La réunion

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L'audition débute à dix-huit heures trente.

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Mes chers collègues, l'Assemblée nationale a décidé de constituer une commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l'affaire Lactalis et d'étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d'information, de la production à la distribution, et de l'effectivité des décisions publiques.

Il ne s'agit pas pour nous de faire le procès de qui que ce soit, de juger ni de punir, mais de comprendre et d'essayer de faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent pas.

La commission d'enquête a entendu l'ensemble des organismes de contrôle de l'État, en particulier la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a géré les retraits-rappels des lots contaminés, afin de savoir comment l'alerte avait été donnée et quelles mesures avaient été prises, ainsi que les associations de consommateurs. Hier, nous avions auditionné les différents acteurs du secteur laitier, la fédération nationale de l'industrie laitière, la fédération nationale des producteurs de lait, ainsi que les organisations professionnelles agricoles.

Nous en venons aujourd'hui à un autre volet de cette affaire, à savoir la distribution des produits dans les pharmaciens, et nous entendrons demain la grande distribution – Auchan et Leclerc. Nous auditionnerons ultérieurement les représentants de Carrefour qui ne pouvaient pas venir ce matin, ainsi que ceux du e-commerce. Enfin, je signale puisque cela ne figure pas encore dans notre programme, que le rapporteur et moi-même venons de signer une convocation pour entendre les dirigeants d'Intermarché.

Le cycle de nos auditions se terminera par l'audition du président de Lactalis et des trois ministres concernés par le sujet.

Nous recevons aujourd'hui Mme Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, M. Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs, M. Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et M. Pierre Fernandez, directeur général, ainsi que M. Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) et M. Pierre-Olivier Variot, vice-président.

L'Ordre national des pharmaciens regroupe tous les pharmaciens exerçant en France métropolitaine ou dans les départements et collectivités d'outre-mer. Il est chargé par la loi de remplir des missions de service public. Ces missions, fixées par le code de la santé publique, sont d'assurer le respect des devoirs professionnels, d'assurer la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession, de veiller à la compétence des pharmaciens, de contribuer à promouvoir la santé publique et la qualité des soins, notamment la sécurité des actes professionnels. Le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est le défenseur de la légalité et de la moralité professionnelle. Il représente dans son domaine d'activité la pharmacie auprès des autorités publiques et des organismes d'assistance. Il organise la mise en oeuvre du dossier pharmaceutique.

La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France est le premier syndicat patronal en pharmacie d'officine. Ses adhérents représentent plus de 70 % des pharmacies syndiquées et emploient près de 75 % des salariés de l'ensemble des officines syndiquées. Elle a remporté 48,81 % des suffrages lors des dernières élections de 2015 aux unions régionales des professionnels de santé (URPS).

L'Union des syndicats de pharmaciens d'officine, créée en 2001, a pour objectif de défendre la profession et de moderniser le syndicalisme. Implantée dans l'ensemble des régions, l'audience de l'USPO s'établit à 43 % des suffrages.

Madame, messieurs, comme il s'agit d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais demander à chacun d'entre vous de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Mme Carine Wolf-Thal, M. Philippe Godon, M. Gilles Bonnefond, M. Pierre-Olivier Variot, M. Philippe Gaertner et M. Pierre Fernandez prêtent successivement serment.

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Madame, messieurs, nous avons un certain nombre de questions à vous poser.

Pourquoi des produits contaminés ont-ils été proposés à la vente dans des officines ?

Quel circuit le lait pour nourrissons suit-il de la sortie de l'usine jusqu'aux officines qui le vendent aux particuliers ?

Par quelle administration les pharmaciens ont-ils été prévenus du retrait des produits Lactalis ? À quelle date et selon quelles modalités ? De combien d'alertes les pharmaciens, le Conseil de l'Ordre ou les syndicats ont-ils été destinataires ?

L'Ordre des pharmaciens organise le dossier pharmaceutique. De quoi s'agit-il ?

Quels contacts le Conseil de l'Ordre et les syndicats ont-ils eu avec les autorités tout au long de la crise ? Quelles étaient ces autorités ?

Quelles mesures l'Ordre a-t-il pris pour éviter des problèmes et peut-être pour retirer les produits ?

Existe-t-il un mécanisme, via l'ordinateur ou la caisse de la pharmacie, bloquant effectivement la vente d'un produit contaminé ? Si l'alerte figure en temps réel sur les écrans des ordinateurs des officines et bloque leur fonctionnement jusqu'à la prise en compte du message, comment peut-on ensuite vendre encore des produits contaminés ?

Comment a-t-il pu rester des laits contaminés dans les officines après la première vague de contrôles ? Lors de la deuxième vague de contrôles, on a en effet encore retrouvé des produits dans les officines.

Le pharmacien doit-il afficher dans son officine des informations sur les retraits-rappels ? À quel endroit ? Une communication est-elle prévue à l'intention des clients ? Existe-t-il d'autres possibilités pour informer les clients ?

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Madame, messieurs, je vous remercie de votre présence.

J'ai la lourde responsabilité d'écrire le rapport final. J'espère que vous serez force de propositions et d'explications quant aux questions que le président vient de poser et que je vais poser à mon tour ainsi que nos collègues.

Comment s'effectuent concrètement les contrôles ?

Combien de pharmacies ont-elles vendu des produits contaminés ?

Les employés des pharmacies sont-ils formés aux procédures de retrait-rappel ?

Existe-t-il sur les médicaments ou les produits vendus dans les pharmacies des codes-barres du même ordre que ceux apposés sur les produits vendus dans le commerce, qui d'ailleurs apparemment ne sont pas suffisants ?

Combien de procès-verbaux ont-ils été dressés ? Quelle est leur teneur ? Sont-ils transmis à l'Ordre des pharmaciens ?

Combien de produits distribués par les pharmacies font-ils l'objet d'un retrait-rappel par an ? Sur cette question, je souhaiterais avoir une réponse assez précise.

Lorsqu'un produit fait l'objet d'un retrait-rappel, à qui le pharmacien doit-il le remettre ?

Quelles sanctions vont-elles, ou peuvent-elles être prises ?

Comment les pharmaciens hospitaliers ont-ils géré la crise ? Le lait pour nourrisson est-il considéré comme un produit de santé, comme les médicaments, ou un produit courant, comme les aliments qu'achètent les hôpitaux ? Quelle filière suit-il donc ?

Enfin, quelles mesures peuvent permettre à l'avenir d'éviter que ce type de défaillance ne se reproduise ? Vous avez proposé à la ministre de la santé que les pharmacies s'engagent dans une démarche de certification. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette démarche ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je vais essayer de répondre de façon exhaustive et le plus clairement possible à toutes vos questions, en les prenant dans l'ordre, même si elles se recoupent parfois.

Le circuit d'approvisionnement en lait maternisé est de deux types : soit le pharmacien commande directement, en l'occurrence à Lactalis, et reçoit directement de Lactalis sa commande, soit il passe par le grossiste-répartiteur qui livre quotidiennement les pharmacies. Dans ce cas, le pharmacien commande via le grossiste-répartiteur selon ses besoins en lait.

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Savez-vous combien de pharmaciens commandent directement le lait au fabricant ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

La majorité des laits sont achetés directement au fabricant.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Le dossier pharmaceutique (DP) a été créé il y a dix ans. Initialement, il permettait aux pharmaciens de communiquer entre eux et de connaître les médicaments qui étaient dispensés à un patient dans les quatre derniers mois. Ainsi, lorsque le client se rendait dans une officine, quelle qu'elle soit, le pharmacien pouvait avoir accès aux données historiques de délivrance des médicaments du patient. Au fil des années, ce canal d'information a été utilisé à d'autres fins, notamment d'alerte sanitaire, et à la mesure de DP-rappel.

À l'origine, ce système de DP-rappel-retrait a été utilisé pour des médicaments. Le système est très simple : le laboratoire et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) se mettent d'accord sur des mesures de retrait-rappel, sur le message et la nature des lots à retirer, et l'Ordre utilise ce canal d'information pour diffuser le message à tous les pharmaciens. Le message arrive sur les écrans de toutes les officines et bloque chaque écran de travail. Il est impossible, pour tout opérateur, qu'il soit pharmacien, préparateur ou gestionnaire du back office, de faire autre chose sur son écran tant qu'il n'a pas accusé réception de l'alerte. Ce système est très efficace et il n'y a aucun moyen d'échapper à cette alerte. Seule exception : en cas de panne internet ou de défaut informatique. Dans ce cas, le message n'arrive pas par le canal du dossier pharmaceutique, et le système le détecte automatiquement ; des fax sont alors envoyés par salves successives. Et si le fax ne fonctionne pas, ce sont des courriers qui sont envoyés. Bien évidemment, c'est plus long, mais chaque pharmacien a l'information dès l'instant qu'un message est diffusé par le dossier pharmaceutique.

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Vous nous dites que tous les pharmaciens de France ont été informés des problèmes qui ont existé.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

À l'exception, comme je viens de le dire, des pharmaciens qui auraient rencontré un défaut de connexion au dossier pharmaceutique. 99,8 % des pharmaciens sont constamment connectés au dossier pharmaceutique. Mais en cas de problème informatique, de problème électrique, autrement dit de problème technique qui empêche la diffusion instantanée du message, on recourt à ce système de fax ou de courrier. C'est la seule explication pour qu'un pharmacien n'ait pas reçu ce message via le canal du dossier pharmaceutique.

Vous évoquez les contacts avec les autorités. En règle générale, en cas de retrait-rappel d'un médicament, nos interlocuteurs sont l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou la direction générale de la santé (DGS) lorsqu'il s'agit d'alertes sanitaires. Ce qui a été plus compliqué pour nous dans l'affaire Lactalis, c'est que nous n'avions pas d'interlocuteur identifié. Bien entendu, dès le début, nous avons été en contact par conférence téléphonique avec la DGS, la DGCCRF, etc. mais nous n'avons pas l'habitude de ces procédures qui sont très bien établies avec l'ANSM et les laboratoires quand il s'agit d'un médicament mais qui le sont moins quand cela concerne des produits qui dépendent de la DGCCRF. Nous avons été en contact, mais de façon moins « protocolisée » que ce qui se passe pour un médicament. Cela a conduit à une série d'alertes au fur et à mesure que l'information était disponible puisque les autorités ont pris, entre le début du mois de décembre et le mois de janvier, un certain nombre de mesures complémentaires. Au fur et à mesure que nous avions des informations, soit via des communiqués de presse de la DGCCRF, soit via la DGS, nous les avons diffusées. Mais ce qui a fait défaut, c'est le manque de protocole pour ce système - qui existe pour le médicament mais pas pour le lait maternisé.

Néanmoins, les messages ont été passés dès que l'information a été disponible. Je précise que le nombre de lots était immense – M. Godon pourra peut-être vous le confirmer. Il y a eu une succession de messages qui ont probablement mis de la confusion dans les esprits puisqu'à un moment on mettait tous les produits en quarantaine, à un autre on pouvait les remettre en vente, puis on les retirait à nouveau.

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Vous venez de dire que les produits ont été à un moment en quarantaine, puis que vous pouviez les remettre sur le marché.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Le samedi 9 décembre – M. Godon et moi-même nous en souvenons très bien –, je n'arrivais pas à obtenir d'informations stabilisées sur les lots qui allaient être concernés puisque la DGCCRF était en train d'établir les références qu'il fallait retirer. Il y avait un doute sur l'ampleur du retrait. N'ayant pas l'information, et à la veille d'un dimanche, j'ai pris la décision de diffuser un message de quarantaine. J'ai dit aux pharmaciens qu'un retrait massif se préparait, que pour ne pas prendre de risques on mettait les produits en quarantaine, qu'on attendait d'avoir des informations sur les lots incriminés et qu'on les tiendrait au courant.

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Je souhaiterais avoir davantage d'explications quant à la méthodologie par rapport à l'alerte qui s'affiche sur l'écran. Le 9 décembre, vous recevez sur vos écrans, en pharmacie, une information qui vous indique qu'il y a un problème sur les boîtes de lait Lactalis. S'il y avait des numéros de lots, pourquoi était-ce la confusion ? S'il n'y avait pas de numéros de lots, la logique n'aurait-elle pas été de retirer tout immédiatement ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

J'aimerais bien que ce soit aussi simple. Ce n'est pas à l'Ordre de prendre la décision de retirer un produit du marché. Ce sont les autorités qui doivent me dire que tel produit doit être retiré du marché.

Malgré tout, j'ai pris le risque. Imaginez que j'aie envoyé, en tant que présidente de l'Ordre, un message demandant de tout retirer alors qu'il n'y avait finalement pas de problème sur les lots. J'aurais pu me retrouver avec une plainte du laboratoire qui m'aurait demandé de quel droit, en tant que présidente de l'Ordre, j'avais retiré leurs produits du marché. Ce n'est pas à moi, Ordre, de prendre cette décision. Néanmoins je l'ai prise, parce que j'ai senti qu'il y avait un problème sanitaire d'importance. J'ai pris cette mesure de précaution de quarantaine, en attendant de connaître les numéros des lots incriminés.

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Si j'ai bien compris, les pharmaciens ont reçu, sur leurs ordinateurs, une information indiquant qu'il y avait un problème avec le lait provenant de chez Lactalis, sans numéro de lot.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Ce n'est pas comme cela que ça s'est passé chronologiquement. Il y a eu un premier rappel d'un certain nombre de lots puis des doutes sur d'autres lots, des contacts avec la DGCCRF qui était en train de déterminer jusqu'où allait être le rappel, une information sur un certain nombre de lots complémentaires et dans la foulée une mesure de retrait total. Tout cela s'est fait graduellement. J'ai conseillé cette mesure de quarantaine aux pharmaciens parce qu'on voyait bien que le nombre de lots incriminés continuait à augmenter et qu'il devenait ingérable pour les pharmaciens de savoir ce qu'ils devaient garder, ce qu'ils pouvaient continuer à vendre ce qu'ils devaient répondre aux parents. Lorsque la situation devient trop confuse, on retire tout et on voit ce qui se passe.

Vous l'avez compris, l'Ordre a été en contact permanent avec les autorités pour essayer de suivre l'actualité et de passer les messages via le dossier pharmaceutique. Je viens d'évoquer le message d'alerte. En fait, à la suite des premiers contrôles, j'ai demandé aux éditeurs de logiciels d'aller encore plus loin et de faire en sorte que, lorsqu'on scanne le code-barres des boîtes de lait, un message s'affiche pour avertir que le produit fait l'objet d'un rappel et qu'il ne peut être vendu. Ce système a été mis en place très rapidement fin décembre ou début janvier – je n'ai plus la date en tête. On l'a fait ponctuellement, au vu de l'ampleur de la crise et du constat malheureux de pharmaciens qui avaient encore des produits à la vente. C'est une solution que nous sommes en train de développer de façon pérenne dans le dossier pharmaceutique. En clair, cela a été fait en une fois très rapidement pour ces numéros de lots, et sera fait de façon pérenne, avant la fin de l'année, dès que les développements seront terminés.

En complément de ces messages dans le dossier pharmaceutique, je précise que toutes les informations ont bien sûr été relayées par nos organes de communication – lettres électroniques, sites internet, application mobile de l'Ordre. Les présidents de l'Ordre de chaque région ont diffusé des courriels d'alerte et ont alerté les pharmaciens qui ont des sites de vente de médicaments en ligne. Je pense donc qu'en termes de diffusion de l'information l'Ordre a fait tout ce qu'il pouvait pour joindre les confrères par tous les canaux possibles. D'où ma stupéfaction d'entendre que des pharmaciens n'avaient pas retiré toutes les boîtes de lait des lots incriminés.

J'ai affirmé très rapidement et très fermement, et je le réaffirme ici, mon intention de prendre des sanctions disciplinaires contre les pharmaciens qui n'ont pas respecté leurs obligations de sécurité sanitaire. J'affirme ma plus grande détermination en la matière. J'ai demandé très rapidement à la DGCCRF d'être tenue au courant des procès-verbaux qui allaient être établis. J'ai compris qu'au regard du secret de l'enquête je ne pouvais pas avoir accès à ces procès-verbaux. Néanmoins, j'ai demandé à la DGCCRF la liste des parquets auprès desquels des procès-verbaux avaient été déposés. À ce jour, je ne l'ai toujours pas. Je suis seulement au courant d'un parquet qui a été saisi parce que j'ai reçu un avis à victime. Et je compte me porter partie civile à chaque fois qu'un pharmacien sera devant un tribunal.

Je précise que l'avantage de ce circuit de distribution, c'est que les pharmaciens sont redevables devant l'Ordre et qu'ils peuvent être traduits en chambre de discipline. Cela peut aller jusqu'à l'interdiction d'exercer si les fautes étaient avérées.

S'agissant de l'affichage et de l'information au patient, tout dépend de la mesure du rappel. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas l'Ordre qui décide de l'ampleur du rappel, c'est-à-dire si le pharmacien doit rappeler le patient ou s'il s'agit seulement de retirer un lot. Ce sont les autorités qui nous disent s'il doit y avoir un retrait jusqu'au patient, ou seulement un retrait des étagères, et si un affichage est nécessaire ou non. On ne fait que relayer et transmettre les décisions des autorités sur ce sujet-là. En l'occurrence, au départ les lots de lait ne faisaient pas l'objet d'un retrait jusqu'au patient. C'est seulement dans un second temps que le laboratoire a demandé qu'il y ait une information par voie d'affichage. Mais, comme vous l'avez compris, le laboratoire Lactalis contacte directement ses clients pharmaciens puisque la plupart des achats se font en direct. En général, ce sont les laboratoires qui sont en communication directe avec le pharmacien. L'Ordre n'a pas vocation à diffuser les messages qui pourraient être perçus comme ayant un caractère commercial, une relation entre un fournisseur et son client. L'Ordre n'intervient pas dans ces messages. Mais quand une autorité nous demande, et c'est le cas très régulièrement, de diffuser les messages d'un laboratoire pour une question de sécurité sanitaire ou d'information d'un professionnel de santé, nous le diffusons via le canal du dossier pharmaceutique. Mais, je le répète, nous attendons le feu vert des autorités pour le faire.

Les contrôles dans les officines sont réalisés en général par les inspecteurs des agences régionales de santé (ARS) et concernent le respect de l'ensemble du code de la santé publique. En l'occurrence, puisqu'il ne s'agissait pas là de médicaments, à ma connaissance les contrôles ont été effectués par les agents de la DGCCRF.

Vous me demandez combien de contrôles de routine sont faits. Les ARS font régulièrement des inspections. Très honnêtement, je les trouve insuffisantes. On déplore très régulièrement le manque d'inspection des ARS.

Les pharmaciens sont formés aux mesures de retrait. Il y a même une procédure en ligne sur le site de l'Ordre qui explique toute la marche à suivre en cas de retrait-rappel. D'ailleurs, les inspecteurs regardent systématiquement si les pharmaciens respectent bien ces mesures de retrait-rappel.

Vous posez la question des sanctions. Je pense y avoir répondu.

Le circuit de l'hôpital est un peu différent, notamment en ce qui concerne les laits parce que la plupart ne passent pas par les pharmacies à usage intérieur. Ils ne sont donc pas sous le contrôle du pharmacien dans la plupart des centres hospitaliers, même s'il est arrivé quelquefois que des pharmacies à usage intérieur gèrent les laits.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Comme pour tous les produits alimentaires.

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Par qui sont-ils achetés ? Par le service de pédiatrie ou de maternité ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Je ne peux pas vous répondre. Je ne connais que le circuit des pharmacies à usage intérieur (PUI), pas les autres circuits d'achat.

Les laits infantiles sont considérés comme des aliments. C'est la raison pour laquelle c'est la DGCCRF qui a été l'interlocuteur et non la DGS.

Je me suis prononcée en faveur de la certification des officines. Bien sûr, le zéro défaut n'existera pas. En revanche nous souhaitons tendre vers ce zéro défaut. La seule façon d'y parvenir consiste à engager des démarches qualité dans les officines, ce qui renforcera la vigilance des pharmaciens sur le respect des procédures, la mise en place de procédures de management, etc.

Parmi les autres mesures, j'ai dit que le dossier pharmaceutique allait évoluer et qu'il émettra un « bip » pour les produits qui feraient l'objet d'un rappel. Ce que je souhaite surtout, c'est que l'on établisse, avec la DGCCRF, le même type de protocole qui existe avec l'ANSM en cas de rappel. Ce protocole avec le médicament est facile, et on l'utilise régulièrement.

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Il y a environ une cinquantaine de rappels par an. On ne peut pas dire que l'on tombe dans la routine, mais cela finit par faire un certain nombre.

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Combien de procès-verbaux sont dressés en moyenne aux pharmacies qui ne procèdent pas à ces retraits-rappels ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Je ne connais pas ce chiffre. Il faudrait demander aux ARS car ce sont leurs inspecteurs qui font ces constats. Ce que je peux vous dire, c'est que lorsque nous en avons connaissance, nous traduisons les pharmaciens en chambre de discipline.

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Si un problème est détecté par l'inspecteur de l'ARS, en général il vient interroger les grossistes-répartiteurs pour savoir s'il y a eu reprise des produits retirés. Je n'ai pas connaissance de démarches de la part d'une quelconque ARS sur ce point. Je représente les grossistes et je travaille dans une société. Je n'ai donc pas les chiffres de toutes les sociétés. À titre personnel, je n'ai pas eu de demande de ce type de la part d'une inspection.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

L'une de vos questions concernait le circuit des rappels. En cas de rappel de médicaments, le pharmacien les renvoie au grossiste-répartiteur. Vous imaginez quels volumes ont représenté les boîtes de lait qu'il a fallu retirer en quelques jours. Les camionnettes tournent en général trois fois par jour dans les officines ; au bout de deux pharmacies, les camionnettes étaient déjà pleines de boîtes de lait. Il a donc fallu étaler les retours des boîtes de lait. Certains pharmaciens avaient d'ailleurs mis de côté, à l'arrière de la pharmacie, les boîtes de lait bien retirées de la vente, le temps que les camionnettes puissent écouler les stocks conséquents.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Cette alerte a été assez compliquée à gérer puisque nous avons eu cinq messages différents en moins de neuf jours. Le premier message a été reçu le samedi 4 décembre – ça ne tombait pas très bien. C'était un message à titre préventif qui retirait trois références et douze lots.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Le conseil de l'Ordre.

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Vous n'avez jamais été contactés par Lactalis ?

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Non, nous n'avons pas été informés officiellement par la DGCCRF ni contactés directement par Lactalis. Des courriels ont été envoyés aux clients de Lactalis, mais l'USPO n'a pas été contactée officiellement.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Certains pharmaciens clients de Lactalis ont pu recevoir des messages directement de la part de Lactalis. Il s'agissait de messages du fabricant, pas de messages venant d'une autorité.

Le 9 décembre, il y a eu une alerte extension. Le dimanche 10 décembre, le conseil de l'Ordre a envoyé un message à l'ensemble des pharmaciens. Ceux qui étaient de garde se retrouvaient mieux informés et avaient une liste de produits à mettre en quarantaine, mais sans les numéros des lots à retirer. Les numéros de lots sont arrivés le lundi, et le mercredi cinq lots qui avaient été oubliés ont été rappelés. Vous le voyez, c'était assez compliqué à gérer puisqu'il y a eu d'abord une mise en quarantaine, puis un retrait et, à la fin du mois de décembre un message indiquant qu'il fallait retirer l'ensemble. Pour notre part, nous ne savions pas ce qui était fabriqué dans l'usine de Craon et ce qui ne l'était pas. C'était un petit peu compliqué.

En tout cas, je tiens à saluer le travail qui a été effectué par le conseil de l'Ordre parce que ce système est unique et il a fonctionné le dimanche. Le dimanche, nous recevions des appels de pharmaciens qui étaient de garde et qui voulaient confirmer le message qu'ils devaient donner aux mamans qui les sollicitaient.

Je ne connais pas le nombre exact de pharmaciens qui font l'objet d'une procédure ni la nature des infractions puisque nous n'avons pas eu d'informations. Ce que je sais, c'est qu'au départ il s'agissait de plus de cinquante pharmaciens et qu'aujourd'hui on est tombé à la moitié puisqu'un certain nombre d'infractions n'ont pas été considérées comme étant de véritables infractions, notamment en matière d'affichage.

Quant à la question de savoir si les produits étaient vraiment mis de côté avant de retourner chez le grossiste, il faudra évaluer au cas par cas la situation du pharmacien qui devra s'expliquer. Je fais entièrement confiance à l'Ordre car il fonctionne, c'est-à-dire qu'il prend ses responsabilités de façon disciplinaire. Parfois, les sanctions sont lourdes. Les pharmaciens qui ont failli devront en répondre devant les instances. L'avantage, c'est que l'on sait à qui l'on s'adresse puisque dans une pharmacie il y a un pharmacien titulaire qui est responsable et qui doit rendre des comptes en tant que pharmacien responsable, ce qui n'est pas forcément le cas dans d'autres circuits où il est difficile d'aller rechercher les responsabilités.

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Je voudrais revenir sur la chronologie pour être sûr des dates de rappel.

Lactalis a indiqué avoir demandé un premier rappel de douze lots le samedi 2 décembre. Pour votre part, vous avez été averti par l'Ordre le 4 décembre. Vous ne connaissiez pas les numéros des lots mais vous saviez qu'il y avait un problème sur des lots.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Le 4 décembre, c'était un samedi, on a reçu un message du Conseil de l'Ordre par le canal du dossier pharmaceutique qui citait les trois références et les douze lots qui devaient être retirés. C'était très précis. Il fallait retirer ces trois références et douze lots à titre préventif, car on n'était pas sûr que les laits soient contaminés. À la fin de la semaine suivante, les choses ont été un peu plus compliquées puisque, comme l'a dit Mme la présidente, le conseil de l'Ordre a préféré faire une alerte le samedi indiquant que d'autres produits allaient être concernés. Comme le message ne pouvait pas être assez précis car le nombre de lots et les références qui devaient être retirés n'étaient apparemment pas disponibles, il y a eu un message de mise en quarantaine de trente références, et le lendemain on a reçu la liste.

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Je veux revenir sur les dates pour que les choses soient claires : le 2 décembre était un samedi et le 4 décembre un lundi.

Au final, les pharmacies de garde pouvaient continuer de vendre le samedi, le dimanche et le lundi dans la journée ce type de produit alors que Lactalis avait rappelé ces douze lots. Sommes-nous bien d'accord ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Le dossier pharmaceutique n'a effectivement pas été utilisé dès ce moment-là. Comme vous, j'ai les dates. La première actualité que nous avons fait passer par le dossier pharmaceutique date du lundi 4 décembre, à huit heures quinze. Nous avons diffusé le communiqué de presse de la DGCCRF qui datait du 2 décembre. La première information est passée via le dossier pharmaceutique.

C'est bien le problème, que je soulignais tout à l'heure, lié au fait qu'il n'y a pas de procédure établie avec la DGCCRF pour l'utilisation du canal du dossier pharmaceutique. Je ne sais pas si vous avez auditionné l'ANSM ou la DGS, mais elles pourraient vous dire que pour le médicament c'est instantané. Elles ont d'ailleurs mon numéro de portable. On a un service d'astreinte qui fonctionne nuit et jour et je peux vous dire qu'il a déjà été utilisé. Si le directeur de la DGS ou de l'ANSM m'appelle à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, dans l'heure qui suit je fais passer un message par le canal du dossier pharmaceutique, parce que cette procédure est établie avec la DGS et l'ANSM. Mais elle ne l'est pas avec la DGCCRF.

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C'est l'une des questions que nous nous posons, avec M. le rapporteur, à savoir que certains laits sont considérés comme de l'alimentation alors qu'en réalité ce sont des prescriptions, ils rentrent dans le cadre d'un projet médical. Malheureusement, les bébés qui bénéficient de ces laits sont ceux qui ont plus de difficultés que les autres et qui sont dans une forme de santé précaire. L'association des victimes et un certain nombre d'associations de consommateurs proposent que certains laits infantiles deviennent des médicaments. Qu'en pensez-vous ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Je vous confirme qu'un certain nombre de laits sont vendus sur prescription et qu'ils sont même remboursés par la sécurité sociale, au moins en partie.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Ils empruntent le même circuit : soit ils sont achetés directement chez Lactalis, soit via le grossiste-répartiteur ce qui est souvent le cas pour ces laits sur prescription.

Le pharmacien et l'Ordre attendent toujours le message des autorités pour confirmer le retrait et la nature du retrait. Est-ce juste un retrait des étagères ou un retrait jusqu'au patient ? Il nous arrive de faire des retraits jusqu'au patient, c'est-à-dire de demander au pharmacien de rechercher les patients à qui ils ont vendu ces boîtes de laits. C'est facile lorsque les laits sont sur prescription puisqu'ils sont forcément inscrits dans nos bases de données ; ça l'est moins lorsque les laits sont en vente libre parce que nous ne conservons pas toujours l'identité de la personne qui vient acheter une boîte de lait.

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Des laits sur prescription ont-ils été concernés par le retrait ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Oui.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

À ma connaissance, il s'agissait des Pepti Junior.

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Y a-t-il eu aussi des solutions de réhydratation ?

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Oui.

Si les laits premier âge ou les produits spécifiques avaient le statut de médicament, le circuit serait beaucoup plus rapide, beaucoup plus organisé et beaucoup plus sécurisé. L'intervention de plusieurs ministères et de plusieurs directions, DGCCRF, DGS et fabricant, a conduit à une procédure un peu d'exception. Heureusement que ce canal d'information existait car il a permis d'informer un maximum de pharmaciens même s'il y a eu un minimum de ratés. Il n'empêche que la majorité des pharmaciens ont fait le travail malgré des messages parfois compliqués à interpréter. Avec un statut différent, le système serait encore plus sûr puisque l'on aurait une chaîne purement pharmaceutique sécurisée à tous les niveaux avec un pharmacien responsable à chaque maillon de la chaîne.

Je souhaiterais que les syndicats soient informés, car nos canaux de communication permettent de renforcer les messages et de sensibiliser les pharmaciens.

Je veux revenir sur le problème de l'affichage. Nous ne sommes pas habitués à faire un affichage lorsqu'un lot de médicaments est retiré. Il n'y a pas d'obligation d'affichage. On a la possibilité d'alerter éventuellement les patients et de récupérer le médicament lorsque celui-ci a été prescrit sur ordonnance, mais il n'y a pas de procédures d'affichage. L'affichage est exceptionnel. De plus, dans les communiqués de presse de la DGCCRF ou de la DGS, il n'est jamais fait mention de l'affichage. Seul Lactalis a proposé l'affichage. Mais il n'était pas certain que la demande de Lactalis soit validée par les autorités de santé. C'était une procédure que nous ne connaissions pas et que nous avons découverte lors de cette affaire. C'est un élément de normalisation dont on a besoin pour améliorer le système de sécurité.

Le dimanche, plusieurs pharmaciens m'ont appelé pour me demander si j'avais la liste des numéros de lots et où on pouvait la trouver. Vous le voyez, les pharmaciens ont essayé de faire au mieux avec des informations qui n'étaient pas complètes.

Nous avons un code datamatrix, un QR code qui permet de connaître la référence du médicament, le numéro de lot et la date de péremption. Si ce système venait à être généralisé sur d'autres produits, il serait très facile pour nous non d'éliminer tous les produits mais seulement les produits concernés puisque parfois seul un lot doit être retiré. Lors de l'affaire Lactalis, il y a eu une grande réactivité pour solliciter les éditeurs de logiciels afin de leur demander comment faire pour bloquer le système ou au moins quand la référence sort d'alerter le pharmacien pour qu'il vérifie bien qu'il n'y ait pas un numéro de lot non conforme.

Comme vous l'avez dit en introduction, monsieur le président, nous cherchons à progresser, à améliorer les procédures. C'est la première fois que l'on assiste à une affaire d'une telle ampleur. Je pense que la profession n'est pas passée à côté, même s'il y a quelques cas qu'il faudra vérifier pour voir si les fautes sont avérées. Heureusement que le canal du dossier pharmaceutique existe car il a permis de transmettre l'information à l'ensemble des officines, y compris dans les départements d'outre-mer puisqu'il ne faut jamais oublier que les informations sont parfois plus difficiles à récupérer là-bas.

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Philippe Gaertner

Pour ce qui est du circuit des boîtes, je veux simplement souligner que plus un lait est destiné à un nombre limité de personnes – et a fortiori quand il s'agit de personnes particulièrement fragiles –, plus il a de chances de passer par le canal du grossiste-répartiteur : le volume des transactions est insuffisant pour que celles-ci se fassent directement.

La présidente de l'ordre a pris une décision qui allait au-delà de ses prérogatives immédiates sur un produit tel que le lait, puisque le DP ne concerne en principe que les médicaments. Il faut donc, à mon sens, impérativement mettre en oeuvre un système permettant la délivrance d'informations précises par les autorités compétentes – j'avoue ne pas savoir qui, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), de la direction générale de l'alimentation (DGAL) ou de la DGCCRF, serait la mieux placée même si, dans le cas qui nous occupe, c'est la DGCCRF qui a diffusé des communiqués de presse.

Le lundi 4 décembre, la présidente de l'ordre a fait parvenir aux pharmacies un communiqué comprenant deux éléments, à avoir d'une part l'alerte DGCCRF du 2 décembre demandant le retrait de certains lots de lait Lactalis, d'autre part les recommandations de la Société française de pédiatrie (SFP) pour le remplacement des laits infantiles du groupe Lactalis – un élément indispensable de notre point de vue de professionnels de santé. C'était une décision lourde de conséquences, qui n'a pas dû être facile à prendre.

Pour ce qui est des syndicats – je pense que Gilles Bonnefond ne me contredira pas –, nous n'avons eu aucune alerte directe provenant des autorités de santé, de l'administration publique chargée des questions relatives à l'alimentation ou de la DGCCRF. En tant que président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, je n'ai moi-même appris l'existence d'un problème que par les médias – ainsi que par l'alerte diffusée au moyen du DP par Mme Wolf-Thal.

Une deuxième communication ordonnait aux pharmaciens de mettre tous les laits Lactalis en quarantaine en attendant d'obtenir une liste fiable des lots concernés ; enfin, une troisième information leur est parvenue en provenance de la DGCCRF.

Considérant que 50 % environ des pharmaciens sont syndiqués, je trouve dommage que la voie des syndicats n'ait pas été mise en oeuvre, quitte à ce que la même information soit diffusée deux fois.

Enfin, pour ce qui est du nombre de personnes concernées, je n'ai eu accès à aucune information en dehors de celles diffusées par les médias.

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Votre syndicat a-t-il été contacté par des adhérents qui craignaient de se trouver dans l'illégalité ?

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Philippe Gaertner

Non, pas du tout.

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Il ne faut pas oublier que le pharmacien effectue généralement ses achats par l'intermédiaire d'un grossiste : il est donc permis de penser que les pharmaciens qui avaient des doutes se sont plutôt rapprochés du grossiste auquel ils avaient affaire.

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Philippe Gaertner

En fait, nous avons reçu l'information par la presse le samedi et le dimanche et, dès le lundi matin – entre huit heures quinze et huit heures trente, c'est-à-dire dès l'ouverture de l'officine –, nous étions en possession du premier communiqué officiel de la DGCCRF et des recommandations relatives au remplacement. Pour ma part, c'est sur la base de ces informations que j'ai immédiatement appliqué le retrait.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

En ce qui me concerne, j'ai reçu le dimanche 3 décembre des mails provenant de pharmaciens de garde, qui souhaitaient connaître les numéros de lots concernés ainsi que les informations à délivrer aux parents, notamment en matière de substitution. Par ailleurs, au sujet de la quarantaine qu'il était demandé de mettre en oeuvre, les pharmaciens souhaitaient savoir si cette mesure concernait tous les produits Lactalis ou seulement certains d'entre eux. Si nous avions nous-mêmes été informés par les administrations, nous aurions pu apporter plus rapidement des réponses aux professionnels qui nous interrogeaient.

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Philippe Gaertner

Il me paraît évident que nous devons progresser dans la démarche consistant à appliquer aux dispositifs médicaux et aux aliments infantiles la procédure ne s'appliquant pour le moment qu'aux médicaments. Si cela avait été le cas lors de la crise Lactalis, nous aurions pu gagner plusieurs heures.

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Nous allons prochainement auditionner M. Michel-Édouard Leclerc, qui souhaite que les médicaments puissent être distribués dans les supermarchés. En tant que médecin généraliste, il m'est arrivé de prescrire des laits infantiles qui n'étaient pas considérés comme des médicaments. Que penseriez-vous de proposer d'inscrire dans une future loi que les laits infantiles – jusqu'à trois ou six mois, par exemple – soient considérés comme des médicaments, en raison du fait qu'ils doivent être consommés par des enfants particulièrement fragiles en raison de leur très jeune âge ? Avez-vous, comme nous, le sentiment que le retrait est une mesure efficace, qui permet d'éviter ou de limiter de nombreuses crises sanitaires ?

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En plus d'être rapporteur de cette mission d'enquête, je suis également commissaire aux affaires économiques, chargé des amendements Lactalis dans le cadre du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable. Cette fonction me conduit à m'interroger sur l'incidence que pourrait avoir, en termes de coût, le fait de considérer les laits infantiles comme des médicaments : en d'autres termes, le fait qu'ils puissent faire l'objet d'un retrait rapide par d'autres autorités que la DGCCRF entraînerait-il une hausse de leur prix ?

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Philippe Gaertner

Quand j'ai commencé mon activité professionnelle, les laits premier âge relevaient du monopole pharmaceutique, dont ils ne sont sortis que quelques années plus tard. Il y a aujourd'hui trois catégories de nourrissons méritant une attention particulière, à savoir ceux nécessitant une alimentation spéciale – je pense à la gamme Pepti-Junior de Lactalis –, les prématurés et les enfants en bas âge. Il ne serait pas justifié de considérer comme un médicament le lait destiné aux autres catégories d'enfants. Cela dit, le fait de pouvoir appliquer aux laits infantiles destinés aux nourrissons les plus fragiles la procédure de retrait jusqu'à présent réservée aux médicaments nous ferait gagner un temps précieux, surtout si cette procédure s'accompagne d'une coordination des agences responsables des produits concernés.

Comme Mme la présidente de l'Ordre, j'estime que les pharmaciens qui n'ont pas procédé au retrait des produits incriminés n'ont pas fait leur travail. Les chiffres transmis par la DGCCRF font apparaître que les quelque 3 000 contrôles en officine ayant été effectués en deux fois n'ont donné lieu à l'établissement que de 25 procès-verbaux, ce qui représente moins de 1 % – un chiffre à la fois élevé et faible, qu'à mon sens la certification proposée par Mme la présidente ne permettrait pas de faire diminuer de façon sensible. En revanche, cela ferait peser un coût considérable sur le réseau officinal, alors que d'autres mesures, orientées vers l'accompagnement des patients, présenteraient un plus grand intérêt.

Le « zéro défaut » doit cependant rester notre objectif, et la procédure qualité proposée sur le site de l'ordre ne devrait pas seulement relever des bonnes pratiques, mais revêtir un caractère obligatoire pour le retrait de lots, avec des sanctions pour les pharmaciens qui ne la respecteraient pas – y compris pour les produits ne relevant pas du monopole des pharmaciens.

En termes d'affichage, le message qui a été adressé par Lactalis – que je n'ai personnellement pas reçu, ni en tant que président de la FSPF, ni en tant que pharmacien, puisque je ne vends pas de produits de cette marque – aurait pu servir à ce que des personnes se rendant dans une pharmacie soient informées en cette occasion, alors même qu'elles s'étaient approvisionnées ailleurs, et puissent demander des informations complémentaires au pharmacien, notamment sur les laits de substitution.

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Pouvez-vous nous rappeler en quelle année vous avez perdu le droit exclusif de vendre du lait premier âge ?

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Je crois me souvenir que c'était en 1982 ou 1983.

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Philippe Gaertner

Effectivement, nous en disposions encore en 1979, quand j'ai commencé à exercer ma profession, et l'avons perdu vers le milieu des années 1980.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Nous sommes favorables au fait de considérer le lait premier âge comme un médicament, car cela permettrait de clarifier les responsabilités des différents acteurs et les procédures applicables. Nous sommes également tout à fait disposés à débattre avec les autorités de la solution consistant à mettre en place un prix réglementé, afin d'éviter que les familles n'aient à assumer un surcoût.

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Cela fait près de quarante ans que vous avez perdu le droit exclusif de vendre du lait infantile et, durant cette période, le nombre de pharmacies n'a fait que décroître. Si le monopole vous était à nouveau accordé, pensez-vous que vous auriez la capacité d'accueillir toutes les personnes qui s'approvisionnent aujourd'hui auprès de la grande distribution, et de leur proposer l'intégralité des nombreuses références actuellement disponibles ?

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Pour ce qui est du nombre de pharmacies, la concentration s'est surtout effectuée en ville. En milieu rural, le maillage territorial est resté intact : il existe quelques tensions économiques, mais aucun désert pharmaceutique, et il est souvent plus facile pour les parents de venir acheter leur lait en pharmacie, à proximité de leur domicile, plutôt que de faire plusieurs kilomètres pour se rendre dans une grande surface.

Par ailleurs, le réseau d'officines serait tout à fait en mesure de proposer une large gamme de produits. Pour ce qui est du prix, si l'ouverture à la concurrence a permis une baisse au départ, cela n'est plus aussi évident aujourd'hui ; en tout état de cause, j'estime qu'il conviendrait d'anticiper en prévoyant la mise en place de prix réglementés.

Globalement, la vente exclusive du lait infantile dans les pharmacies serait un plus pour les consommateurs, à la fois en termes de maillage et de service, et ne doit donc susciter aucune crainte.

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Philippe Gaertner

Les pharmaciens sont formés au retrait de lots et, à tout moment, le pharmacien présent – il y en a toujours un dans l'officine, qu'il soit titulaire ou salarié – est en mesure de prendre immédiatement les mesures qui s'imposent en réaction à une alerte reçue via le DP. Je précise que seul un pharmacien peut procéder au retrait. Concrètement, il va vérifier la présence en rayon de boîtes concernées, les retirer en indiquant leur nombre pour chaque lot, et signer le document que nous conservons pendant toute la durée de péremption – ce qui permettrait de repérer un éventuel retour des boîtes dans le circuit.

À mon sens, il convient de mettre en place un dispositif destiné à bloquer la vente de produits faisant partie de lots identifiés comme ayant fait l'objet d'un retrait, par l'apparition à l'écran d'un message d'alerte. Les éditeurs de logiciels travaillent actuellement à la mise en place, qui semble pouvoir se faire facilement, de cet élément complémentaire de sécurité.

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Si le retrait d'un médicament est efficace, le retrait d'un aliment l'est manifestement moins. Or, le lait infantile n'est pas un aliment ordinaire, puisqu'il est destiné à des nourrissons. Des discussions devront s'engager avec le ministère afin de réfléchir aux conséquences pratiques de la mise en oeuvre d'un dispositif visant à ce que les laits infantiles soient considérés comme des médicaments, et puissent à ce titre faire l'objet d'une procédure de retrait – je pense notamment aux effets en termes de stocks. En tout état de cause, une telle évolution me semble correspondre aux attentes des familles.

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Philippe Gaertner

Pour ce qui est du circuit de retrait, il commence par une mise à part des produits concernés au sein des officines, suivie d'un retour vers les grossistes-répartiteurs. Il est très rare que le retour s'effectue directement vers le producteur, même quand l'achat a été fait auprès de lui.

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Encore faut-il que tous les pharmaciens soient absolument irréprochables dans la mise en oeuvre de cette procédure – mais j'ai tendance à penser que le retour d'un médicament se fait dans des conditions plus rigoureuses que celles relatives aux autres produits.

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Je vous le confirme, même si le « zéro défaut » vers lequel nous tendons n'existe pas : il existera toujours un pourcentage, même infime, de pharmaciens qui ne font pas correctement leur métier.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Une fois l'alerte reçue, il convient de s'assurer que le travail qui s'impose a été effectué en officine, ce qui peut être fait au moyen de la signature par le pharmacien concerné du document attestant du retrait. C'est tout le sens de la certification que Mme la présidente de l'Ordre appelle de ses voeux : il s'agit de mettre en place une procédure garantissant, autant que faire se peut, le « zéro défaut », et de rechercher constamment des moyens d'améliorer et de sécuriser la procédure de retrait en définissant les rôles au sein de l'équipe officinale et surtout en assurant un compte rendu écrit obligatoire, précisant l'identité de son auteur, des mesures prises, à savoir retrait des rayons, retour vers le grossiste-répartiteur, puis établissement, signature et classement du document récapitulatif.

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Les médicaments sont porteurs d'un code QR indiquant le numéro de lot ; est-ce également le cas des laits infantiles ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Il n'y a pas de code QR sur les boîtes de lait infantile, et c'est bien le problème. Les discussions qui vont s'engager entre les professionnels qui distribuent le lait, dont nous faisons partie, devront permettre de trouver un système proche de ceux qui existent déjà, afin de ne pas créer trop de dispositifs différents.

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Il a été évoqué la mise en place d'une alerte sur les écrans, qui pourrait bloquer la vente de boîtes de lait faisant partie d'un lot incriminé. Un tel système existe-t-il déjà pour les médicaments, et le cas échéant pensez-vous qu'il puisse être étendu aux autres produits ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Le système d'alerte basé sur les codes QR et les codes datamatrix est en cours de développement pour les médicaments, et devrait être opérationnel pour la fin de l'année.

Pour les autres produits, il faut évidemment attendre qu'ils soient eux aussi assortis d'un code informatique. En attendant, quand un rappel concerne un grand nombre de références, la difficulté consiste à être en mesure de distinguer le numéro de lot, et pas seulement la référence du produit.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Si le statut des laits premier âge était modifié, cela donnerait lieu à l'apposition d'un code QR sur les boîtes, ce qui permettrait de repérer et de tracer les numéros de lots lors de leur envoi dans la chaîne d'approvisionnement par les grossistes-répartiteurs ou en directement, mais aussi lors de toutes les autres opérations les concernant – facturation, retrait, stockage et retour. Cela devrait pouvoir se faire facilement car les éditeurs de logiciels s'adressant aux pharmacies sont très peu nombreux, ce qui fait que les demandes de modifications que nous leur adressons sont généralement mises en place dans un délai assez court.

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On sait que certaines pharmacies ferment à partir du samedi à midi : le fait que l'alerte initiale ait été déclenchée un samedi a-t-il été source de difficultés particulières pour sa diffusion et son traitement en officine ? En d'autres termes, le retrait s'est-il trouvé ralenti par le fait qu'il a dû s'effectuer durant un week-end ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

Non, cela n'a pas été un problème. Grâce au système de garde, qui assure une permanence du service vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, les pharmacies sont habituées à gérer instantanément les messages d'alerte qui leur parviennent. Je me souviens très bien que l'une de mes grandes préoccupations a été, durant les jours précédant le week-end des 9 et 10 décembre, que les pharmacies disposent au plus vite des informations pour la nuit du samedi au dimanche, ainsi que pour la journée du dimanche. Je me suis assurée personnellement, en appelant toutes les pharmacies de garde de mon secteur, qu'elles avaient bien reçu le message d'alerte et qu'elles étaient approvisionnées en laits de substitution. Si l'on se replace dans le contexte de l'événement, le principal souci n'était pas tant de gérer les retraits – ce qui, pour nous, allait de soi –, mais la capacité des pharmaciens à recevoir les familles, à les conseiller, les rassurer et leur fournir les laits de substitution dont elles pouvaient avoir besoin. Nous avions mis en alerte les grossistes-répartiteurs afin qu'ils soient éventuellement en mesure de réapprovisionner les pharmacies de garde le dimanche en cas de besoin.

Pour ce qui est de la capacité des pharmacies à assumer seules la distribution des laits premier âge, je rappelle que les pharmaciens sont des professionnels de santé qui ont l'habitude de répondre aux interrogations des jeunes mamans, qui se rendent très régulièrement auprès de leur officine afin d'y obtenir des conseils pour prendre soin de leurs bébés, au moins jusqu'à l'âge de six mois. Nous tous ici présents, qui prenons des gardes jour et nuit, savons qu'il n'est pas une nuit de garde où nous ne recevions au moins un appel téléphonique d'une maman affolée parce qu'elle a renversé sa boîte de lait et doit s'en procurer une autre de façon urgente… Les pharmaciens comme les parents de jeunes enfants sont habitués à ce dialogue qui permet aux seconds de bénéficier de conseils pour les soins et l'alimentation des nouveau-nés, qui ne sont pas toujours faciles.

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Philippe Gaertner

Je précise que l'alerte bloquante adressée aux pharmaciens via le DP reste en place tant qu'elle n'a pas été levée. Ainsi, même si elle arrive le samedi soir après la fermeture, le lundi matin, aucun opérateur ne pourra vendre le moindre produit avant que l'élément bloquant n'ait été pris en compte par un pharmacien : tous les postes – il y en a autant que d'opérateurs, chacun étant muni d'un code – sont bloqués jusqu'à ce que le nécessaire soit fait.

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Madame la présidente, je vous ai entendue dire que vous aviez surtout craint, lors des premières heures de la crise, de ne pas être en mesure de disposer de stocks suffisants de lait de substitution. Je ne sais pas quelle est, sur le volume total de boîtes de lait infantile vendues en France, la part actuellement vendue en pharmacie, mais j'imagine qu'elle est très minoritaire, ce qui me fait penser que si vous repreniez le monopole de cette vente, ce n'est pas une simple crainte que vous pourriez avoir, mais une angoisse profonde !

Pouvez-vous nous indiquer le nombre de références de lait infantile proposées en moyenne dans chaque officine, et celui disponible dans les grandes surfaces ?

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Carine Wolf-Thal, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens

La crainte que j'ai évoquée était liée au fait que l'information arrivait le samedi soir pour un dimanche de garde, ce qui pouvait être à l'origine d'un problème de stock dans la mesure où les pharmaciens ne référencent pas toutes les gammes. Il en va tout autrement dans le contexte ordinaire, où l'évolution du stock peut être facilement anticipée, puisque les pharmacies sont livrées deux fois par jour par les grossistes-répartiteurs.

Je ne connais pas non plus la répartition du marché des boîtes de lait infantile entre les pharmacies et les grandes surfaces, mais je ne suis pas persuadée que les secondes aient une part de marché très importante pour ce qui est des laits premier âge – jusqu'à six mois. Lorsqu'elles sortent de maternité, les mamans préfèrent souvent se tourner vers les pharmacies, qui restent très compétitives en termes de prix, mais aussi de renseignements.

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Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Pour ma part, je vais jusqu'à considérer qu'en cas de problème les pharmacies de garde pourraient justement disposer d'un stock important, grâce à leur approvisionnement régulier auprès des grossistes-répartiteurs.

Pour ce qui est du nombre de références, force est de constater que le marketing a fait son oeuvre et qu'il existe aujourd'hui une très grande quantité de références, y compris sous des marques de distributeur, sans que cela présente un grand intérêt pour les principaux concernés, à savoir les nourrissons et leurs parents : on peut penser que n'importe quel lait bien calibré, bien dosé, convient en réalité à la majorité des enfants. Quoi qu'il en soit, si les pharmacies devaient assumer à elles seules la distribution du lait infantile premier âge, elles prévoiraient un stock-tampon beaucoup plus important afin d'être en mesure d'absorber les à-coups.

Par ailleurs, le fait de s'approvisionner régulièrement auprès du même grossiste-répartiteur, à un prix réglementé, contribuerait également à éviter que ne surviennent des ruptures dans la chaîne d'approvisionnement.

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À votre connaissance, est-il arrivé que des pharmaciens aillent récupérer des boîtes de lait chez les clients auxquels ils les avaient vendues ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Je ne sais pas, mais il est arrivé que des grossistes récupèrent des boîtes entamées.

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Une ordonnance n'étant pas obligatoire, il n'y a pas de traçabilité des clients ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Effectivement.

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Si le nom des acheteurs était mentionné sur toutes les boîtes de lait premier âge, cela pourrait permettre de remonter jusqu'à eux en cas de problème. En tout état de cause, il faudrait réfléchir à la mise au point d'un protocole de vente de lait premier âge. Pour ce qui est de l'encadrement des prix, il me paraît indispensable – ainsi, sans doute, qu'à M. le rapporteur.

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J'ai eu la chance d'effectuer récemment une visite auprès d'un grossiste de ma circonscription, et d'assister ainsi à la préparation d'une expédition de médicaments. Grâce au bon qui est édité, il est possible d'établir une traçabilité des lots, et éventuellement de les récupérer. La même traçabilité est-elle possible pour les laits infantiles ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Quand il s'agit d'un médicament, nous sommes toujours en mesure de fournir aux pharmaciens la liste exacte des achats effectués auprès des grossistes de produits faisant partie de lots défectueux, ce qui leur permet de retrouver les dates auxquelles ils nous avaient commandé ces produits, et éventuellement de rappeler les patients pour récupérer les produits.

Malheureusement, il en va tout autrement pour les boîtes de lait : en l'absence de code QR sur les boîtes, nous avons été bien en peine de pouvoir prévenir les clients ayant acheté du lait faisant partie des lots contaminés.

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Les grossistes ont récupéré de grandes quantités de boîtes retournées par les pharmaciens, qui n'étaient pas forcément contaminées. Il a donc été nécessaire d'effectuer un très important travail afin de revérifier les codes. Avez-vous dû, vous aussi, consacrer beaucoup de temps au tri des retours ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Le retour s'est fait en deux temps. Alors qu'au début, dix ou douze lots seulement étaient concernés, il y en a eu jusqu'à 600 par la suite ! Il n'était alors plus question d'effectuer un tri, c'est pourquoi la décision a été prise de sortir toutes les boîtes du circuit.

Sur les premiers retraits de lots, nous avons effectivement dû faire preuve d'une grande vigilance, car il fallait éviter d'assécher le marché. Au cours de ma longue carrière, je n'avais jamais vu auparavant un retrait de lots nécessitant de renvoyer massivement des produits auprès du fabricant, durant plusieurs semaines – et il ne fallait pas prendre de retard dans les renvois, car compte tenu des volumes, nous aurions rapidement risqué l'embolie au sein de nos établissements…

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Mme la présidente de l'Ordre nous a dit qu'il y avait eu un retrait important en volume. En cas de besoin, vos organismes de répartition auraient-ils été capables de mobiliser des moyens supplémentaires afin de retirer toutes les boîtes des officines ? Avez-vous envisagé cette éventualité ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

Le problème n'était pas tant le stockage dans nos établissements que la récupération elle-même, dont la réalisation était conditionnée par la taille des camionnettes. Pour certains pharmaciens qui détenaient de grandes quantités de lait, notamment pour des raisons d'implantation, nous avons dû procéder à des enlèvements spécifiques, en envoyant des véhicules dédiés auprès des officines concernées.

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Pouvez-vous nous dire ce qu'il est advenu de toutes les boîtes ainsi récupérées ?

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Philippe Godon, président de l'Ordre des grossistes-répartiteurs

En ce qui nous concerne, nous les avons toutes réexpédiées chez Lactalis, où je suppose qu'elles ont été détruites.

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Nous espérons tous qu'elles l'ont été. Cependant, nous savons que des boîtes potentiellement contaminées, puisqu'elles avaient été retirées, ont été volées.

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C'est en fait un camion qui transportait des boîtes en vue de leur destruction qui a été volé en Seine-Maritime.

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Effectivement, j'ai d'ailleurs écrit à l'ARS Normandie afin d'obtenir des précisions à ce sujet. Il ne reste qu'à espérer que ces boîtes ne seront pas revendues.

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Madame, messieurs, je vous remercie de votre présence et de vos interventions.

L'audition s'achève à vingt heures.

——²——²——

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 15 mai 2018 à 18 h 30

Présents. - Mme Géraldine Bannier, Mme Séverine Gipson, M. Christian Hutin

Excusé. - M. Arnaud Viala