La barre est haute, en effet, surtout qu'il s'agit de transcrire dans le présent texte les dispositions d'une proposition de loi qu'il avait fait adopter avec un large consensus dans cet hémicycle.
Le présent amendement vise à modifier la rédaction de l'article 11 decies, adopté par la commission des affaires économiques, en précisant que l'indication du pays d'origine pour tous les miels est effective dès la parution de la présente loi et selon des modalités définies par décret. En effet, l'article tend à compléter l'alinéa premier de l'article L. 412-4 du code de la consommation en prévoyant l'obligation d'indiquer l'origine des miels, mais sa rédaction actuelle empêche son application, puisque cette obligation sera soumise à l'arbitrage de la Commission européenne, qui devra au préalable la déclarer compatible avec le droit de l'Union européenne. Cela en réduit donc considérablement la portée.
Il convient donc de lever toute ambiguïté sur l'application de cette disposition – tel est l'objectif, qui fait, je crois, consensus – en revenant à une rédaction qui la rende immédiatement applicable, comme le prévoyait l'excellente proposition de loi déposée par André Chassaigne.
En 2016, la consommation française de miel s'établissait à 45 000 tonnes. Depuis plus de dix ans, cette consommation est en progression. Toutefois, les organisations d'apiculteurs font le constat d'un fossé grandissant entre la part de la production nationale et la part des importations de miel dans la consommation. Ainsi, selon les dernières données, issues du bilan de la campagne de FranceAgriMer sur l'année 2016, ces importations ont représenté 35 583 tonnes alors que la production française a plafonné à 16 099 tonnes. L'année 2017 semble également avoir été marquée par un fort recul de la production, désormais estimée à 10 000 tonnes à l'échelle nationale. Ce déclin de la production française se révèle particulièrement saisissant lorsque l'on prend pour référence le niveau de la production dans les années 1990, à savoir 30 000 tonnes d'après les évaluations.
Certes, la filière apicole française a connu de graves difficultés, notamment en raison de l'important taux de mortalité des abeilles. Mais la croissance fulgurante des importations de miel se fait aujourd'hui directement au détriment de la relance souhaitée des productions nationales, et sans garantie ni de traçabilité, ni de qualité, ni de transparence pour les consommateurs. À la suite du premier bilan sur le plan de développement durable de l'apiculture lancé en 2013, de nombreuses actions ont été engagées en matière de structuration de la filière et d'accompagnement de la production, mais beaucoup reste à accomplir. Dans le cadre du prolongement de ce plan, il apparaît aujourd'hui indispensable de prendre une mesure de soutien immédiat à la filière : garantir la transparence et la traçabilité des miels commercialisés en France.
Comme vous le savez – nous en avons discuté en commission – , les logiques de marges financières de certains transformateurs et de la grande distribution poussent à substituer de plus en plus les miels importés aux productions françaises. Les prix d'achat de ces miels importés sont de deux à trois fois inférieurs : de l'ordre de 1,60 euro le kilogramme en provenance de Chine et de 2,50 euros le kilogramme en provenance d'Argentine, pour un prix moyen de vente en France de 11 euros le kilogramme dans la grande distribution. Cette différence entre les prix d'achat et de vente permet d'autant plus de conforter les marges des transformateurs et de la distribution que les miels vendus sont, pour l'essentiel, des miels mélangés portant la mention « mélange de miels originaires et non originaires de l'Union européenne ». Les consommateurs n'ont donc aucune possibilité de connaître l'origine des miels, ni leur part respective dans le produit vendu.
Le cadre réglementaire européen prévu par la directive 201463UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 modifiant une précédente directive relative au miel sert aujourd'hui d'appui à toutes les pratiques d'importations abusives et de fraude. Alors que l'article 1erde la directive prévoit que « le ou les pays d'origine où le miel a été récolté sont indiqués sur l'étiquette », les quatre alinéas suivants introduisent une possibilité de déroger à cette obligation d'indication du pays d'origine pour le miel « originaire de plus d'un État membre ou de plus d'un pays tiers » en recourant à l'un des trois étiquetages mentionnés, notamment « mélange de miels originaires de l'Union européenne ».
Vous comprenez donc qu'il est nécessaire de clarifier la situation. André Chassaigne insiste beaucoup pour que nous donnions un signe concret, palpable, immédiat et lisible aux apiculteurs français, afin de relancer ce savoir-faire. Tel est le sens du présent amendement. J'imagine qu'il obtiendra l'appui du Gouvernement.