La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (nos 627, 902, 838).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures quarante-six pour le groupe La République en marche, dont 182 amendements sont en discussion ; quatre heures trente-trois minutes pour le groupe Les Républicains, dont 343 amendements sont en discussion ; deux heures trente minutes pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, dont 36 amendements sont en discussion ; trois heures pour le groupe UDI, Agir et indépendants, dont 56 amendements sont en discussion ; deux heures quarante-huit minutes pour le groupe Nouvelle Gauche, dont 52 amendements sont en discussion ; deux heures quarante-neuf minutes pour le groupe La France insoumise, dont 62 amendements sont en discussion ; deux heures trente-sept pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, dont 12 amendements sont en discussion, et onze minutes pour les députés non inscrits, dont 92 amendements sont en discussion.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement no 1428 portant article additionnel après l'article 11 duodecies.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je voulais souhaiter, en notre nom à tous, une bonne fête aux mamans, notamment la mienne, qui, je l'espère, ne me regarde pas, car elle aura trouvé mieux à faire un dimanche matin.
Sourires.
Je remercie les mamans qui sont parmi nous d'avoir ramené leur fraise : pour ma part, j'en ai acheté quelques-unes au marché ce matin, de belles fraises bien de chez nous – pas espagnoles, monsieur Ramos ! – qui vous attendent à la buvette. Bonne fête à toutes !
Applaudissements sur tous les bancs.
L'amendement no 1428 n'est pas défendu.
Je suis saisi de trois amendements, nos 1528 rectifié , 1791 rectifié et 2113 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1791 rectifié et 2113 rectifié sont identiques.
La parole est à M. Christophe Bouillon, pour soutenir l'amendement no 1528 rectifié .
C'est un bon amendement pour commencer cette journée ! D'abord, il est utile. Il s'inscrit pleinement dans la lignée du Plan climat du Gouvernement, dont l'axe 15 veut interdire l'importation de produits contribuant à la déforestation, et alors que la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée doit être publiée dans les jours qui viennent. Il s'inscrit également dans la logique de la déclaration d'Amsterdam, signée le 7 décembre 2015.
L'objet est d'éviter d'importer des produits qui auraient des effets directs et concrets sur la déforestation, en rappelant le lien évident entre lutte contre les changements climatiques et lutte contre la déforestation et pour la reconquête de la biodiversité. Il convient de souligner les efforts d'un certain nombre d'acteurs, notamment économiques, qui essaient d'utiliser des produits qui ne sont pas issus de la déforestation. L'échéance fixée par cet amendement est de 2020, ce qui est parfaitement en ligne avec notamment la déclaration d'Amsterdam.
Cet amendement vise tout simplement à donner une sécurité juridique à l'ensemble des engagements qui ont été pris. En la matière, il ne faut pas baisser la garde. Au contraire, il faut adresser des signaux positifs aux acteurs volontaires dans ce domaine. À l'heure où les agriculteurs s'inquiètent notamment des autorisations accordées à Total pour produire des biocarburants à partir d'huile de palme importée, un tel signal serait le bienvenu.
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour soutenir l'amendement no 1791 rectifié .
Cet amendement a été adopté en commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mais rejeté en commission des affaires économiques. Il invite l'État à être plus vertueux et à se donner pour objectif, à compter de 2022, de n'acheter que des produits n'ayant pas contribué à la déforestation importée. Un décret préciserait les modalités d'application du présent article. L'État devrait se montrer exemplaire, et ce critère devrait être pris en compte dans l'achat d'un produit.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l'amendement no 2113 rectifié .
Il est identique et tend, dans la lignée de l'article 48 de la loi Grenelle I, à fixer des objectifs vertueux. Puisque l'on sait maintenant que la déforestation importée est un problème majeur pour la biodiversité et le réchauffement climatique, l'État se doit de montrer l'exemple.
L'échéance que nous proposons est plus tard de deux ans que celle prévue par M. Bouillon, en raison des difficultés d'application qui se posent. Nous voulons aider notre administration à être exemplaire et lui donner le temps. Je pense notamment aux critères de certification, qui ne sont pas encore complètement au point aujourd'hui – mais cela va avancer.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons déjà avancé sur ce sujet grâce à des amendements portant article additionnel après l'article 11 octies relatifs aux signes officiels de qualité. En outre, l'article 11 quaterdecies permettra d'avoir une vision plus claire de la notion de déforestation importée, avant de contraindre la commande publique. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Cela a été rappelé, le Plan climat annoncé par le Président de la République prévoit que la France se dotera d'une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. La stratégie est en cours de rédaction et devrait être publiée à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin.
Concernant les industries agroalimentaires, il est important de souligner les efforts que beaucoup d'entre elles font pour ne pas avoir recours aux produits issus de la déforestation importée. Il y a quelques semaines, j'ai visité une entreprise qui fabrique du pain de mie, et qui a décidé de supprimer l'huile de palme de ses recettes pour améliorer la qualité nutritionnelle de ses produits. Cela va dans le sens de ce que nous souhaitons faire pour notre agriculture.
Pour autant, il n'existe aujourd'hui aucun instrument européen permettant de certifier que les produits agricoles importés au sein de l'Union européenne n'ont pas contribué à la déforestation. Nous poussons la Commission européenne à élaborer un plan d'action communautaire. Nous ne pouvons exiger des fournisseurs de l'État français d'assurer, en moins de quatre ans, la traçabilité des produits importés alors que nous nous inscrivons dans le cadre du marché unique. C'est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.
Je comprends mal la timidité et la réticence du rapporteur et du Gouvernement sur ce sujet, qui fait pourtant l'objet d'un consensus, comme en témoignent les engagements internationaux évoqués. Les industriels français s'inscrivent déjà dans cette démarche et souhaitent être soutenus et accompagnés par une disposition fixant un calendrier contraignant, qui pourra les « challenger », pour reprendre un mot que vous affectionnez particulièrement, et leur permettre d'atteindre ces objectifs dans de meilleures conditions.
L'évolution de l'opinion publique sur l'utilisation de l'huile de palme dans l'alimentation, notamment des enfants, doit nous conduire à une forme d'exemplarité et au développement d'une filière à la française dans ce domaine. Je soutiens sans hésitation ces amendements. Je préférerais évidemment l'échéance proposée par M. Bouillon, mais si son amendement n'était pas adopté, celui proposé par la commission du développement durable me semblerait déjà être une avancée.
Il est important que l'État montre l'exemple, surtout sur un sujet comme la lutte contre la déforestation importée.
J'entends les arguments de M. le ministre, mais il serait dommage d'attendre. Sur le sujet de l'huile de palme, les industriels ont souvent vu leur responsabilité dénoncée, ils ont été fustigés, des polémiques ont entraîné d'autres polémiques. Mais certains acteurs prennent leurs responsabilités, il y a une prise de conscience dans l'opinion, des engagements ont été pris dans la déclaration d'Amsterdam – qui, pour le coup, fixe l'échéance à 2020. Il serait dommage, du point de vue économique et de notre responsabilité, de dire à ces acteurs qui font des efforts, qui ont fixé des objectifs dans un délai certes serré, comme Mme Pompili l'a dit, mais pour lesquels ils s'engagent, qu'on reporte tout à plus tard.
J'ajoute que la déclaration d'Amsterdam concerne principalement les pays européens. Il convient d'envoyer un signal fort à ces pays, sans quoi nous risquons de les décourager et de perdre du temps dans la lutte contre la déforestation, qui, elle, n'attend pas.
Sur l'amendement nos 1528 rectifié et sur les amendements identiques nos 1791 rectifié et 2113 rectifié , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à neuf heures quarante-trois, est reprise à neuf heures quarante-cinq.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 45 |
Nombre de suffrages exprimés | 39 |
Majorité absolue | 20 |
Pour l'adoption | 9 |
contre | 30 |
L'amendement no 1528 rectifié n'est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1791 rectifié et 2113 rectifié .
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 45 |
Nombre de suffrages exprimés | 39 |
Majorité absolue | 20 |
Pour l'adoption | 14 |
contre | 25 |
Les amendements identiques nos 1791 rectifié et 2113 rectifié ne sont pas adoptés.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 2362 .
L'amendement no 2362 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 2507 .
Hier, monsieur le ministre, un de nos collègues vous a demandé de définir la stratégie globale que vous comptez mettre en oeuvre pour l'agriculture. Le groupe Nouvelle Gauche a déposé plusieurs amendements dans cette optique car, à trop discuter de micro-sujets, on perd la vision globale de ce que vous voulez faire.
Cet amendement prévoit que le Gouvernement remette au Parlement pour le 30 septembre 2018 un état des lieux, département par département, des critères de contractualisation utilisés par vos services pour les fameuses mesures agroenvironnementales – MAE – par lesquelles les agriculteurs s'engagent sur cinq ans. Sur le terrain, il s'agit de nombreuses petites mesures éparses, comme l'ajout de mètres linéaires de haies par exemple. Nous n'avons donc pas une vision globale du résultat vers lequel vous comptez nous conduire.
Dans la perspective de la discussion sur le projet de loi de finances et, surtout, de la révision de la politique agricole commune – PAC – , nous souhaiterions disposer d'une vision, département par département, des critères utilisés par vos services lorsqu'ils contractualisent avec les agriculteurs. Je suppose que ce nous constaterons, c'est que les demandes sont caractérisées par une forte hétérogénéité, et qu'il existe de nombreux microsujets qui, vous le savez, sont assez pesants et que parfois le monde agricole ne comprend pas.
Si je me permets de mentionner ce point, c'est que nous manquons de données de votre ministère, monsieur le ministre. Au risque de paraître un peu sévère, je dois dire que de nombreux ministères ont fait des progrès dans la mise en ligne de leurs informations sur internet. Nous les avons parfois aidés, en votant ici certains amendements contre l'avis du Gouvernement. À titre d'exemple, la direction générale des collectivités locales publie à présent toutes les données des dotations qui sont versées aux 36 000 communes de France.
S'agissant du ministère de l'agriculture, doté pourtant d'un très bon site de statistiques, nous avons du mal à obtenir une vision globale, à télécharger des données département par département qui nous permettrait de nous forger une opinion. Si ces données existent, et j'ose espérer que c'est le cas, nous vous demanderons de les mettre en ligne. Si elles n'existent pas, nous serons alors plus inquiets.
Cet amendement vise donc à voir précisés dans un rapport les critères de contractualisation que le ministère utilise, si possible avec une vision département par département. Cela nous aiderait, sinon à comprendre l'hétérogénéité, du moins à la constater.
C'est le ministre qui est interpellé et je le laisserai répondre, mais cette demande me semble être formulée un peu tôt par rapport aux cycles de négociation de la PAC.
Il est toujours difficile de tirer un bilan avant de commencer ! Comme j'ai eu l'occasion de le rappeler hier, nous entamons un processus de négociation de la PAC s'agissant des conditions du cadre financier pluriannuel et du budget réservé à cette politique. Quant aux informations dont vous souhaitez disposer, madame la députée, la réglementation européenne impose de mettre en oeuvre les mesures du Fonds européen agricole pour le développement rural – FEADER – , dont les MAEC – mesures agroenvironnementales et climatiques – et certains rapports sont déjà portés par la Commission européenne.
Les objectifs sont définis par les autorités de gestion, les conseils régionaux, qui doivent justifier la mise en oeuvre des MAEC, dans le cadre des notifications de la Commission, et qui lui transmettent des rapports de mise en oeuvre annuels.
Aujourd'hui, les MAEC sont donc dans un processus d'amélioration continue. Depuis le 21 juin dernier, nous avons par exemple travaillé sur le calendrier de mise en paiement des aides MAEC, et nous pourrons d'ailleurs faire le bilan d'un an de ce travail, car nous avons beaucoup avancé sur le sujet. Nous avons toujours souhaité revenir à un calendrier de versement normal des aides pour 2018. Ces éléments peuvent être mis à disposition par les régions, ainsi que le rapport annuel sur le sujet. Le ministère apporte une amélioration continue aux documents de cadrage national et au cahier des charges. C'est pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement.
Mais ce n'est pas l'objet de cet amendement, monsieur le ministre. Nous ne vous demandons pas un bilan de la PAC, mais un bilan des critères que vous avez utilisés pour la contractualisation relative aux mesures agroenvironnementales.
Il s'agit d'obtenir une statistique, département par département, des mesures très concrètes que vous avez appliquées : s'agit-il de haies, ou de prairies ? Cette liste, d'une dizaine d'éléments, précisera, département par département, les critères utilisés. Enfin, nous vous demandons de publier ces informations sur internet.
Rien à voir avec le bilan de la PAC et la négociation : je vous fais des demandes concrètes afin de disposer d'informations, soit dans un rapport remis par le Gouvernement au 30 septembre 2018, soit sur internet. Dans ce cas, il n'y aura plus de débat, mais une lisibilité et une transparence qui permettront de comprendre où vous voulez aller.
L'amendement no 2507 n'est pas adopté.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 1627 .
Nous avons inscrit dans cette loi des objectifs très ambitieux pour le bio, ce dont je suis évidemment très satisfait : 20 % de bio dans la restauration collective, auxquels s'ajoutent d'autres labels de qualité, et 15 % de surface agricole utile consacrée au bio. Cela permettra vraiment de changer la donne, en accélérant le développement de l'agriculture biologique.
Comme le ministre l'a rappelé ces dernières semaines, des moyens très importants ont été annoncés par le Gouvernement. Une inquiétude demeure cependant sur le terrain, entretenue par certains conseils régionaux. C'est le cas dans les Pays de la Loire, où le conseil régional essaie de faire croire à certains agriculteurs que les moyens manqueront pour accompagner vers le bio, notamment pour payer les aides à la conversion.
J'ai entendu les engagements pris par le Gouvernement. Cet amendement prévoit de partager les données avec l'ensemble des acteurs, au moyen d'un rapport, pour montrer que, oui, tous les moyens sont programmés. Il ne faut plus voir, sur le terrain, certains conseils régionaux peu favorables au développement du bio entretenir le flou et laisser croire aux agriculteurs qu'ils ne doivent pas se convertir parce que les aides ne seront pas assurées dans les prochaines années.
Avis défavorable. J'entends cette préoccupation, et j'ai entendu aussi les messages de certaines régions qui affolent tout le monde. Je ne suis cependant pas certain qu'un rapport soit le plus pertinent. Sur cette thématique, une expression forte du ministre devrait suffire.
Vous l'aurez, monsieur le président ! Nous avons lancé il y a quelques jours le programme Ambition Bio 2022, qui est doté de 1 milliard d'euros, dont 600 millions d'euros de financements européens et 200 millions d'euros de crédits d'État. Nous avons adopté le crédit d'impôt pour l'agriculture bio, que nous avons amélioré par rapport à l'existant et prolongé d'un an supplémentaire.
Rédiger un rapport dans le délai qui est imparti ne me semble pas utile à ce stade. Nous pourrions plutôt faire un point sur la mobilisation des crédits dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances.
J'entends la critique qui émane de certaines régions. Vous le savez, mesdames, messieurs les députés, il est actuellement difficile de travailler avec l'Association des régions de France, qui a quitté la table des discussions et qui refuse toutes les réunions, tant techniques que politiques, que nous proposons.
Certaines régions, qui ont consommé l'intégralité de la maquette financière prévue, ne peuvent plus obtenir de cofinancements pour leurs mesures. D'autres, au contraire, ont choisi d'introduire des plafonds, ce qui a permis de lisser les mesures dans le temps.
Ainsi, bien que le Gouvernement donne un avis défavorable à cet amendement, il continuera d'avancer sur le programme Ambition Bio, un plan important sur lequel nous aurons l'occasion de revenir après l'examen de ce projet de loi. Comme nous l'avons dit depuis le début de ce débat, nous avons besoin de convertir davantage d'agriculteurs à l'agriculture biologique. Nous avons des ambitions fortes dans ce domaine. C'est pourquoi nous devons accompagner l'agriculture biologique, afin qu'elle se développe, pour servir la restauration collective.
S'agit-il vraiment de la restauration collective ? Cet amendement ne traite que des 15 % de surface agricole consacrés à l'agriculture biologique, pas du bio dans les cantines.
Si je me permets de demander cette précision, c'est parce qu'il y a eu hier un moment de confusion concernant un amendement de Mme Pompili. Nous en sommes à notre sixième jour de débat continu sur ce texte : nous devons être vigilants. Je vous ai bien entendu annoncer l'amendement, monsieur le président, mais les tableaux numériques affichés dans l'hémicycle pour nous aider à suivre le débat indiquent que c'est l'amendement no 392 qui est en discussion. Il n'est pourtant pas soutenu.
J'en viens donc à l'amendement no 1627 . Hier, le ministre a été questionné sur les voies et moyens nécessaires pour atteindre l'objectif de 15 % de la surface agricole utile en agriculture biologique. Un certain nombre de parlementaires craignent en effet qu'il ne s'agisse là que d'une déclaration d'intentions. Quels sont les moyens réellement dédiés à cet objectif ?
Monsieur le député, il semble que, le dimanche matin, le système informatique soit un peu plus lent.
Quand un amendement n'est pas soutenu, je l'annonce. Soyons attentifs et faisons en sorte que chacun puisse suivre dans les meilleures conditions.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Je soutiens à 100 % l'amendement de M. Orphelin.
Monsieur le ministre, nous sommes plusieurs à vous solliciter pour obtenir des informations. Si nous le faisons, c'est que l'information n'est pas disponible. Ce que M. Orphelin demande, ce n'est pas un bilan à l'instant t, mais une indication des moyens à mobiliser sur la période 2019-2022. Vous n'avez pas du tout répondu à cette question. Votre ministère n'y répond pas davantage, je vous assure ! Faites un peu de benchmarking, pour employer un terme anglo-saxon, entre les différents ministères et vous verrez qu'en matière de publication de l'information, vous êtes en queue de peloton. Ce n'est pas acceptable.
Vous expliquez que ces informations seront importantes pour la loi de finances. Et que demande l'amendement ? Que le rapport soit remis avant le 1er octobre 2018 ! Cela correspond parfaitement au calendrier de préparation et d'examen de la loi de finances pour 2019.
C'est un amendement important. Il permettrait de savoir, du point de vue prospectif, quels sont les moyens à mobiliser entre 2019 et 2022 pour atteindre les objectifs annoncés.
Merci, monsieur le ministre, de m'avoir répondu aussi clairement. Effectivement, le moment de l'examen de la loi de finances est sans doute le bon pour exposer l'ensemble de la programmation budgétaire sur cinq ans en vue de développer le bio. Ainsi, les acteurs sur le terrain seront rassurés et les agriculteurs qui veulent passer au bio pourront s'engager dans la conversion. Quant à ceux qui sont défavorables à ce que nous essayons de faire en ce domaine, ils devraient arrêter de dire n'importe quoi. Je retire avec plaisir mon amendement.
L'amendement no 1627 n'est pas adopté.
L'amendement no 2576 tend à demander au Gouvernement, dans les trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un bilan département par département, en euros sonnants et trébuchants, des aides à la conversion et au maintien de l'agriculture biologique dans le cadre de la politique agricole commune de l'Union européenne. Je rappelle que ces aides sont directement financées par l'Union européenne à hauteur de 75 %, les 25 % restants l'étant au niveau national.
Ce que nous voulons, c'est un tableau avec la liste de tous les départements français et le montant, pour chacun, en euros sonnants et trébuchants, des aides à la conversion et au maintien en agriculture bio versées par l'Union européenne.
Dans l'amendement no 2504 , je vous laisse six mois au lieu de trois pour présenter le même rapport. C'était un accès de générosité.
Sur l'amendement no 2576 , je me range à l'avis que va donner le ministre.
Quant à l'amendement no 2504 , il est tout à fait possible d'effectuer l'évaluation financière demandée dans le cadre des rapports spéciaux sur l'agriculture examinés par la commission des finances pendant la période budgétaire. Avis défavorable.
Ici, je réponds aux amendements défendus et aux demandes de rapport qui y sont formulées. Je peux en profiter pour expliquer notre vision de la politique à mener en matière d'agriculture, notamment biologique, ce que nous souhaitons défendre et les engagements financiers correspondants. Mais il existe d'autres cadres pour le faire, devant la commission des finances ou la commission des affaires économiques par exemple. Le président de la commission des affaires économiques sait bien que je suis mobilisable dès qu'il le souhaite et dès que la commission le juge nécessaire pour venir expliquer, dans un temps moins compté qu'ici, la politique que nous souhaitons conduire et la vision du ministère de l'agriculture en matière de projets agricoles.
Ensuite, la loi de finances rectificative pour 2017, en son article 9, et la loi de finances pour 2018, en son article 122, ont déjà prévu des rapports similaires à ceux qui nous sont demandés, que le Gouvernement a acceptés. Ces rapports seront remis en juin 2018. Il n'y a donc de la part de l'État aucun désengagement en matière d'accompagnement de l'agriculture biologique. Bien au contraire, avec le programme Ambition Bio 2022, je l'ai dit, nous souhaitons favoriser la conversion du plus grand nombre possible d'agriculteurs pour atteindre nos objectifs : porter de 6 à 15 % la part du bio dans la surface agricole utile, d'une part, et d'autre part améliorer la restauration collective, en incluant 20 % de produits biologiques dans les 50 % de produits qualité qui devront y être servis.
Avis défavorable aux deux amendements.
Merci, monsieur le ministre, d'avoir rappelé l'existence de ces deux articles budgétaires. J'espère simplement que vous pourrez nous fournir les informations département par département.
Monsieur le rapporteur, vous avez parlé des rapports spéciaux. Au cours de la précédente législature, lorsque j'étais rapporteure générale du budget, j'ai fait une saisie sur pièces et sur place au ministère de l'agriculture.
On s'en souvient !
Pas assez, visiblement, pour nous fournir les données. J'avais fait la même chose à Bercy, et j'en étais repartie avec les données !
Je ne veux pas mettre en concurrence les différents ministères, mais je vous invite vraiment, monsieur le ministre, à exercer une légère pression amicale : il n'est pas acceptable, dans une République comme la nôtre, de ne pas pouvoir obtenir une information plus claire, compte tenu de l'argent public et de l'importance des objectifs que nous souhaitons pour la PAC. La nécessité de disposer d'informations publiées et accessibles à l'ensemble des députés comme de nos concitoyens est une exigence dans notre démocratie.
Je suis saisi de cinq amendements identiques tendant à supprimer l'article, nos 2249, 1258, 1601, 1752 et 2072.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 2249 .
Le Gouvernement souhaite travailler sur la nutrition, notamment dans la restauration collective, dans le cadre de la feuille de route nationale issue des États généraux de l'alimentation – EGA. Ce travail sera conduit par le comité national de la restauration collective qui va être créé et qui tiendra sa première réunion d'ici à l'été.
Le comité traitera différents sujets, dont la qualité nutritionnelle des repas servis, à partir des recommandations formulées par les nutritionnistes et les médecins et de données objectivées grâce à l'observatoire national de la qualité de l'alimentation. Il s'agira aussi de travailler sur l'étiquetage nutritionnel, avec le Nutri-Score, qui est adapté à la restauration collective ; sur les parcours alimentaires pédagogiques pour les enfants dans les écoles ; et sur le choix dirigé dans les établissements secondaires, grâce à l'implication et à la formation des professionnels de santé.
L'article 11 terdecies crée une nouvelle mention valorisante, « issu d'une production à haute valeur nutritionnelle », qui constitue une allégation nutritionnelle au sens de la réglementation européenne. Or les allégations nutritionnelles ne sont autorisées que si elles font l'objet d'une évaluation scientifique par l'agence européenne afin de vérifier qu'elles s'appuient sur des preuves scientifiques solides. L'objectif est d'éviter toute tromperie du consommateur. La Commission européenne tient un registre des allégations autorisées. Il n'est donc pas possible de créer ex nihilo une mention qui n'a pas été vérifiée par l'agence sanitaire européenne ni enregistrée par la Commission.
Voilà pourquoi je demande la suppression de cet article, comme plusieurs députés d'ailleurs.
L'objectif consistant à servir dans la restauration collective 50 % de produits bio ou sélectionnés selon des critères de qualité ou d'origine géographique est nettement suffisant. Rien n'empêche les produits visés par cet article de faire partie des 50 % restants. Quant au Nutri-Score, j'ai déposé des amendements pour continuer à progresser s'agissant de la qualité nutritionnelle des plats préparés.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 1752 .
Je me réjouis de la position du ministre, que nous partageons.
On a le sentiment que la mention en cause a été créée à la demande d'une seule entreprise, pour lui permettre d'atteindre les objectifs de l'article 11 concernant la restauration collective. Elle va à l'encontre de la valorisation des produits locaux, bio et du terroir que nous avons tenté de promouvoir dans le cadre de ce texte. Elle pourra s'appliquer, si nous n'y prenons pas garde, à des produits élaborés à partir de productions animales importées.
Un règlement européen encadre déjà les allégations nutritionnelles. La mention proposée n'apporte rien de nouveau en la matière. Il est donc heureux que l'article soit en passe d'être supprimé.
J'étais à l'initiative de la rédaction de cet article, en réponse à la demande, venue de tous les bancs, de reconnaître dans la loi, pour les valoriser, des productions du type « Bleu-Blanc-Coeur ». Cela étant, aucune étude scientifique ne prouve qu'une meilleure alimentation des animaux améliore la qualité nutritionnelle de la production, notamment de la viande. La démarche reste vertueuse : elle utilise des protéines françaises, dont le tourteau de lin. Mais il me semble qu'elle peut être intégrée à l'article 11 par d'autres biais.
Je me rallie donc aux raisons du Gouvernement, et j'émets un avis de sagesse.
Monsieur le ministre, vous le savez, j'ai une grande estime aussi bien pour votre personne et votre fonction que pour votre action.
Sourires.
Mais, en l'espèce, je regrette que vous cherchiez à revenir sur le texte issu de la commission. Ce projet de loi se veut un signal, une impulsion en faveur de tout ce qui concourt à rendre l'alimentation plus saine – idée au coeur de nos discussions depuis plusieurs jours. La nutrition animale peut y contribuer, en permettant de faire diminuer le diabète ou l'obésité grâce aux oméga-3 ou aux vitamines, par exemple. C'est ce vers quoi tend le texte de la commission, qui envoie un signal très favorable et fait montre de bon sens.
Je le regrette également, parce que la reconnaissance de la qualité nutritionnelle des produits consommés par les animaux participe de la montée en gamme de la production, en parfaite complémentarité avec les autres labels de qualité déjà reconnus et mentionnés dans le code rural et de la pêche maritime. Enfin, je le regrette parce qu'une telle reconnaissance favoriserait une plus grande diversité de nos cultures, elle-même bénéfique à la qualité des sols et à la variété de nos paysages. Cela permettrait aussi de diminuer le recours au soja, souvent importé et responsable de la déforestation, comme nos récents débats l'ont encore démontré.
Pour toutes ces raisons, je défends le maintien du texte tel qu'il avait été adopté en commission. Bien sûr, la notion de haute valeur nutritionnelle doit être objectivée. Elle doit répondre à un cahier des charges extrêmement strict, défini par des textes réglementaires. Mais nous ne partons pas de rien, en l'occurrence, car la filière existante s'appuie sur une démarche scientifique menée dans la durée. Des études cliniques ont été faites, des articles ont été publiés.
La commission des affaires économiques et celle du développement durable ont fait oeuvre utile en ajoutant dans le code rural cette mention qualitative valorisante, qui permettra à la filière de bénéficier des dispositions de l'article 11.
Monsieur le ministre, je m'étonne de votre proposition de suppression.
La commission des affaires économiques a, il y a deux semaines, adopté un amendement de notre excellent rapporteur qui va dans le sens de votre projet. Il est en étroite connexion avec le débat que nous avons eu autour de minuit et demi cette nuit, sur la haute valeur environnementale – HVE.
Cette nuit, monsieur le ministre, suite à votre avis de sagesse, et sur initiative commune du rapporteur et de Dominique Potier, nous avons introduit dans la loi les mentions valorisantes qui soutiennent la démarche de l'agroécologie. Ont été mises sous l'autorité de l'État et le contrôle du ministère de l'agriculture et de son ministre toutes les initiatives promues en France qui convergent vers la qualité environnementale.
Je vous ai alors fait remarquer, monsieur le ministre, que cela s'inscrivait bien dans le triptyque qui fonde votre loi : une dimension humaine et sociale – les revenus des agriculteurs et leurs relations commerciales – , une dimension environnementale – les principes de l'agroécologie de votre prédécesseur, identifiés par les démarches « haute valeur environnementale » – et une dimension de qualité nutritionnelle – l'agriculture à vocation santé.
Soyons clairs et appelons un chat un chat. J'ai en tête un exemple précis, que j'ai déjà cité en commission des affaires économiques. Dans l'ouest de la France, en Bretagne et dans les régions périphériques, il y a un peu plus de vingt ans, des agriculteurs, des scientifiques, des médecins, des ingénieurs, des transformateurs, des professionnels de l'industrie agroalimentaire ont travaillé ensemble pour voir si l'alimentation donnée aux animaux avait des effets sur les denrées alimentaires mises sur le marché.
Cette étude, qui a été réalisée par l'association Bleu-Blanc-Coeur, a fait l'objet de trois cents études cliniques et de plusieurs publications, dont certaines menées par l'INRA, ce qui est un signe plutôt positif.
Ce matin, il nous est proposé d'intégrer dans la loi cette dimension nutritionnelle, qui s'inscrit dans le droit fil de nos travaux, monsieur le ministre, puisqu'elle aura également des effets en termes de création de valeur ajoutée, de revenu agricole et de répartition de la valeur ajoutée, depuis l'amont et les agriculteurs jusqu'à l'aval et les consommateurs. Pour des éleveurs de porcs, la plus-value représente 1,50 euro par animal. Un éleveur porcin qui a 250 truies et intègre du lin dans leur alimentation gagne 10 000 euros de plus par an. De la même façon, un producteur de lait gagne 11 euros par 1000 litres, soit 5 500 euros de plus par an.
Hier, quand nous avons évoqué la mention « haute valeur environnementale », certains députés ont fait remarquer qu'il n'y avait que le ministère de l'agriculture à la connaître. Cette mention est née au Grenelle de l'environnement et a été propulsée par la démarche d'agroécologie de Stéphane Le Foll, mais au final, pas plus de 700 ou 800 agriculteurs s'y sont inscrits. Or, la démarche Bleu-Blanc-Coeur fédère plus de 7 000 agriculteurs français !
Par ailleurs, ce label exclut le soja génétiquement modifié et l'huile de palme. Il garantit une vraie qualité nutritionnelle.
À la buvette de l'Assemblée, qui est en fait un restaurant, chacun d'entre nous prend, le matin, le midi et le soir, des protéines d'origine végétale, des protéines d'origine animale des légumes et des fruits, mais aussi un yaourt portant la mention « Bleu-Blanc-Coeur ». Chers collègues, vous pourrez aller vérifier tout à l'heure dans le frigo de la buvette : la mention est sur la capsule du yaourt !
Ce que nous vous proposons, monsieur le ministre, c'est de placer cette démarche sous votre autorité.
En tant que ministre de l'agriculture, vous voulez améliorer la qualité environnementale et la qualité nutritionnelle. Nous vous y encourageons et vous faisons confiance. Comme l'a dit Dominique Potier cette nuit, ces initiatives, qui sont souvent d'origine associative ou privée, doivent être coordonnées et contrôlées.
Après la dimension amont et le bénéfice d'un tel label pour les agriculteurs, venons-en aux industriels. En France, il existe quatre-vingts fabricants de produits Bleu-Blanc-Coeur. Même si le concept et la démarche sont nés en Bretagne, dans le département de l'Ille-et-Vilaine, aujourd'hui, ce sont quatre-vingts usines qui fabriquent des produits Bleu-Blanc-Coeur. S'agissant des produits extrudés, comme le lin qui est incorporé dans la ration après avoir été chauffé, il y a une entreprise dans le Poitou, une à Chay, dans le Doubs, une en Aveyron, Triskalia dans le Finistère ou encore Cavac en Vendée… C'est une démarche qui prend de plus en plus d'ampleur.
Au salon de l'agriculture, tous les ministres de l'agriculture sont allés rencontrer les acteurs du label Bleu-Blanc-Coeur. Guillaume Garot, qui est ici, connaît très bien la démarche, pour s'être efforcé de l'encourager quand il était ministre. Et je suis convaincu que vous, monsieur Travert, qui êtes un nouveau et jeune ministre de l'agriculture, connaissez déjà cette démarche et que vous irez à la rencontre de ses acteurs.
Il faut placer ce type d'initiatives sous le contrôle du ministère de l'agriculture. Il ne s'agit pas de soutenir une démarche en particulier, mais toutes les démarches. Cette nuit, nous avons inscrit dans la loi les mentions valorisantes autour de l'environnement ; ce matin, nous cherchons à le faire pour la qualité nutritionnelle des produits donnés aux animaux.
Le dernier maillon de la chaîne, c'est le consommateur. Les produits à base d'oméga-3 sont bons pour la santé, notamment pour celles et ceux, dont je fais partie, qui ont, ont eu ou auront à consulter des médecins pour des problèmes cardiovasculaires. Après avoir été attrapé il y a quelque temps par ce type de problème, je sais ce que doit être un repas équilibré.
Si l'on nous apprenait, tout petits, à l'école, le principe des cinq fruits et légumes par jour, le bon ratio entre les protéines d'origine végétale et celles d'origine animale et la place des produits laitiers, il y aurait moins de problèmes de santé dans notre pays. C'est une démarche de prévention. Il faut établir des connexions entre nos travaux, ceux du ministère de la transition écologique et solidaire et ceux du ministère de la santé. C'est Mme Buzyn qui sera contente, lorsque nous aurons introduit cette dimension nutrition santé dans notre texte !
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je vous encourage à remiser, dissoudre, mettre en sommeil votre demande de suppression de l'article issu de l'amendement de notre excellent et vaillant rapporteur Jean-Baptiste Moreau.
Applaudissements sur divers bancs.
Merci, monsieur le député, pour ce plaidoyer de dix minutes et six secondes. La parole est à M. Richard Ramos.
Je vais faire plus court, et il sera difficile d'être aussi bon que Thierry Benoit.
On sait que, quand on nourrit mal les bêtes, quand on leur donne des antibiotiques et de la farine animale, le produit est mauvais à la sortie. Est-ce à dire que si on leur donne quelque chose de bon, cela donnera un mauvais produit ? Non.
La logique est de manger sainement, pour être en meilleure santé. La démarche Bleu-Blanc-Coeur, c'est faire attention à ce que mangent les animaux. Si on leur donne du lin, riche en oméga-3, c'est bon pour la santé. Le principe a été validé, il n'y a plus de débat : on doit bien nourrir ses bêtes.
Supprimer cet article serait envoyer un mauvais signal aux acteurs de Bleu-Blanc-Coeur et à 7 000 éleveurs, eux qui ont pourtant fait l'effort avant tout le monde, avant le législateur, de monter en gamme et de nous permettre de mieux manger pour améliorer notre santé.
C'est eux qui, au sein de la société civile, ont anticipé les problématiques sur lesquelles nous sommes en train de légiférer. On ne peut pas leur mettre un coup de frein, ce n'est pas possible ! On ne peut pas faire une loi qui va à l'inverse de ce qu'ils ont initié !
En matière de valeur nutritionnelle, il faut soutenir les démarches telles que Bleu-Blanc-Coeur. Bien sûr, d'autres initiatives peuvent servir le même objectif, mais sans multiplier les labels, le législateur et l'État doivent mettre le signe de qualité nutritionnelle sous la tutelle publique. C'est cela qui a été adopté en commission des affaires économiques à l'initiative de, comme l'a dit Thierry Benoit, son excellent rapporteur M. Moreau.
Nous avons tous voté cet amendement, car nous avons tous compris l'objectif. L'ennui, c'est que d'autres labels font du lobbying, de peur d'être concurrencés par d'autres signes de qualité pour la fourniture de repas aux cantines. Je ne me laisserai pas impressionner par ces concurrents. Je soutiens ceux qui se placent, depuis des années, dans une démarche de qualité. Donc oui, haut les coeurs, haut Bleu-Blanc-Coeur !
Applaudissements et « Bravo ! » sur plusieurs bancs.
Sans doute sans qualités lyriques, monsieur le président. Le groupe LaREM reconnaît évidemment la qualité du label Bleu-Blanc-Coeur, et il est conscient du fait que le sujet a fait l'objet de l'action de lobbies de toutes sortes : nous avons tous été envahis de courriels.
Nous souhaitons que Bleu-Blanc-Coeur progresse encore dans sa démarche de qualité pour être ensuite inclus dans les mentions valorisantes. En effet, M. le ministre l'a rappelé, en matière sanitaire et nutritionnelle, les mentions doivent recevoir une validation scientifique par des comités d'experts indépendants tels que l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – ANSES – avant d'être officiellement reconnues, afin d'éviter tout risque de tromperie du consommateur. Si Bleu-Blanc-Coeur répond à ces critères, il sera inclus, il n'y a aucun souci.
L'article 11 tel qu'adopté en commission des affaires économiques intègre parmi les 50 % de produits de qualité nécessaires les produits issus de l'agriculture biologique, les SIQO, les produits aux externalités environnementales positives, les écolabels certifiés et les produits sous certification environnementale de niveau 2. À partir du moment où Bleu-Blanc-Coeur engagera cette démarche, il sera certifié comme les autres.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Marc Fesneau applaudit également.
Je m'oppose à ces amendements de suppression. Il y a un problème de cohérence : le label Bleu-Blanc-Coeur doit entrer dans les 50 %, puisqu'il s'agit d'animaux nourris sans OGM et de produits dont les cahiers des charges comprennent toute une série de critères qui ne se trouvent pas dans ceux de certaines AOP pourtant intégrées dans la liste ! Ce type de démarches doit être soutenu et ces produits doivent entrer dans les 50 % définis pour les cantines scolaires.
Je comprends la position du ministre : sa responsabilité est d'être exigeant en matière d'allégations, car il s'agit de règles d'origine européenne qui s'imposent à tous. Mais le label Bleu-Blanc-Coeur, que nous sommes plusieurs à connaître, correspond bien à une démarche de progrès, puisque des agriculteurs s'engagent à mieux produire et à mieux transformer, pour qu'on puisse ensuite mieux consommer. Il doit donc être reconnu.
Je propose, même si je n'ai pas encore finalisé la construction juridique, que la mention « haute valeur nutritionnelle » soit intégrée dans le dispositif que nous avons voté cette nuit sur la certification haute valeur environnementale. Ce serait parfaitement cohérent, puisque nous avons précisé que la marque HVE permettrait de valoriser l'exigence à la fois environnementale et nutritionnelle.
Aujourd'hui, nous devons répondre à l'attente de la société en matière d'alimentation favorable à la santé, mais aussi à celle des consommateurs qui souhaitent se repérer dans la forêt des labels et des certifications. Il faut mettre un peu d'ordre. C'est pourquoi l'État doit reconnaître ce type d'allégation, et la démarche Bleu-Blanc-Coeur s'intégrer dans le cadre de la HVE.
Monsieur le ministre, le Président de la République souhaite le développement des initiatives privées et vante les start-up. Vous avez là l'exemple d'une initiative privée : 7 000 agriculteurs, sans rien demander à l'État, se sont organisés et se sont donné un code de conduite pour l'élevage.
Ce qui vous est demandé, à vous qui êtes ministre, qui représentez le Gouvernement, qui incarnez l'État, c'est de reconnaître cette initiative. Nous avons bien entendu que cette reconnaissance doit s'inscrire dans le cadre européen, mais c'est à vous d'agir pour que la démarche soit reconnue ! Dans le cadre de cette loi, il ne s'agit pas d'exclure les autres labels, mais de trouver une solution médiane qui permette de reconnaître des initiatives qui n'émanent pas de votre ministère – en l'occurrence, des agriculteurs qui se sont regroupés pour définir les conditions d'élevage, notamment de l'alimentation du bétail.
Vous voulez balayer d'un trait de plume l'amendement proposé par le rapporteur en commission des affaires économiques. Notre collègue Thierry Benoit propose pourtant une démarche médiane : définir les critères permettant la reconnaissance de cette démarche. Comme il ne peut y avoir de sous-amendement, cette démarche ne sera malheureusement pas votée. La solution consisterait à ne pas adopter aujourd'hui votre amendement de suppression, ce qui permettrait à votre ministère, au cours de la navette parlementaire, de trouver une rédaction qui tienne la route juridiquement au regard du cadre européen, et qui évite d'exclure d'autres démarches tout aussi positives des marchés de la restauration collective.
Nous sommes tous d'accord sur l'intérêt de la démarche des labels fondés sur l'intérêt nutritionnel et sur la nécessité de valoriser les initiatives privées dans l'alimentation. Élue en Bretagne, je ne peux, comme Thierry Benoit et François André, que soutenir le projet Bleu-Blanc-Coeur qui y est né.
Toutefois le ministre et le rapporteur ont rappelé que nous sommes placés dans un environnement européen et que nous ne pouvons nous affranchir de la réglementation européenne en matière d'alimentation. Cette nouvelle mention valorisante risque d'entrer dans le champ du règlement 19242006 sur les allégations nutritionnelles et de santé. Or elle ne fait pas partie de la liste des allégations européennes. Celle-ci peut toutefois être ouverte à la demande d'un État membre. Je voudrais donc proposer à M. le ministre que la France fasse cette démarche.
Il faudra ensuite réfléchir à l'ajout d'une nouvelle mention valorisante en droit français. Enfin, dans le cadre du dispositif HVE voté hier, j'ai toute confiance dans la capacité des exploitants agricoles qui ont adopté la démarche vertueuse pour l'alimentation du bétail de Bleu-Blanc-Coeur de s'inscrire dans un des labels reconnus par l'État : HVE, SIQO, bio…
Je voudrais m'exprimer à mon tour en tant que membre du groupe UDI-Agir et indépendants – en insistant sur l'indépendance ! Je soutiens en effet l'amendement de suppression de M. le ministre.
Je siège dans cet hémicycle depuis de nombreuses années : nous avons souvent ce type de débat. Je ne pense pas que la loi soit l'outil adapté pour la promotion d'une initiative privée ou d'une autre.
D'autre part, il y a un débat européen. J'ai cru comprendre que beaucoup de mes collègues regrettaient l'existence du cadre européen. Je n'ai ni à le regretter, ni à m'en réjouir : il existe et a son utilité. Ce qu'il faut noter, c'est que les tensions, dans ce débat, opposent le nord et le sud de l'Europe.
La grille de lecture du Nord, c'est de déterminer si un produit est bon ou non pour la santé. Le cas échéant, on dispose de toutes sortes de labels, logos « Bleu Blanc Coeur » et feux tricolores divers pour indiquer au consommateur que s'il consomme certains paquets, il risque de s'empoisonner en cas d'abus.
Le Sud ne raisonne pas ainsi : considérées séparément, les composantes du fameux régime crétois, si bon pour la santé, ne sont pas irréprochables ! Si vous ne buvez que de l'huile d'olive du matin au soir, vous tomberez malade et si vous abusez du bon vin crétois, vous finirez avec une cirrhose. Du point de vue de leurs qualités intrinsèques, nos produits ne résisteraient pas à ce type d'analyse mais notre culture alimentaire nous conduit à composer notre menu de façon équilibrée et c'est ainsi que nous assurons notre bonne santé.
Je ne m'oppose pas au label Bleu-Blanc-Coeur en particulier, mais au principe : si nous entrons dans l'analyse nutritionnelle de chaque produit, nous allons ruiner tout ce que nous avons écrit dans la première partie de l'article 11. Nos AOP et nos labels rouges en particulier ne s'inscrivent pas dans cette démarche.
Thierry Benoit et moi avons dîné ensemble. Pour ma part, j'ai commencé par un potage de légumes : excellent score nutritionnel ! Mais ensuite, j'ai pris une assiette de fromages et du vin rouge… Mauvais, très mauvais, selon vos critères !
Il faut arrêter de couper les cheveux en quatre. M. le ministre a raison de ne pas vouloir utiliser la loi pour ce type de démarches. Elles ont leur raison d'être. On peut encadrer la labellisation, ou vérifier que les organismes certificateurs font bien leur travail lorsque des cahiers de charges privés sont certifiés, mais la loi doit s'arrêter là.
Bonjour à tous. Des esprits taquins m'ont fait remarquer que je commençais souvent comme ça…
Durant la période de préparation de cette loi, j'ai reçu nombre de courriels dont l'insistance pouvait surprendre. Hormis les messages individuels sur le bien-être animal, la démarche Bleu-Blanc-Coeur est une de celles qui en a suscité le plus grand nombre, et cela m'interroge.
Comme Antoine Herth, je suis surpris que la question soit abordée dans la loi. En effet, indépendamment des qualités nutritives de chaque aliment pris individuellement, c'est leur ensemble et leurs quantités respectives qui font un programme nutritionnel, lequel doit être adapté à chacun et ne peut être généralisé.
Faut-il soutenir une démarche privée visant à s'approprier la qualité nutritionnelle – car par définition, ceux qui n'auraient pas le label s'en affranchiraient ? Les fruits et légumes français qui ne s'inscrivent pas dans cette démarche seraient-ils donc dépourvus de qualité nutritionnelle ? Le côté privé de cette démarche me gêne profondément, et surtout son aspect exclusif des autres produits. Comme l'a souligné M. Herth, la qualité nutritionnelle relève d'un régime alimentaire d'ensemble. Je suis donc défavorable à l'inscription de ce type de démarches dans la loi.
Je voudrais apporter deux arguments à l'appui de la position de M. le ministre. Premièrement, c'est une bonne chose de valoriser les labels, mais gardons-nous de nous montrer trop allants et de les multiplier : la lisibilité pour les consommateurs devient incertaine, sans parler du suivi.
Deuxièmement, Mme Rabault, éminente législatrice, nous a incités, il y a quelques instants, à conserver cet article, quitte à y revenir au cours de la navette après avoir examiné ses dispositions de façon plus approfondie. Mais alors, si le Sénat le vote ? On ne peut s'accommoder de légiférer dans le doute, en se disant qu'on pourra toujours y revenir.
Je pense, comme Antoine Herth, que le sérieux, le crédit de la parole publique sont en jeu. Nombre d'entre nous soutiennent la démarche qui a été initiée, mais nourrissent des doutes quant au cadrage de la mention. Ne votons pas cet article en se disant qu'on verra bien ce qui se passera ensuite !
Ces amendements de suppression ne nous dispensent pas de continuer à travailler sur la reconnaissance de la valeur nutritionnelle. Mais il apparaît ce matin que nous n'avons pas les éléments de certitude nécessaires concernant le label que nous sommes en train de mettre en valeur. Par précaution, je propose de voter l'amendement de suppression du Gouvernement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Est-il bien nécessaire que l'Assemblée ait connaissance du menu de chaque député ?
Exclamations sur les bancs du groupe UDI-Agir.
N'y voyez rien de méchant, mais cela a déjà été fait hier à plusieurs reprises…
Nous sommes en temps programmé : nous pouvons dire ce que nous voulons !
Sourires.
Nous devrions faire en sorte que ce débat garde la dignité qu'il mérite. Depuis quelques minutes, nous versons un peu dans les caricatures. On laisse entendre que certains d'entre nous seraient sous l'influence manifeste des mails qu'ils reçoivent, …
… tandis que les autres labels, qui figurent déjà dans le code rural, seraient eux parfaitement vertueux !
Certains parlent de « l'initiative privée » avec une nuance de dégoût dans la voix, mais le label rouge et d'autres appellations reconnues par le code rural découlent aussi d'initiatives privées !
Les initiatives privées ne sont pas mauvaises en soi : elles peuvent même être tout à fait vertueuses. Notre charge collective est de définir l'intérêt général, et c'est ce qui motive les députés qui se sont exprimés en faveur de Bleu-Blanc-Coeur.
Je précise, pour répondre à Antoine Herth, qu'il ne s'agit pas de faire figurer Bleu-Blanc-Coeur dans la loi, mais d'ajouter au code rural la notion de haute valeur nutritionnelle ! Le label Bleu-Blanc-Coeur cherche à s'inscrire dans cette démarche, mais il n'est pas le seul : beaucoup d'autres agriculteurs ou groupements d'agriculteurs le font déjà, et plus encore le feront à l'avenir.
Il faut faire droit au simple bon sens dans nos débats : spontanément, chacun comprend qu'il est plus sain de nourrir nos vaches et nos cochons d'herbe, de féveroles, de trèfle ou de lin, plutôt que de soja OGM importé !
Applaudissements sur divers bancs.
Bien sûr qu'il faut adopter l'amendement de suppression du Gouvernement ! Cette mention est purement subjective. Ce qui compte, d'abord, c'est de développer la qualité, et, d'un point de vue nutritionnel, d'améliorer les pratiques alimentaires individuelles.
Depuis plusieurs jours, nous nous interrogeons sur l'étiquetage des produits, mais le plus important, c'est la manière dont chacun consomme, équilibre ses repas. Vous pouvez mettre autant d'étiquette que vous voulez sur les produits, à la fin, ce sont les pratiques individuelles qui comptent.
Et puis, d'un point de vue physiologique, l'estomac se moque de savoir si les produits qu'il digère ont été produits avec une haute valeur nutritionnelle : de toutes les manières, il dégrade les composants chimiques pour en extraire les acides aminés, les protéines…
La qualité, c'est d'abord celle des pratiques ! Cet article ne ferait qu'ajouter de nouvelles contraintes et limiter les pratiques agricoles.
La parole est à M. Thierry Benoit. Veillez à ne pas dépasser les deux heures quarante-cinq de temps de parole qui restent à votre groupe, monsieur Benoit…
J'ai largement le temps qu'il me faut pour confirmer, après François André, qu'il ne s'agit pas d'inscrire Bleu-Blanc-Coeur dans la loi. Si l'on en parle, c'est que, comme l'a dit Richard Ramos, souvent la société civile et le monde associatif précèdent le monde politique et anticipent sur le temps législatif : c'est ainsi que la démarche Bleu-Blanc-Coeur s'est diffusée à travers le territoire national, dans nos circonscriptions.
Ce que nous expliquent les éleveurs, monsieur Bouyx, c'est que ce n'est pas une contrainte supplémentaire : il s'agit de techniques d'élevage, de nutrition, que chacun est libre d'adopter s'il le souhaite. La mention elle-même existe déjà, elle figure sur des produits en vente dans les magasins. Je rappelle par ailleurs que cette démarche est validée par l'INSERM, le CNRS, l'INRA et l'ANSES.
Mme Delphine Batho applaudit.
Ce que nous proposons, en faisant figurer dans la loi la notion de haute valeur nutritionnelle, c'est que toutes ces démarches soient encadrées par l'État, spécialement par le ministère de l'agriculture. Hier nous avons inscrit le HVE dans la loi : cela n'empêchera nullement les acteurs privés de se saisir de ces problématiques pour encourager la qualité environnementale !
Enfin, quelqu'un a évoqué le label rouge. Ce label n'est pas incompatible avec la démarche Bleu-Blanc-Coeur : un éleveur de volaille peut tout à fait produire de la viande portant à la fois les mentions « label rouge » et « Bleu-Blanc-Coeur », cela ne pose aucun problème. C'est d'ailleurs déjà le cas.
M. Benoit a raison : il faut valoriser, il faut mettre en évidence ces produits. Et, tout en appréciant beaucoup M. Bouyx, je voudrais lui rappeler une vérité médicale : ces produits contiennent une quantité importante d'oméga-3 et oméga-6. Même si l'estomac fait son travail de toute façon, ces viandes sont riches en apports nutritionnels, notamment en acides gras insaturés de haute qualité.
Nous sommes responsables de ce que nous mangeons, c'est vrai, mais lorsque la qualité nutritionnelle intrinsèque du produit est positive, nous y gagnons. Je pense donc qu'il faut valoriser ces produits : c'est très important pour prévenir les maladies cardiovasculaires. J'y reviendrai ultérieurement en présentant un amendement relatif aux acides gras insaturés.
Je voudrais rappeler deux choses. Je ne nie pas que l'amendement ayant inséré cet article 11 terdecies dans le projet de loi ait fait l'objet d'une discussion importante en commission des affaires économiques. Mais nous ne nous sommes pas levés un matin en décidant soudain de supprimer le nouvel article ! Nous avons travaillé sur cette question, nous avons pris des renseignements, pour faire en sorte qu'un maximum de démarches, de labels, puissent entrer dans le champ de l'obligation fixée à l'article 11 afin d'améliorer la restauration collective.
Si nous demandons la suppression de cet article, ce n'est pas que nous ayons quoi que ce soit à reprocher à la démarche privée Bleu-Blanc-Coeur, qui vise à promouvoir la qualité des produits et le bien-être animal en jouant sur l'alimentation des animaux d'élevage. Mais aujourd'hui, une allégation nutritionnelle est quelque chose de très fort. Dire que telle viande ou tel lait est de meilleure qualité parce que les animaux en cause ont été nourris avec les meilleures productions fourragères possibles, cela doit être étayé sur le plan scientifique.
J'en ai parlé avec Mme la ministre de la santé et des solidarités : bien nourrir ses bêtes est une chose fort louable, je suis d'accord avec Jean-Baptiste Moreau sur ce point, mais il n'est pas démontré de manière fiable que cela garantisse une qualité nutritionnelle stable. Il ne faut pas tromper le consommateur en lui faisant croire que ce label garantit une qualité nutritionnelle stable, qu'il s'agisse de Bleu-Blanc-Coeur ou de toute démarche semblable.
L'Assemblée a adopté hier un amendement important relatif à la haute valeur environnementale. Si elle a pu le faire, c'est qu'il n'y a pas vraiment de cadre européen en la matière. En revanche, en ce qui concerne la valeur nutritionnelle, il existe un cadre européen strict.
Pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, nous souhaitons qu'un maximum de démarches entrent dans le champ l'article 11. Pour cela, il faut que les mentions relatives à la qualité des aliments servis dans le cadre de la restauration collective soient étayées scientifiquement, de l'amont jusqu'à l'aval. Nous allons donc saisir l'ANSES à ce sujet – car, contrairement à ce que disait Thierry Benoit, cette démarche n'est pas validée par l'ANSES.
Nous avons besoin de mener rapidement ce travail de vérification, car les éléments scientifiques dont nous disposons actuellement ne sont pas suffisamment robustes : c'est pour cela que l'ANSES sera saisie.
Je le répète : parce que nous manquons d'éléments scientifiques, nous ne pouvons pas inscrire ces démarches dans la réglementation. La fiabilité induit la possibilité pour le consommateur de faire son choix en toute quiétude.
Voilà pourquoi le Gouvernement a défendu un amendement tendant à supprimer cet article, après avoir travaillé sur ce point avec Mme la rapporteure pour avis.
François André et Thierry Benoit sont des élus de Bretagne, où ce projet est né : je voudrais les assurer que nous ne le méconnaissons ni ne le mésestimons. Mais le rôle du Parlement est de voter la loi, et la loi doit être juste. En l'occurrence, il faut qu'à l'avenir le consommateur puisse éprouver la robustesse et la stabilité de l'obligation que nous fixons par l'article 11 en matière de restauration collective. Compte tenu de ces éléments, je réitère ma demande de suppression de cet article.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour une troisième et courte intervention.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 71 |
Nombre de suffrages exprimés | 67 |
Majorité absolue | 34 |
Pour l'adoption | 53 |
contre | 14 |
L'article 11 quaterdecies est adopté.
Je suis saisi d'un amendement, no 2302 , portant article additionnel après l'article 11.
La parole est à M. François Ruffin, pour le soutenir.
L'amendement no 2302 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2526 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1441 .
L'amendement no 1441 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est proposé que les laboratoires qui effectuent des contrôles officiels communiquent immédiatement tout résultat comportant un doute sanitaire à l'autorité administrative.
L'affaire Lactalis a montré que c'est la rapidité du contrôle qui permet de répondre à certaines crises sanitaires. Il faut donc qu'en cas de problème, celui qui a procédé au contrôle en envoie les résultats sans délai à l'autorité administrative. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas : c'est l'autorité publique qui peut en demander la communication à tout moment.
Dès lors qu'il y a un doute sanitaire, l'entreprise de contrôle ne doit pas le signaler seulement à l'entreprise qui a commandité le contrôle, qui est sa cliente ! Cela pose une vraie difficulté. C'est à l'autorité publique d'avoir immédiatement l'information, et de façon systématique.
C'est vraiment très important : si nous ne votons pas cela, nous porterons la responsabilité du fait que des gens se trouveront malades ou mourront des suites d'un problème sanitaire.
Dans le nouveau processus de reconnaissance et de gestion des risques sanitaires, la première étape d'identification des risques associe uniquement l'autorité administrative. C'est normal puisque si le risque est avéré, elle est la seule à avoir la légitimité et la compétence pour organiser l'information du public. Avis défavorable.
L'article 11 quindecies oblige déjà les laboratoires à transmettre les résultats défavorables. Il n'en reste pas moins que la responsabilité première incombe à l'opérateur : c'est à lui de les transmettre dans les meilleures conditions. Même avis que la commission.
L'amendement no 830 n'est pas adopté.
Je pense que cet article va dans le bon sens pour se prémunir contre les différents scandales que l'on a connus dernièrement. Pour autant, je considère que quand l'autorité administrative formule directement sa demande de résultats d'analyses au laboratoire, elle devrait en informer le producteur concerné. C'est important pour le respect du parallélisme des formes
Lorsque l'autorité administrative recueille des résultats d'analyse aux fins de contrôle, l'obligation d'en informer le producteur constituerait une charge supplémentaire qui ne semble pas justifiée, d'autant plus qu'il n'est pas forcément responsable de la contamination éventuelle. Avis défavorable.
L'amendement no 1199 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 2242 .
Des affaires récentes ont mis au jour ce que le ministre a appelé « des trous dans la raquette » dans les contrôles de sécurité sanitaire. Il faut essayer d'y apporter une réponse la plus rationnelle possible.
Je tiens à rappeler que le modèle français est rigoureux, strict et solide, et qu'il est une référence pour d'autres pays. J'ai vu, lorsque j'ai exercé des responsabilités ministérielles, des pays venir s'informer et s'inspirer du système de contrôle français. Mais on peut toujours faire mieux, on doit améliorer encore notre système.
Il faut tirer les leçons de l'affaire des laits infantiles. L'amendement du groupe Nouvelle Gauche propose donc que l'industriel communique à l'autorité administrative tout contrôle relatif non seulement au produit, mais aussi à son environnement dès lors que ce contrôle révèle un danger potentiel ou avéré. Ce serait une garantie supplémentaire et une réponse opérationnelle et concrète à ce que notre pays a vécu l'hiver dernier.
D'une part, la rédaction de cet article, issu d'un amendement du Gouvernement, satisfait la plupart des amendements qui s'y rapportent. D'autre part, une commission d'enquête est en cours notamment sur l'affaire Lactalis, et il serait sage d'attendre que M. Besson-Moreau nous remette ses conclusions avant éventuellement d'en intégrer certaines dans le texte lors de la probable nouvelle lecture cet été. À ce stade, il serait prématuré de modifier l'article. Avis défavorable.
Suite aux affaires récentes, comme celle du lait contaminé à la Salmonella Agona de l'entreprise Lactalis, la demande de renforcement des obligations de notification de tout type d'auto-contrôle, y compris environnemental, est déjà satisfaite par l'alinéa 5 de l'article 11 quindecies : « Dès qu'il a connaissance de tout résultat d'examen indiquant que des locaux, installations et équipements utilisés pour la manipulation ou le stockage de denrées alimentaires et aliments pour animaux sont susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des produits, le propriétaire ou détenteur mentionné au deuxième alinéa du présent article informe immédiatement l'autorité administrative des mesures prises pour protéger la santé humaine ou animale. »
Sensible à l'argument du rapporteur, je le retire. Il s'agissait d'un amendement d'appel parce qu'il faut trouver des solutions, mais j'entends fort bien qu'il doit s'inscrire dans une cohérence.
L'amendement no 2442 est retiré.
Je vais retirer cet amendement, après avoir entendu le rapporteur : attendons les conclusions de la commission d'enquête, nous pourrons retravailler à partir de ses conclusions. Je pense que c'est très sage. Mais nos amendements permettent le débat, et je souhaite interroger le ministre sur un point : il n'y a pas que le produit lui-même qui soit en cause, mais aussi son environnement, comme le carrelage par exemple.
J'ai parlé des locaux.
On fait face aujourd'hui à de vraies difficultés en la matière. Il n'y a pas assez d'agents de l'État qui y sont affectés. Il faut redonner du pouvoir à la DGCCRF, rétablir son nombre d'agents. J'ai peur que si, l'État refuse de donner immédiatement les résultats des auto-contrôles aux autorités administratives, c'est pour ne pas prendre ses responsabilités, parce qu'il sait qu'il n'a pas assez d'agents publics. Autrement dit, s'il n'est pas informé, il ne sera pas responsable ! Il faut, je le répète, donner à l'État et à ses agents les moyens de protéger la population et d'agir le plus rapidement possible.
L'amendement no 1982 est retiré.
La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau, pour soutenir l'amendement no 1152 .
L'amendement no 1152 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 11 quindecies, amendé, est adopté.
Je vais retirer cet amendement ainsi que d'autres que j'ai déposés car, en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur Lactalis, je pense qu'il serait dangereux, surtout dans le cadre du présent texte, de mettre la charrue avant les boeufs. Après réflexion, le retrait est souhaitable afin d'éviter de prendre par précipitation de mauvaises décisions pour nos consommateurs. Mais je tiens tout de même à rassurer l'ensemble des collègues qui sont passionnés par l'affaire Lactalis ainsi que les familles de victimes et les associations : le rapport sera prêt mi-juillet et proposera des actions et des mesures fortes afin d'éviter que ce genre de scandale ne se reproduise.
L'amendement no 684 est retiré.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1452 .
Cet amendement proposant une nouvelle sanction est très attendu par l'Association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles. Je comprends le point de vue consistant à dire qu'il faut attendre le rapport de la commission d'enquête, mais il n'y aura pas de rendez-vous législatif sur l'agriculture dans la foulée. C'est donc maintenant qu'il faut adopter cette disposition.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 2287 .
Notre amendement s'inscrit dans la volonté de rendre les sanctions effectives et bien entendu plus fortes étant donné l'importance du dossier – je ne ferai pas ici la liste des scandales qui se sont multipliés. Aussi proposons-nous d'ajouter les mots : « à l'obligation d'auto-contrôle du respect des prescriptions en vigueur prévue à l'article L. 411-1, ou de ne pas procéder ».
À l'heure actuelle, l'obligation d'auto-contrôle est prévue, le responsable de la première mise sur le marché d'un produit ou d'un service devant vérifier que celui-ci est conforme aux prescriptions en vigueur, mais nulle sanction n'est prévue si cette obligation n'est pas respectée. On se retrouve dans une situation d'impuissance, devant un vide juridique qu'il faut combler.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements restant en discussion ?
Pour répondre à Mme Batho, je précise que la commission d'enquête a prévu de s'achever fin juin ou début juillet, au moment où devrait revenir ce texte en deuxième lecture. Je pense donc qu'on sera dans les clous. Avis défavorable.
Je tiens à saluer le travail qu'est en train de mener le député Besson-Moreau sur ces questions. Le calendrier législatif et la deuxième lecture pourront nous permettre de trouver des solutions au terme de la navette, dès lors que nous aurons les résultats de son travail ainsi que celui du député Hutin, le président de la commission d'enquête.
Par ailleurs, l'idée de ces amendements d'une sanction pénale pour non-réalisation de l'auto-contrôle par les entreprises, va plutôt dans le bon sens. Le Gouvernement partage complètement l'objectif de renforcer l'effectivité du dispositif de protection des consommateurs liée à la commercialisation de produits non conformes. Il s'agit en effet de savoir comment organiser correctement le retrait-rappel des produits.
Le Conseil national de la consommation a en outre constitué un groupe de travail sur l'amélioration de l'efficacité des procédures de retrait et de rappel. Pour notre part, nous avons déjà inscrit, à l'alinéa 5 de l'article 11 quindecies, des procédures que j'ai rappelées tout à l'heure.
Nous avons besoin d'affiner les propositions qui sont faites au travers de ces amendements identiques : je propose par conséquent à leurs auteurs de les retirer. À défaut, le Gouvernement y serait défavorable.
Rappel au règlement
Ce rappel au règlement, que je fais au titre de l'article 58, alinéas 1 et 2, de notre règlement, vise à savoir, compte tenu de l'ensemble des discussions qui viennent d'avoir lieu, si ce projet de loi fera ou non l'objet d'une deuxième lecture. Il faut que les choses soient claires.
Le Gouvernement a en effet engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi le 1er février dernier. Compte tenu des débats qui ont eu lieu sur l'ensemble des amendements, le Gouvernement a-t-il aujourd'hui la certitude que ce projet fera bien l'objet d'une deuxième lecture qui ouvrirait la possibilité de déposer de nouveaux amendements ? Il est nécessaire de nous assurer que nous ne sommes pas, ainsi que cela avait été annoncé, dans un schéma de procédure accélérée.
Madame Batho, vous connaissez parfaitement la procédure parlementaire : il y aura une commission mixte paritaire et donc forcément, auparavant, une nouvelle lecture. Nous pouvons d'ores et déjà nous inscrire dans cette hypothèse. Même si le Gouvernement a fait le choix de la procédure accélérée, une nouvelle lecture interviendra de toute façon.
Le délai que nous devons pour notre part tenir, s'agissant du projet de loi, et qui importe pour les agriculteurs, est celui des prochaines négociations commerciales qui doivent pouvoir démarrer avec un texte bien sanctuarisé.
Après l'article 11 quindecies(suite)
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt.
Après l'article 11 quindecies (suite)
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 37 |
Nombre de suffrages exprimés | 31 |
Majorité absolue | 16 |
Pour l'adoption | 4 |
contre | 27 |
L'amendement no 681 est retiré.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1451 .
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 2283 .
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 991 .
L'amendement no 991 est retiré.
Monsieur le président, je vous prie de m'excuser. Ma liasse d'amendements a dû malencontreusement tomber au sol cette nuit et, donc, être depuis partie au recyclage, ce qui explique que j'ai un peu de mal à m'y retrouver.
Rires.
Je vais néanmoins tâcher de la reconstituer pour présenter cet amendement : il appelle une réflexion sur la mise en place d'une nouvelle gouvernance de la sécurité sanitaire, dans le cadre d'une approche globale des risques pesant sur l'ensemble de la chaîne agroalimentaire.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 2435 .
Il s'agit d'associer les laboratoires départementaux d'analyses à l'ensemble des contrôles, en précisant beaucoup plus finement leur rôle dans cette chaîne de contrôles.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2198 .
Il s'agit, à travers cet amendement, de considérer que l'État peut également avoir une responsabilité dans la structuration du respect de la chaîne agroalimentaire, en associant ses services, notamment les laboratoires départementaux d'analyses.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Pour les mêmes raisons que précédemment – d'une part, certains de ces amendements sont déjà satisfaits par la rédaction actuelle et d'autre part, il est nécessaire d'attendre les conclusions de la commission d'enquête sur le sujet – , la commission est défavorable à cette série d'amendements.
En plus des éléments que le rapporteur vient d'indiquer, l'article 95 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite Loi NOTRe, précise que « Les laboratoires publics d'analyses gérés par des collectivités territoriales constituent un élément essentiel de la politique publique de sécurité sanitaire [… ]. »
Les responsabilités de L'État en matière sanitaire sont par ailleurs fixées par le règlement européen 1782002 du 28 janvier 2002. Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.
La parole est à M. Loïc Dombreval, pour soutenir l'amendement no 1856 .
Depuis plusieurs années, des rapports parlementaires successifs ont mis en lumière l'éclatement administratif en matière de contrôle des aliments, puisque sont compétentes en la matière la Direction générale de l'alimentation – DGAL – , la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – , ainsi que la Direction générale de la santé – DGS. Cet enchevêtrement a une justification historique et ne répond à aucun besoin particulier.
Même si un protocole d'accord a été signé en 2006 entre ces directions centrales, force est de constater, à la lumière des récents scandales sanitaires, que l'unification progressive des activités de contrôle des denrées alimentaires et d'information du consommateur au sein d'une structure administrative unique est nécessaire.
Avant de créer une telle structure unique, nous pouvons, afin de gagner en efficacité et en réactivité, tirer les premiers enseignements de l'affaire Lactalis en renforçant la coordination entre les différentes directions centrales, et donc en adoptant une vision plus globale des enjeux sanitaires.
L'amendement no 1856 vise donc à conférer à la DGAL le rôle d'autorité coordinatrice du contrôle des denrées alimentaires et à demander au Gouvernement un rapport sur les conditions préalables à la création d'une structure administrative unique en charge de la sécurité alimentaire.
Cette mesure s'inscrit dans une démarche globale dans le domaine du contrôle des denrées alimentaires – contrôle des aliments, protection et information du consommateur.
Le Gouvernement dispose de la liberté d'organiser ses services avec toute la souplesse nécessaire à l'action publique. Il n'est donc à mon sens pas pertinent d'inscrire les missions de la DGAL dans la loi, ni de les figer. C'est pourquoi la commission est défavorable à l'amendement no 1856 .
Défavorable.
L'amendement no 1856 n'est pas adopté.
L'amendement no 196 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 686 .
L'amendement no 686 est retiré.
Il s'agit de préciser les dispositions législatives applicables aux laboratoires départementaux d'analyses, afin que leur mission de service public soit accomplie sous le contrôle effectif de la collectivité territoriale.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 2441 .
On sait bien que depuis le transfert de cette compétence de l'État au début des années 90 à ce qui était à l'époque les conseils généraux, devenus depuis les conseils départementaux, les laboratoires départementaux d'analyses ont connu une grande évolution tant en matière d'activités que de statut. L'idée sous-jacente de cet amendement est donc de remettre un peu d'ordre dans le dispositif et de préciser les dispositions législatives applicables à l'ensemble de ces laboratoires.
Cet amendement fait suite à divers scandales que nous avons connus récemment. Il tend à préciser les conditions d'accréditation des laboratoires qui réalisent les autocontrôles. Il importe en effet de faire toute la lumière sur ce point.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 102 .
Dans le droit fil de ce que vient de dire notre collègue, il s'agit de faire en sorte que ces laboratoires soient soumis à une procédure de reconnaissance de leur qualification par le ministère chargé de l'agriculture.
Défavorable sur les deux. J'indique toutefois à leurs auteurs que l'amendement suivant, qui sera présenté par Mme Maillart-Méhaignerie, précise mieux les choses. Je les invite à s'y rallier.
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, pour soutenir l'amendement no 1878 .
La responsabilité des opérateurs de la chaîne agroalimentaire les conduit à réaliser au sein de leurs laboratoires des analyses d'autocontrôle, ou à faire réaliser ces contrôles par des laboratoires prestataires.
L'article L. 202-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit aujourd'hui que « les laboratoires réalisant des analyses d'autocontrôle peuvent être soumis à une procédure de reconnaissance de qualification par le ministre chargé de l'agriculture ». Les scandales récents ont montré la nécessité, pour les autorités compétentes de l'État, de préciser les conditions dans lesquelles sont réalisées ces analyses, afin de les harmoniser et d'améliorer la fiabilité de leurs résultats. Tel est l'objet de cet amendement.
Je trouve cet amendement particulièrement pertinent. Je ferai donc une exception : avis favorable.
Murmures.
Favorable.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et NG.
Je veux dire ma satisfaction, sûrement partagée par mon collègue Garot, que l'on émette un avis favorable sur ce très bon amendement, qui reflète de manière assez… identique ce que nous venons de proposer et qui avait été rejeté.
Comme quoi il fallait le féminiser pour que les avis deviennent favorables !
Sourires.
Rires.
Je mets donc aux voix l'amendement no 1878 , qui a reçu un avis favorable de la commission, du Gouvernement, de M. Descoeur et de M. Garot.
Rires.
L'amendement no 1878 est adopté.
Cet amendement propose que les services de contrôle effectuent en priorité des audits en matière de bonnes pratiques de fabrication, d'hygiène et de respect des principes de l'HACCP – Hazard Analysis Critical Control Point ou analyse des dangers et des points critiques pour les maîtriser – mis en place par les fabricants dans leurs chaînes de fabrication, leurs locaux, leur environnement immédiat, les matières premières et auprès de leur personnel, en fonction de la sensibilité du produit final aux risques pour la santé des consommateurs.
La parole est à Mme Élisabeth Toutut-Picard, pour soutenir l'amendement no 2221 .
Cet amendement traite de la qualité des contrôles. Aujourd'hui, les contrôles des pratiques de fabrication et d'hygiène se limitent, pour une grande part, à examiner les résultats des autocontrôles effectués par les entreprises. Il apparaît, à la lumière de l'actualité et des divers scandales dont nous avons eu connaissance, comme celui du fipronil ou l'affaire Lactalis, qu'un contrôle de ce type ne permet pas d'assurer la sécurité globale du processus de fabrication. À travers le présent amendement, nous proposons que les services de contrôle effectuent en priorité des audits en matière de bonnes pratiques de fabrication, d'hygiène et de respect par le fabricant des principes de l'HACCP mis en place par les fabricants dans leurs chaînes de fabrication, leurs locaux, leur environnement immédiat, les matières premières et auprès de leur personnel.
D'abord, je le répète, il convient d'attendre que la commission d'enquête sur l'affaire Lactalis rende ses conclusions.
Ensuite, nous manquons de perspectives sur les effets que pourraient avoir ces amendements, qui visent à donner une priorité à des audits portant sur des domaines très différents et mal maîtrisés. Quel lien, par exemple, y a-t-il entre l'hygiène et les bonnes pratiques agricoles ? Cela ne paraît pas très opérant.
Avis défavorable.
Ces amendements reprennent une disposition réglementaire qui est déjà en application. Les contrôles menés par les services du ministère de l'agriculture en matière de vérification des prescriptions de la réglementation sanitaire alimentaire européenne sont d'ores et déjà fondés sur un audit du plan de maîtrise sanitaire de l'établissement et des pratiques des professionnels. Je vous signale que les résultats de tous ces contrôles officiels sont rendus publics sur le site internet de la DGAL, donc du ministère de l'agriculture, et j'invite tous les parlementaires à télécharger sur leur téléphone mobile l'application Alim'confiance, qui permet de vérifier en temps réel si les contrôles ont été faits et quels sont leurs résultats.
Sourires.
Après cette page de publicité, puis-je vous demander quel est l'avis du Gouvernement, monsieur le ministre ?
Sourires.
Défavorable.
Pendant que nos collègues téléchargent l'application citée par le ministre, je vais mettre aux voix les deux amendements identiques.
Sourires.
Le présent amendement porte sur la restauration commerciale et sur le dispositif Alim'confiance que vient de citer le ministre.
Vous êtes désormais nombreux sur ces bancs à le connaître,
Sourires
mais je rappellerai brièvement de quoi il s'agit. C'est un dispositif fondé sur le volontariat. Les restaurateurs décident d'engager un certain nombre de contrôles, lesquels sont réalisés par les services vétérinaires. À la suite de ces contrôles, une notation est attribuée au restaurateur. Outre l'affichage sur le site internet du ministère et la consultation des notes via l'application, la publicité du contrôle est assurée par un visuel que le restaurateur peut apposer sur sa vitrine, ce qui lui permet de garantir la bonne qualité de ses pratiques sanitaires.
Un rapport de la Cour des comptes de 2014 a révélé que les contrôleurs d'État étaient en nombre insuffisant pour pouvoir assurer correctement leur mission dans les abattoirs et les restaurants. En conséquence, l'amendement vise à lancer pendant trois ans une expérimentation permettant aux laboratoires dûment agréés de suppléer à l'administration pour effectuer les contrôles – ces laboratoires faisant déjà, dans d'autres circonstances, le travail de l'administration. Cela permettrait à nos agents vétérinaires de se concentrer sur ce qu'il y a à faire dans les abattoirs ; nous en reparlons quand nous aborderons la question de la vidéosurveillance.
Je précise que l'amendement est en cohérence avec le règlement européen no 8822004, qui laisse la liberté aux États membres de définir la responsabilité des contrôles.
Cette expérimentation est cohérente avec la réglementation européenne et elle ne nous coûterait rien : il n'y a aucune raison pour qu'on nous la refuse !
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Je partage les objectifs des auteurs de l'amendement, mais je pense que cela relève davantage du domaine du règlement que de celui de la loi. Je lance donc un appel au ministre pour que les moyens de contrôle soient renforcés. À titre personnel, je pense qu'il faudrait travailler à un renforcement des moyens de la DGCCRF.
Avis défavorable.
Je rappelle que seuls les agents de l'État assermentés peuvent effectuer des contrôles sanitaires.
Je rappelle aussi que, dans le cadre du dernier projet de loi de finances, vous avez décidé par une forte majorité d'augmenter de 12 millions d'euros les crédits des politiques sanitaires, afin de renforcer l'effectivité et l'efficacité de ces contrôles.
Avis défavorable, donc.
L'amendement no 2547 n'est pas adopté.
Cet amendement important vise à réformer les systèmes d'information des autorités, informations circulant entre elles et aussi informations destinées aux consommateurs, afin que puisse être évitée toute contamination à grande échelle.
Il s'avère en premier lieu nécessaire que les informations, à commencer par celles qui concernent la France, soient centralisées sur un site internet connu des consommateurs, ce qui permettra à ceux-ci de trouver des informations fiables. Toutefois, j'insiste sur le fait que la présence en supermarchés de produits contaminés ayant été constatée alors que ces produits avaient été rappelés, ce site devra permettre à quiconque constate une défaillance dans la procédure de la signaler. C'est ce que prévoit cet amendement, qui tend à rendre automatique la publication de l'ordre de l'autorité administrative.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 2444 .
J'abonderai dans le sens de mon collègue Vincent Descoeur.
Il existe un réel besoin de clarté dans l'information du consommateur, en particulier en cas de crise. Il faut que celui-ci puisse accéder directement, et de façon simple, à l'information. D'où l'utilité d'un site unique traitant de l'ensemble des procédures de retrait : dès qu'un consommateur aurait un doute, il pourrait obtenir immédiatement la réponse.
Je sais bien que le ministre va nous répondre, comme d'habitude, qu'il existe déjà une page accessible via le site du ministère. Cela ne me semble pas suffisant. À la lumière des événements récents, on voit bien qu'il faut être beaucoup plus allant et volontariste s'agissant des procédures qui visent à la transparence des pratiques et à l'information du consommateur.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Garot a anticipé ma réponse !
Il existe en effet une page consacrée à la question sur le site internet du ministère de l'agriculture. Toutefois, il faudrait sans doute en améliorer l'accessibilité, car il faut aujourd'hui aller assez loin pour trouver l'onglet qui permet d'y accéder.
D'autre part, la DGCCRF est très réactive. Par exemple, un avis de rappel a été lancé il y a quelques jours concernant de la farine bio qui contenait des mycotoxines.
On ne peut donc pas dire que l'on manque de réactivité. En revanche, peut-être faudrait-il plus de publicité. Avis défavorable sur tous les amendements.
D'abord, je veux indiquer que cela incombe aux professionnels. Ensuite, je vous renverrai en effet au site internet du ministère, même si je conçois tout à fait que l'on puisse améliorer encore le dispositif en rendant ces pages accessibles dès le premier clic. En outre, il y a aussi tous les messages publics qui sont passés par l'intermédiaire de la radio, de la télévision et des journaux.
Avis défavorable sur tous les amendements.
J'entends ce que vous dites, monsieur le ministre, mais cela ne coûterait pas grand-chose d'accepter nos amendements. C'est une question de volonté. Ce qui compte par-dessus tout, c'est que le consommateur ait accès à ces pages. Vous nous avez invités à télécharger l'application : vous avez bien fait, car je pense que personne ici ou presque ne l'avait fait. Ce qu'il faut, ce que l'on ait la capacité de réagir. Tout ce qui pourra favoriser la diffusion de ces informations sera donc bienvenu.
Je voudrais dire aux auteurs des amendements que la commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis va rendre un rapport, lequel ne portera pas uniquement sur le lait infantile, mais fera des propositions intéressant l'ensemble du secteur agroalimentaire, notamment en ce qui concerne les procédures de retrait ou de rappel. À l'issue des nombreuses auditions que nous avons faites avec les associations, les familles de victimes et d'autres acteurs, nous avons en effet conclu qu'il y avait un problème dans ce domaine. Rassurez-vous : nous ferons des propositions qui iront dans votre sens.
L'amendement no 2444 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2284 .
L'amendement no 687 est retiré.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1442 .
L'amendement no 1442 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2295 .
L'amendement no 2295 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 2439 .
Cet amendement revêt une importance particulière à mes yeux, car il est au coeur de notre politique alimentaire. Il est de la responsabilité de l'État de fixer des règles. Cela vaut d'abord, bien sûr, dans les domaines de la santé et de l'environnement, où, en présence d'un danger, l'État fixe des règles pour encadrer la production et la transformation, en vue d'une meilleure consommation.
Au fond, il y a une vraie défiance des Français vis-à-vis de leur alimentation : pas une semaine ne se passe sans que l'on assiste à une nouvelle crise qui fragilise encore le lien de confiance entre les citoyens et ce qu'ils mangent. Notre politique, dans ces conditions, doit viser à rétablir ce lien. L'État doit jouer son rôle, mais il ne peut évidemment agir seul : cette politique doit s'appuyer sur les divers acteurs de l'alimentation, sur ceux qui la produisent.
L'amendement tend à établir des règles claires en matière d'environnement et de santé. Nous devons en particulier nous pencher sur ce que l'on appelle « l'effet cocktail » dans la composition des aliments. Je souhaite que l'ANSES soit rapidement saisie pour que nous puissions avoir des éléments clairs sur ce sujet : c'est là un enjeu essentiel.
D'autre part, l'amendement tend à fixer des objectifs de qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire. Depuis plusieurs jours, nous sommes revenus à plusieurs reprises sur cette question : comment améliorer la qualité de l'ensemble de l'offre alimentaire produite dans notre pays, sans que cette qualité soit réservée à un secteur plutôt qu'à un autre ? Il y va de la justice sociale.
Il est à mes yeux de la responsabilité de l'État de fixer des objectifs en matière d'amélioration nutritionnelle, et de donner une échéance pour ce faire : pour ma part, je propose celle de 2023. Nous pourrions ainsi déterminer certains objectifs, en nous appuyant par exemple sur les recommandations du Programme national nutrition santé – PNNS – , quant à la quantité de sel et de sucre dans les aliments. Nous mobiliserions les filières à travers les plans dont elles font l'objet, et fixerions des échéances pour vérifier que l'on avance bien et que les objectifs sont tenus. Si on ne le fait pas, on n'arrivera pas à grand-chose : le risque serait alors la lenteur, voire l'immobilisme.
Mon expérience m'a montré qu'une telle démarche est opérationnelle, concrète, et qu'elle produit des résultats. Ministre délégué à l'agroalimentaire, j'avais travaillé avec les boulangers sur la réduction du grammage de sel dans les baguettes, par kilo de farine : ce taux, dans la baguette que vous savourez tous les matins, a ainsi été ramené de 22 grammes il y a dix ans à 18 aujourd'hui. Avec de la volonté et de la détermination, donc, on y arrive. Il en va de même pour les boissons rafraîchissantes, dont on savait qu'elles avaient un taux de sucre trop élevé, que nous avons pu diminuer grâce à un travail avec les acteurs de la filière.
Le même travail doit être fait pour l'ensemble des produits, pour l'ensemble de la production alimentaire française. On me reprochera peut-être de créer des contraintes ou des normes supplémentaires. Mais ce n'est pas l'objet : il s'agit de mobiliser une filière en lui fixant des objectifs, selon un dessein et une ambition partagés. Les aspects économiques sont forts, c'est vrai, car ce sont des leviers pour conquérir des marchés : non seulement pour reconquérir le marché intérieur, mais aussi, j'en suis convaincu, pour en conquérir de nouveaux à l'international, car les produits français demeurent une référence dans le monde entier.
Mon amendement, donc, vise à fixer des objectifs très clairs à notre politique alimentaire en termes de qualité nutritionnelle et, bien entendu, de qualité des modes de production en général. Ces objectifs reposeraient sur une objectivation des besoins. Seraient ainsi évacués tous les contaminants potentiellement dangereux. Si l'on formule les choses clairement, on y parviendra.
Dans mon département de la Mayenne, j'ai organisé des ateliers pour préparer ce projet de loi, avec les citoyens que le sujet intéressait. La mesure que je vous propose ici a eu un véritable écho, et a d'ailleurs été enrichie par les participants : au-delà des arguments précédents, il faut rappeler que nous devrons, à terme, adapter notre fiscalité pour la rendre favorable à une alimentation qui soit bonne pour la santé. À travers le levier fiscal, nous pourrions en effet encourager les produits de nature à améliorer l'offre alimentaire française.
J'ai été un peu long, monsieur le président, mais je crois que, sur l'exigence de qualité nutritionnelle et de qualité de notre offre alimentaire, nous pouvons prendre, collectivement, un temps d'avance.
On ne peut que souscrire à ce que vous venez de dire, mon cher collègue, mais votre amendement, dont les objectifs figurent, pour la plupart, à l'article L. 1 du code rural, me semble plutôt une façon d'interpeller le ministre. Je lui laisse donc le soin de vous répondre.
Le Gouvernement, bien entendu, soutient la même finalité en matière de seuils réglementaires relatifs à la qualité nutritionnelle. Les modalités ici proposées, en revanche, ne sont pas celles qui ont été retenues lors des États généraux de l'alimentation. Or nous devons donner un élan aux nouveaux engagements collectifs qui ont été pris. Sur le bien-être animal, par exemple, nous avons lancé une stratégie sans précédent.
Nous devons, bien évidemment, mobiliser l'ensemble des acteurs et travailler avec les industriels. À cet égard, votre action en tant que ministre délégué à l'agroalimentaire a abouti à des mesures fortes, qu'il s'agisse de la diminution du taux de sel dans le pain ou du taux de sucre dans les boissons rafraîchissantes. Il y a toujours deux moyens, en réalité : taxer ou faire en sorte que les acteurs diminuent ces taux. La mesure me paraît bonne, mais elle n'a pas été gravée dans la loi : elle a fait l'objet d'un accord collectif, auquel la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt s'est référé.
Les dispositions que vous avez défendues, monsieur Garot, n'ont donc pas forcément vocation à être introduites dans la loi. Nous menons une réflexion dans le cadre des États généraux, de ce projet de loi et d'un dialogue continu avec l'ensemble des acteurs, dont l'Association nationale des industries alimentaires – ANIA – et le Conseil national de l'alimentation, afin d'avancer sur tous ces sujets. Avis défavorable.
Nous soutenons l'amendement de M. Garot, qui, si j'ai bien compris, propose que l'État, par la voix du ministre de l'agriculture, définisse la feuille de route en matière de qualité nutritionnelle.
Les produits agricoles, on le sait, passent dans les mains des transformateurs, des industriels, avant d'être mis à la disposition des consommateurs, sous forme de denrées alimentaires, par un certain nombre d'acteurs, dont la grande distribution. La profusion des plats cuisinés rend nécessaire un cadrage. Nous évoquions tout à l'heure la haute qualité nutritionnelle, et c'est bien de cela qu'il s'agit, ici encore, avec cette proposition de coordonner les différentes initiatives et de les placer sous le cadrage du ministère de l'agriculture.
Lors du dernier mandat, et même au cours du précédent avec le Grenelle de l'environnement, on avait évoqué la fameuse « écotaxe », qui, en réalité, opérait la conversion de la fiscalité écologique, via la mobilité. La fiscalité relative aux produits alimentaires, dont il est question ici, doit en effet être incitative et privilégier les démarches vertueuses.
On l'a dit la nuit dernière au sujet des agriculteurs, monsieur le ministre : il vous appartient de tracer le chemin également pour les transformateurs et les industriels et d'imposer un cadre plus exigeant à la grande distribution, mais aussi de montrer aux consommateurs que vous avez une vision, un chemin balisé, une feuille de route. C'est le sens du présent amendement, que, pour cette raison, nous soutenons.
Sur l'amendement no 2439 , je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Garot.
Je veux enrichir notre débat et apporter quelques éléments de réponse au ministre.
Tout d'abord, les propositions que je formule ici ne sortent pas d'un chapeau : elles émanent de nos expériences accumulées au fil des ans et des responsabilités que nous avons pu exercer, que ce soit dans le secteur public ou dans celui de l'agriculture et de l'alimentation. Les États généraux de l'alimentation, en particulier l'atelier no 9, les avaient largement débattues et faites siennes aussi.
Ce qui compte, au-delà de ce que je viens de dire, c'est de savoir où l'on veut aller. La loi ne se résume pas à un catalogue de dispositions techniques visant à débloquer tel ou tel frein. Elle est aussi l'expression de la volonté nationale. En tant que telle, il lui revient, disais-je, de définir où nous voulons aller. M. Benoit a parlé de feuille de route : c'est l'expression juste. Ce qu'il nous faut indiquer, en effet, c'est un chemin, celui sur lequel nous pouvons engager l'ensemble des acteurs : publics, bien sûr, mais aussi privés.
Vous avez mis en place, monsieur le ministre, des plans de filière. Ils constituent une bonne formule mais, si nous voulons les rendre vraiment efficaces, nous devons leur donner une cohérence, une direction, un sens. Tel est l'objet de l'amendement : définir là où l'on entend aller, les efforts que l'on consentira et les moyens que l'on mobilisera pour y parvenir.
Je ne prône pas du tout une fiscalité qui serait punitive. En cette matière, l'amendement ne se borne pas à créer des taxes, qui dans le passé surgissaient pour sanctionner tel ou tel produit. L'idée est plutôt de mobiliser les acteurs à travers l'ensemble des instruments fiscaux qui existent, pour tendre vers une alimentation toujours plus favorable à la santé et toujours plus respectueuse de l'environnement.
Je vais mettre aux voix, par scrutin public, l'amendement no 2439 , sur lequel, monsieur le rapporteur, la commission n'a pas exprimé d'avis, si j'ai bien compris…
Sourires.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 70 |
Nombre de suffrages exprimés | 66 |
Majorité absolue | 34 |
Pour l'adoption | 10 |
contre | 56 |
L'amendement no 2439 n'est pas adopté.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, inscrit sur l'article 11 sexdecies.
À beaucoup de choses ! Je m'exprimerai ultérieurement à propos du glyphosate. En tout cas, en ce qui concerne le dioxyde de titane, qui fait l'objet du présent article, c'est très clair : nous avons servi à faire avancer les choses, dans un dialogue constructif avec le Gouvernement. Le dioxyde de titane est un additif alimentaire dont il faut suspendre la mise sur le marché, parce qu'il existe des doutes quant à son impact sur la santé. C'est l'application du principe de précaution, et c'est très important. Nous avons mené un dialogue avec le Gouvernement en commission du développement durable, puis en commission des affaires économiques. Cela a permis des avancées, et nous avons abouti à l'amendement déposé sur cet article par le Gouvernement, qui sera, je l'espère, voté à l'unanimité. Cela a été dur en commission : nous avons échangé, nous avons convaincu, nous avons trouvé des compromis avec le Gouvernement. C'est ce qui fait tout l'intérêt des débats parlementaires.
Nous sommes bien d'accord ! C'est pour cela qu'il ne faut pas supprimer de députés !
Nous en venons aux amendements à l'article 11 sexdecies.
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l'amendement no 742 , tendant à supprimer l'article.
L'amendement no 742 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Mon intervention porte sur un sujet particulièrement important : les nanoparticules. Depuis 2014, la mention « [nano] » doit apparaître sur les emballages alimentaires, mais, visiblement, cette obligation n'est pas respectée par les industriels. Or nous savons, par le biais d'un registre de traçabilité national, que près de 400 000 tonnes de nanomatériaux sont ingérées par les Françaises et les Français et rejetées dans la nature, ce qui fait, bon an mal an, 7 kilogrammes par habitant, alors même que les industriels sont sans doute loin de tout déclarer, ce qui nous laisse imaginer le pire.
Nous demandons donc, par le présent amendement, que les nanoparticules susceptibles d'être ingérées, non seulement le dioxyde de titane mais aussi la nanosilice, deux additifs alimentaires dénués de toute vertu nutritive, connus plus communément sous les noms respectifs de E171 et E551, soient interdits temporairement en attendant la mise en place d'une procédure d'autorisation de mise sur le marché des nanomatériaux. Nous considérons que les contrôles doivent impérativement avoir lieu avant la commercialisation.
Nous avons eu une discussion riche à ce sujet en commission des affaires économiques. La co-construction par le Parlement et le Gouvernement est bien réelle sur un certain nombre de questions. Elle est importante et nécessaire.
En 2016, l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'EFSA, a procédé à une réévaluation du dioxyde de titane. Cependant, en l'absence de données suffisamment robustes, elle n'a pas été en mesure de fixer une valeur toxicologique de référence. Par la suite, de nouvelles études, dont une de l'INRA – Institut national de la recherche agronomique – , ont identifié d'autres risques, qu'il est aujourd'hui nécessaire de prendre en compte.
Nous avons saisi la Commission européenne en vue de prendre des mesures au niveau européen, dès lors que le dioxyde de carbone est susceptible de constituer un risque sérieux pour la santé humaine. Le Gouvernement dispose de la capacité de prendre un arrêté sur la base de l'article L. 521-17 du code de la consommation. Le présent amendement reprend les conditions fixées par le droit communautaire pour permettre l'adoption d'une mesure conservatoire visant à retirer le dioxyde de titane du marché.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
Je demande le retrait de l'amendement no 2289 au profit de l'amendement no 2257 du Gouvernement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable sur le premier. Nous avons effectivement eu des débats riches en commission. Il est très important, comme l'a souligné M. Orphelin, de sortir de ces débats par le haut. L'amendement du Gouvernement est particulièrement opportun.
Avis défavorable. Je demande moi aussi son retrait au profit de l'amendement du Gouvernement, auquel je suis unanimement favorable.
Je plaide en faveur de l'amendement no 2289 : il est nettement plus ambitieux, puisque nous y avons également intégré la nanosilice, nanomatériau qui pose les mêmes problèmes que le dioxyde de titane. Plutôt que de revenir sur la question de la nanosilice dans quelques mois, après s'être aperçu qu'elle pose elle aussi de graves problèmes sanitaires, il faut prendre dès maintenant la même mesure que pour le dioxyde de titane. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter l'amendement no 2289 , qui est tout de même plus protecteur de la santé de nos concitoyens.
L'amendement no 2289 n'est pas adopté.
L'amendement no 2257 est adopté ; en conséquence, l'article 11 sexdecies est ainsi rédigé.
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l'amendement no 2635 rectifié .
Le but du présent amendement est d'ajouter « et de la restauration collective responsable » à l'intitulé de l'observatoire de l'alimentation afin d'élargir le spectre des données qu'il collecte. Qu'elles soient qualitatives ou quantitatives, ces données sont importantes. Il s'agit notamment d'accroître la visibilité des bonnes pratiques et de valider les modèles économiques les plus performants. Il importe donc que cela soit indiqué clairement.
L'observatoire de l'alimentation, que l'article 11 septdecies vise à moderniser, pourra effectuer le suivi de l'offre alimentaire dans la restauration collective. Par cet amendement, vous le déséquilibreriez, sans motif suffisant. Avis défavorable.
L'amendement no 2635 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 1886 .
Le présent amendement tend à transformer l'observatoire de l'alimentation en « observatoire de l'alimentation et de la restauration collective responsable ». Il aura pour mission de suivre les données à la fois qualitatives et quantitatives relatives à la restauration collective responsable, notamment aux produits de qualité issus du commerce équitable, mais aussi aux circuits courts et de proximité.
L'amendement no 1886 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'observatoire de l'alimentation assurera un suivi global de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire proposée dans la restauration collective afin d'éclairer les pouvoirs publics et les opérateurs privés, ce qui répond en partie à l'objectif d'une alimentation saine et durable. Le présent amendement vise à préciser que ce suivi devra aussi permettre d'analyser, de prévenir et de réduire les risques en matière de santé en vue de prendre des décisions responsables et engagées vis-à-vis de toutes les générations. Avec une offre alimentaire de qualité dans la restauration collective, associée à une politique de prévention des risques en matière de santé, l'état de santé général de la population s'améliorera.
L'amendement no 2340 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Vous n'en êtes pas signataire, monsieur Jumel.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 1887 .
Il vise à créer un dispositif de suivi de l'atteinte des objectifs et de valorisation des expériences réussies. L'observatoire de l'alimentation s'assurerait du respect des objectifs définis au nouvel article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, en liaison avec les observatoires régionaux et inter-régionaux existants. Cette nouvelle mission serait exercée à charge constante pour l'État et les collectivités – en d'autres termes, elle ne coûterait rien de plus à l'État. Les données seraient recueillies par les gestionnaires lors de leurs achats. Pour diffuser un modèle qui fonctionne, il apparaît indispensable d'accroître la visibilité des bonnes pratiques et de valider les modèles économiques performants. Cela s'appelle de l'échange de bonnes pratiques, et c'est, au fond, du bon sens paysan.
Je suis bien signataire de l'amendement no 2123 , monsieur le président.
Dans ce cas, je la remercie.
La mission de l'observatoire de l'alimentation est non pas de veiller à l'application de mesures législatives et d'exercer des contrôles, mais uniquement de produire des données et des analyses afin d'éclairer les pouvoirs publics, lesquels sont chargés de l'application des dispositions que nous adoptons. Avis défavorable.
L'amendement no 1887 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir l'amendement no 2123 . Je vous présente mes excuses, monsieur Jumel.
Je vous en prie, monsieur le président.
Alors que les industriels ont pris officiellement, il y a près de quinze ans, des engagements volontaires pour améliorer la qualité nutritionnelle de leurs recettes, aucun impact sensible n'est aujourd'hui mesurable. Les industriels ont réservé leurs efforts d'amélioration à un faible nombre de produits de niche. Les travaux conjoints de l'INRA et de l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – au sein de l'observatoire de la qualité de l'alimentation montrent qu'il n'y a eu aucune diminution significative des consommations totales de matières grasses, d'acides gras saturés, de sucre ou de sel. Dans le même laps de temps, la prévalence de l'obésité a doublé, notamment, nous le savons, chez les publics les plus précaires.
Dans son avis de décembre 2016 relatif à la réactualisation des repères du programme national nutrition santé, l'ANSES a proposé que les pouvoirs publics déterminent un objectif chiffré et contraignant de diminution des taux de sucre par famille d'aliments. Le présent amendement reprend cette proposition dans des termes proches. Cette mesure serait assortie d'un calendrier permettant de fixer des délais à respecter pour chaque objectif.
Gabriel Serville tenait énormément à cet amendement. Je me devais donc, en tant que porte-parole du groupe GDR sur ce texte, de le relayer.
Vous l'avez fait brillamment, monsieur Jumel.
Quel est l'avis de la commission ?
À la différence des opérateurs du programme national nutrition santé, l'observatoire de l'alimentation n'a pas pour mission de formuler des objectifs chiffrés et des délais pour les atteindre. Par définition, il observe. Comme l'indique l'alinéa 2 de l'article 11 septdecies, son rôle est d'éclairer les pouvoirs publics et les opérateurs privés. Avis défavorable.
L'amendement no 2123 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l'amendement no 2042 .
L'amendement no 2042 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 11 septdecies, amendé, est adopté.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 968 .
Pour agir sur la qualité nutritionnelle des produits agricoles et alimentaires, il serait bon que l'État fixe des objectifs à atteindre en termes de taux de matières grasses, de sucre et de sel présents dans ces produits et qu'il prévoie les délais pour y parvenir.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2025 .
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 2440 .
Dans la continuité de ce que j'ai dit en défendant un autre amendement, je rappelle, comme le fait régulièrement M. Ramos, que l'alimentation est le miroir des inégalités sociales. En France, la carte de l'obésité recouvre celle de la précarité. Il est donc indispensable que nous nous dotions d'une feuille de route, que nous tracions un chemin pour améliorer la qualité nutritionnelle de l'ensemble de l'offre produite dans notre pays.
Par cet amendement, je vous propose de fixer des objectifs à atteindre en termes de taux de sucre, de sel et de matières grasses présents dans les produits, ainsi que les délais pour y parvenir.
Monsieur le rapporteur, êtes-vous plutôt sucré ou salé ? Quel est votre avis sur ces amendements ?
Sourires.
À mon sens, il n'est pas possible d'adopter ces amendements, d'abord parce qu'ils n'ont pas d'effet normatif et qu'ils s'apparentent finalement à une déclaration d'intention, puisqu'ils ne comportent aucune contrainte vis-à-vis de l'industrie agroalimentaire, ensuite parce que c'est au pouvoir réglementaire, notamment au Programme national nutrition santé, qu'il revient dans ce domaine de définir des objectifs et des actions concrètes.
Je reconnais que nous avons de réels progrès à faire. Si l'amélioration de la qualité nutritionnelle est un objectif important, il faut obliger les producteurs de denrées à améliorer leur offre, mais je répète que cela relève du niveau réglementaire. Avis défavorable.
Je vais m'intéresser, comme l'a fait M. Garot, à l'alimentation et à la publicité destinée aux enfants.
En France, un enfant sur six est en surpoids et les enfants des familles les plus défavorisées sont quatre fois plus touchés que les autres par ce fléau. En 2016, un rapport de l'Organisation mondiale de la santé a constaté le lien entre l'obésité des enfants et la commercialisation d'aliments nocifs pour la santé et de boissons sucrées. Le même rapport affirme que « toute tentative d'agir contre l'obésité de l'enfant devrait donc tendre à réduire [… ] l'exposition des enfants à la commercialisation des aliments nocifs pour la santé. »
Dans la Stratégie nationale de santé 2018-2022, le paragraphe intitulé « Promouvoir une alimentation saine » confirme la nécessité dans les prochaines années de limiter l'influence de la publicité et du marketing alimentaire sur les enfants, de les réglementer et d'encadrer la promotion des marques associées à des aliments peu favorables sur le plan nutritionnel.
Le Gouvernement et la majorité parlementaire défendent une politique de prévention en matière de santé. Or un enfant obèse ou en surpoids sera demain un adulte exposé au risque de diabète ou de maladies cardiovasculaires, ce qui représente un coût pour lui-même et pour la société.
Le jeune enfant est particulièrement influençable et 76 % des demandes ou des achats faits par celui-ci sont en lien avec une publicité. L'industrie agroalimentaire et les annonceurs ne manquent pas d'imagination pour influencer son comportement alimentaire : nounours, petit singe, père de famille déguisé en petite fille – je pense à une publicité récente pour une grande marque de hamburgers – , bonbons transformés en personnages de bandes dessinées ou de jeu. Les industriels usent à l'envi des codes et références à l'univers de l'enfance pour mieux guider et influencer le choix alimentaire des enfants. Or c'est très jeune que les consommateurs sont sensibles à la publicité et conditionnés par celle-ci.
Le consommateur doit être responsabilisé et une mention comme « manger bouger », ajoutée sur les publicités, a cette fonction. Mais jusqu'à présent, la France s'est appuyée sur des engagements volontaires des industriels. Or, cela ne fonctionne pas : si quelques efforts sont consentis, ils restent très insuffisants pour assurer une prévention efficace.
C'est pourquoi je propose par cet amendement d'interdire la publicité pour les produits trop gras, trop salés, trop sucrés, qui ciblent les moins de seize ans, et ce sur tout support, télévisé, radiophonique ou électronique.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l'amendement no 1457 .
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l'amendement no 2446 .
Compte tenu de ce qu'est le marketing alimentaire, la publicité cible les esprits les plus ouverts, donc les enfants. Si nous avons l'ambition – que j'imagine partagée par tous – d'une véritable éducation à l'alimentation, afin de lutter contre les injustices et les inégalités sociales que nous dénonçons régulièrement, et que nous voulions améliorer le contenu de l'assiette, il faut donner à chacun, en commençant par les enfants, des outils permettant d'adopter une alimentation et un comportement responsable vis-à-vis de celle-ci.
Outre cette dimension éducative – nous y reviendrons – , il faut prendre en compte l'environnement des enfants. En matière de publicité, il faut avoir les idées claires et poser un principe extrêmement simple : aujourd'hui, on doit interdire la diffusion de messages destinés aux moins de seize dès lors qu'ils vantent des aliments non conformes aux idées que nous nous faisons de la qualité de l'alimentation.
Posons un principe que nous adapterons en fonction des aliments et des boissons considérées. Nous ferons ainsi progresser l'éducation et les bons comportements des jeunes consommateurs.
L'amendement va dans le même sens que les précédents, puisqu'il vise à réduire la publicité pour les produits à forte teneur en sucre ou en matières grasses, destinée aux enfants et aux adolescents.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 952 .
La parole est à M. Grégory Besson-Moreau, pour soutenir l'amendement no 1611 .
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2038 .
M. Garot l'a dit : l'éducation au comportement est une clé pour que les nouvelles générations s'alimentent correctement. Mais pour que cette éducation soit efficace, il faut éviter que les jeunes ne subissent en amont un lavage de cerveau. C'est là un enjeu majeur. Actuellement, un adolescent sur cinq est en situation d'obésité. En outre, quand un enfant ou un adolescent demande à ses parents d'acheter un produit vanté à grand renfort de spots télévisés, 80 % des parents lui donnent satisfaction.
Qu'en est-il aujourd'hui de la publicité pour enfants ? Les limitations faites à l'industrie agroalimentaire concernent uniquement les horaires des programmes pour enfants. La mesure nous semble insuffisante, car, en dehors de ces plages horaires – les mesures d'audience réalisées par Médiamétrie l'ont prouvé – , les enfants sont souvent devant l'écran de télévision pendant les repas familiaux, de sorte qu'ils sont exposés à la publicité pour la mal-bouffe.
Le groupe La France insoumise, qui a demandé la création d'une commission d'enquête sur ce sujet, juge important de lutter contre ces pratiques. Il souhaite que la diffusion de tels spots soit interdite pendant les plages horaires durant lesquelles les enfants sont devant la télévision. Pour déterminer celles-ci, nous nous en remettons aux mesures de Médiamétrie.
C'est à ce prix qu'on apprendra aux jeunes à se nourrir correctement.
Sur l'amendement no 2446 , je suis saisi par le groupe Nouvelle Gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements ?
Je suis dans l'obligation de constater que leur champ est beaucoup trop large et leur application trop complexe pour être gérable. Cela dit, je partage la préoccupation de leurs auteurs. Aujourd'hui, c'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel – CSA – qui est chargé de ces questions. Il a d'ailleurs proposé la rédaction et l'adoption par les acteurs de l'agroalimentaire d'une charte dite « alimentaire » pour promouvoir une alimentation saine et une activité physique régulière dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision.
C'est au régulateur d'aller plus loin, non au législateur d'adopter des amendements aussi compliqués qu'une usine à gaz.
Pendant le quinquennat précédent, j'ai beaucoup travaillé sur l'audiovisuel. Nous dialoguions régulièrement avec le CSA sur ces questions. Il est le régulateur dont nous avons besoin pour faire passer des messages et échanger avec les industriels comme avec les entreprises qui produisent ces publicités.
Lors des États généraux de l'alimentation, nous avons prévu que, dans la feuille de route 2018-2022 pour la politique de l'alimentation, les engagements soient renforcés au sein de la charte du CSA et que leur application soit étendue aux supports radio et internet.
Depuis lors, nous avons rencontré des représentants du CSA et commencé à travailler avec eux. De leur côté, ils se sont rapprochés des représentants des industriels pour accompagner les démarches et voir comment on pouvait progresser. Il faut moins de publicités pour les enfants dans les créneaux horaires où ils sont susceptibles de regarder la télévision. Il faut aussi que ces publicités soient plus accordées à nos objectifs, c'est-à-dire avec le souci d'une alimentation de meilleure qualité nutritionnelle, moins grasse, moins salée et moins sucrée.
Ce travail va se poursuivre avec les industriels. Nous ne sommes pas restés inactifs sur ce sujet. Je m'appuie sur la charte du CSA pour émettre un avis défavorable sur les amendements.
Il faut considérer à la fois la télévision, le CSA et les industriels. Auparavant, ces derniers se cachaient quand ils faisaient du lobbying. Aujourd'hui, ils le font en public, mettent la pression sur la télévision et menacent, si elle ne les écoute pas, de lui retirer leurs contrats publicitaires. Demander aux industriels de l'agroalimentaire d'être vertueux face à nos enfants, c'est comme demander à une dinde de voter pour les fêtes de Noël : ce n'est pas possible. Ils n'iront jamais dans notre sens.
On le voit : les annonceurs mettent la pression sur la télévision pour continuer à faire de la publicité qui influence les enfants. Ce qu'a dit Mme Petel est très juste. Nos collègues médecins vous confirmeront qu'un enfant, s'il regarde la publicité qui lui est destinée, ingère environ 300 calories de plus par jour. On n'est pas hors sol. La publicité travaille l'imaginaire de l'enfant. Aux États-Unis, des procès sont en cours, pour sanctionner des publicités subliminales qui poussent l'enfant à acheter plus et immédiatement, ce qui est très dangereux.
C'est vraiment un travail que nous devons engager. Je perçois la réticence du Gouvernement, que je peux, d'une certaine manière, comprendre : la télévision va mal, tandis que certains acteurs d'internet ne sont pas soumis aux mêmes règles, et cette nouvelle législation pourrait déséquilibrer le secteur audiovisuel. Mais il ne faut pas que l'économique l'emporte sur la santé publique. Je défends la santé de nos enfants et souhaite les protéger.
Je ne dis pas l'inverse !
En effet, monsieur le ministre, vous ne dites pas l'inverse mais il faut se donner les moyens de ses ambitions. J'ai écouté attentivement la réponse du rapporteur, qui affirmait que la disposition proposée était trop complexe. Non, ce n'est pas complexe, c'est au contraire extrêmement simple. Nous posons un principe d'interdiction de la diffusion de messages qui ne sont pas conformes à l'idée qu'on se fait d'une bonne alimentation. Mais nous l'entourons immédiatement d'exceptions pour la publicité relative aux aliments favorables à la santé : dès lors qu'un produit remplirait toutes les conditions nutritionnelles favorables à la santé des enfants et des adolescents, rien ne s'opposerait à ce qu'ils fassent l'objet d'une publicité à la radio, à la télévision ou sur les supports numériques. Ces dispositions se caractérisent donc par leur clarté et leur simplicité.
Monsieur le ministre, il faut faire preuve, en la matière, de volontarisme. Si l'on attend que les uns et les autres se mettent d'accord, cela peut durer longtemps. Bien sûr, le CSA exerce une responsabilité : c'est le gendarme, le régulateur. Mais il est de notre responsabilité de définir les règles que nous voulons voir respecter, d'énoncer les objectifs en termes de santé publique et de qualité des produits. Il y va, j'y insiste, de notre responsabilité. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que ce soit la loi qui fixe les règles. Nous appelons de nos voeux une loi claire et proposons un amendement opérationnel, qui ne soulève pas de difficultés : c'est un jalon que nous entendons poser.
Si je suis d'accord avec tout ce qui a été exposé – nous nous préoccupons, tous, évidemment, de la santé de nos enfants – , j'estime néanmoins qu'il serait sage de suivre l'avis du rapporteur et du Gouvernement. La raison en est simple : on ne peut pas introduire, de cette manière, dans la loi, une régulation de la publicité à la télévision, au risque de placer des secteurs en danger. Je serais plutôt favorable à ce que l'on diffuse des messages complémentaires pour mettre en garde les jeunes. En revanche, il n'y a pas, à l'heure actuelle, de cadre européen nous permettant de légiférer concernant la publicité sur internet.
Nous devons régler cette difficulté au niveau européen pour empêcher les géants d'internet de communiquer, comme ils le font aujourd'hui, à tort et à travers. Pour notre part, nous allons acter une position, mais je ne pense pas que cette question puisse être réglée dans le cadre de la loi française. Travaillons sur le sujet, exerçons notre influence pour qu'on avance dans ce sens.
Vos arguments, monsieur le ministre, m'ont convaincu. Je pense qu'il faut avoir une vision globale et que nous devons avoir confiance dans le CSA. Ce texte va dans le bon sens. N'allons pas trop loin !
Nous ne pouvons que souscrire, évidemment, à l'objectif de préserver la santé de nos enfants. Néanmoins, compte tenu, précisément, de l'importance du sujet, je propose de le traiter dans son ensemble, avec toutes les parties prenantes, y compris les acteurs d'internet. Cela nous permettra de déterminer comment agir fortement sur cette question.
Nous avons parlé, au cours des derniers jours, de l'éducation des enfants. Il faut également évoquer la responsabilisation des parents. C'est aussi notre rôle d'éduquer nos enfants, de leur apprendre à décoder les publicités.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.
Je considère qu'il ne faut pas déresponsabiliser les parents et je suis plutôt opposée à ces propositions.
Il est de notre responsabilité de fixer des directions, des caps, d'être clairs avec l'industrie agroalimentaire. Si l'on ne compte que sur la vertu des industriels, je pense que l'on peut attendre longtemps.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous sommes tout de même là pour fixer un cap. Je voudrais rappeler qu'entre 1997 et 2009, en France, la proportion de personnes obèses est passée de 8 % à 15 %. Au bas mot, le coût du surpoids s'élève à 5 milliards par an.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vais revenir sur un certain nombre de propos qui ont été tenus. Je m'intéresse beaucoup à la question de la nutrition des enfants. En Angleterre, alors que la publicité pour les aliments et les boissons dont nous parlons a été interdite sur les médias télévisuels, le problème de l'obésité demeure très prégnant, voire davantage qu'avant. Ce qui a très bien marché, en France, c'est la campagne sur les cinq fruits et légumes par jour, qui est un exemple de communication positive. On a très bien intégré le message « évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé ». Il faut plutôt engager une démarche positive et communiquer auprès des parents, qui représentent un enjeu fondamental.
Mes enfants, par exemple, passent beaucoup plus de temps sur internet que devant la télévision. Il faut donc sensibiliser les parents et les enfants sur ce qu'il faut faire, plutôt que de s'abstenir de communiquer sur le sujet.
Chacun est concerné, ici, par la santé publique, singulièrement celle de nos enfants. La question est de savoir comment nous pouvons la préserver. Le CSA a mis en place une charte alimentaire, dont le nombre de membres et d'engagements a augmenté année après année ; elle rassemble aujourd'hui trente-sept acteurs de l'audiovisuel. Cette charte est contraignante, car le CSA peut leur infliger des sanctions lourdes de conséquences pour eux. Imposer de nouvelles contraintes à l'audiovisuel et laisser tout un champ ouvert, notamment, sur internet – je pense à un certain nombre de plateformes numériques – créerait une asymétrie de réglementation extraordinairement forte entre les acteurs de l'audiovisuel et les plateformes, sans pour autant résoudre la question qui nous préoccupe, à savoir préserver la santé publique et lutter contre l'obésité des enfants. C'est bien davantage sur ces plateformes, en effet, que ces questions se jouent – on a cité l'exemple de l'Angleterre où, malgré un certain nombre de restrictions, l'obésité a augmenté. Nos enfants regardent en effet différemment, aujourd'hui, les programmes audiovisuels, les consultent bien plus sur le délinéarisé, c'est-à-dire internet.
J'en appelle donc à la sagesse de nos collègues. Si l'on veut vraiment promouvoir la santé publique et lutter contre l'obésité, n'entravons pas les acteurs de l'audiovisuel, qui font déjà ce travail, s'engagent concrètement et subissent des sanctions s'ils ne respectent pas leurs engagements. Travaillons ensemble à une autorégulation plus puissante des acteurs de l'audiovisuel et à des sanctions, demain, pour les acteurs d'internet.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
À toutes fins utiles, je précise que cet amendement concerne la radio, la télévision mais aussi l'électronique, et donc internet. L'autorégulation existe – il existe effectivement une charte des industriels de l'agroalimentaire – mais tous ne partagent pas le même point de vue. À nous de les mettre d'accord.
Une loi entrée en application le 1er janvier dernier interdit toute publicité commerciale sur France Télévisions pendant la diffusion des programmes destinés aux enfants de moins de douze ans. Peut-être faudrait-il déjà avoir un retour sur cette loi, qui ne concerne pas internet. Il conviendra également de veiller au conflit de normes puisque, par exemple, le RGPD – règlement général sur la protection des données – fixe à quinze ans l'âge minimal pour s'inscrire sur un réseau social. Il ne faudrait pas que les limites d'âge varient selon les textes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Madame la députée, vous venez de faire référence, si je ne m'abuse, à la proposition de loi défendue sous la législature précédente par Mme Michèle Bonneton. Nous avions en effet travaillé sur l'interdiction de la publicité à certaines heures, pendant les programmes destinés aux enfants. J'entends les arguments des uns et des autres, que je respecte bien sûr totalement, et je rends hommage à Mme Petel pour le travail qu'elle a engagé. Cela étant, nous avons besoin d'un texte qui marche bien sur ses deux jambes. Aujourd'hui, le CSA travaille avec les industries de l'agroalimentaire sur les contenus, établit un filtre, conformément à son rôle de régulateur, sans que nous ayons besoin d'inscrire des dispositions par trop contraignantes dans la loi. Si vous adoptiez un amendement du type de ceux qui sont présentés aujourd'hui, les messages publicitaires pour un certain nombre de marques, de produits seraient interdits à la télévision, mais nous les retrouverions sur internet. Or, nos savons que les ados, les pré-ados regardent beaucoup plus de contenus sur les tablettes et les ordinateurs que sur la télévision hertzienne. J'entends les arguments de Mme Petel, mais nous n'avons pas la capacité, à l'heure actuelle, de réguler ce secteur comme il le faudrait. C'est un travail que nous avons à mener, mais il faut aussi que nous régulions internet ensemble, de manière à ce que les choses avancent de manière équilibrée.
Certains ont affirmé que les industriels n'en font qu'à leur tête. Lorsque je rencontre des industriels, par exemple devant l'ANIA, je rappelle ces sujets, car c'est aussi mon travail de rappeler des choses évidentes, à savoir que la santé de nos enfants est éminemment importante et qu'ils doivent travailler à produire une alimentation de meilleure qualité. Pour y parvenir – et, ainsi, la boucle sera bouclée – , nous disposons de ce projet de loi, qui permettra aux agriculteurs de monter en gamme et tirera vers le haut nos industries agroalimentaires – lesquelles achèteront des matières premières de meilleure qualité et, par là même, rempliront les cahiers des charges que nous avons définis ensemble tout au long de ces journées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je partage quasiment tout ce que vous avez dit, monsieur le ministre, mais il est un argument que je ne comprends pas. Vous dites qu'il ne faut pas interdire ces publicités à la télévision car, si on le faisait, on les retrouverait sur internet. Je suis parfaitement d'accord avec vous sur le fait qu'il faut combattre ces messages sur internet, mais commençons par les bannir à la télévision. Avançons là où nous le pouvons !
Je soutiens également cet amendement, car qui peut le plus, peut le moins. Commençons par la télévision, et menons le combat pour sensibiliser davantage sur le sujet et élargir cette réglementation sur internet à l'échelle européenne. Par ailleurs, l'argument relatif à la responsabilisation des parents n'est pas recevable. Nous savons que les mômes confrontés à des problèmes de santé, d'alimentation peu saine ont souvent des parents eux-mêmes en situation de précarité et de déresponsabilisation. Il suffit de regarder les cartes des agences régionales de santé pour mesurer à quel point les problématiques de santé sont corrélées aux indicateurs socio-économiques. Il n'y a pas de doute là-dessus.
Nous savons que les mômes des familles les plus en difficulté sont les premières victimes du débat qui nous occupe. Il n'est pas sain de ne pas répondre à cette urgence. C'est pourquoi je soutiens avec force ces amendements. Commençons par la radio et la télévision, puis poursuivons ce combat à une autre échelle, mais il est hypocrite de prétendre renvoyer cette question à la responsabilisation des parents et à une révolution globale.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 69 |
Nombre de suffrages exprimés | 62 |
Majorité absolue | 32 |
Pour l'adoption | 13 |
contre | 49 |
L'amendement no 2446 n'est pas adopté.
Partons d'un constat, rappelé par le ministre : le Nutri-Score constitue une bonne communication pour manger mieux. Le Nutri-Score, dont la campagne publicitaire commence à être diffusée, a fait ses preuves en France ; il permet, notamment pour les populations les plus humbles, d'être mieux informé et de pouvoir mieux acheter. Des chips faites avec de l'huile de palme, par exemple, auront un plus mauvais score que celles faites avec de l'huile de colza. Ainsi, quand la ménagère ou le ménager fait ses courses, il repère facilement les meilleurs produits pour sa santé. Le Nutri-Score, défendu par la puissance publique, permet aujourd'hui d'aiguiller les plus humbles dans leurs achats.
Le « Big six », constitué des plus grosses industries agroalimentaires, a tenté de torpiller le Nutri-Score. 95 % des industries agroalimentaires françaises, notamment celles regroupées dans l'ANIA, sont vertueuses et fabriquent de bons produits. Depuis cinq ans, les très grosses multinationales industrielles sont très embêtées de voir dans les supermarchés les produits de petites industries leur prendre des parts de marché. Ne nous y trompons pas, les grandes industries agroalimentaires ont essayé, à Bruxelles notamment, de torpiller le Nutri-Score, en dépensant des millions d'euros pour leur lobbying.
Afficher le Nutri-Score sur le produit serait contraire au droit européen, mais, puisqu'il est un signe de qualité public, faisons en sorte que la publicité le mette à la connaissance du consommateur. Il s'agit simplement de défendre l'autorité publique et tout le travail accompli par le professeur Serge Hercberg depuis des années, pour permettre au consommateur d'avoir une information claire et lisible dans la publicité, loin de la complexité des labels, des surlabels et des surproduits. Il faut faire en sorte que le Nutri-Score soit accessible à tous, à la télévision et sur tous les supports de communication.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Olivier Véran, pour soutenir l'amendement identique no 2591 .
Le Président de la République a dit qu'il souhaitait faire de la prévention la pierre angulaire de sa politique de santé. Or l'information est la base de la prévention. Je reprends le sujet précédent : lorsque l'on parle de responsabiliser les parents, encore faut-il leur donner un bon niveau d'information. Il n'y a, par exemple, que 30 % des Français qui considèrent être au clair avec les messages des emballages concernant l'apport calorique journalier qu'ils doivent recevoir. D'après plusieurs enquêtes d'opinion, 87 % des Français veulent que l'information nutritionnelle soit renforcée pour les aider à choisir.
Tel est précisément l'objet de cet amendement, qui vise à généraliser le Nutri-Score dans les publicités pour les denrées alimentaires. Le Nutri-Score va du A au E, du vert au rouge, selon la teneur en sel, en sucre, en graisses saturées, mais aussi en fibres, en fruits, en légumes et en protéines. C'est simple, validé scientifiquement, une expérimentation en vie réelle ayant eu lieu, et soutenu par tous les médecins et par tous les organismes de santé publics.
Mes chers collègues, en votant cet amendement, vous soutiendrez l'industrie agroalimentaire française. En effet, celle-ci n'ajoute pas 50 grammes de sucre dans 100 grammes de céréales destinées aux enfants, alors que l'obésité est devenue une véritable épidémie à l'échelle de la planète. Cette industrie ne bourre pas ses recettes de sel pour masquer l'absence de goût, quitte à faire exploser l'hypertension artérielle et les maladies vasculaires. La tradition culinaire française n'avance pas masquée. Nous n'avons pas besoin d'un Nutri-Score pour savoir que le foie gras est gras, c'est écrit dans le nom, mais nous en mangeons parce que c'est bon et que cela fait plaisir. Il n'y a pas de bons ni de mauvais aliments, mais de bonnes et de mauvaises façons de les consommer. Pour cela, il faut être au courant de ce que l'on consomme. Avant, c'était clair, mais, aujourd'hui, beaucoup d'aliments et de plats préparés, provenant notamment de l'étranger, ne donnent aucune visibilité aux consommateurs.
Le ministre a soulevé en commission le risque d'une procédure européenne : je ne crois pas une seconde que la Cour de justice de l'Union européenne soit amenée à se saisir du fait que l'on parle de droit de la publicité et non de droit de l'emballage. Nous sommes ici au Parlement français et c'est nous qui rendons compte de notre action aux Français.
J'ai évidemment rencontré bon nombre d'industriels. Mon équipe a visité il y a quelques jours les usines du deuxième producteur agroalimentaire français, Fleury Michon, qui est très favorable au combat que nous menons pour le développement du Nutri-Score, y compris dans la publicité. J'ai aussi vu des oppositions chez certains industriels, mais ceux-ci ne respectent pas les valeurs culinaires françaises et sont souvent de gros pourvoyeurs d'obésité et de diabète. Ces industriels, mes chers collègues, ne s'engageront jamais d'eux-mêmes dans des démarches vertueuses. À ceux-là qui avancent masqués, nous avons l'occasion d'envoyer un message très fort.
Un Américain pèse en moyenne 14 kilogrammes de plus qu'un Français, mais l'obésité concerne également les jeunes en Europe, augmente d'autant plus vite que l'accès à l'information est fragilisé et croît encore plus rapidement dans les catégories populaires. Comme l'a dit mon collègue Ramos, un enfant exposé à une publicité pour des aliments gras absorbera en moyenne 340 calories de plus par jour. Il ne s'agit pas d'interdire, mais d'être capable de donner une juste information pour faire un juste choix.
Hier, The Guardian titrait sur le lancement d'une action de groupe contre des industriels agroalimentaires, qui procèdent par des méthodes de neuromarketing pour cibler les enfants, ce qui a des impacts anatomiques sur leur cerveau. Cet amendement n'interdit rien, mais apporte une information claire, rigoureuse, loyale et appropriée.
Je suis convaincu que ce combat mérite d'être mené, et nous avons l'occasion d'informer et de protéger les Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur Véran, nous avons déjà eu des échanges sur ce thème, et vous connaissez mon accord avec vous sur le fond du sujet. S'il était possible de le mettre en oeuvre, je serais même complètement d'accord avec cet amendement. Seulement, je crains que son application soit impossible juridiquement. Si nous rendions ce Nutri-Score obligatoire – aujourd'hui, il n'est que volontaire dans le cadre d'une expérimentation accordée par l'Union européenne – , le texte serait contraire à l'article 35 du règlement européen relatif à l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires – INCO – , et, par un effet boomerang, nous pourrions faire subir un effet funeste à l'ensemble du Nutri-Score, qui pourrait être retoqué à la suite de contentieux européens car nous serions allés trop vite et trop loin. Le Nutri-Score est en cours d'élaboration depuis longtemps, et de précieuses années seraient alors perdues.
Je suis d'accord sur le fond du message à défendre, mais le risque de détruire toute l'expérimentation me semble trop élevé, si bien que j'émets un avis défavorable à l'adoption de ces deux amendements identiques.
L'amendement rend obligatoire le Nutri-Score, ce qui ferait courir le risque de voir l'Europe nous demander de supprimer ce que nous avons eu du mal à développer. En effet, le Nutri-Score est une belle démarche, que je salue, que j'ai même signée le 31 octobre dernier avec Agnès Buzyn et Benjamin Griveaux, aujourd'hui porte-parole du Gouvernement et alors à Bercy, et à laquelle nous croyons.
Mais rendre obligatoire la diffusion d'un message particulier à la télévision serait inopportun, car il s'agit d'une démarche volontaire des entreprises et des industriels souhaitant communiquer sur la valeur nutritionnelle de leurs produits. Je veux souligner le risque européen dans le choix que nous avons à faire, mais je ne remets pas en cause le Nutri-Score. Le Gouvernement, avec la ministre des solidarités et de la santé, soutient ce dispositif, et nous reconnaissons le travail accompli par Olivier Véran sur ce sujet. Sur le fond, je suis d'accord avec lui pour rappeler ce que peut apporter le Nutri-Score en matière d'information des consommateurs. Mais nous avons aujourd'hui un dispositif auquel participent volontairement des entreprises, comme Fleury Michon, dont vous avez parlé, qui a été l'une des premières à le rejoindre. Des entreprises de la grande distribution font également la promotion de ce logo, et nous avons besoin d'inciter tout le monde à rejoindre cette démarche, qui date seulement d'octobre dernier.
Il est nécessaire d'obtenir un retour d'expérimentation : quel est l'impact sur les consommateurs ? Quel est l'impact dans le choix d'un produit ? Nous savons ce qu'il s'est passé depuis qu'ont été mis en place les classements énergétiques pour les appareils électroménagers : chacun essaie d'acheter, en fonction de ses moyens, un équipement classé A, qui est moins énergivore qu'un autre classé B, C ou D. Ces classements ont apporté une clarification de la consommation énergétique de ces produits. Nous essayons de reproduire ce dispositif pour la qualité nutritionnelle avec le Nutri-Score, et j'encourage à ne pas le mettre en danger. Nous avons eu les plus grandes difficultés à le monter et nous dialoguons avec la Commission européenne pour pouvoir continuer à l'expérimenter, afin qu'il devienne utile et efficace. L'objectif est de manger des aliments de meilleure qualité, et, pour ce faire, les choix des consommateurs doivent s'opérer dans la plus grande transparence.
Monsieur le ministre et cher collègue Véran qui êtes un fin connaisseur du Nutri-Score, j'ai été alertée par des producteurs de jus et de nectars de fruits chez moi – où l'on ne produit pas que du champagne ! La différence entre un jus et un nectar réside dans l'ajout de sucre dans le second. Des producteurs m'ont expliqué que leurs nectars de fruits bio et locaux seraient moins bien classés dans le Nutri-Score qu'un soda light, car il n'y a pas de sucre dans ce dernier. Quelle sera la réalité du classement du Nutri-Score ?
Quant aux amendements qui nous occupent, ils s'inscrivent dans une réflexion sur la publicité et sur le pouvoir éducatif et pédagogique de la télévision. Comme le rappelait tout à l'heure notre collègue Cendra Motin, la pédagogie relève des parents et de l'école, pas de la télévision. Celle-ci ne doit pas participer à l'éducation de nos enfants ni déterminer la pédagogie dont ils font l'objet, ce qui relève des parents et de l'école. Ne croyons pas au pouvoir éducatif de la télévision !
Mes chers collègues, les amendements identiques défendus par MM. Véran et Ramos sont très intéressants. J'étais très dubitatif au sujet des précédents, doutant de leur capacité à avoir un effet quelconque sur la qualité nutritionnelle des aliments servis aux enfants. Le Nutri-Score, quant à lui, constitue à mes yeux un véhicule très intéressant, car il est approuvé par quasiment tous et fait l'objet d'un consensus – même si nous venons d'entendre une voix dissonante.
En revanche, si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, les amendements rendent obligatoire la mention du Nutri-Score non pas sur l'étiquetage des produits mais dans les publicités. Or il me semble que tous les industriels de l'agroalimentaire ayant accepté le principe de la mention du Nutri-Score sur l'étiquetage de leurs produits pourraient aussi l'accepter dans leurs publicités.
N'est-il pas possible de conserver une démarche volontaire et pleine d'allant s'agissant de la publicité ? Ainsi, les industriels de l'agroalimentaire opposés à la mention du Nutri-Score, constatant que leurs concurrents l'acceptent à la télévision dans le cadre d'une démarche vertueuse, rejoindront le cercle de ceux qui recourent à ce label en vue d'informer les consommateurs.
Il s'agit d'une démarche volontaire ! Nous ne pouvons pas les contraindre !
Sur l'amendement no 2036 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Turquois.
L'inflation de dispositifs rendus obligatoires m'effraie. Certaines démarches sont intéressantes, parmi lesquelles celle du Nutri-Score. Cependant, compte tenu du volume d'informations que nous rendons obligatoire depuis hier, il faudra augmenter celui des emballages afin qu'elles puissent y figurer ! Manifestement, nous voulons gérer toute la vie de nos concitoyens !
Il s'agit d'un dispositif dont je n'avais jamais entendu parler il y a quelques mois encore. Laissons-le prendre sa place ! S'il s'agit d'une démarche intéressante en matière d'information du consommateur, elle se développera et créera peut-être, comme l'a rappelé à l'instant notre collègue Millienne, un appel d'air pour ceux qui ne s'y inscrivent pas. Mais ne rendons pas obligatoire la mention d'une information supplémentaire, d'autant plus qu'elle présente encore des limites !
La meilleure réponse aux problèmes soulevés ici, qui sont tous bien réels, c'est la formation des consommateurs et l'éducation de nos enfants – à l'école comme dans leurs familles – , et non une accumulation sans cesse croissante de dispositifs qui se contrediront entre eux.
J'aimerais préciser la dimension européenne du débat. En 2015, j'étais rapporteur de la loi de modernisation de notre système de santé, dont découle le dispositif Nutri-Score. Quelle interdiction nous opposaient les instances européennes – à raison d'ailleurs ? Celles-ci nous ont interdit de généraliser le Nutri-Score à tous les emballages des produits agroalimentaires, ce qui relève du droit européen.
C'est pourquoi nous avons arrêté avec les industriels une méthode expérimentale facultative. Cette expérimentation, menée dans soixante supermarchés français, a démontré la supériorité du Nutri-Score sur d'autres scores nutritionnels proposés par les industriels, ce dont même l'ANIA convient. Ainsi, la validité scientifique du dispositif n'est plus à démontrer.
En revanche, les instances européennes ne disent rien du droit de la publicité. Elles ne nous empêchent donc pas d'y généraliser le Nutri-Score. J'en veux pour preuve le dispositif « Manger Bouger » mis en place il y a quelques années, avec fracas, en concertation avec les publicitaires et les annonceurs.
Personne aujourd'hui n'en conteste la légalité ni l'efficacité. Il faut simplement le rénover. Toute publicité présentant à la télévision un produit issu de l'agroalimentaire justifiant la mention du logo « Manger Bouger » est assortie, au début ou à la fin du spot, d'une note allant de A à E afin de fournir une juste information.
Imaginons à présent que l'Italie ou l'Espagne saisisse la Commission européenne, arguant que les mesures prises en France désavantagent certaines de leurs marques nationales. Dont acte. Nous acceptons la perspective que la Commission européenne saisisse la Cour de justice de l'Union européenne afin de déterminer si les mesures que nous avons votées contreviennent au droit de la concurrence. Nous entrerons alors dans une deuxième étape.
Il faudra quelques années à la Cour de justice de l'Union européenne pour se prononcer. Imaginons qu'elle juge que les mesures prises constituent un moyen détourné de généraliser le Nutri-Score, par le biais de la publicité. Il en résulte deux conséquences.
Si le dispositif de généralisation du Nutri-Score dans la publicité tombe, il n'en aura pas moins fonctionné pendant trois ou quatre ans. Les marques auront joué le jeu et nous aurons pris de l'avance – je suis d'ailleurs certain que les marques ne supprimeront pas le logo de leur propre initiative.
Si c'est l'intégralité du Nutri-Score qui tombe, cela signifie que la Cour de justice de l'Union européenne pourra interdire à l'entreprise Fleury-Michon de faire figurer sur ses produits alimentaires un logo alors que celle-ci le fait volontairement. Au nom de quoi la Cour de justice de l'Union européenne interdirait-elle à des marques de la filière agroalimentaire de faire figurer sur ses produits le Nutri-Score ? Toutes les marques ont le droit d'assortir leurs produits de logos, qui d'ailleurs fourmillent partout – voyez, chers collègues, les mentions « made in » ou « bio » qui fleurissent.
J'ai bien réfléchi à la question. Je l'ai soumise à des juristes, dont certains sont des spécialistes du droit européen. Je ne vois pas dans quel référentiel une décision de la Cour de justice de l'Union européenne peut interdire à des industriels de faire figurer le Nutri-Score sur leurs produits alors qu'ils le font volontairement. Par conséquent, je ne souscris pas à l'argument reposant sur le droit européen.
Quant à la question du caractère éventuellement obligatoire du dispositif proposé, les amendements identiques nos 1063 et 2591 prévoient exactement le même que celui applicable au logo « Manger Bouger ». Si un industriel refuse de participer à cette campagne de santé publique, rien ne l'y oblige, mais il sera astreint à une contribution financière équivalant à 5 % du coût de la campagne publicitaire. Si une marque de soda refuse de faire figurer le Nutri-Score sur ses boissons, rien ne l'y oblige, mais elle devra verser une contribution permettant de financer des actions de santé publique et de prévention destinées aux enfants de notre pays.
Que vous dire de plus, chers collègues ? Nous n'allons pas refaire tous les schémas de la publicité. Quand on affirme « mange ces céréales et le tigre est en toi », on oublie de dire au jeune consommateur « outre le tigre, 50 grammes de sucres ajoutés et 30 grammes de graisses saturées sont en toi ». Le Nutri-Score contrebalance ce signal et permet aux familles de choisir les aliments en connaissance de cause. Il n'y a là rien de privatif ni de contraignant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2036 .
Nous sommes également favorables aux mesures tendant à rendre obligatoire le Nutri-Score. L'argumentaire que vient de développer notre collègue Véran à propos des prétendues limites fixées par l'Union européenne est brillant. Le Nutri-Score est un dispositif important.
La malbouffe en France est un véritable fléau. Selon les données de la Sécurité sociale, environ 36 % des 539 000 décès constatés en 2010 sont directement ou indirectement imputabless à une mauvaise alimentation. Ce n'est pas rien ! En 2030, en France, près de 20 % des adultes pourraient être obèses, selon les dernières données publiées par l'OCDE.
Nos urgences, nos hôpitaux et notre médecine de ville traitent essentiellement les symptômes, mais nous devons de toute urgence agir sur les causes. L'alimentation est la première des médecines, selon la formule bien connue d'Hippocrate. Alimentation trop grasse, trop salée et trop sucrée : les industries agroalimentaires proposent des produits addictifs sans véritablement nous renseigner sur les conséquences qu'ils pourraient avoir sur notre santé.
La loi de modernisation du système de santé votée en 2016 a rendu possible un système d'étiquetage nutritionnel visant à faciliter le choix des consommateurs, compte tenu de la composition nutritionnelle des produits. Le Nutri-Score, adopté en début d'année 2017, demeure facultatif. Pour notre part, nous soutenons son extension.
Certes, ce dispositif est réducteur et devra sans doute être amélioré. Pour autant, il peut détourner les consommateurs des aliments ultra-transformés comportant de nombreux additifs. En dépit de ses limites, cet étiquetage a le mérite de proposer aux consommateurs un moyen de limiter leur consommation d'aliments trop caloriques ou comportant trop d'acides gras saturés, de sucres simples ou de sel. Il les incite à se tourner vers des aliments composés de fruits et légumes, de légumineuses et de fruits à coque en fonction des vitamines, des fibres et des protéines qu'ils contiennent.
Rendre le Nutri-Score obligatoire pour les fabricants et les distributeurs du secteur alimentaire constitue à nos yeux un progrès permettant de franchir un pas supplémentaire dans la transition vers des comportements alimentaires plus sains et une population en meilleure santé.
On ne peut pas l'écarter d'un revers de main. Nous soutiendrons donc les amendements identiques défendus par nos collègues Ramos et Véran et vous invitons en outre, chers collègues, à voter le nôtre, qui sera mis aux voix par scrutin public.
Comme nous sommes tous d'accord sur le fond, tâchons de l'être aussi sur la forme !
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Quelqu'un ici est-il pour la malbouffe ? Je ne le pense pas. Le débat qui nous occupe ici ne vise donc pas à savoir si nous sommes pour ou contre la malbouffe. Je suis élu d'une circonscription où les travers de la malbouffe…
Je vous en prie, monsieur le président !
Sourires.
Pardon, monsieur le ministre. Les conséquences de la malbouffe, que je constate dans ma circonscription, sont suffisamment désastreuses pour que nous voulions tous nous en débarrasser. Le sujet n'est pas de savoir si nous sommes pour ou contre la malbouffe et l'aggravation de l'obésité, mais de déterminer les meilleurs moyens de gérer ce fléau mondial, par lequel la France est relativement épargnée.
Relativement épargnée, monsieur Prud'homme ! Je vous renvoie à l'étude de l'OCDE démontrant que nous sommes, en France, champions du monde du temps passé à table chaque jour : plus de deux heures, contre une aux États-Unis et au Canada !
Sourires.
Nous sommes donc relativement épargnés par ce fléau – mais je ne prétends pas que la situation française est fantastique. Il s'agit de savoir comment nous la gérons.
Je suis très fier que la France ait mis en place le Nutri-Score. Nous montrons la voie. Petit à petit, il deviendra un avantage comparatif pour les entreprises qui l'adoptent, comme l'a très bien montré Olivier Véran, mais aussi pour la France. La question est donc de savoir si les dispositions prévues par les amendements vont dans le bon sens, ou si elles risquent de nous faire revenir en arrière.
J'ai l'impression que nous allons un peu vite en besogne, s'agissant d'un processus enclenché uniquement en France. Adopter ces amendements risque donc de nous faire revenir en arrière. Ils constituent peut-être une façon détournée de rendre obligatoire le Nutri-Score. Je n'en suis pas sûr, même si je ne suis pas juriste.
En revanche, ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit d'un moyen de barrer aux entreprises ne souhaitant pas adopter le Nutri-Score l'accès à la publicité, ce qui constitue à mes yeux une distorsion de concurrence qui pourrait nous faire condamner par la justice européenne.
Peu importe : cela prendra trois ou quatre ans et nous paierons des amendes. Le vrai sujet – déjà évoqué précédemment – , c'est que les entreprises n'ayant pas adopté le Nutri-Score, qui seront exclues des publicités télévisées, s'orienteront vers internet.
Nous aurons un seau qui fuit en raison de deux fuites, une petite et une grosse ; nous placerons un doigt sur la petite fuite, ce qui aura pour effet d'agrandir la grosse. La plupart d'entre vous ont des enfants, chers collègues ; vous êtes bien placés pour savoir qu'ils passent de plus en plus de temps sur leurs tablettes électroniques, exposés à un marketing bien plus pervers et bien plus complexe que les publicités que nous voulons interdire. Là n'est pas le sujet !
Je crains que l'adoption des amendements ne consiste à faire un pas en arrière dans un processus où nous avons de l'avance sur les autres pays, auxquels nous montrons l'exemple. Il faut poursuivre ce qui a été entamé et conserver le dispositif optionnel, sur la base duquel l'industrie alimentaire française montre l'exemple, comme l'a rappelé Olivier Véran. Il faut continuer à montrer l'exemple et à aller dans le bon sens en généralisant les bonnes pratiques, mais pas par la loi, ce qui ne consisterait qu'à placer un doigt sur un trou.
Sur le fond, nous sommes tous d'accord. Tous les propos qui viennent d'être tenus démontrent que le Nutri-Score est un vrai succès, d'autant plus qu'il s'inscrit dans une démarche soutenue par les parlementaires, visant à responsabiliser les acteurs et leur donner la possibilité de s'engager dans une expérimentation sur la base du volontariat. Tout cela valide la réflexion que nous avons menée avec Jean-Baptiste Moreau sur le titre II du projet de loi, dont le principe est le suivant : plus on responsabilise les acteurs, plus le résultat est intéressant, participatif, engageant et incitatif.
Sur la forme, je suis gênée par le fait que jamais au cours de mes travaux de rapporteure pour avis sur le titre II ce sujet n'a été abordé : je suis donc incapable de mesurer les conséquences possibles d'une telle mesure.
Sur le fond, ceux qui auront les moyens de faire de la publicité, c'est-à-dire les agro-industries les plus importantes, se serviront du Nutri-Score pour faire du marketing – au détriment d'autres qui voudraient s'engager dans cette démarche. L'obligation de mentionner le Nutri-Score dans les publicités risque finalement de poser problème à ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir des annonces à la télévision. Pourront-ils encore exister dans cet univers ? Je pense ainsi aux Finistériens, aux conserveries par exemple – une boîte de sardines à l'huile pourrait, sans l'huile, avoir un excellent Nutri-Score.
Laissons les filières s'organiser et s'approprier cet outil plébiscité par les consommateurs. Il reste expérimental et cette obligation me semble tout à fait prématurée.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Les amendements de nos collègues Ramos et Véran me paraissent plutôt intéressants. Mme Motin a parlé tout à l'heure de responsabiliser les parents. Le Nutri-Score, que je connaissais mal, mais qu'Olivier Véran m'a bien expliqué, permet justement de responsabiliser tout le monde. Bien sûr, il y a internet, mais il y aura toujours des failles – nous saurons trouver des solutions, j'en suis sûr.
Nous pouvons aussi, je crois, entraîner derrière nous le reste de l'Europe ; nous pouvons montrer que cette très belle expérience fonctionne. La lutte contre la malbouffe et contre l'obésité concerne tous les pays européens.
Il ne serait donc pas mauvais, à mon sens, de rendre obligatoire la mention du Nutri-Score dans les publicités. Je voterai donc ces amendements.
Je voudrais indiquer en quelques mots la position du groupe Nouvelle Gauche.
Le Nutri-Score, ce n'est pas la panacée – il a d'ailleurs fallu des années de débats pour qu'il existe ; c'est un outil d'information, qui ne sera efficace que s'il y a une véritable éducation. Il permet au consommateur, au citoyen, de comparer différents produits dans une même gamme : entre trois pizzas surgelées, quelle est la meilleure pour votre santé et votre bien-être ? Le Nutri-Score prend place dans une politique d'ensemble en vue d'améliorer la qualité de l'offre alimentaire.
Le président Lescure a parfaitement raison : la France s'est saisie de cet outil. Nous devons maintenant nous demander comment le généraliser à l'Union européenne, afin d'éviter toute distorsion de concurrence. Le Gouvernement doit mener ce combat à cette échelle.
S'agissant des amendements en discussion, ils constituent pour moi une étape. Le déploiement du Nutri-Score, c'est le sens de l'histoire… Reste à voir à quel rythme nous irons dans ce sens.
Je redis que l'essentiel réside à mon sens dans la généralisation à l'échelle européenne, et surtout dans la mobilisation de l'ensemble des acteurs, de l'ensemble des industriels, pour une amélioration globale de l'offre alimentaire.
J'ai co-signé l'amendement présenté par Olivier Véran, et je le soutiens évidemment.
La diffusion du Nutri-Score par la publicité aurait un effet pédagogique très fort, puisqu'il serait répété systématiquement. Je pense notamment à ces aliments transformés qui s'adressent avant tout à nos enfants. La responsabilité des parents est bien réelle ; mais grâce à cet affichage du Nutri-Score, nous pourrons mieux éduquer nos enfants, leur expliquer la différence entre rouge et vert, entre les aliments que l'on peut manger en quantité et les autres auxquels il faut faire plus attention.
Soyons plus intelligents que la publicité : utilisons-la pour faire passer des messages. Cela concourra aussi à l'autonomie de nos enfants, qui, tous les jours devant la télé, apprendront à choisir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je voudrais apporter une précision. Je travaille pour Fleury Michon, et je peux vous le dire : il ne faut pas se leurrer, s'engager dans cette démarche, c'est aussi du marketing.
En termes de droit, contrairement à ce que vous dites, monsieur Véran, l'étiquetage est régi par des règles horizontales européennes : tout ce qui n'est pas autorisé n'est pas permis. En l'occurrence, c'est volontaire.
Restons prudents. Les industriels français ne sont pas de grands philanthropes : ils se sont rendu compte qu'il y avait une demande des consommateurs, et qu'il fallait y répondre. Le Nutri-Score donne de la crédibilité à leurs produits – c'est le cas, par exemple, pour les plats cuisinés de Fleury Michon, qui sont souvent critiqués. La mention du Nutri-Score est très appréciée.
Mais c'est encore une expérimentation. Cette démarche est super. Mais, encore une fois, en droit communautaire, il y a des règles horizontales et des règles verticales : n'allons pas, en créant une obligation qui va contre ces règles, agacer des gens qui, demain, pourront promouvoir le Nutri-Score au niveau européen.
Il y a dans ce débat un point de jonction où nous pouvons nous retrouver, bien que nos prémisses ne soient pas les mêmes. Il est important que ces trois amendements soient adoptés, car la diversité de leur origine montre une volonté forte du Parlement français.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci, monsieur le président. C'est le cas, n'en doutez pas.
Notre critique de l'alimentation industrielle, des conditions dans lesquelles elle est préparée et, au-delà, de ses conséquences sur notre modèle de société est sévère. On dit souvent qu'un produit vous fait avaler non seulement ce qu'il contient, mais aussi son mode d'emploi. Il y aurait beaucoup à dire sur ce que, in fine, le repas préparé retire à la vie de la société, à sa convivialité.
Nous passons beaucoup de temps à table, c'est vrai, monsieur le rapporteur – quoiqu'avec l'évolution des moeurs, avec l'évolution des emplois de plus en plus souvent fractionnés dans la journée, ce ne soit plus si vrai. Mais le repas est évidemment plus qu'une prise d'alimentation ; nous sommes le peuple qui passe le plus de temps, à chaque repas, à parler de ce qu'il a mangé la veille et de ce qu'il va manger le lendemain. C'est une vertu que nous partageons avec les Chinois et les Marocains, peuples civilisés… C'est souvent par la nourriture et le rapport que l'on a à soi que l'on peut mesurer le degré de civilisation et de douceur des êtres les uns par rapport aux autres.
La critique de la France insoumise ne porte pas seulement sur la façon dont nous nous alimentons, mais sur la façon dont est pensée la nourriture industrielle par ceux qui la produisent.
Il y a deux écoles, comme toujours : les uns pensent que par l'incitation et la sollicitation philanthropique, on finit par obtenir des résultats ; les autres, dont nous sommes, pensent que chaque système a sa logique, et que dans chaque système chacun va au plus loin de la performance attendue. Un bon produit, c'est un produit qui se vend bien ; pour bien se vendre, il faut qu'il apporte aux papilles la satisfaction attendue. C'est tout.
Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, personne n'accuse qui que ce soit d'être partisan de la malbouffe, du diabète ou des crises cardiaques. Mais nous pensons, nous, qu'il faut intervenir pour juguler une épidémie mondiale. Les Français ont jusqu'ici plutôt bien résisté : il faut se demander pourquoi. À nos yeux, les règles et l'obéissance à la loi jouent un rôle essentiel dans les relations entre les individus – un rôle au moins aussi important que l'incitation.
Notre collègue Martine Leguille-Balloy nous a apporté une information intéressante : ne rêvez pas, nous dit-elle, bien sûr que le Nutri-Score est utilisé comme un moyen de marketing ! Inutile de croire à la philanthropie. Notre collègue Catherine Kamowski a parlé d'éduquer nos enfants. Je n'en ai plus l'âge, mais j'ai celui d'avoir des petits-enfants, et je vois comment les parents doivent se battre pour faire leur devoir au mieux face à tous les produits qui attirent l'oeil des enfants. Reconnaissons que c'est un casse-tête ! Cela a été dit aussi, il y a maintenant beaucoup d'informations sur tous les produits. C'est bien, tant mieux ; mais ceux qui savent identifier la part de protéines, de lipides et de glucides qu'ils absorbent dans une journée ne sont pas aussi nombreux qu'on le souhaiterait.
Le Nutri-Score est une simplification qui permet à beaucoup de se repérer. C'est une indication maîtrisable, du rouge au vert. Sans noircir le tableau, je voudrais ajouter qu'il y a dans notre pays 2,5 à 3 millions d'illettrés – ils ne sont pas analphabètes, mais ils ont des difficultés avec la lecture. Pensez-y, chers collègues ! Rouge, vert, c'est lisible ; même quand on est illettré, on pense à ses enfants, on veut bien agir et bien choisir.
Voilà pourquoi j'ai parlé de point de jonction. Vous croyez à l'incitation ; nous croyons plutôt à la réglementation. Mais à cet instant, nous pouvons nous retrouver et prendre une décision commune.
S'agissant des aspects juridiques, notre collègue a bien décrit les risques que nous prenons. Eh bien, des procédures, il y en a déjà eu ! C'est finalement une manière de signaler qu'il y a un problème. La procédure, ce n'est pas la guerre ; c'en est même le contraire. Les esprits en seraient éclairés, la Commission se pencherait sur le sujet, le législateur européen ferait des propositions… Bref, le Parlement français enverrait un message qui dépasserait une action menée dans quelques supermarchés ; ce serait un message de la nation française, qui s'y connaît en matière de nourriture et de bien-vivre : « mieux vaut inscrire le Nutri-Score ! »
Je n'ai par ailleurs aucune illusion sur le caractère définitif de cette affaire.
Claquements de pupitres sur les bancs du groupe LaREM.
Claquements de pupitres sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie, chers collègues, de manifester votre approbation par ces bruits qui me donneraient plutôt envie de continuer de parler, tant mon caractère est rebelle.
Je n'ai pas entendu ici de désaccord sur l'objectif, ni sur l'intérêt de l'outil.
En revanche, il y a à mon sens un problème de méthode. On ne peut pas lancer une expérimentation puis, quelques semaines ou quelques mois après, la généraliser sans attendre. On ne peut pas légiférer sans être fixé sur certaines conséquences possibles. Encore une fois, l'outil n'est pas en cause.
Ce n'est même pas une question de risque européen ! M. Mélenchon le disait bien : il y a un problème. Mais si l'expérimentation a été lancée, c'est parce que nous avons obtenu une dérogation européenne, et c'est en vue d'expertiser, de réfléchir.
Procédons donc avec ordre et méthode. Une fois que l'expérience aura abouti, nous pourrons négocier avec l'Union européenne les conditions d'une généralisation.
La majorité du groupe MODEM ne votera pas ces amendements.
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 66 |
Nombre de suffrages exprimés | 63 |
Majorité absolue | 32 |
Pour l'adoption | 18 |
contre | 45 |
Il est procédé au scrutin.
Nombre de votants | 60 |
Nombre de suffrages exprimés | 56 |
Majorité absolue | 29 |
Pour l'adoption | 6 |
contre | 50 |
L'amendement no 2036 n'est pas adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Catherine Joly