Vous aurez remarqué que nous n'avons pas cultivé l'emphase ni multiplié les amendements : deux ou trois seulement évoquent la mondialisation vue par le groupe Nouvelle Gauche. Nous demanderons tout à l'heure, bien entendu, un rapport sur le Mercosur, à l'instar de ce qui a été fait sur le CETA, afin de sortir de l'angélisme qui s'est exprimé jusqu'ici.
Pour ce qui est de l'exception agriculturelle, nous affirmons une idée très largement partagée à travers le monde. J'ai sous les yeux la conclusion no 12 de l'atelier 11 des États généraux de l'agriculture, auquel participaient Sandrine Le Feur et d'autres, comme la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles – FNSEA – ou la Confédération paysanne : tous se sont mis d'accord sur des principes aussi simples qu'« Une Europe harmonisée », « Une nouvelle génération de traités internationaux » et une relation privilégiée entre l'Europe et l'Afrique, faite de codéveloppement.
Ces principes d'exception agriculturelle, tels que Guillaume Garot vient de les développer, sont fondés philosophiquement sur le fait que l'agriculture, l'alimentation, n'est pas une marchandise comme les autres. En effet, autour des sols, de leur qualité, du partage de la nourriture et de la terre et du juste commerce se joue une grande part de l'avenir de notre humanité en termes d'écosystème et d'anthropocène, mais aussi une part de notre humanité en termes de dignité des personnes – je parle des personnes les plus défavorisées chez nous, mais également des travailleurs de la terre, victimes de l'accaparement de la part de certaines multinationales, au bout du monde.
Je n'ai aucune sympathie pour cette idée d'échanges multiples à travers le monde qui, je le répète, correspond – les plus anciens d'entre nous comprendront – à un schéma « Shadok » : échanger du lait contre du boeuf ! Je ne sais pas comment vous l'expliquerez à vos enfants ou à vos petits-enfants – il est déjà assez difficile de dire aujourd'hui que nos sociétés n'ont rien trouvé de plus évolué que de procéder à ces échanges multiples.
Qu'une part du commerce mondial donne lieu à des échanges dans des conditions réciproques et justes, parce que nous avons des signes d'identification de l'origine et de la qualité – SIQO – , qu'une part de notre champagne doit voyager et qu'une part de notre blé doit contribuer à l'équilibre alimentaire du Maghreb, soit. Mais faire du libre-échange mondial une norme, banaliser la nourriture en oubliant qu'elle est la clé de la paix du monde et peut-être l'une des clés de la survie de notre humanité, c'est faire fi d'une évidence.
Selon l'ONU, en 2017, l'accaparement des terres a fait dans le monde plus de victimes de la violence et de la misère que n'en ont fait les guerres. La souveraineté alimentaire, le juste échange, la dignité des personnes et la lutte ici contre l'obésité et ailleurs contre la faim dans le monde ne sont-ils pas prioritaires par rapport aux règles marchandes ? C'est la question que nous posons et qui justifie l'amendement que nous vous proposons.