Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du dimanche 27 mai 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Après l'article 11 septdecies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Merci, monsieur le président. C'est le cas, n'en doutez pas.

Notre critique de l'alimentation industrielle, des conditions dans lesquelles elle est préparée et, au-delà, de ses conséquences sur notre modèle de société est sévère. On dit souvent qu'un produit vous fait avaler non seulement ce qu'il contient, mais aussi son mode d'emploi. Il y aurait beaucoup à dire sur ce que, in fine, le repas préparé retire à la vie de la société, à sa convivialité.

Nous passons beaucoup de temps à table, c'est vrai, monsieur le rapporteur – quoiqu'avec l'évolution des moeurs, avec l'évolution des emplois de plus en plus souvent fractionnés dans la journée, ce ne soit plus si vrai. Mais le repas est évidemment plus qu'une prise d'alimentation ; nous sommes le peuple qui passe le plus de temps, à chaque repas, à parler de ce qu'il a mangé la veille et de ce qu'il va manger le lendemain. C'est une vertu que nous partageons avec les Chinois et les Marocains, peuples civilisés… C'est souvent par la nourriture et le rapport que l'on a à soi que l'on peut mesurer le degré de civilisation et de douceur des êtres les uns par rapport aux autres.

La critique de la France insoumise ne porte pas seulement sur la façon dont nous nous alimentons, mais sur la façon dont est pensée la nourriture industrielle par ceux qui la produisent.

Il y a deux écoles, comme toujours : les uns pensent que par l'incitation et la sollicitation philanthropique, on finit par obtenir des résultats ; les autres, dont nous sommes, pensent que chaque système a sa logique, et que dans chaque système chacun va au plus loin de la performance attendue. Un bon produit, c'est un produit qui se vend bien ; pour bien se vendre, il faut qu'il apporte aux papilles la satisfaction attendue. C'est tout.

Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, personne n'accuse qui que ce soit d'être partisan de la malbouffe, du diabète ou des crises cardiaques. Mais nous pensons, nous, qu'il faut intervenir pour juguler une épidémie mondiale. Les Français ont jusqu'ici plutôt bien résisté : il faut se demander pourquoi. À nos yeux, les règles et l'obéissance à la loi jouent un rôle essentiel dans les relations entre les individus – un rôle au moins aussi important que l'incitation.

Notre collègue Martine Leguille-Balloy nous a apporté une information intéressante : ne rêvez pas, nous dit-elle, bien sûr que le Nutri-Score est utilisé comme un moyen de marketing ! Inutile de croire à la philanthropie. Notre collègue Catherine Kamowski a parlé d'éduquer nos enfants. Je n'en ai plus l'âge, mais j'ai celui d'avoir des petits-enfants, et je vois comment les parents doivent se battre pour faire leur devoir au mieux face à tous les produits qui attirent l'oeil des enfants. Reconnaissons que c'est un casse-tête ! Cela a été dit aussi, il y a maintenant beaucoup d'informations sur tous les produits. C'est bien, tant mieux ; mais ceux qui savent identifier la part de protéines, de lipides et de glucides qu'ils absorbent dans une journée ne sont pas aussi nombreux qu'on le souhaiterait.

Le Nutri-Score est une simplification qui permet à beaucoup de se repérer. C'est une indication maîtrisable, du rouge au vert. Sans noircir le tableau, je voudrais ajouter qu'il y a dans notre pays 2,5 à 3 millions d'illettrés – ils ne sont pas analphabètes, mais ils ont des difficultés avec la lecture. Pensez-y, chers collègues ! Rouge, vert, c'est lisible ; même quand on est illettré, on pense à ses enfants, on veut bien agir et bien choisir.

Voilà pourquoi j'ai parlé de point de jonction. Vous croyez à l'incitation ; nous croyons plutôt à la réglementation. Mais à cet instant, nous pouvons nous retrouver et prendre une décision commune.

S'agissant des aspects juridiques, notre collègue a bien décrit les risques que nous prenons. Eh bien, des procédures, il y en a déjà eu ! C'est finalement une manière de signaler qu'il y a un problème. La procédure, ce n'est pas la guerre ; c'en est même le contraire. Les esprits en seraient éclairés, la Commission se pencherait sur le sujet, le législateur européen ferait des propositions… Bref, le Parlement français enverrait un message qui dépasserait une action menée dans quelques supermarchés ; ce serait un message de la nation française, qui s'y connaît en matière de nourriture et de bien-vivre : « mieux vaut inscrire le Nutri-Score ! »

Je n'ai par ailleurs aucune illusion sur le caractère définitif de cette affaire.

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