Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du dimanche 27 mai 2018 à 9h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Après l'article 11 septdecies

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran :

J'aimerais préciser la dimension européenne du débat. En 2015, j'étais rapporteur de la loi de modernisation de notre système de santé, dont découle le dispositif Nutri-Score. Quelle interdiction nous opposaient les instances européennes – à raison d'ailleurs ? Celles-ci nous ont interdit de généraliser le Nutri-Score à tous les emballages des produits agroalimentaires, ce qui relève du droit européen.

C'est pourquoi nous avons arrêté avec les industriels une méthode expérimentale facultative. Cette expérimentation, menée dans soixante supermarchés français, a démontré la supériorité du Nutri-Score sur d'autres scores nutritionnels proposés par les industriels, ce dont même l'ANIA convient. Ainsi, la validité scientifique du dispositif n'est plus à démontrer.

En revanche, les instances européennes ne disent rien du droit de la publicité. Elles ne nous empêchent donc pas d'y généraliser le Nutri-Score. J'en veux pour preuve le dispositif « Manger Bouger » mis en place il y a quelques années, avec fracas, en concertation avec les publicitaires et les annonceurs.

Personne aujourd'hui n'en conteste la légalité ni l'efficacité. Il faut simplement le rénover. Toute publicité présentant à la télévision un produit issu de l'agroalimentaire justifiant la mention du logo « Manger Bouger » est assortie, au début ou à la fin du spot, d'une note allant de A à E afin de fournir une juste information.

Imaginons à présent que l'Italie ou l'Espagne saisisse la Commission européenne, arguant que les mesures prises en France désavantagent certaines de leurs marques nationales. Dont acte. Nous acceptons la perspective que la Commission européenne saisisse la Cour de justice de l'Union européenne afin de déterminer si les mesures que nous avons votées contreviennent au droit de la concurrence. Nous entrerons alors dans une deuxième étape.

Il faudra quelques années à la Cour de justice de l'Union européenne pour se prononcer. Imaginons qu'elle juge que les mesures prises constituent un moyen détourné de généraliser le Nutri-Score, par le biais de la publicité. Il en résulte deux conséquences.

Si le dispositif de généralisation du Nutri-Score dans la publicité tombe, il n'en aura pas moins fonctionné pendant trois ou quatre ans. Les marques auront joué le jeu et nous aurons pris de l'avance – je suis d'ailleurs certain que les marques ne supprimeront pas le logo de leur propre initiative.

Si c'est l'intégralité du Nutri-Score qui tombe, cela signifie que la Cour de justice de l'Union européenne pourra interdire à l'entreprise Fleury-Michon de faire figurer sur ses produits alimentaires un logo alors que celle-ci le fait volontairement. Au nom de quoi la Cour de justice de l'Union européenne interdirait-elle à des marques de la filière agroalimentaire de faire figurer sur ses produits le Nutri-Score ? Toutes les marques ont le droit d'assortir leurs produits de logos, qui d'ailleurs fourmillent partout – voyez, chers collègues, les mentions « made in » ou « bio » qui fleurissent.

J'ai bien réfléchi à la question. Je l'ai soumise à des juristes, dont certains sont des spécialistes du droit européen. Je ne vois pas dans quel référentiel une décision de la Cour de justice de l'Union européenne peut interdire à des industriels de faire figurer le Nutri-Score sur leurs produits alors qu'ils le font volontairement. Par conséquent, je ne souscris pas à l'argument reposant sur le droit européen.

Quant à la question du caractère éventuellement obligatoire du dispositif proposé, les amendements identiques nos 1063 et 2591 prévoient exactement le même que celui applicable au logo « Manger Bouger ». Si un industriel refuse de participer à cette campagne de santé publique, rien ne l'y oblige, mais il sera astreint à une contribution financière équivalant à 5 % du coût de la campagne publicitaire. Si une marque de soda refuse de faire figurer le Nutri-Score sur ses boissons, rien ne l'y oblige, mais elle devra verser une contribution permettant de financer des actions de santé publique et de prévention destinées aux enfants de notre pays.

Que vous dire de plus, chers collègues ? Nous n'allons pas refaire tous les schémas de la publicité. Quand on affirme « mange ces céréales et le tigre est en toi », on oublie de dire au jeune consommateur « outre le tigre, 50 grammes de sucres ajoutés et 30 grammes de graisses saturées sont en toi ». Le Nutri-Score contrebalance ce signal et permet aux familles de choisir les aliments en connaissance de cause. Il n'y a là rien de privatif ni de contraignant.

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