme vient de le souligner Christian Jacob, ceux-ci étant actionnaires de la coopérative, ils participent à son fonctionnement et peuvent, quand ils le souhaitent, faire entendre leur voix et peser dans le fonctionnement de la coopérative, au conseil d'administration ou lors de l'assemblée générale. Ils fournissent un premier apport grâce à leur travail mais ils jouent un deuxième rôle, celui d'actionnaire. Je ne pense pas qu'il faille modifier cela.
Je crois plutôt qu'il y a un besoin de formation et d'information. Au début de l'examen de ce texte, on a dit qu'il faut fortifier les producteurs, favoriser les OP – les organisations de producteurs – , renforcer les groupements d'agriculteurs, etc. Pourquoi ne pas commencer par former un peu mieux les agriculteurs qui participent aux coopératives, en les informant sur le fonctionnement de celles-ci, de manière à ce qu'ils soient véritablement maîtres de leur outil ?
Nous sommes d'accord.
La coopérative leur appartient, ils participent à son capital ; ils ne sont pas un simple numéro ! On peut modifier le fonctionnement d'une coopérative si on le veut, en prenant des mesures en ce sens. À mon avis, cela relève non du domaine législatif, mais de la formation.
J'avais une question subsidiaire, monsieur le ministre : pour travailler sur les questions concernant le fonctionnement des coopératives, le Conseil supérieur de la coopération doit-il être saisi ?
Toute structure doit évoluer : nous sommes d'accord là-dessus, monsieur le ministre.
En effet ! Et je n'ai mené aucune charge contre les coopératives !
Ce qui m'inquiète – le président Jacob l'a dit à sa façon, je vais le dire à la mienne – , c'est le « coopératives bashing » qui est en train de se diffuser, en particulier à l'initiative de responsables politiques. Pourtant, heureusement que nous avons les coopératives ! Heureusement que, sur certaines parties du territoire, elles constituent une alternative à Lactalis !
Il y a les deux chez moi !
La mode est à l'anti-Lactalis, mais ceux qui sont susceptibles de permettre aux paysans de faire autre chose, on les embête. Il faudrait quand même être cohérent !
Examinez les secteurs dans lesquels il y a peu de coopératives, comme celui de la viande bovine : on l'a mis entre les mains d'un opérateur, qui détient à peu près 50 % de l'activité.
Alors, soyons logiques ! Heureusement qu'il y a eu des coopératives dans le secteur laitier ; heureusement qu'il y en a eu dans le secteur de la production porcine. Méfions-nous du « coopératives bashing » !
Parmi les avantages des coopératives que vous citiez, monsieur le ministre, il y en a un, majeur, qu'il convient de mettre en exergue : une coopérative ne se délocalise pas.
On ne peut pas la vendre à des capitaux étrangers. Par définition, c'est stable. Quand nos territoires sont abandonnés, y compris par la puissance publique – et cela nourrit une actualité constante – , heureusement qu'il existe des entreprises dont on sait qu'elles connaîtront peut-être des difficultés, mais qui, par définition, resteront sur place.
En outre, les coopératives ont beaucoup souffert ces dernières années. J'invite les collègues du groupe Nouvelle Gauche à être très attentifs à mon propos : elles ont souffert du CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
Exclamations sur les bancs du groupe NG.
Celui-ci apportait en effet une prime aux structures capitalistes, dont les structures coopératives ne bénéficiaient pas. Cela a été redoutable !
Mais non ! On a ensuite adapté le dispositif et on les a intégrées dedans !
Cela vous rappelle de mauvais souvenirs, n'est-ce pas, monsieur Garot ? Pendant des années, je n'ai cessé de le dire, mais les coopératives ont été oubliées par le gouvernement de l'époque. On ne leur a pas fait bénéficier du CICE et, pour certaines d'entre elles, cela a représenté des dizaines de millions d'euros en moins – je pourrai vous citer des exemples, comme celui de la Cooperl. Certaines ont même été obligées de filialiser, sous la forme de sociétés anonymes, les structures employant leurs salariés, pour pouvoir bénéficier du CICE ! Pendant des années, elles ont souffert ; il est temps de rattraper les choses.
On ne peut pas, monsieur le ministre, nous jouer le violon de l'économie sociale et solidaire – car c'est quelque chose que l'on entend, n'est-ce pas, cher Thierry Benoît ? – …
… et en même temps taper sur les coopératives. Prenons donc une décision simple : nous sommes d'accord pour que les coopératives évoluent – il y a des choses à revoir chez elles, tout le monde en convient – mais cela doit faire l'objet d'un texte de loi, et non d'ordonnances, car je ne sais pas exactement ce que vous-même, vos équipes et les technocrates avez derrière la tête quand vous accompagnez le « coopératives bashing » !
Monsieur Jacob, je sais que vous avez été agriculteur, mais je ne sais pas depuis combien de temps vous n'êtes plus dans une coopérative. Or les coopératives ont beaucoup évolué. Je suis moi-même coopérateur dans une coopérative qui se trouvait initialement dans le nord de la Vienne et qui englobe maintenant tout le quart nord-ouest – vous en trouverez aisément le nom.
Aujourd'hui – et le dire n'est pas remettre en cause l'importance capitale des coopératives – , si l'on veut s'investir dans une coopérative, il faut d'abord participer à un premier niveau, qui est le bassin de vie : les agriculteurs vont se regrouper dans un périmètre de trente kilomètres. Lorsqu'on siège au niveau du bassin de vie, on peut siéger au sein de la section départementale de la coopérative, puis, de là, à l'assemblée générale. Résultat : je dois voter pour des agriculteurs issus, qui de l'Orne, qui de l'Ille-et-Vilaine, qui de la Loire, qui du Limousin, et que je ne connais pas. La transparence démocratique est donc factice.
Mon père, en cas de problème, allait voir le président de la coopérative, dans le cadre d'une relation d'homme à homme qui reposait sur la confiance ; désormais, on ne le connaît plus.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-Agir.
Je ne le dis pas pour dénoncer les coopératives, qu'il faut réinventer pour en rapprocher les producteurs et leur permettre de reprendre la main.
Vous avez parlé de Lactalis ; on pourrait aussi parler de la coopérative Sodiaal, qui s'est un peu éloignée de ses propres coopérateurs. Aujourd'hui, la nomination au conseil d'administration – même si ce nom sonne bien – relève davantage de la cooptation que de l'élection, ce qui est regrettable. Peut-être devrions-nous donc imaginer des scrutins de liste partiels, mais le fait est que les agriculteurs doivent reprendre la main sur leurs outils.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Autre élément : la question des parts sociales et du capital est en effet essentielle, mais certaines exploitations en possèdent aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers d'euros. Face aux montants capitalisés, certains agriculteurs, dans mon voisinage, ont du mal à intégrer le système coopératif. Il faut donc favoriser l'entrée en coopérative et faire en sorte qu'on n'ait pas l'appréhension de ne plus pouvoir en sortir. Un juste équilibre doit être trouvé pour éviter les va-et-vient en fonction de l'air du temps, tout en fluidifiant le fonctionnement. Bref, les coopératives représentent un outil extraordinaire, mais ne pas poser la question de leur adaptation à l'agriculture du XXIe siècle serait une erreur. Je remercie donc le Gouvernement pour son initiative.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'ai entendu mille fois les arguments que vient de développer M. Turquois. Avant d'être parlementaire, j'étais, en tant que responsable professionnel agricole et syndicaliste, confronté moi aussi à ces questions tous les ans, lors des assemblées générales de section ou des assemblées départementales de toutes les coopératives de mon département, le Bas-Rhin. Et je puis vous dire une chose : sans les coopératives, il n'y aurait plus de production laitière dans le Bas-Rhin, plus de production sous label rouge correspondant exactement au marché local, plus de production sucrière, plus de production houblonnière, tout simplement parce que, en l'absence de structures de valorisation et d'introduction sur le marché, ces productions n'auraient pu survivre.
La coopérative est, m'a-t-on dit, le prolongement de l'exploitation agricole. Examinez, monsieur Turquois, le bilan de votre exploitation agricole : vous constaterez que des parts sociales de coopérative y sont inscrites à l'actif et au passif ; elles sont donc comptabilisées dans vos capitaux propres. Cela fait la force de votre exploitation agricole, de votre entreprise, que d'être branchée sur ce canal de valorisation et de transformation de vos produits.
C'est là, monsieur le ministre, la limite de vos arguments, dans lesquels je perçois comme un écho de l'individualisme rampant qui a cours dans notre société. Prenons un peu de distance par rapport aux questions agricoles ! On parle d'un service civique car on sent bien que les jeunes ont besoin de s'impliquer à nouveau dans des actions collectives et dans le destin de la République. Sur tous les sujets, nous voulons promouvoir le collectif et, ici, on glisse vers l'individualisme ou, comme le disait le président Jacob, vers le consumérisme.
Pour ma part, je dirais plus volontiers que l'on entend transformer les coopératives en auberges espagnoles : quand tout va bien, on y demeure ; quand ça va mal, on n'est pas solidaire avec ses voisins – qu'ils se débrouillent, on reviendra le jour où les problèmes seront réglés !
J'ai personnellement contribué à redresser des coopératives dans mon département, relevant les manches et allant au charbon pour convaincre ses membres d'y rester, afin de préserver certaines filières. Pour cela, il faut pouvoir s'appuyer sur des statuts.
J'entends vos propos, monsieur le ministre, et je sais que le rapporteur a un certain nombre de convictions sur la nécessité de faciliter les sorties. J'ai apprécié ce que vous avez dit sur la concordance des calendriers. Je crois en effet utile de procéder à certains réglages pour que les gens se sentent à l'aise avec les statuts de la coopération. Mais, de grâce, n'encourageons pas ce nomadisme qui serait la mort du secteur coopératif !
Je veux enfin exprimer une conviction forte. Je connais les coopératives, mais aussi certaines grandes entreprises privées du secteur agroalimentaire français, qui pour certaines ne publient pas leurs comptes. Les patrons de ces entreprises expriment des propos agressifs, et même offensants, vis-à-vis de la coopération. N'allons pas dans le sens de ceux qui ne brillent pas par leur civisme !
Ce n'est pas sans étonnement que j'entends parler de « coopératives bashing », alors que l'ensemble du projet de loi prône les organisations de producteurs. Vous savez fort bien, mes chers collègues, que l'on discute encore aujourd'hui de la question de savoir si les coopératives sont des associations de producteurs ou un système hybride.
Nous sommes favorables aux coopératives, en tout cas à l'organisation collective. Mais je viens d'une région qui a connu la faillite du groupe Doux-Terrena, avec des pertes de 35 millions d'euros une année et de 36 millions la suivante. Nous sommes en train de chercher des retours de valeur ajoutée pour les coopérateurs, pour les agriculteurs. Dans le cas que je viens de citer, qui sont les perdants ? Je vous pose seulement la question.
L'initiative du Gouvernement est très attendue. Les coopératives sont un très bon système, c'est vrai, mais, à l'heure où l'on prône les organisations de producteurs, il faut des règles très claires. Il est donc nécessaire de revoir le fonctionnement des coopératives. J'ignore qui fait du « coopératives bashing », mais, en tout cas, pas nous.
Nous sommes, je le répète, pour les organisations de producteurs. En droit, messieurs, c'est la même chose : réfléchissez !
En l'occurrence, on ne saurait faire grief au Gouvernement de son action, de sa volonté de changer les statuts des coopératives et de revoir certaines choses, parmi lesquelles la possibilité de départ et le montant des indemnités. Dans nos régions, beaucoup de producteurs veulent se tourner vers l'agriculture bio ; or il leur faut beaucoup de temps pour sortir des coopératives, et les indemnités à verser sont élevées.
L'initiative dont nous parlons me semble donc tout à fait bienvenue, et certainement très utile momentanément.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je serai bref, et ne reprendrai plus la parole après avoir défendu mon dernier amendement, qui me tient très à coeur.
Je n'ai jamais été président de coopérative, monsieur le rapporteur, mais j'en ai rencontré beaucoup, j'en connais beaucoup, et j'ai énormément d'admiration pour ce qu'ils font. La présidence d'une coopérative, je suis sûr que vous ne pourrez dire le contraire, consiste systématiquement à gérer des associés opportunistes, qui ne croient pas en l'action collective et ne parviennent pas à se projeter dans l'avenir. Il est toujours difficile d'obtenir une majorité au sein d'une assemblée générale – je suis sûr, là encore, que vous ne pourrez dire le contraire.
Une entreprise coopérative repose pourtant sur ces valeurs de solidarité, d'engagement et de projection dans l'avenir. On a fait la démocratie en politique, il faut la faire dans l'économie, disait Jaurès en évoquant les coopératives. J'ai énormément d'admiration pour ce que les paysans ont fait avec ces entreprises. Et pour trois, quatre, cinq ou dix très grosses coopératives qui ne respectent pas les valeurs de cet engagement, on s'apprête à rendre plus difficile encore l'action de centaines de petites et moyennes coopératives. Gardons-nous en !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Beaucoup de choses ont été dites ; pour ma part, je crois que l'on commet ici une erreur de forme, à plusieurs étages.
Premièrement, vous cibler un seul modèle économique, alors que nous aurions pu également discuter des statuts de grandes entreprises privées, en vue de les clarifier. Or il n'en a pas été question. Ne cibler qu'un modèle économique : voilà où commence le bashing.
Deuxièmement, en ciblant les seules coopératives, on place côte à côte les grandes, les petites et les moyennes. Ce faisant, on portera sans doute atteinte à des modèles coopératifs locaux que nous connaissons tous, qui ne pourront supporter ces contraintes supplémentaires alors qu'ils sont absolument indispensables à la vie des productions sur les territoires.
Troisièmement, les ordonnances, que vous le vouliez ou non, sont source de suspicion quant à vos intentions réelles. Si l'on doit modifier quelque chose, je trouve préférable qu'on le fasse de façon claire, immédiate, au Parlement, où l'on peut en discuter.
Quatrièmement, en touchant au modèle coopératif dans le cadre d'un projet de loi agricole, on dénie aux agriculteurs, dont on discute du sort, la capacité à s'impliquer dans les étapes en aval – puisque c'est bien ce qu'ils font en adhérant aux coopératives. En soupçonnant les coopératives de dysfonctionnements, on suggère, en creux, que les agriculteurs qui s'y impliquent ne sont pas capables de les gérer comme il convient, et qu'ils doivent donc en rester au premier stade de la production. Je le regrette vraiment.
Nous sommes dans la continuité des débats en commission. Je m'en tiens au texte imprimé de l'alinéa 2 de l'article 8 du projet de loi, page 16. Il y a un problème de méthode car, plusieurs collègues l'ont dit, nous aimerions discuter de l'avenir des coopératives en toute transparence, ici, dans l'hémicycle, sans doute après un travail préalable en commission. Nous pourrions ainsi nous pencher sur les moyens d'accompagner les coopératives et, peut-être, d'améliorer leur organisation et leur fonctionnement.
Cette intervention, monsieur le président, vaudra défense de mon amendement no 1830 . Le contenu de l'alinéa 2, disais-je, monsieur le ministre, crée de la suspicion puisqu'il tend à mettre de l'ordre, par ordonnance, dans les coopératives, à « simplifier les conditions de départ des associés coopérateurs », à « améliorer leur information » ou à « renforcer [… ] le rôle de l'ensemble des associés coopérateurs ». Bref, c'est une succession de thématiques de nature à créer la suspicion. Dès lors que le Gouvernement entend légiférer par ordonnances, les députés, vous le concevez bien, peuvent imaginer qu'il a des intentions, qu'elles soient réelles, avouées ou cachées.
Tout à l'heure, un collègue parlait des problèmes de démocratie et de proximité dans les coopératives. Mais, il y a quelques semaines, lorsque le Gouvernement, dans cet hémicycle, a proposé de nationaliser l'élection des députés européens, ceux qui ont soutenu ce texte n'y ont pas vu de problèmes du point de vue de la proximité.
Au-delà des questions de proximité et d'aménagement du territoire évoquées par Marc Le Fur et Christian Jacob, il faut souligner que les coopératives n'échappent pas à la globalisation des marchés, autrement dit la mondialisation. Parallèlement au secteur privé, depuis plusieurs dizaines d'années, elles se sont structurées, organisées et agrandies pour distribuer, commercialiser et fédérer, non seulement en France, mais aussi aux niveaux européen et international. Je m'étonne donc, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas abordé, dans votre intervention sur cet article, la nécessité de muscler nos coopératives pour les rendre compétitives, dynamiques et offensives en Europe et à l'international : même si elles fédèrent aux niveaux cantonal et départemental – j'entends bien, chers collègues du MODEM – , elles sont aussi confrontées à la compétition internationale.
Notre rôle, dans ces conditions, est de saluer le travail des coopérateurs français et de les encourager. J'espère que les ordonnances le feront – a priori, nous n'aurons pas le loisir d'y contribuer, leur rédaction devant intervenir dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi. Quoi qu'il en soit, je souhaite que cette dimension de la compétition européenne et internationale soit également prise en compte. Nous avons, en France, de belles coopératives, et, je le répète, il nous faut les encourager dans leur trajectoire.
Monsieur le ministre, il est totalement légitime de s'interroger sur le fonctionnement et l'évolution du système coopératif, et même que l'État prescrive certaines dispositions législatives pour faire évoluer ce modèle, mais pas par ordonnances ! Vous devez vous demander à qui vous donnez les clés. À la technocratie parisienne ! Le débat démocratique n'aura pas lieu au sein de cette assemblée : nous n'aurons ni la possibilité ni le loisir d'alimenter la réflexion sur ces évolutions, pourtant légitimes.
Antoine Herth a excellemment rappelé certaines vérités sur le rôle et la force du système coopératif, qui a sauvé notre agriculture, non seulement à l'international, comme cela vient d'être dit, mais aussi sur le marché national.
Pour ce qui concerne mon département, que serait devenue la filière du palmipède gras, après la grippe aviaire, sans le groupe Euralis et les coopératives du Sud-Ouest, qui, dans les trois départements touchés, ont permis de traverser cette période, en lien avec l'État et le ministère ? Et que serait globalement la filière du maïs sans les deux ou trois coopératives que j'ai en tête ?
Tout à l'heure, il a été question d'une coopérative qui, par son comportement, n'assumerait pas pleinement les principes fixés. Essayons d'éviter de citer des noms dans cet hémicycle et, si nous le faisons, ayons aussi l'honnêteté de reconnaître celles et ceux qui, depuis des années, ont structuré des marchés, pour permettre à notre pays de sauver à la fois des emplois, une activité et de la compétitivité internationale ! Face à l'Ukraine, que serait la filière du maïs français sans les coopératives ?
Alors, de grâce, non seulement parce que des médias sont impliqués, mais aussi à cause du small is beautiful qui alimente parfois les réflexions, je sais bien que certains dans cette assemblée rêveraient de coopératives dont les perspectives n'iraient pas au-delà du canton.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez réfléchir à ma proposition et que vous reveniez non pas sur votre désir de voir évoluer le système coopératif – cette évolution, je l'ai dit en introduction, est légitime – mais sur votre choix de procéder par ordonnances, en donnant les clés à une administration, laquelle, vous le savez, n'aura pas notre compétence et notre connaissance du terrain. Après avoir beaucoup perdu en matière agricole, nous allons perdre aujourd'hui un des outils qui permet à notre agriculture d'être encore pleine de potentialités.
Je vous remercie, cher collègue. Je vous rappelle que nous examinons ce texte selon la procédure du temps législatif programmé, c'est-à-dire que la parole est libre mais que les compteurs tournent. Que chacun prenne ses responsabilités et ne soit pas surpris au bout du compte !
La parole est à M. Michel Delpon.
Puisqu'il est question de nommer un médiateur, je vais essayer de jouer ce rôle.
J'ai effectué toute ma carrière dans la coopération et j'ai la fibre coopérative, depuis mon plus jeune âge : après avoir travaillé dans une coopérative, j'ai rejoint une union de coopératives puis une société commerciale ayant la forme d'une société anonyme coopérative. Nous avons toujours gagné notre vie, et les producteurs également.
Il s'agit là de souligner la différence non pas entre les grosses et les petites coopératives, bien qu'elle existe, naturellement, mais plutôt entre les riches et les pauvres. Entre une coopérative champenoise et une coopérative de vins de pays, la valeur ajoutée et les résultats ne sont pas identiques.
Mon groupe de coopératives comptait quatre unions de coopératives, certaines riches, comme Puisseguin-Saint-Emilion ou Médoc, d'autres de moindre valeur ajoutée, comme Bergerac-Duras. Chacune y trouvait son compte : même si les revenus des coopérateurs de Saint-Emilion étaient bien supérieurs à ceux des coopérateurs de Bergerac, cela n'empêchait pas les structures, comme celle de Monbazillac, de très bien fonctionner, ce qui est encore le cas.
Mais je souhaitais également aborder une autre problématique. Dans des régions moins recherchées, des terres seront à vendre et des vignobles, à exploiter. À Monbazillac, par exemple, de grandes surfaces devront être exploitées, en l'absence de transmission et d'installation de viticulteurs. Ce sont les coopératives qui prendront la relève.
C'est déjà le cas de la coopérative de Monbazillac : outre les coopérateurs qui livrent leurs vins, la coopérative détient des terres et les exploite en fermage, en employant des équipes d'ouvriers agricoles. Ces régions connaîtront une forte évolution, qui modifiera le rôle des coopératives, en l'amplifiant. Sans elles, les terres ne seront pas exploitées et deviendront des friches.
Il faut donc distinguer les produits, les régions : aucun ne ressemble aux autres. Certaines grandes coopératives ressemblent sans doute à des multinationales, mais ce n'est pas en les prenant en exemple que nous sauverons la coopération. Il faut véritablement bien réfléchir à ce sujet.
Voilà ce que je voulais dire, en tant que médiateur.
La parole est à M. Sébastien Jumel, dernier orateur inscrit sur l'article.
Monsieur Jumel, pouvez-vous également soutenir l'amendement no 1755 , tendant à supprimer l'article ?
Tout à fait, monsieur le président.
Nous pouvons acter du débat qui vient de se dérouler qu'un certain consensus se dégage pour considérer qu'il ne faut pas condamner la coopérative.
Ce consensus semble s'étendre à l'opportunité de toiletter, d'actualiser, d'améliorer le fonctionnement des coopératives pour les rendre plus démocratiques ou optimales.
Le problème que vous rencontrez, monsieur le ministre, est celui de la suspicion qui s'est focalisée autour de ce débat. Au bout du compte, nous ne connaissons pas vraiment vos intentions sur le sujet. Du coup, nous n'avons pas de procès d'intention à vous intenter. Mais vous avez fait le choix de légiférer par ordonnances, ce qui devient un mode de gouvernement.
Lorsqu'on décide de légiférer par ordonnance, on dessaisit les parlementaires de leurs prérogatives, de leur capacité à nourrir le débat à partir de leur expertise du terrain, des expériences concrètes qui peuvent être utiles pour fabriquer la loi. Vous êtes ainsi pris dans un piège, d'autant que l'argumentation que vous avez développée n'a pas fait apparaître d'urgence à user des ordonnances.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l'article, portant non sur les objectifs, que nous ne connaissons pas, ni sur le résultat de l'actualisation, que nous ne pouvons pas anticiper, mais sur la méthode des ordonnances, laquelle, par elle-même, aboutit à transformer les parlementaires en chambre d'enregistrement.
Tant que la réforme constitutionnelle n'est pas aboutie, et j'espère qu'elle ne le sera pas, tant que les projets qui visent à affaiblir le Parlement, et j'espère que des résistances s'organiseront, nous souhaitons assumer pleinement nos prérogatives de députés, en montrant notre utilité, en faisant la démonstration que l'addition des intelligences permet d'améliorer la loi. C'est l'état d'esprit qui s'est dégagé du débat ce soir, je crois, et nous sommes force de proposition pour poursuivre.
Retirez donc cet article, monsieur le ministre, convoquez un groupe de travail pour que le Parlement soit saisi d'un texte législatif ! Nous aurons des idées pour faire avancer le statut coopératif.
En tant qu'ancien président d'une coopérative bovine rassemblant 900 éleveurs – c'est-à-dire ni petite ni énorme pour le secteur – , qui respecte parfaitement la philosophie coopérative, je ne me suis pas du tout senti agressé par le discours du ministre. Il s'agissait tout au plus d'un rappel du cadre coopératif, qui a été perdu de vue par certaines coopératives.
Effectivement, monsieur Descrozaille, les coopératives qui ont perdu de vue l'intérêt coopératif ne sont pas nombreuses, mais elles font du mal à l'ensemble des coopératives, notamment aux plus petites, et dissuadent certains agriculteurs de les rejoindre. Ce sont elles qui font l'image de la coopération aujourd'hui, image qui n'est pas bonne. Étant intervenu, il y a quinze jours, à la réunion de bureau de la section bovine de Coop de France, je peux vous dire que les coopératives n'ont absolument pas été choquées par nos intentions en matière d'ordonnances.
Monsieur Le Fur, vous avez cité l'entreprise Bigard, mais celle-ci doit d'être devenue le groupe qu'elle est aujourd'hui au rachat de Socopa, qui lui a été vendue par des coopératives.
L'exemple semble donc assez mal choisi.
La philosophie de ces ordonnances est bien de renouer avec le modèle coopératif et de le rendre plus attractif. À titre personnel, je pense que la coopération constitue aujourd'hui la solution à la structuration de l'offre. Le but de ces ordonnances n'est évidemment pas de déstabiliser les coopératives ou de les attaquer mais, au contraire, de renforcer ce modèle, ce qui suppose de le rénover.
Cela est nécessaire car de nombreuses coopératives ont perdu leur âme. Les outils et sociétés qu'elles possèdent ne sont parfois plus au service des adhérents : ce sont les adhérents qui sont au service des outils. L'intérêt de la coopérative, qui est de valoriser la production de ses adhérents, a alors été complètement perdu de vue.
Le fameux groupe Bigard n'est certes pas un saint, loin de là. J'ai cependant connu à Lyon, sur le territoire de Gérard Collomb, …
… une situation où Bigard et la coopérative que je présidais ont été confrontés à l'arrivée d'une coopérative concurrente qui a vendu des génisses 2 euros moins cher au kilo. Cela, pardonnez-moi, ce n'est pas de la coopération ; c'est faire tourner les abattoirs et brader la marchandise des adhérents pour faire tourner ses outils ! Une telle attitude ne doit pas être possible dans le monde coopératif.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nous menons deux débats : l'un sur la coopération, l'autre sur la nécessité de recourir aux ordonnances.
Si nous y recourons, c'est que, pendant les États généraux, nous n'avons pas eu l'occasion ni le temps de débattre du statut de la coopération ou de travailler avec les coopératives.
C'est pourquoi nous choisissons de le faire à travers les ordonnances. Nous ne le faisons pas tous seuls, coupés du monde, isolés, ni avec des services, enfermés dans un bureau. Nous le faisons avec la coopération elle-même. Nous devons aussi tenir compte du grand débat coopératif, lancé par Coop France, qui, jusqu'à la fin de septembre 2019, participera de la réflexion que nous mènerons à travers ces ordonnances relatives au statut de la coopération.
Je vous ai présenté tout à l'heure des pistes pour le travail qui sera mené avec l'ensemble des acteurs du secteur coopératif. Nous oeuvrerons sur cette base pour évaluer et mettre en place la future ordonnance.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne travaillerons pas seuls, et je souhaite que nous puissions le faire avec un groupe de parlementaires, dans le cadre du calendrier qui sera indiqué par l'ordonnance, soit six mois, ce qui nous permettra de poser les bases d'une réflexion.
S'agissant des coopératives elles-mêmes, je veux tuer dans l'oeuf ce qui a été dit précédemment. Je viens d'un territoire, le département de la Manche, qui compte de belles coopératives, avec des emplois, qui structurent parfaitement les filières laitières ou maraîchères, qui ont des débouchés commerciaux, qui affichent de bons résultats et qui réussissent plutôt bien.
Nous vivons au milieu d'elles, et nous savons ce qu'elles apportent au territoire, en termes d'aménagements et de ressources. À aucun moment on ne pourra me reprocher d'en dire du mal, de faire du « cooperatives bashing » ou de ne pas mettre en avant les valeurs de la coopération, le travail de celles et ceux qui dirigent les coopératives, parce que c'est un travail patient, long, exigeant, pas toujours facile que de mettre d'accord des coopérateurs. Pour avoir participé, comme vous tous, à de nombreuses assemblées générales de coopératives – réunions de section, d'OP, pour les filières des légumes ou du lait, etc. – , je sais que l'exercice n'est pas toujours simple.
Mais aujourd'hui, donnez-nous votre confiance, pour nous permettre de travailler à renouveler la composition du Haut Conseil de la coopération agricole, de toiletter les statuts de la coopération et de permettre que des coopérateurs puissent sortir des coopératives, dans certains cas, s'ils ont trouvé de nouveaux débouchés commerciaux ou des marchés qui ne sont pas pris par la coopérative et sur lesquels ils veulent s'engager.
Cela ne se fera pas dans le désordre mais évidemment avec un cadre car il ne s'agit pas ici de fragiliser le modèle des coopératives, qui ont besoin de visibilité. Il va donc falloir encadrer tout cela. Et, pour le faire correctement, nous allons y travailler avec les coopérateurs eux-mêmes. Or je puis vous dire, pour en avoir discuté avec eux, que Coop de France et bien d'autres sont prêts à aborder ces discussions et à travailler avec nous, pour peu que nous soyons à l'écoute de leurs préoccupations et que nous leur apportions les réponses nécessaires.
Par ailleurs, nous avons travaillé sur le secteur privé lorsque nous avons traité, aux articles 1 à 6, tout ce qui concerne la coopération ou les obligations vis-à-vis de l'Observatoire de la formation des prix et des marges ; nous avons construit des dynamiques de marché pour ce secteur. Pourquoi le secteur coopératif serait-il le seul auquel nous ne prêterions pas une attention particulière ?
Le Gouvernement et la majorité respectent les coopératives, leur travail, les territoires où elles sont implantées ; nous tenons à mettre en oeuvre une concertation avec le monde coopératif, et souhaitons travailler avec les parlementaires et l'ensemble du secteur coopératif pour faire progresser ce dossier par le biais des ordonnances. C'est le choix que nous avons fait, un choix que nous assumons entièrement, parce que nous avons besoin de temps. Et ce temps, dès lors que la loi aura été votée, nous l'aurons : nous aurons à travailler ensemble pendant six mois pour bâtir le futur de la coopérative et de la coopération.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Sur l'amendement no 1755 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue le vendredi 25 mai 2018 à zéro heure trente, est reprise à zéro heure trente-cinq.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 78 |
Nombre de suffrages exprimés | 75 |
Majorité absolue | 38 |
Pour l'adoption | 23 |
contre | 52 |
L'amendement no 1755 n'est pas adopté.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l'amendement no 806 .
L'amendement no 806 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 328 , 519 , 878 , 1223 , 1647 et 1830 .
Sur ces amendements, je suis saisi par les groupes Les Républicains et UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 328 .
Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 2, c'est-à-dire l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances sur ce sujet sensible. Chacun a reconnu l'intérêt du modèle coopératif et, même si des ajustements sont nécessaires, il importait que nous en débattions dans cet hémicycle. Les échanges précédents nous ont confortés dans l'idée de supprimer le passage par les ordonnances.
La parole est à M. Frédéric Descrozaille, pour soutenir l'amendement no 519 .
Il s'agit d'un amendement de repli. L'alinéa 2 stigmatise les coopératives et introduit à leur égard une suspicion qui ne nous paraît pas saine. En outre, il existe plusieurs types de coopératives et rien ne permet de savoir s'il s'agit ici des plus importantes ou des plus petites. Nous proposons donc de supprimer cet alinéa, auquel nous sommes opposés sur la forme comme sur le fond.
On peut débattre de tout, mais il faut en débattre, monsieur le ministre. Nous sommes donc opposés à la procédure des ordonnances. Nous ne sommes pas dans l'urgence…
Six mois… !
… et la technicité du sujet n'est pas telle qu'elle exige le recours à des ordonnances. Nous avons tout à fait le temps d'y travailler : travaillons-y !
Par ailleurs, certains, dont M. Turquois, expriment leur nostalgie de la petite coopérative. À les entendre, on a l'impression que nous avons en France de grosses coopératives. Mais, à l'échelle européenne, nos coopératives sont des nains ! Je connais bien la plus grosse coopérative française en production porcine, puisqu'elle est située dans ma circonscription. Elle est concurrencée par une coopérative danoise qui gère l'équivalent de la production porcine française ! On ne peut pas dénoncer les grosses structures, en particulier dans la grande distribution, et ne pas se donner les moyens d'avoir des structures capables de leur résister.
Je comprends parfaitement que, dans certains domaines, une petite coopérative puisse être très agile et efficace.
Mais dans d'autres, si nous voulons conserver une production agricole de masse, capable de fabriquer des produits alimentaires en quantité substantielle, un effet de masse est nécessaire. Rompons donc avec la nostalgie de la petite structure : parfois, il faut des structures assez importantes pour tenir, tout simplement.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l'amendement no 1830 .
L'alinéa 2 n'est pas conforme à l'esprit qu'a insufflé le Président de la République à travers le pays : un esprit de confiance, de responsabilité et de liberté. Car cet alinéa distille suspicion, défiance et méfiance.
C'est en tout cas ainsi que je l'interprète, et c'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement tendant à le supprimer. Il ne faut pas se défier des coopératives ; bien au contraire, il faut les encourager à poursuivre, à se structurer, à conquérir des marchés, à permettre aux producteurs de s'organiser pour trouver des débouchés.
L'alinéa 2 correspond au coeur de la demande gouvernementale d'habilitation à légiférer par ordonnances.
Contrairement à ce que soutiennent les auteurs des amendements, le modèle coopératif n'est pas efficace à 100 %, sans quoi tous les agriculteurs y adhéreraient. Il faut donc le rénover.
Le ministre s'est engagé à associer les parlementaires à la rédaction des ordonnances. Je vous propose que nous lui fassions confiance et que nous nous associions collectivement à ce travail.
Monsieur Le Fur, je n'ai pas parlé de grosses ou de petites coopératives. Il existe de grosses coopératives qui respectent parfaitement la philosophie coopérative et des petites qui ne les respectent pas du tout. Et il existe aussi des coopératives qui, je le répète, ont perdu de vue ce qu'est une coopérative et ne valorisent plus la production de leurs adhérents, mais la bradent.
Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.
Je voudrais répéter une évidence : les coopératives constituent actuellement la forme la plus aboutie d'organisation de producteurs, lesquels prennent en main, sur les territoires, la valorisation et la transformation de leur production.
Mais, parce qu'elles incarnent ces valeurs, les coopératives doivent être exemplaires dans leur fonctionnement, eu égard à leur spécificité et aux attentes de nombreux coopérateurs.
L'article 8 vise donc à développer un nouveau modèle coopératif avec les coopérateurs et les parlementaires – je le répète – , et nous souhaitons, pour ce faire, nous donner du temps. Nous n'en disposons pas aujourd'hui dans cet hémicycle, à cause du temps législatif programmé de cinquante heures, mais, dès que la loi aura été adoptée, nous aurons six mois pour faire ensemble de la coopération un beau modèle et un exemple pour toutes nos filières.
Monsieur le rapporteur, j'ai été surpris par votre ton inhabituel. À entendre votre réaction, j'ai eu le sentiment que vous aviez des comptes à régler. Nous avons dû toucher un point sensible qui vous a poussé à réagir, …
… car ce ton n'est ni dans votre tempérament ni dans votre habitude. Peut-être pourrez-vous nous éclairer là-dessus…
Monsieur le ministre, quand vous êtes intervenu, tout à l'heure, pour vous livrer à une attaque en règle contre les coopératives comme je n'en avais pas entendu depuis longtemps, vous avez changé de ton à l'instant où vous vous êtes libéré des notes que l'on vous avait préparées et où vous avez parlé avec vos tripes.
Le compte rendu des séances de notre assemblée étant toujours précis, je vous invite à le lire pour bien voir la différence entre votre première intervention et la deuxième. C'est la raison pour laquelle nous ne voulons pas des ordonnances. Un tel travail doit se faire de manière transparente. L'Assemblée a vocation à voter la loi et non à être associée au gré du bon vouloir d'un ministre. Rien ne justifiant l'urgence de l'ordonnance, inscrivons ces dispositions dans la loi, en toute transparence !
Par ailleurs, un collègue a fait remarquer plus tôt que l'organisation des coopératives était très compliquée, entre le bassin de vie, le département et la région. Mais précisément, tout cela a été fait pour favoriser la proximité ! Les assemblées générales de section dans les coopératives permettent d'être plus proche du terrain, au lieu de réunir 2 000 ou 3 000 personnes. C'est tout l'inverse de ce que vous dites !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous pouvons nous écouter et échanger sur le fond, sans se contenter d'aboyer comme vous le faites, monsieur Besson-Moreau. Si vous voulez contester mes propositions, prenez la parole, et nous en discuterons tranquillement !
S'agissant de la question de la sortie des coopératives, personne n'y est prisonnier ! C'est simplement qu'il y a besoin d'un engagement minimal de durée. Tout l'intérêt du système des parts sociales, c'est d'offrir à la coopérative une capacité d'autofinancement, permettant de lever des emprunts et d'investir. Cet argent existe dans le bilan, comme l'a dit Antoine Herth : cela fait partie des capitaux propres de l'agriculteur ; lorsque celui-ci a besoin d'un emprunt, il dispose des capitaux propres figurant sur son bilan. Cet argent existe bel et bien, mais il faut l'inscrire dans la durée. Dans un système où l'on peut entrer et sortir comme on veut, il n'y a plus de solidarité ni de visibilité à cinq ou dix ans. Or tel est l'intérêt de l'engagement dans le système coopératif, dont je n'ai pas trouvé mention dans vos différentes interventions.
Quant à la taille des coopératives, question qui a été abordée à plusieurs reprises, il y a quatre grands groupes de grande distribution, face auxquels on a besoin de concentrer l'offre et de peser sur les marchés. Il est heureux qu'existent des coopératives de grande taille pour peser sur les marchés de production de masse et d'autres de petite taille qui travaillent plutôt dans la proximité. Le débat n'est donc pas entre les grandes et les petites coopératives, parce que nous avons besoin de ces deux outils.
Le véritable problème n'est pas, comme plusieurs l'ont dit, de pouvoir sortir des coopératives. Personne n'est obligé d'y entrer ! On n'est pas coopérateur par obligation, mais par choix ; sinon on choisit le système privé. Dieu merci, il reste encore, en France, la liberté de choisir !
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous conseille une nouvelle fois d'aller lire le compte rendu de votre première intervention, qui nous a fait peur. Elle était tout droit sortie des fiches qu'on vous avait préparées. Nous préférons que vous parliez à coeur ouvert, comme vous l'avez fait tout à l'heure, plutôt que de vous en tenir à vos fiches. Or les ordonnances seront préparées sur la base des fiches que vous avez lues.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 77 |
Nombre de suffrages exprimés | 72 |
Majorité absolue | 37 |
Pour l'adoption | 19 |
contre | 53 |
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 615 .
À mon tour, je regrette le recours aux ordonnances, qui n'est pas de nature à nous rassurer. Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré que certaines coopératives ne correspondaient plus à l'esprit initial du secteur et que vous souhaitiez, par le biais de cet article, résoudre le problème. Présenté ainsi, l'article paraît vertueux, mais j'ai peur que vous ne fragilisiez les nombreuses coopératives qui correspondent toujours à l'esprit coopératif et sont vertueuses.
Mon amendement est un amendement de repli, dans la mesure où les amendements de suppression de l'alinéa 2 n'ont pas été acceptés. Il vise à s'assurer que l'ordonnance relative aux règles de transparence dans les sociétés coopératives prévoira de traiter la question du prix et les modalités de sa détermination pour un associé coopérateur. Dans un texte de loi concernant l'équilibre des relations commerciales, après avoir beaucoup parlé de prix et d'indicateurs, il est important que les ordonnances prévoient que le prix sera retenu.
Monsieur Jacob, si je me suis un peu emporté, c'est sous l'effet de ma passion pour les coopératives. Je suis effectivement assez peu tolérant vis-à-vis des coopératives qui trahissent l'esprit coopératif : cela m'insupporte au plus haut point, je l'avoue ! Sans généraliser, elles tirent l'image de la coopération bien loin de là où elle devrait être.
Madame Louwagie, la sortie des coopératives du secteur bovins viande, que je connais bien, est excessivement facile. Il est également tout à fait possible d'adhérer à la coopérative, en n'engageant qu'une partie de sa production principale, à hauteur de 80 ou 50 %, par exemple. En revanche, cette disposition n'existe pas pour les autres productions. Les coopératives bovins viande s'en sortent quand même. Il y a des choses à rénover du point de vue du statut coopératif, et le ministre s'est engagé sur le contenu de l'ordonnance. Je suis donc défavorable à cet amendement.
L'amendement no 615 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 8, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1399 .
L'amendement no 1399 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 72 |
Nombre de suffrages exprimés | 70 |
Majorité absolue | 36 |
Pour l'adoption | 53 |
contre | 17 |
L'article 8, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.
La séance est levée.
La séance est levée à zéro heure cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly