Intervention de Carine Wolf-Thal

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 18h30
Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et l'effectivité des décisions publiques

Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens :

Ce n'est pas comme cela que ça s'est passé chronologiquement. Il y a eu un premier rappel d'un certain nombre de lots puis des doutes sur d'autres lots, des contacts avec la DGCCRF qui était en train de déterminer jusqu'où allait être le rappel, une information sur un certain nombre de lots complémentaires et dans la foulée une mesure de retrait total. Tout cela s'est fait graduellement. J'ai conseillé cette mesure de quarantaine aux pharmaciens parce qu'on voyait bien que le nombre de lots incriminés continuait à augmenter et qu'il devenait ingérable pour les pharmaciens de savoir ce qu'ils devaient garder, ce qu'ils pouvaient continuer à vendre ce qu'ils devaient répondre aux parents. Lorsque la situation devient trop confuse, on retire tout et on voit ce qui se passe.

Vous l'avez compris, l'Ordre a été en contact permanent avec les autorités pour essayer de suivre l'actualité et de passer les messages via le dossier pharmaceutique. Je viens d'évoquer le message d'alerte. En fait, à la suite des premiers contrôles, j'ai demandé aux éditeurs de logiciels d'aller encore plus loin et de faire en sorte que, lorsqu'on scanne le code-barres des boîtes de lait, un message s'affiche pour avertir que le produit fait l'objet d'un rappel et qu'il ne peut être vendu. Ce système a été mis en place très rapidement fin décembre ou début janvier – je n'ai plus la date en tête. On l'a fait ponctuellement, au vu de l'ampleur de la crise et du constat malheureux de pharmaciens qui avaient encore des produits à la vente. C'est une solution que nous sommes en train de développer de façon pérenne dans le dossier pharmaceutique. En clair, cela a été fait en une fois très rapidement pour ces numéros de lots, et sera fait de façon pérenne, avant la fin de l'année, dès que les développements seront terminés.

En complément de ces messages dans le dossier pharmaceutique, je précise que toutes les informations ont bien sûr été relayées par nos organes de communication – lettres électroniques, sites internet, application mobile de l'Ordre. Les présidents de l'Ordre de chaque région ont diffusé des courriels d'alerte et ont alerté les pharmaciens qui ont des sites de vente de médicaments en ligne. Je pense donc qu'en termes de diffusion de l'information l'Ordre a fait tout ce qu'il pouvait pour joindre les confrères par tous les canaux possibles. D'où ma stupéfaction d'entendre que des pharmaciens n'avaient pas retiré toutes les boîtes de lait des lots incriminés.

J'ai affirmé très rapidement et très fermement, et je le réaffirme ici, mon intention de prendre des sanctions disciplinaires contre les pharmaciens qui n'ont pas respecté leurs obligations de sécurité sanitaire. J'affirme ma plus grande détermination en la matière. J'ai demandé très rapidement à la DGCCRF d'être tenue au courant des procès-verbaux qui allaient être établis. J'ai compris qu'au regard du secret de l'enquête je ne pouvais pas avoir accès à ces procès-verbaux. Néanmoins, j'ai demandé à la DGCCRF la liste des parquets auprès desquels des procès-verbaux avaient été déposés. À ce jour, je ne l'ai toujours pas. Je suis seulement au courant d'un parquet qui a été saisi parce que j'ai reçu un avis à victime. Et je compte me porter partie civile à chaque fois qu'un pharmacien sera devant un tribunal.

Je précise que l'avantage de ce circuit de distribution, c'est que les pharmaciens sont redevables devant l'Ordre et qu'ils peuvent être traduits en chambre de discipline. Cela peut aller jusqu'à l'interdiction d'exercer si les fautes étaient avérées.

S'agissant de l'affichage et de l'information au patient, tout dépend de la mesure du rappel. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas l'Ordre qui décide de l'ampleur du rappel, c'est-à-dire si le pharmacien doit rappeler le patient ou s'il s'agit seulement de retirer un lot. Ce sont les autorités qui nous disent s'il doit y avoir un retrait jusqu'au patient, ou seulement un retrait des étagères, et si un affichage est nécessaire ou non. On ne fait que relayer et transmettre les décisions des autorités sur ce sujet-là. En l'occurrence, au départ les lots de lait ne faisaient pas l'objet d'un retrait jusqu'au patient. C'est seulement dans un second temps que le laboratoire a demandé qu'il y ait une information par voie d'affichage. Mais, comme vous l'avez compris, le laboratoire Lactalis contacte directement ses clients pharmaciens puisque la plupart des achats se font en direct. En général, ce sont les laboratoires qui sont en communication directe avec le pharmacien. L'Ordre n'a pas vocation à diffuser les messages qui pourraient être perçus comme ayant un caractère commercial, une relation entre un fournisseur et son client. L'Ordre n'intervient pas dans ces messages. Mais quand une autorité nous demande, et c'est le cas très régulièrement, de diffuser les messages d'un laboratoire pour une question de sécurité sanitaire ou d'information d'un professionnel de santé, nous le diffusons via le canal du dossier pharmaceutique. Mais, je le répète, nous attendons le feu vert des autorités pour le faire.

Les contrôles dans les officines sont réalisés en général par les inspecteurs des agences régionales de santé (ARS) et concernent le respect de l'ensemble du code de la santé publique. En l'occurrence, puisqu'il ne s'agissait pas là de médicaments, à ma connaissance les contrôles ont été effectués par les agents de la DGCCRF.

Vous me demandez combien de contrôles de routine sont faits. Les ARS font régulièrement des inspections. Très honnêtement, je les trouve insuffisantes. On déplore très régulièrement le manque d'inspection des ARS.

Les pharmaciens sont formés aux mesures de retrait. Il y a même une procédure en ligne sur le site de l'Ordre qui explique toute la marche à suivre en cas de retrait-rappel. D'ailleurs, les inspecteurs regardent systématiquement si les pharmaciens respectent bien ces mesures de retrait-rappel.

Vous posez la question des sanctions. Je pense y avoir répondu.

Le circuit de l'hôpital est un peu différent, notamment en ce qui concerne les laits parce que la plupart ne passent pas par les pharmacies à usage intérieur. Ils ne sont donc pas sous le contrôle du pharmacien dans la plupart des centres hospitaliers, même s'il est arrivé quelquefois que des pharmacies à usage intérieur gèrent les laits.

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