Intervention de Gérard Collomb

Séance en hémicycle du jeudi 6 juillet 2017 à 9h30
Prorogation de l'état d'urgence — Présentation

Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur :

en empêchant de nombreux attentats, ce qui a permis très certainement de sauver des dizaines, voire des centaines de vies.

J'entends bien sûr ceux qui s'opposent à cet état d'exception, arguant du fait qu'il serait attentatoire aux libertés. J'ai déjà évoqué la façon très ciblée dont étaient désormais utilisés les moyens de l'état d'urgence. Je veux également demander à ceux qui doutent d'imaginer un seul instant que l'état d'urgence n'ait pas été en vigueur ces derniers mois. Pas d'état d'urgence, cela aurait, par exemple, signifié qu'en décembre 2016 les forces de sécurité n'auraient pas pu perquisitionner à Toulouse : nous serions alors passés à côté de l'arrestation du leader d'un groupe qui, avec un autre individu, préparait une action violente sur le territoire, pour la réalisation de laquelle nous avons retrouvé des armes et des munitions.

Pas d'état d'urgence, cela aurait signifié encore que nous n'aurions pas pu, en avril dernier, perquisitionner dans les Alpes-Maritimes, et que nous n'aurions pas pu alors savoir ce qu'il serait advenu de cette jeune fille de quinze ans dont on a découvert qu'elle projetait un attentat à la bonbonne de gaz dans un bureau de vote.

Pas d'état d'urgence, cela aurait signifié également que nous n'aurions pas pu perquisitionner à Marseille fin décembre 2016 et ainsi saisir des armes à feu et des kilos d'explosifs destinés à commettre un attentat à l'occasion d'un meeting politique, attentat qui, sans doute, aurait dressé les Français les uns contre les autres. Cela aurait signifié aussi que nous n'aurions pas pu arrêter ceux qui projetaient une telle attaque.

Vous le constatez, mesdames et messieurs, quand on parle de l'état d'urgence, on n'est pas seulement dans la théorie, dans la posture tribunitienne ou dans le verbe : on parle de terroristes arrêtés, d'attentats évités et de vies sauvées. C'est ce que je vous demande d'avoir à l'esprit dans le débat qui va suivre.

Vous le savez, la prorogation que nous vous proposons est de durée courte, puisqu'elle s'achèvera dans trois mois et demi. Il s'agit aussi de la dernière prorogation que vous demandera d'adopter ce gouvernement. Car, en dépit de son efficacité que je viens d'évoquer, nous avons pleinement conscience que, par définition, l'état d'urgence n'a pas vocation à être un état permanent.

Malgré le contrôle de plus en plus strict dont il fait l'objet, nous avons pleinement conscience également des inquiétudes parfois légitimes qu'il provoque en matière de respect des libertés. C'est pour ces raisons qu'à la demande du Président de la République et du Premier ministre, j'ai élaboré, avec mes services, un scénario de sortie maîtrisée de l'état d'urgence.

Ainsi, je vous présenterai dans les jours à venir – j'ai commencé à le faire hier devant la commission des lois du Sénat – un autre projet de loi qui visera au renforcement de la sécurité intérieure.

Son objectif sera double : renforcer l'efficacité de notre action en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme en partant des besoins exprimés par les services, mais avec la volonté constante de limiter strictement les mesures nouvelles à la seule lutte contre le terrorisme, dans des conditions beaucoup plus ciblées qu'en période d'état d'urgence, ce qui permettra d'apporter le maximum de garanties quant à la préservation de nos libertés individuelles et collectives.

Notre obsession – je sais que vous la partagez – est toujours la même : mieux lutter contre le terrorisme pour mieux protéger nos concitoyens. Car s'il faut, bien sûr, avoir la volonté de respecter les libertés publiques, les Français ne comprendraient pas que, face à un ennemi qui n'admet aucune autre règle que la haine et la barbarie, l'État se désarme de façon unilatérale.

Mesdames et messieurs, pour beaucoup d'entre vous nouveaux députés, il s'agit du premier texte de loi sur lequel vous êtes amenés à vous prononcer. D'emblée, vous mesurez ce que votre vote a d'important. D'emblée, vous mesurez qu'il se traduira dès demain par des conséquences très concrètes, pour poursuivre la lutte contre le terrorisme et assurer la protection des Français.

Les bancs de cette assemblée ont connu dans l'histoire de longs et riches débats opposant souvent liberté et sécurité, avec cette idée que la progression de l'une se ferait toujours au détriment de l'autre. Eh bien, je souhaite qu'ensemble nous portions une autre vision, qui rompe avec ces controverses, en affirmant avec force que, pour nous, ici, la liberté et la sécurité ne s'opposent pas, que ce sont deux valeurs intrinsèquement, intimement liées ; que, lorsqu'on agit pour renforcer la sécurité, on n'enlève pas des libertés, on les préserve, on en crée parfois de nouvelles.

Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les députés, je vous demande de soutenir massivement ce projet de loi. Les Français nous le demandent pour leur sécurité et leur protection. Soyons collectivement à la hauteur de leurs attentes.

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